So what is grief, if not love persevering ? (Valentina)

Voilà maintenant trois ans qu’Antoni avait quitté ce monde précipitamment. Le monde voyait la douce et souriante Ruby, mais au fond d’elle, une partie de joie l’avait quitté pour toujours. Antoni, son mari, son ami. Il n’était pas le maria traditionnel, mais qu’est-ce qu’elle l’avait aimé. Il avait cet accent qu’elle adorait quand il prononçait son prénom et ses références culturelles parfois démodées la faisait rire. Il avait été un père formidable pour Luke même si les deux hommes savaient qu’aucun lien biologique les unissait. « Parfois je vis un truc dans ma journée et la première chose que je me dis c’est que je vais raconter ça à mon mari quand je rentrerais. Et à ce moment là je me souviens qu’il est mort. » Elle témoignait un peu ce soir, dans le groupe réservé aux veufs et veuves. On pouvait avoir de la compassion et de l’empathie, mais seuls ceux qui ont connu la mort de leur conjoint savent à quel point le deuil est difficile. Elle retenait ses larmes Ruby, parce qu’elle savait à quel point ça faisait du bien de parler. Puis elle croisait le regard de cette femme qu’elle voyait à chaque séance. La gynécologue lui offrit un sourire timide. L’heure était passée et comme à chaque fois Ruby se sentait vide. Habituellement elle fuyait cet endroit pour rejoindre Luke qui lui apportait de l’amour. Sauf que cette fois-ci Luke était chez un ami alors elle n’avait aucune raison de ne pas rester à l’apéritif qu’il y avait toujours après la séance.

Ça lui faisait du bien à Ruby de parler de toutes ces choses. Chaque jour était un peu plus difficile même si le manque commençait à s’apaiser. Mais combien de fois Ruby avait envie de rentrer et parler à Antoni de sa journée. Ils avaient toujours été un couple très libre et c’est ce qui faisaient qu’ils avaient été si proche. Ces années avec lui avaient été très belle et aujourd’hui il lui manquait. Partager son ressenti et écouter les autres aidaient Ruby à faire son deuil. Il était long ce deuil mais nécessaire parce que Ruby devait passer à autre chose. Il faudrait qu’un jour cette bague soit retiré de son doigt et qu’elle accepte de s’ouvrir de nouveau. Elle hochait la tête. Elle l’avait aimé Antoni de toute son âme, même s’ils avaient une façon particulière de s’aimer. La séance s’arrêtait et Ruby décidait de rester pour l’apéritif. La jolie brune qui avait intervenu après elle se présentait devant elle. Ruby lui souriait. « Bonjour. » Elles se comprenaient. « Merci, je n’avais jamais parlé avant mais ça fait du bien. » Elle se montrait honnête Ruby, de toute façon elle n’avait aucune de se cacher ici. « Ruby ! » Disait-elle en se présentant avant de prendre un petit canapé à grignoter.

Elle n’avait pas voulu en Nouvelle-Zélande aller dans ce genre de groupe. Elle s’estimait forte et qu’elle n’avait pas besoin d’aide. Stupide avait-elle été. Elle était forte mais là elle avait besoin d’aide. La perte d’Antoni avait laisser un cratère dans sa vie et dans son cœur. Son ami lui manquait tout les jours. Elle se souvenait des promesses notamment celle qu’il viendrait visiter Bowen avec elle. Ils n’avaient jamais pu le faire. Ecouter le deuil des autres était réparateur. « Je m’en rends compte. » Répondait-elle à cette jolie brune qui avait parlé plus tôt. Les deux femmes se regardaient. Elles vivaient une même peine et elles avaient ce même regard. Ce n’était pas qu’un regard triste, il y avait aussi l’espoir qu’un jour elles refassent une vie pleine de joie. Elles se présentèrent. Valentina. Elle aimait bien ce prénom Ruby. Elle ne savait pas pourquoi, mais d’un seul coup elle se sentait en confiance. « Quand je pense à lui c’est encore douloureux. Je me demande si à un moment, on n’arrête de penser aux pires souvenirs mais on ne revoit que les bons souvenirs. » Et les bons ils y en avait. Elle se souvenait de ces canards qui avaient mangé le burger d’Antoni alors qu’ils étaient posés sur la plage du lac. Elle se souvenait de sa chute dans la course voiture qui l’avait fait beaucoup rire. Elle se souvenait de ces trips familiaux dans l’ile du Sud. Mais malheureusement, ne revenait en tête le moment où les policiers lui annonçaient la mort de son mari. C’était une soirée froide, la neige était tombée sur Queenstown. Elle se souvenait du froid qui l’avait envahi et qui n’était toujours pas définitivement partie alors même qu’elle était à Bowen aujourd’hui.

