I'm not mad, I just cover up my temper • Joe

I'm not mad, I just cover up my temper

La naissance de son fils le huit juillet avait créé un déclic dans l'esprit de Judas. Il veut ce qu'il a de mieux pour cet enfant tombé du ciel, arrivé dans ce monde bien trop tôt. Noa était épuisée, et il tentait de compenser en donnant le plus clair de son temps. Il avait finalement osé demander un congé paternité à son employeur et cela avait été accepté, même s'il se demandait s'il n'aurait pas dû prendre ces deux semaines un peu plus tard. Peu importe. Aujourd'hui, il allait faire quelques courses dans le supermarché du coin mais ses pas ne l'y avaient pas guidé. Il se trouvait maintenant devant l'hôtel du centre-ville où logeait actuellement Joe. Il aurait pu dire qu'il allait voir son frère, mais rien n'était prémédité. Cela faisait bien des semaines, -ou des mois ?- qu'il avait eu le temps de méditer le sujet, et il devait à son jumeau de sincères excuses. Il lui en voudrait sûrement toute sa vie, mais il avait besoin d'aller plus loin dans les explications, maintenant que la surprise était passée. Prenant donc son courage à deux mains, Judas s'engouffra jusqu'à l'accueil pour demander la chambre de monsieur Davis, puisque c'est ainsi qu'il s'appelait désormais. Joe. Pas Jo comme le diminutif de Jonas, mais Joe. Pas à pas, il grimpe les marches, mais son corps de géant lui semble de plus en plus lourd, et son cœur aussi.  Les couloirs lui donnent l'impression d'être étriqués et il regrette l'absence de fenêtres alentour. Mais bientôt, il est devant la porte. Quelques secondes, il fixe devant lui, se demandant si c'est pas mieux de faire demi-tour. Il a l'air con, avec ses cheveux qui ont poussé et les cernes sous les yeux, signes de sa récente paternité. Sans compter qu'il en a oublié de se raser, et qu'il a juste l'air d'un malheureux clochard. Finalement, après une courte hésitation, il finit par frapper franchement à la porte, en priant pour qu'il ne lui claque pas la porte au nez en le voyant.

Codage par Libella sur Graphiorum

S'extraire de l'univers onirique de son Alice n'était pas facile. Il se demanda même s'il n'avait pas rêvé les coups portés à la porte. Parce que généralement, Davis ne s'encombrait pas de telles marques de politesse et il s'était retrouvé plus d'une fois avec la porte de la cave claquant contre le mur de briques sans que rien ne l'y prépare. C'était donc étonnant... Et réflexion faite, totalement hors contexte. Depuis quand Davis frappait à la porte de sa propre cave ?! Il voulait bien croire qu'il soit complètement timbré mais là c'était trop aberrant... Même pour Davis. Laissant Alice s'agripper -ou repousser ? Même lui n'aurait pas su le dire alors qu'il venait pourtant d'écrire les lignes !- les mains qui prenaient possession de lui, il releva la tête pour sonder la noirceur environnante faiblement éclairée par son écran.

Et l'analogie s'arrêtait là. Il y avait bien sûr son petit son petit recoin coincé entre le mur et... le lit ? Bon sang ! Ca le frappa soudainement alors qu'il se relevait tout aussi rapidement en criant. "AH ! OUI, J'ARRIVE TOUT DE SUITE !" Aussitôt suivit d'un "ET MERDE ! C'est pas vrai..." Parce que le vertige l'avait pris par surprise et qu'il venait littéralement de se vautrer sur la boule en bois de ce fichu lit, qu'il n'utilisait même pas en plus ! Et depuis quand n'avait-il pas mangé ? Il n'en savait fichtrement rien ! Et il ne savait pas plus quel jour ou quelle heure il était... Mais là, sa priorité était d'ouvrir cette fichue porte avant que la personne derrière ne s'impatiente. Contournant le lit et alors qu'il se retrouvait à marcher sur ses feuilles de travail dispersées à même le sol tout autour de son ordinateur, il parvint en se massant le côté gauche qui avait morflé à aller jusqu'à la porte de sa chambre d'hôtel. Le contexte remis en place, il lui était plus facile de s'extirper de l'univers de son roman et de laisser Alice où il était pour ne se préoccuper que... de son frère ? Parce que c'était bel et bien Bart -Judas ! C'était Judas maintenant- qui se tenait derrière la porte en mode épouvantail du magicien d'Oz... Ce qui faisait de lui l'homme en fer blanc à la recherche de son cœur ? Ou le lion peureux ? Peut-être les deux d'ailleurs...

