+ say you don't mind. (emily)

Les jours passent mais ne se ressemblent pas. Peu importe qui avait trouvé cet adage, il était parfaitement vrai. En l’occurrence, cette journée était bien moins plaisante que la veille. Et même si elle cherchait à en occulter la raison, Emily savait pertinemment que l'absence d'Emrys y était pour quelque chose. C’était son jour de congé et elle était contrainte de servir les clients toute seule, bien que l’envie ne soit pas vraiment là. Qu’elle le veuille ou non, son collègue était l’une des raisons principales pour lesquelles elle appréciait son travail au Café. Quand il n’était pas là, l’ennui pointait rapidement le bout de son nez et les clients, aussi sympathiques soient-ils, finissaient par lui taper sur le système. Alors qu’elle rêvassait tranquillement, profitant d’une accalmie pour souffler un peu, une voix qui lui était étrangement familière s’adressa à elle. « Tiens, Emily. Un cappuccino, s'il te plait. » Elle n’avait pas besoin de relever la tête, elle savait très bien qui se tenait de l’autre côté du comptoir. Pandore De Balzac. On ne pouvait pas dire qu'elles se connaissaient bien, mais Emily savait une chose à son sujet : elle regardait Emrys de la même façon qu’elle. Et même si c’était parfaitement idiot, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie quand cette jolie blonde était dans les parages. Elle ignorait ce que cette jeune femme représentait pour Emrys, mais elle était persuadée qu’elle était plus importante qu’elle… Et le simple fait d’y penser lui pinçait le cœur. Cependant, elle faisait son possible pour ne rien laisser paraître. Ni cette soudaine attirance pour son ami et collègue, ni cette sorte de jalousie totalement déplacée qu’elle ressentait envers Pandore. Après tout, elle était mariée, et ce genre de comportement n’était pas vraiment approprié... Son couple était au bord de la rupture, certes, mais personne ne le savait et c’était mieux comme ça. Esquissant un sourire poli, elle hocha la tête. « Je te fais ça tout de suite », répondit-elle d’un ton courtois. Elle ne la portait pas dans son cœur mais après tout, elle ne lui avait jamais rien fait. Elle n’avait donc aucune raison de se montrer mal aimable. Elle était une cliente parmi tant d’autres et son rôle était de la servir. Elle prépara sa commande en vitesse et la lui tendit quelques instants plus tard, ne pouvant s’empêcher d’observer les traits fins de son joli visage. Elle savait qu’elle était venue ici pour voir Emrys. Il y avait des tas de cafés en ville, pourquoi avoir choisi celui-là si ce n’est pour le voir ? « Il ne travaille pas aujourd’hui », dit-elle alors, sur un ton de conversation parfaitement banale. « Mais il sera là demain, si tu veux. » Elle ignorait pourquoi elle avait trouvé bon d'ajouter cela, mais elle savait parfaitement ce que Pandore devait ressentir. Elles étaient dans le même bateau, après tout. Toutes les deux victimes de "l'effet Emrys", toutes les deux désespérées. Enfin, plus ou moins désespérées.

« Merci... Mais je ne serais pas là. » Emily releva soudainement la tête, regardant son interlocutrice d'un air perplexe. Elle semblait sous-entendre qu'elle ne serait pas là parce qu'elle ne voulait pas le voir, ce qui était plutôt étrange lorsqu'on savait qu'elle avait fait le déplacement dans le but de le croiser... Décidément, Pandore était une énigme qui n'était pas prête d'être résolue. Rangeant un peu le comptoir pour se donner une contenance, Emily observa discrètement la jeune blonde. Elle était magnifique. Ses yeux étaient d'un bleu perçant, ses cheveux étaient somptueux, ses traits fins et gracieux... Il était clair qu'elles n'avaient rien à voir. Emrys devait probablement en pincer secrètement pour Pandore. Comme des tas d'autres garçons. Elle était le genre de fille qui les rendent dingues, même si ce n'était probablement pas son but premier. « C'est dommage. » Elle avait repris la parole presque inconsciemment, laissant ses pensées s'exprimer librement. « Que tu ne puisses pas venir demain, je veux dire. Je suis sûre que ça lui ferait plaisir de te voir », continua-t-elle après un court silence. Puis elle planta son regard dans celui de Pandore. Elle était sincère, elle était persuadée qu'Emrys apprécierait de la voir débarquer au Café pour discuter un peu. Personne ne saurait qu'elle venait expressément pour le voir, après tout. Elle pouvait prétexter qu'elle passait dans le coin ou même qu'elle ne savait pas qu'il travaillait ce jour-là. Ce n'était certainement pas Lee qui s'empresserait de dire le contraire ou de révéler la vérité à son collègue. Pourquoi poussait-elle Pandore à se rapprocher de ce bellâtre dont elles s'étaient toutes les deux enticher ? Elle n'en avait aucune idée. Peut-être se disait-elle que si Emrys avait une petite-amie, son attirance pour lui repartirait aussi vite qu'elle était arrivée ? De cette façon, elle se rendrait compte qu'il était inaccessible, qu'il ne se passerait jamais rien entre eux - si ce n'est une belle histoire d'amitié - et qu'elle devait l'oublier pour se concentrer sur Casey. Prise de remords, elle jeta un œil à son alliance et soupira doucement. Elle avait l'impression de tromper son mari à chaque fois que son esprit s'attardait un peu trop sur son collègue. Elle était mariée et amoureuse, et ce malgré les problèmes que son couple rencontrait.