Ruby se demandait si elle était légitime de venir à ce groupe. Oui elle était veuve, c’était ce qui était marqué sur les papiers. Mais Antoni et elle n’étaient pas le couple marié par excellence. Il y avait de l’amour entre eux, une amitié exceptionnelle et beaucoup de respect. Il était son confident durant ses dernières années et vivre sans lui à Queenstown était compliqué. Mais les personnes en face d’elle avaient perdu l’amour de leur vie, ce qui n’était pas le cas de la gynécologue. Pourtant, elle la vivait cette sensation de perte, ce vide dans son cœur et cette envie constante de lui parler. « Je suis désolée que vous devez traverser ça. » Elle était sincère, elle savait presque ce que cette jolie brune avait vécu. Ruby se souvenait aussi de ces policiers à sa porte, une soirée infernal pour la maman. Heureusement que les câlins de Luke avaient panser un peu ses plaies. Elle avait une fille, une orpheline de père. Ça lui fit mal à Ruby. Cette petite était séparée de son père pour toujours. Elle se rendait compte qu’elle était égoïste. Cacher Luke à Perry était priver les deux hommes d’une relation qui serait évidemment bien trop courte. La vie était injuste parfois mais dans ce cas-là Ruby l’était encore plus. « Il faut du temps. Je pense juste qu’elle veut que vous soyez heureuse. » Ces enfants, ils pouvaient être des vrais adultes matures. Ils comprenaient mieux que nous certaines phases de la vie comme le deuil.

Elle ne pensait pas qu’elle se serait autant lié à Antoni. Chaque jour il lui manquait et personne ne pourrait combler ce vide. Après tout, ils avaient eu des moments à eux et des moments avec Luke. Son fils. Lui aussi il avait subi la perte de ce père de substitution. Il avait été un modèle pour l’enfant et elle se souvenait avec mélancolie les chansons qu’Antoni lui chantait en polonais quand il était petit. Ils parlaient parfois polonais, pour que Luke puisse se faire à la langue. Malheureusement, sans son mari, elle le pratique moins Ruby. « Oui … » Est-ce qu’elle avait traversé la même chose ? Après tout, elle n’avait pas perdu l’amour de sa vie. Alors qu’ici beaucoup de personne avait perdu leur âme sœur, la personne qu’ils aimaient le plus au monde. Elle avait une fille cette jolie brune qui souhaitait que sa maman soit heureuse. C’était normal et si important de voir ses parents s’épanouir. « Je comprends. Mon fils n’a pas trop apprécié le déménagement, mais il a compris que c’était ce qu’il me fallait. » Alors il avait accepté Bowen, puis ainsi il pouvait se goinfrer chez ses grands-parents.

Il n’y avait pas un jour Antoni ne lui manquait pas. En quittant Bowen, Ruby avait perdu ses repères et ses amis préférant élever son enfant loin des rumeurs australiennes. Antoni avait été un allié de taille, protecteur et drôle, ils avaient formé un joli couple pendant quelques années. Il avait fallu un accident de la route pour que les choses changent. C’était un signe qu’il était temps pour Ruby de retourner chez elle parce qu’elle n’arriverait pas à vivre à Queenstown sans Antoni. Luke avait eu du mal à se faire au changement, mais il avait comprit que sa mère avait besoin de ça pour aller bien. C’était une nouvelle étape dans leur vie. Même si Antoni n’était pas le père biologique de Luke, il restait cette figure paternelle qui l’avait tant aimé. Ruby s’en remettait doucement, pensant qu’elle n’avait pas besoin de ce groupe puisqu’elle n’était pas amoureuse de son mari. Finalement, elle l’aimait autant qu’elle aimait ses ami, Antoni était son mari et son ami. Sa perte avait été un coup dur et Ruby devait se reconstruire sans lui, comme si elle passait sa vie à devoir perdre les gens pour mieux se reconstruire après. « Je suis viens d’ici, ma famille est présente tous les jours et heureusement. » Ce n’était pas une surfemme Ruby, elle avait ses fatigues et ses peines qu’elle cachait souvent. « Merci de votre écoute, j’espère vous revoir souvent ici. » Disait-elle avec un sourire. Rencontrer des personnes qui comprenaient ce qu’était de perdre son mari était un privilège.