Il serait certainement resté encore longtemps à le regarder les yeux ronds si un nouveau vertige ne l'avait saisi. Il fallait qu'il mange et vite, avant de s'écrouler. "Viens, entre. Tu as mangé ? Il faut manger..." Allant jusqu'au bureau placé sous une fenêtre aux volets fermés, il sortit du tiroir deux petites bouteilles d'eau avec un sachet de pain complet coupé en tranches et deux pommes. Décalant la chaise pour l'offrir à Judas, il lui tendit le plus beau des deux fruits pour croquer dans l'autre tout en s'asseyant sur le bureau vide seulement éclairé par la lumière bleuté de son écran d'ordinateur posé plus loin à même le sol... Et alors qu'il engloutissait le pain et sa pomme, il sentait l'angoisse monter. Et s'il foirait tout, encore ? Il était doué pour ça. Et ce silence qui s'éternisait n'était juste pas bon mais que pouvait-il dire ? Salut, ça va depuis la dernière fois ? Oh Dieu, non... "Mange... Faut que tu manges." Ca avait été murmuré alors qu'il faisait glisser le sachet de pain vers Judas...

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Le spectacle qui lui fit face alors que la porte s'ouvrait ne lui fit aucun plaisir à voir. Durant quelques secondes, il resta stoïque, se demandant s'il n'avait pas rêvé tout ce qu'ils avaient vécu. Mais Joe était bien là, sur ses deux jambes, quoi qu'il lui sembla qu'il tremblait quelque peu. Fronçant les sourcils, le tatoué observa la pièce plongée dans le noir, l'air suspicieux. Cela devait faire un moment que la fenêtre n'avait pas été ouverte, parce que l'odeur aurait réussi à se faire réveiller un cadavre. Ne pipant mot, trop interloqué par la scène qui se déroulait sous ses yeux, Judas obéi et entra dans la pièce, jetant un œil autour de lui. Dans la pénombre à peine éclairée par le petit ordinateur, il parvenait à peine à distinguer les contours fatigués du visage de son frère. « Ouais, j'ai mangé. » Il le regarda se précipiter sur la nourriture et s'installa sur la chaise que son frère lui avait prêtée. Faisant tourner la pomme dans ses mains, il avait envie de lui mettre une droite pour le réveiller. Il n'en fit rien, reposant brutalement la pomme sur la table avant de se pencher pour attraper les quelques feuilles étalées par terre. Les lignes lui semblaient floues dans la pénombre, mais il parvenait quand même à déchiffrer quelques phrases. « Non. Toi, tu vas manger. » Il reposa les feuilles sur le bureau et repoussa sa pomme et le pain vers Joe, cherchant son regard avant de se redresser.  « Qu'est-ce qu'il me retient de t'en foutre une ? » Il était redevenu cet ado qui s'inquiétait pour son frère quand il avait des moments de faiblesse.  « T'as pas ouvert depuis combien de temps ? Ca pue ici. Tu pues. » Il allait pas s'emmerder à être poli dans de telles circonstances.  « Tu t'es drogué ? » demanda-t-il sans transition alors qu'il se relevait déjà en se dirigeant vers le lit. Là, il alluma la lampe de chevet en grognant quand la pénombre devint plus claire.  « T'as foutu ça où ? » Il tentait de ne pas laisser apercevoir la colère qu'il ressentait à cet instant, mais chaque seconde sa langue claquait dans sa bouche, rendant les paroles plus froides pour tenter de faire réagir Joe, qui s'était visiblement un peu trop laissé aller.

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Que son frère ait mangé ou pas, c'était important qu'il remange parce que la nourriture c'était quelque chose d'aléatoire et qu'il valait mieux avoir l'estomac plein. Mais il n'allait pas non plus prendre le risque de le fâcher pour une pomme... Par contre, le voir prendre ses feuilles pour essayer de les lire, c'était tout de suite beaucoup plus inquiétant. "C'est juste un premier jet ! Je sais bien que Sanders n'acceptera pas ça en l'état, je vais retravailler tout ça." De quoi donc le rassurer. Et c'était bien la priorité, ne pas aggraver la tension déjà existante dans la pièce...