« T'es pas obligée d'être gentille avec moi et de me dire ça, tu sais... » La jeune serveuse soutint le regard de Pandore, haussant légèrement les épaules. Oui, elle savait qu'elle n'était pas obligée d'être gentille avec elle et qu'elle n'avait pas à lui dire tout cela. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle ne pouvait pas se résigner à la détester simplement parce qu'elles avaient des vues sur le même homme. C'était totalement idiot, puéril et pas dans son caractère. « Faut croire que je t'aime bien et que j'ai envie de t'aider malgré tout », répondit-elle très sérieusement avant d'esquisser un petit sourire. Et puis, elle se disait aussi qu'Emrys serait certainement heureux avec Pandore - et elle ne pouvait pas refuser de voir son ami épanoui. Ses pensées divaguèrent une fois de plus vers son mariage plus ou moins réussi et sans qu'elle ne comprenne pourquoi, la main de Pandore se retrouva sur la sienne. « Tu sais, t'as pas à culpabiliser. C'est pas comme si ça se contrôlait. » Emily soupira, désemparée. Elle savait que la jolie blonde avait raison mais cela n'atténuait pas sa culpabilité. « Ouais... Mais c'est un peu facile de se tourner de se tourner vers un autre mec quand on a des problèmes de couple, non ? Je devrais me battre pour mon mariage au lieu de penser à Emrys. » Ce n'était pas qu'elle ne faisait rien pour sauver son mariage, bien au contraire... Mais ses efforts semblaient vains et elle finissait parfois par douter de l'avenir de son union avec Casey. Emrys était tout le contraire de son mari. Il était gentil avec elle, d'humeur égale, drôle, ils pouvaient parler de tout... Il représentait tout ce qu'elle avait perdu, tout ce qu'elle voulait récupérer. « Il le sait ? » Elle n'avait pas précisé de qui elle parlait et Lee réfléchit un instant à ce qu'elle devait répondre. Devait-elle faire confiance à Panda ou rester sur ses gardes ? Elle décida finalement de jouer une fois de plus la carte de l’honnêteté. Après tout, elle n'avait rien à perdre. « Je crois qu'Emrys ne se doute de rien, et c'est tant mieux. Je n'ai pas envie de compromettre notre amitié à cause d'une histoire insignifiante. Et mon mari... » Elle s'arrêta quelques secondes, cherchant ses mots. Si Casey était au courant de son attirance pour son séduisant collègue ? Peut-être bien, oui. « Ils se sont plus ou moins engueulés, l'autre fois. Et il n'a pas vraiment apprécié qu'Emrys le remette à sa place. Il sait qu'on est proche tous les deux et je pense qu'il se pose des questions. » Cela dit, il n'avait rien à craindre : Lee n'oserait jamais le tromper. Premièrement parce qu'elle serait bien incapable de gérer la culpabilité qui la rongerait de l'intérieur, deuxièmement parce que malgré tout, elle restait amoureuse de Casey et qu'elle ne voulait pas lui faire de mal. Elle restait persuadée que cette attirance soudaine pour son collègue ne signifiait rien. Que c'était simplement une mauvaise passe, parce qu'elle traversait une crise conjugale et qu'elle n'en voyait pas le bout. Emrys était sans conteste le garçon dont elle était le plus proche puisqu'elle le voyait tous les jours. Elle n'avait aucun sentiment pour lui et n'en aurait jamais. Dû moins, elle l'espérait. Sa vie sentimentale était déjà bien assez compliquée comme cela !« Et toi ? Emrys sait quelque chose ou... ? » Oui, elle s'intéressait à la relation qui unissait son ami et la jolie blonde qui se tenait en face d'elle. Ce n'était pas par jalousie mais par solidarité féminine. Elles traversaient la même chose, en parler toutes les deux pourrait peut-être leur faire du bien.