Parce que les choses arrivaient, et vite. « Qu'est-ce qu'il me retient de t'en foutre une ? » Ca, il savait comment y réagir. C'était facile, il suffisait de se la boucler. Parfois ça tombait, parfois non. C'était au petit bonheur la chance. Mais l'ouvrir, c'était s'en prendre une à tous les coups, donc bon... Bien qu'il avait tout de même un peu de mal à faire correspondre la carrure de son frère à celle de Davis. Et surtout avantage notable, lui n'avait pas de flingue dans les mains. Quant au reste des questions, il ne jugea pas nécessaire non plus d'y répondre puisque c'était surtout rhétorique. Depuis quand n'avait-il pas ouvert ? Depuis qu'il avait commencé à s'immerger dans l'écriture, et c'était vrai que ça puait. Qu'il puait. Il allait donc avoir le droit de prendre une douche... Jusqu'à ce qu'il réalise qu'il allait devoir reprendre pied parce que Davis ne s'occupait jamais de savoir s'il prenait de la drogue. Il l'aurait trouvée où !?

Finissant d'avaler sa tranche de pain et sa pomme -depuis quand n'avait-il pas mangé non plus ?- il opta pour prendre son frère au mot et aller prendre une douche. Il avait besoin de temps pour assimiler le fait qu'il était là... Qu'il s'était déplacé jusqu'ici pour... le voir ? Mais il avait dit qu'il le considérait come mort. Il avait changé d'avis ?... "Je vais à la douche. Tu trouveras mon insuline dans le premier tiroir du bureau, c'est tout ce que j'ai." Piquant une dernière tranche de pain dans le sachet, il alla récupérer un jeans et un tee-shirt dans son sac toujours non déballé pour aller à la salle de bain où il s'appuya contre la porte sitôt celle-ci refermée. Bart... Judas... Était de l'autre côté de la porte et... Le moindre qu'on pouvait dire c'est qu'il ne semblait pas être heureux d'être là ! Alors pourquoi était-il venu ? Et c'était définitivement trop de questions pour pas assez de réponses... Il se décida donc à bouger pour prendre sa douche, et ce ne serait pas une où il pourrait profiter -un peu- de l'eau chaude coulant sur lui. Ce serait pour une autre fois alors qu'il alliait efficacité et rapidité -il avait l'habitude- pour faire au plus vite. Il se retrouva donc à rapidement s'habiller tout en se séchant grossièrement les cheveux avec une serviette, pressé d'ouvrir la porte de la salle de bain voir si son frère était toujours là. Ou pas. Et il ne voulait surtout pas réfléchir à ce qui allait être, dans un cas comme dans l'autre, une fois qu'il aurait ouvert cette porte.
Chose qu'il fit alors qu'il avait encore sa serviette en main à froisser ses cheveux, pour tomber sur son frère toujours là... Et qu'il demandait de façon un peu hésitante ne sachant pas comment il serait reçu. "Euh... T'as trouvé ce que tu cherchais ?" Et d'ailleurs, c'était une bonne question ça ! Qu'est-ce que Judas était venu chercher ?