« Je suis mal placée pour donner des conseils à ce niveau-là, désolée. » Emily se mit à sourire malgré elle. Ce n'était pas un sourire moqueur, bien au contraire. Si elle était un peu jalouse de Pandore, elle ressentait aussi une sorte d'affection pour elle. Elle ne pouvait pas la trouver détestable, la maudire ou l'accuser de tous les maux de la Terre parce qu'au fond, elle ne lui avait jamais rien fait. Le sort avait voulu qu'elles aient des vues sur le même garçon, oui. Et alors ? Ce n'était pas pour autant qu'elles devaient se tirer les cheveux ou s'insulter à chaque fois qu'elles se voyaient pour autant. Pandore était plutôt sympathique et Emily parvenait difficilement à détester les gens qui l'entouraient, de toute façon. La conversation dévia rapidement sur les liens qu'entretenaient Emrys et Casey. Lee n'aurait jamais cru qu'en parler lui ferait du bien mais c'était pourtant le cas. Raconter ses problèmes de couples à quelqu'un qu'elle connaissait à peine était libérateur et bizarrement, elle n'avait pas l'impression que Pandore la jugeait. Elle se contentait d'écouter - et c'était déjà bien. « Ils se sont engueulés pour quoi ? Wow, j'pensais pas qu'ils se connaissaient et tout. Hum ça doit pas être facile à gérer.. » La jeune serveuse soupira d'un air las. « On ne peut pas vraiment dire qu'ils se connaissent. Disons que Casey - mon mari - est passé au Café l'autre jour et... » Elle s'arrêta, cherchant ses mots. Elle n'était jamais à l'aise lorsqu'il s'agissait d'expliquer ce qu'il se passait entre son époux et elle. « Et ça a dégénéré », continua-t-elle finalement. « Emrys a fini par s'interposer, il lui a demandé de quitter le Café et j'ai eu le droit à une scène quand je suis rentrée chez moi... Je crois que Casey s'imagine qu'il y a un truc entre nous. », conclut-elle. Elle adressa un sourire désolé à Pandore. Elle l'avait sans doute ennuyée avec ses histoires qui n'avait guère d'intérêt. « Bref, désolée. » Soucieuse de ne plus être au centre de la conversation, elle demanda à Pandore si Emrys était au courant de quelque chose. Sa réponse ne tarda pas : « Non, bien sûr que non. Je préfère qu'il ignore tout que de savoir ce qu'il pense vraiment en fait. » Emily ne s'était pas attendue à une telle réponse. Sans trop savoir pourquoi, elle était persuadée que la jolie blonde avait confiance en elle. La manière dont elle venait de répondre lui prouvait le contraire. « Je comprends... Mais je reste persuadée qu'il ne pense que des choses positives à ton sujet », sourit-elle pour tenter de lui redonner un brin de confiance. « Je peux essayer de mener l'enquête, si tu veux. » Elle se demandait encore pourquoi elle venait de lui proposer cela. N'étaient-elles pas censées être "rivales" ? Non, dans le fond, elles ne l'avaient jamais été. Emily était mariée et elle n'avait aucune chance avec Emrys de toute façon. Elle n'arrivait pas à la cheville de Pandore. Et puis, aider les autres étaient dans sa nature. Alors si elle pouvait lever le voile sur les sentiments de son collègue, elle le ferait sans hésiter.

« Comment ça, une scène ? Emily, il est violent ? » Emily secoua frénétiquement la tête. Elle ne voulait pas que Casey passe pour une brute épaisse qui la martyrisait. « Non ! Non, il... Il s'emporte un peu facilement, c'est tout. Mais il n'a jamais levé la main sur moi », assura-t-elle. Certains mots faisaient plus mal que des coups mais ça, elle se refusait à le dire à voix haute. Elle se persuadait toujours que Casey ne pensait pas ce qu'il disait. Qu'à chaque fois qu'il dépassait les bornes, il le regrettait et qu'il agissait de cette façon parce qu'il ne réfléchissait pas avant d'ouvrir la bouche. Ce n’était peut-être pas vrai, mais c'est ce qui lui permettait de tenir et d'avoir encore foi en ce mariage chaotique. « Je ne pense pas, honnêtement. Tu sais, je l'ai viré y a pas longtemps, sans lui donner la moindre explications, alors crois-moi qu'à mon avis, il ne doit pas tant m'apprécier que ça même s'il m'a supportée pendant de longues semaines... » Lee ouvrit légèrement la bouche, incapable de masquer sa surprise. Elle n'avait jamais entendu parler de cette histoire auparavant. « Oh. Je n'en savais rien... Tu l'as viré parce qu'il te plaisait ? » À quoi bon tourner autour du pot ? Autant lui demander les choses franchement, elles gagneraient du temps. Et puis, apparemment, il n'y avait pas vraiment de tabous entre elles. Emily pouvait parfaitement comprendre qu'elle ait préféré le renvoyer plutôt que de devoir l'avoir sous les yeux tous les jours. C'était ce qu'elle vivait en ce moment même et ce n'était pas une partie de plaisir. Lorsqu'elle lui proposa d'enquêter discrètement sur les sentiments de son collègue, Pandore répondit d'une manière plutôt vive : « Non ! Enfin j'veux dire euh... Non, t'en fais pas, je.. je verrais bien comment ça évolue, et si j'arrive à le savoir par moi-même ou pas, je ne veux pas mêler quelqu'un d'autre à ça.. » Whoa. Apparemment, c'était plus qu'une simple attirance... Elle avait clairement des sentiments pour lui. « D'accord, comme tu voudras », sourit-elle gentiment. Une fois de plus, elle ne pouvait que la comprendre ; à sa place, elle n'était pas certaine qu'elle aurait aimé qu'une quasi-inconnue se mêle de ses histoires de cœur. « Je me demande pourquoi tout est toujours si compliqué », soupira-t-elle soudainement, le regard perdu dans le vide. Il y avait bien longtemps qu'elle avait renoncé à comprendre la vie. Elle se contentait d'avance comme elle le pouvait, au jour le jour.

« Hum.. bon d'accord, tu me le dis sinon, hein ? » La petite brune resta sans voix, s'étant attendue à tout sauf à une réplique de ce genre. Avait-elle rêvé ou Pandore agissait-elle réellement comme si elles étaient... amies ? Son comportement la surprenait. Dans le bon sens du terme, évidemment. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi elle la jalousait alors que la journaliste s’efforçait d’être sympathique avec elle. Elle fut incapable de répondre quoi que ce soit, se contentant d'un simple hochement de tête et d'un regard reconnaissant avant que la conversation dévie sur les raisons qui l'avaient poussée à renvoyer Emrys. « Euh ouais enfin à peu près, disons que je préférais éviter qu'il me prenne comme un modèle, il mérite bien mieux. » À présent, c'était certain : Pandore n'avait aucune confiance en elle. Ce qui était assez bizarre, parce que l’image qu’elle renvoyait était tout le contraire. Elle dégageait une sorte d'assurance qui pouvait même passer pour de la prétention par moment alors qu’au fond, elles n'étaient peut-être pas si différentes que cela... La jolie blonde savait juste mieux camoufler ses failles, voilà tout. « Tu sais, je pense qu’Emrys est assez grand pour savoir qui le mérite ou non… Et s’il voulait te prendre pour modèle ou être près de toi, ce serait parce qu'il en a réellement envie. Et donc que tu en vaux la peine. » Elle essayait de lui faire comprendre qu’elle n’était pas si mauvaise qu’elle le pensait sans le dire vraiment. Elle ne voulait pas courir le risque d’être remise à sa place. Pandore semblait se livrer à elle, certes, mais elle n’était pas à l’abri d’un brusque changement de comportement. Elle n’avait pas envie de passer pour une sorte de prêcheuse de bonne parole ou l’une de ces personnes pleines d’optimisme qui font toujours tout pour remonter le moral des troupes. Elle