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Il n'a fichtrement aucune idée de qui est Sanders et, sincèrement, il n'en a rien à faire. Les phrases ne sont pas si pires que ce qu'il aurait imaginé en voyant l'énergumène au premier coup d'œil, c'était même plutôt pas mal pour quelqu'un qui aime écrire, à en croire l'arbre de feuilles écrasé au sol. A l'époque aussi, c'était un passe-temps de Jonas qu'il ne comprenait pas. Les seuls mots qu'il écrivait lui, c'était pour son rap et ça n'avait rien à voir. Et puisqu'il s'en fout, il laisse le tout s'envoler encore et observe longtemps Jo avaler sa pomme et son pain comme s'il n'avait pas mangé depuis des lustres. A le voir comme ça, Judas se revoit quelques années en arrière, quand la rue était encore sa maison. Affamé, et toujours à se priver pour que Noa ait à manger avant lui. Et aujourd'hui, il était papa, et elle était la mère de ses enfants. Ils avaient de quoi manger et il était heureux comme il avait toujours voulu l'être. Alors pourquoi, à voir le blond se goinfrer de la sorte, il ressentait encore un grand vide dans son cœur ? « Bonne idée. » Il ne cache pas la surprise dans son regard. Il ne s'attendait pas à ce que son frère jumeau se met à lui obéir au doigt et à l'œil sans broncher. Judas écouta l'eau couler avant de se lever et d'aller ouvrir la fenêtre en grand et les volets. La lumière l'éblouit, et en même temps, la vue sur l'extérieur lui faisait beaucoup de bien et lui remettait les idées au clair. En se retournant, le tatoué poussa un long soupir désespéré et laissa son regard curieux détailler la pièce à la recherche du moindre détail un peu louche. Finalement, à part un bordel environnant, ce n'était pas si pire. Pas de seringue au sol, pas de trace de cannabis non plus. Pourtant, attisé par l'envie de savoir si tout était vrai, il se dirigea vers la table de chevet pour fouiller. Toujours à fourrer son nez là où il ne devrait pas, mais une chose est sûre, il a besoin de toutes les preuves possibles pour croire définitivement que son frère est bien vivant. Ce qu'il y a ici ne l'intéresse finalement pas, et il se presse d'aller au bureau pour fouiner à nouveau. Et effectivement, il referme le tiroir, soulagé en ne trouvant que de l'insuline et des médicaments. Se redressant, il sursauta presque à la voix de Joe qui était déjà revenu. Il avait tout de suite l'air d'un autre homme, enfin lavé. « Ouais, rien qui m'intéresse. » Il revient machinalement s'asseoir au bord de la fenêtre, et sort une cigarette avant de se rendre compte qu'en présence d'un être humain doté de moins d'organes que lui, ce n'est pas une bonne idée. Il la fait tourner entre ses doigts sans l'allumer, le regard dans le vague. « T'écris vraiment sérieusement ? » demande-t-il alors, un peu plus calme maintenant qu'on voyait le ciel et que son frère ne dégageait plus cette odeur de renfermé. La première chose à faire quand on cherche à savoir si quelqu'un est bien réel, c'est de s'intéresser à sa vie, alors il va faire des efforts.

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Le temps de la douche avait été nécessaire autant pour se rafraîchir le corps que pour s'éclaircir les idées. Bart était là de l'autre côté de la porte à chercher il ne savait quoi dans sa chambre. Ou plutôt non, pas Bart, mais Judas. Mais ça restait la surprise du jour... En fait, il s'était fait à l'idée que son frère préférait le croire mort, et il aurait presque pu le comprendre. On ne remettait pas en question 14 ans de croyance sur un claquement de doigts. Et encore moins lorsqu'on apparaissait soudainement de l'autre côté de la rue... Le voir là était donc une surprise. Mais il n'était pas sûr que ce soit une bonne surprise. Il aurait préféré se voir ailleurs, loin de cette chambre d'hôtel aux relents de cette cave qui avait été son univers toutes ces années, et qu'il avait besoin de retrouver autant pour écrire que pour se sentir bien. Mais il n'aurait jamais voulu voir Bart, ou même Judas, dans celle-ci. Dieu, non !

Il leur fallait partir d'ici et aller dans un endroit plus neutre où son frère ne serait pas en contact avec ce qui avait fait sa vie pendant ces quatorze dernières années. A défaut d'être revenu chambouler toutes ses croyances, l'obligeant à faire avec un fantôme non désiré, il devait au moins le préserver de ça. Sauf qu'il ne s'était pas attendu à trouver les volets et les fenêtres ouverts en sortant de la salle de bain. Bien qu'il n'alla pas bien loin vu qu'il resta appuyé au chambranle de porte n'étant pas sûr de vouloir à nouveau entrer dans cette chambre soudainement bien trop éclairée, et qui aurait pu lui donner des vertiges tant il avait l'impression de se retrouver à l'extérieur. Mais si lui aurait préféré s'enfermer dans la petite salle d'eau, il appréciait de voir Judas assis sur le rebord de fenêtre à fumer, même s'il n'avait pas allumé sa cigarette. Rien que par cette simple scène, il pouvait mesurer à quel point ils ne vivaient plus dans le même monde, et qu'il soit parvenu à s'échapper de sa cave n'y changeait pas grand-chose finalement. Il s'obligea cependant à se secouer, laissant tomber ces considérations pour revenir à du plus concret, et à commencer par répondre à son frère. "Vu que j'en ai déjà cinq publiés, et que j'en suis à écrire mon sixième, je crois qu'on peut dire ça, oui." Bien que ça avait été plus un passe-temps pour combler les heures sans fin d'enfermement, voire même un exutoire pour hurler au monde sa détresse, qu'autre chose. Il n'y avait en tout cas, rien là-dedans qui aurait pu lui donner un quelconque sentiment de fierté.

Et ce fut bientôt lui qui se retrouva à questionner Judas sur ce qui le minait depuis leur rencontre. Parce qu'il avait besoin de savoir. "Comment il s'appelle ?" L'autre. Son remplaçant. Son... Petit frère, même s'il avait encore un peu de mal avec cette idée qui lui rappelait à quel point la vie avait continuée sans lui. Comme si sa présence ou pas importait que peu au final. Ses parents avaient fait un autre bébé, son frère avait poursuivi sa vie et... Voilà. Les choses avaient poursuivi leurs cours, c'était normal après tout. "Et il a quel âge exactement ?" 14 ans ? 13 ? 12 ? Combien de temps avait duré le deuil de ses parents ? C'était horrible de s'accrocher à ce genre de détail -il était horrible de toute façon- mais il avait besoin de savoir ce qui s'était passé pour sa famille pendant tout ce temps.

Et il y avait une autre chose importante à aborder tant qu'il avait Judas sous la main parce qu'il ne savait pas quand serait la prochaine fois qu'ils se croiseraient. "Je suis en train de voir comment je pourrais récupérer mon identité et... Ca a pas l'air simple. L'officier de police que j'ai vu m'a parlé d'un test ADN et le plus simple serait de passer par toi vu qu'on a les mêmes gènes. Si t'es ok pour faire le test..." A une autre époque, il n'aurait même pas demandé tant la réponse aurait été évidente. Là, il demandait et surtout il attendait la réponse avec anxiété.

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Une grimace traverse le visage du tatoué, qui n'en revient pas. Cinq, déjà ? Alors il avait une réputation bien mieux rodée que la sienne, qu'il peinait à développer depuis qu'il s'était mis au rap. Au moins, Joe avait su tirer profit de sa nouvelle identité pour se forger de nouveaux rêves. Au fond de la gorge, il avait l'impression de sentir une boule de colère se former. Pendant des années, il l'avait laissé dans la douleur et l'ignorance, et il avait refait sa vie, et Judas lui en voulait pour ça. Et le pire, c'était de ne pas aborder le sujet de Piper. L'ex copine de Jonas que Bart lui avait volé à son décès, prétendant être lui. Il n'osait pas avouer qu'il avait pris son identité pendant des années. Il y a quelques mois à peine, il pleurait encore sur sa tombe en menaçant de prendre de la drogue pour en finir et ne plus jamais souffrir. Il se nota dans un coin de son esprit d'acheter les romans de Joe pour les lire, car, même s'il ne lisait pas, il était curieux de connaître son univers et de retrouver la personnalité de son frère dans ceux-là. Silencieux, il fut soulagé de savoir que le sujet de conversation venait de changer et que Joe ne lui retourne pas la question sur ses propres activités. Peut-être savait-il déjà tout de lui. « Ralph. Il a six ans. » Dit comme ça, ça parait improbable, mais c'est vrai. Longtemps, Judas a eu du mal à accepter d'avoir un frère plus jeune que son propre fils, mais il avait fini par se faire à l'idée. Alors, Joe finira lui aussi par s'habituer à tout ça. Kirke n'allait de toute façon pas rendre visite à ses parents si souvent. Coincé dans sa routine, il avait préféré s'éloigner d'eux pour ne pas les gêner, surtout depuis la naissance de ce nouvel enfant avec qui ils avaient tout à refaire. Vingt-quatre ans d'écart entre les jumeaux et leur cadet, c'était énorme. Jamais ils ne pourraient rattraper le temps perdu. « Ne leur reproche pas, c'était assez difficile pour eux. » Ils avaient au moins réussi à tourner la page, et maintenant que ça allait mieux, ce n'était qu'une question de temps avant que la vérité n'explose et leur quotidien aussi. Ce qu'il n'avait pas prémédité en revanche, c'était que Joe voudrait retrouver son identité. Nerveusement, Judas sortit un briquet de sa poche et enflamma le bout de sa cigarette, l'air crispé. Jetant son regard au loin, il réfléchit quelques secondes avant de regarder à nouveau son frère. Pour qu'ils demandent un test ADN, c'est sûrement qu'ils avaient du mal à le croire et ce n'était pas étonnant. Décidément, la réputation de leur famille allait finir par inspirer les futurs Arthr Conan Doyle de la cité. « C'est tout ce qu'ils demandent ? » Après tout, pourquoi pas. Lui-même était curieux de savoir s'il ne se laissait pas embobiner depuis le début. « Ouais. Mais pourquoi avoir envie de reprendre ton nom que maintenant ? T'aurais pu le faire y'a longtemps. » Et encore un petit tacle gratuit qu'il adorait lancer, juste pour montrer que même s'il était venu ici de son plein gré, l'amertume qu'il lui portait était encore bel et bien présente.  