les détestait. Elle détestait ces gens qui voyaient toujours des bons côtés partout, même dans les pires situations. Elle détestait leurs sermons, leurs phrases toutes faites destinées à redonner confiance en soi, leurs discours hypocrites dont chaque mot était feint. Une chose en entraînant une autre, elle se perdit dans ses pensées, toujours trop nombreuses et dramatiques, jusqu’à se plaindre de la complexité de la vie sans vraiment s’en rendre compte. « J'pense que c'est parce que si tout était trop simple, on n'aurait aucune satisfaction à avoir réussi. » Emily sortit de ses rêveries pour planter son regard dans celui de Pandore. Elle analysa sa réponse, s’accordant quelques secondes de réflexion avant de répondre. « Ouais, tu as sûrement raison… » Sauf qu’en vingt ans, je n’ai jamais rien réussi , pensa-t-elle sans oser le dire. Quelle satisfaction pouvait-elle avoir ? Son père était un criminel, sa mère une alcoolique notoire, elle avait échoué à Bowen sans but réel et avait été contrainte de prendre ce boulot de serveuse pour gagner de l'argent, à défaut de pouvoir terminer ses études. Elle n'avait aucun diplôme, elle était loin d'être la jeune fille la plus cultivée qui soit et pour couronner le tout, elle était au bord du divorce. Sa vie était loin d'être brillante. Et dire que certaines personnes n'avaient aucun problème... Il y avait de quoi être jalouse. « Tu l'as revu depuis que tu l'as renvoyé ? », demanda-t-elle soudainement, curieuse d'en savoir un peu plus sur toute cette affaire.

« Oh, tu sais, je suis certaine qu'il préfèrerait quelqu'un comme toi. Largement, même. » Lee ne savait pas vraiment quoi penser de son sourire espiègle. Elle ne savait pas si elle était sincère ou ironique - même si elle penchait plutôt pour la deuxième solution. Un garçon comme Emrys ne trouvait probablement aucun intérêt à une fille comme elle. Elle n'avait rien de particulier. Elle ne sortait pas du lot. Et elle n'était même pas plus jolie que les autres. Tout le contraire de Pandore, en somme. Elle préféra ne pas répondre, de peur d'être ridicule. Elle ne voulait pas laisser entendre qu'elle enviait Pandore, ni même qu'elle n'avait pas vraiment confiance en elle, même si cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Se taire était parfois la meilleure des réponses. « Non. Je voulais le croiser aujourd'hui, mais comme il n'est pas là... Puis de toute façon, je ne pense pas qu'il aurait voulu voir son ancienne patronne qui l'a viré sans une seule explication. » La jeune serveuse s'accorda quelques secondes de réflexion avant d'esquisser un sourire. « Malheureusement pour lui, il n'a pas encore le pouvoir de choisir les clients du café... Alors s'il avait été là aujourd'hui, il n'aurait pas eu d'autre choix que de te voir et d'échanger quelques mots avec toi. De toute façon, on sait toutes les deux qu'il est bien trop gentil pour t'ignorer ou te demander de partir, non ? » Elle était convaincue de ce qu'elle disait. Emrys n'avait pas l'air rancunier et elle était persuadée qu'il n'en voulait pas à son ex-patronne de l'avoir renvoyé sans raison. Il avait peut-être du mal à comprendre ses motivations, oui, mais ce n'est pas pour cela qu'il refuserait de la voir ou qu'il la virerait du café si elle se pointait pour commander quelque chose. Elle se trompait peut-être, mais c'était l'impression qu'elle avait, en tout cas. Elle planta finalement son regard dans celui de Pandore. « Tu devrais vraiment repasser demain. Ce serait un bon moyen de mettre les choses au clair. » Encore une fois, elle se mêlait de quelque chose qui ne la regardait pas. Mais la jeune journaliste avait l'air de se torturer l'esprit et elle voulait l'aider. Passer au café et échanger quelques mots avec son séduisant ex-employé serait un bon moyen de savoir dans quel état d'esprit était Emrys. S'il s'en tenait aux banalités habituelles, c'était probablement qu'il lui en voulait. S'il engageait la conversation - et ce serait probablement le cas, cela prouverait qu'il n'avait absolument rien contre elle et elle serait rassurée. Mais une fois encore, Pandore était la seule à pouvoir décider et au final, elle n'avait pas son mot à dire. « Enfin, tu fais comme tu veux », rectifia-t-elle après quelques secondes de silence, se rendant compte que son conseil était peut-être déplacé.