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Ralph... Six ans... Six ans. Sept ans tout au plus si on comptait les mois de grossesse. C'était tout récent en fait. En tout cas, ce n'était pas le remplacement tel qu'il se l'était imaginé où ses parents auraient fait un autre enfant sitôt leur fils perdu. "Six ans... Il doit être mignon." Certainement même ! Un autre petit blond aux yeux bleus, apportant la joie et les rires dans cette famille endeuillée... Et alors que son regard se portait sur Judas, se gavant de l'image de celui-ci avec sa cigarette à la main, il se disait que peut-être tout cela avait tout de même eu du positif. Pas pour lui mais pour Ralf ayant pu voir le jour, et Judas qui pouvait fumer et apparemment peut-être même vivre tout à fait normalement. Et rien que pour ça, ces quatorze années valaient le coup. Enfin, peut-être... Il en sourit cependant avec douceur alors qu'il rassurait Judas tout en se laissant glisser à terre pour s'assoir dans le chambranle de porte, le dos appuyé contre un des montants de celle-ci et le regard ne décrochant pas de son frère. "Non, je vais pas le leur reprocher, je trouve ça bien en fait."

C'était cool de pouvoir à nouveau discuter avec lui -quatorze ans qu'il attendait ça- même si Judas irradiait d'aigreur et de colère étouffée. Mais comment aurait-il pu lui en vouloir alors qu'il débarquait soudainement sans prévenir et frais comme un gardon alors qu'il était censé être mort et enterré ?! "Pour le moment, ils ont juste parlé de test ADN mais une enquête a été ouverte alors peut-être qu'ils auront besoin d'autres choses par la suite. Comme de ton témoignage..." Ca pourrait sembler logique, bien qu'en vérité il n'avait aucune idée de jusqu'où irait cette enquête, et ce qu'il risquait réellement. Trente ans de prison comme lui avait annoncé Sanders ? Se passant une main nerveuse dans ses cheveux, il tenta de faire bonne figure. "Non, je n'ai pas pu le faire avant sinon je l'aurais fait, crois-moi."  Il s'était toujours promis qu'il avouerait tout à Bart une fois qu'il le retrouverait -que lui avait le droit à toute la vérité parce qu'il n'imaginait pas lui mentir, aussi difficile que cela soit- mais c'était incroyablement plus compliqué qu'il ne l'avait imaginé. Il ne savait même pas par quoi commencer ! "En fait, tu avais raison. Il ne faut pas parler de mon retour à papa et maman, du moins pas avant la fin de l'enquête." Et d'autant plus qu'il y avait maintenant Ralph à protéger lui aussi.

Mais il devait aussi penser à Judas. Surtout si la police venait frapper à la porte de celui-ci pour lui demander des comptes à son sujet, et il se rappelait encore de Scarlet lui ouvrant avec son "bordel" déballé sur la table du salon... La question était donc de savoir ce qu'il en était pour son frère. "Est-ce que tu continues la "fumette" ? Ou quoi que ce soit d'autre d'illégal ? Parce qu'ils vont s'intéresser à moi, et par ricochet à toi aussi du coup. Et la dernière chose que je veux faire c'est t'attirer des ennuis." Surtout avec la police. Celle-ci allait de toute façon avoir bien assez à faire avec lui sans avoir besoin d'y rajouter l'autre frère Kirke. "Et donc, tu travailles dans quoi ? Est-ce que ça risque de te poser des problèmes au niveau de ton travail si t'es convoqué par la police ou ce genre de choses ?" Le "ce genre de choses" étant intentionnellement très vague. On était donc bien loin d'une banale discussion entre café et petits gâteaux où on se racontait les derniers potins en date.

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Mignon, c'est le moins qu'on puisse dire. Avoir un frère plus jeune que son propre fils, c'est quand même assez dérangeant, mais ça, Judas le cache bien. En observant son frère se laisser tomber contre la porte, le tatoué a l'impression d'être le héros d'un roman. Séparé de son frère après tant d'années, ils avaient vécu tous les deux sur deux routes différentes, avaient grandi, vieilli jusqu'à devenir deux parfaits inconnus. A les voir, on pourrait presque effacer le fait qu'ils eut été un jour jumeaux et fusionnels, malgré la lueur restée éclairée dans leurs regards respectifs. Un soupir s'échappe alors des lèvres du Kirke, qui tourne à nouveau son regard vers l'horizon. Il laisse sa cigarette terminée s'envoler à l'extérieur, et tant pis pour la pollution aujourd'hui, il a d'autres préoccupations. « Ils veulent mon témoignage pour quoi ? » demande-t-il, laissant passer un filet de colère dans sa voix. « Pour que j'leur dise que j't'ai pas vu depuis dix ans et que t'es revenu me pourrir la vie ? » Un peu violent, mais c'était plus fort que lui. Même s'il voulait faire bonne figure et reprendre le fil, il avait du mal. Lui jetant un regard de travers, il se retint de rire tellement il était nerveux de la situation. « J'vais pas te contredire. »  Si les parents pouvaient encore vivre tranquillement sans qu'une bombe ne vienne se poser chez eux, ce serait l'idéal. Judas avait ramassé toutes les merdes, ça suffisait comme ça. Sa vie venait de voler en éclats alors qu'il venait d'être père pour la seconde fois de sa vie, et que son ancienne meilleure amie revenait, alors qu'il retrouvait une vie à peu près normale avec son premier amour. Crispant ses doigts autour de ses bracelets en forme de chaînes, il baissa le regard sur ses pieds en repensant à ces séances où ils fumaient à gogo sans se soucier du monde ni de leur santé. Mâchoire serrée, il ne répondit pas tout de suite. « Y'a bien longtemps que j'ai arrêté. » Et c'était vrai. Des années que le cannabis n'avait pas été dans son sang, ni l'alcool, et c'était pour le mieux. Redressant le menton, son regard croisa celui de son frère. « J'ai plus jamais touché à ça, après l'accident, si ça peut te rassurer. » Secouant la tête de droite à gauche, cette fois, il se mit à rire quelques secondes, comme si la question de Joe était absurde. « J'bosse au zoo. Ouais, ça risque de poser problème. Tu sais pourquoi j'ai retrouvé un vrai taff ? » L'image de Noa s'imposa aussitôt à son esprit. « Parce que j'ai eu un fils avec la femme de ma vie. J'veux pas que mes enfants aient le même avenir que moi, tout aussi pourri, à pas réussir à se faire de fric et à pas oser réaliser leurs rêves. Et j'te jure que si ton retour fout tout en l'air dans ma vie, j'te dégagerais aussi pour pas prendre de risques. »

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La colère. Ca, il connaissait et savait tout de suite la reconnaitre. Il ne savait pas ce qu'il avait fait ou dit -comme bien souvent d'ailleurs- mais il savait que ça allait tomber, et que ça allait faire mal. Et ça ne loupa pas. Il pouvait cependant dire qu'il ne s'était pas attendu à ça. Il encaissa. Parce que c'était la chose à faire en cet instant et qu'il ne pouvait surtout pas se permettre de répliquer quoi que ce soit. Ce serait pire encore après, il le savait. Il en serra les poings et les dents alors qu'il laissait les mots s'imprégner en lui... Et ça faisait mal putain, parce que c'était pas ça. C'était pas ce qu'il voulait ! Bien sûr que non qu'il ne voulait pas lui pourrir sa vie, bien sûr que non...

Mais être à terre avait un avantage certain, c'est qu'il ne pouvait  pas tomber plus bas. Au sens propre comme au figuré. Et c'était plus facile de faire face aux regards noirs que lui envoyait Judas et à ses rires plein de dérision à chacune de ses questions. Parce qu'il comprenait bien qu'il était l'élément de trop dans sa vie, l'événement non désiré et dont on ne savait pas quoi faire, tel un chien dans un jeu de quilles ou le bâtard venu quémander une reconnaissance. Mais il était vivant et oui, il voulait que cela soit reconnu. Surtout par son frère ! Mais pas comme ça... Il s'était recroquevillé, ramenant ses genoux contre lui alors qu'il ne le lâchait pas de son regard, se gavant de son image. Qui sait quand il aurait l'occasion de le revoir ? Et puis il y avait ce qu'il disait, et ce qu'il parvenait à apprendre telle des gouttes de rosées en plein désert aride.

Il ne se droguait plus et ça le soulagea. Il y avait bien assez de Scarlet toujours dépendante à cette merde, alors qu'il n'avait toujours aucune idée de comment l'aider à s'en sortir. "Ca me rassure..." Ca n'avait été que murmuré mais il était sûr que Judas l'avait entendu, ou au moins lu sur ses lèvres. Ou vu le soulagement s'inscrire sur son expression. Son frère allait bien et c'était tout ce dont il avait eu besoin de savoir pendant ces quatorze années... Il lui fit même un petit sourire un peu hésitant avant de l'entendre à nouveau rire de lui. Ou de lui-même, il ne parvenait pas vraiment à savoir... Mais ce qu'il sut par contre, c'est qu'il avait bien fait de se mettre à terre parce qu'il serait tombé sinon. Un fils et une femme... Comment aurait-il seulement pu imaginer ça ?! Son frère était... Avait... Vieilli, tout comme lui. Il n'était plus le gamin de dix-sept ans et... Il avait fait sa vie. La réalisation le sonnait un peu alors qu'il demandait une nouvelle fois. "Comment il s'appelle ? Et il a quel âge ?" Judas avait un fils... Et lui un neveu, en plus d'un autre frère. Dieu, qu'il s'en était passé des choses de puis son enfermement !

Quant à travailler au zoo, c'était chouette ça !... Il allait du moins en faire la remarque lorsque le commentaire qui suivit l'en dissuada aussitôt. Visiblement, ça ne semblait pas payer beaucoup alors que lui avait bien trop d'argent pour vivre à lui seul dessus. "J'ai de l'argent si tu veux. Je veux bien tout te donner si ça peut t'aider..." Parce que lui n'en avait pas besoin, ses rêves ne demandaient pas d'argent. Mais il n'avait pas non plus un enfant, ni une femme... En fait, il réalisait face à son frère que lui n'avait rien fait de sa vie lors de ces quatorze dernières années. Et pour cause !

Mais surtout, il apprenait que ce qu'il essayait de reconstruire avec son frère ne tiendrait que si celui-ci était tenu très loin de ses problèmes. En soi, il comprenait. Il avait sa famille à protéger et lui n'en faisait clairement plus partie, étant censé être mort et enterré. Mais il allait devoir revoir drastiquement toutes ses aspirations à la baisse. "Ok... Je vais faire en sorte à ne pas déranger ta vie. Je ferai tout mon possible en tout cas... Je veux pas être dégagé." Il tentait d'en sourire sans réellement y parvenir... Les enjeux étaient bien trop importants. Il s'agissait donc de faire croire que tout allait bien et de toujours s'assurer que Judas resterait éloigné de cette enquête qui allait s'ouvrir. Est-ce que c'était seulement faisable ?... Oui, parce qu'il n'avait pas le choix s'il voulait pouvoir retrouver un peu son frère. Parce que le peu qu'il pouvait glaner, c'était toujours ça de pris. "...Et tu fais quoi au zoo ? Tu... t'occupes des animaux ?" Là aussi, ce n'était pas très assuré mais il tentait -maladroitement- d'en savoir un peu plus.