raise me up into the sky until I'm short of breath (manwë)

T’étais devant la boutique d’un luthier. T’avais appris récemment ce que c’était un luthier, c’était celui qui s’occupait des instruments de musique à cordes pincées ou frottées et munis d'un manche, comme un violon, altos, guitares et violoncelles pour ne citer que ceux-là. Tout ce que t’avais su c’était que les gens étaient pas certains de l’endroit et que les critiques étaient pour le moins… difficiles à l’égard de l’endroit. Tu voulais créer quelque chose de différent, t’étais prête à offrir ton aide. T’avais besoin de nouveaux projets si tu comptais quitter Joséphine. T’avais déjà quelques idées pour rendre l’endroit plus attrayant. Après avoir pris quelques notes de l’extérieur, tu entrais dans la boutique. Un endroit sombre, trop sombre pour mettre en valeur les différents instruments. Tu les regardes un à un. La déco est bien trop sombre… T’étais certaine de pouvoir faire quelque chose de mieux et de plus éclairé. Même si d’un côté, le côté sombre t’inspirait un aspect plus glamour mais là, ce n’était pas glamour… c’était… vieillot. Tu retroussais le nez, perplexe à la vue de tout ça. Tu t’approchais d’un violon que tu caressais du bout des doigts. T’en avais pas fait depuis que t’étais enfant… Tu te demandais si t’avais encore le talent, même si t’en doutais fortement. On te tirait de ta rêverie alors qu’un homme apparaissait devant toi. « Les souvenirs remontent… » Que tu lui dis avec un mince sourire, comme s’il pouvait s’intéresser à toi et ton histoire.

Il te demandait quels souvenirs remontaient pour toi. Probablement plus par politesse que par réel intérêt, mais l’instrument était sous tes doigts et te faisait frissonner sous son contact. Tu te rappelais du temps que tu avais investi lorsque tu étais plus jeune à frotter ces cordes avec l’archet. De douces notes te montaient aux oreilles, un sourire tirait tes lèvres. « Le temps où je pouvais être moi-même. » Parce que la rivalité avec ton frère prenait toute la place dans la famille. Mais ton frère, il ne jouait pas beaucoup de musique, il devait même jouer avec ses pieds s'il parvenait à en jouer... Toi, t’avais ce talent, t’avais cette chance. Mais trève d’histoires lointaines, passons aux choses sérieuses.

« En fait, j’ai vu votre boutique sur Internet et les commentaires qui venaient avec. » Dis-tu à mi-voix. Tu poursuivais ta pensée. « J’ai pensé que je pouvais vous apporter mon aide pour rendre l’endroit plus convivial malgré certaines contraintes que vous pourriez avoir. » Que tu disais en tentant d’avoir l’air plus sûre de toi. « J’ai des contacts avec des célébrités aussi… Ça pourrait être bon pour les affaires. » Promettais-tu.

Le luthier levait les yeux au ciel à tes mots et pourtant, tu ne voulais pas être méchante. Et pourtant, tu guettais toute réaction qui pouvaient te mettre sur le chemin. Tu fronçais les sourcils. « Mais je ne suis pas décoratrice et j’envisage encore moins en embaucher une… » Il retournait dans son monde où il disait qu’il allait te donner un conseil en n’allant pas dans les commerces misérables de Bowen. Tu fronçais les sourcils de plus belle. « Mais la boutique n’est pas minable, certainement pas optimisée… » Que tu déclares. Tu lui adresses un sourire tout aussi désolé que le sien en apprenant qu’il avait quinze dollars. « En fait, je vous propose mon aide comme oui, décoratrice si on veut, sans frais. Par la suite, j’organiserais une soirée de lancement – ou plutôt de re-lancement de votre boutique. » Tu étais certaine de ton coup, tu savais que la soirée de lancement pouvait être un bon coup pour toi et surtout : pour lui.

Tu savais que la présence de Joséphine pourrait t’aider et tu demanderais sans doute à Beckett de te donner un coup de main avec ses amis médecins fortunés… Dans ta tête, ton plan roulait comme sur des roulettes. « Pour vous prouver que je suis de bonne foi, je prendrais 10 % de votre profit – et non pas de votre chiffre d’affaire, cette soirée-là seulement. » Que tu déclarais avec un sourire. Bon, t’étais pas chérante et tu ne ferais sans doute pas un centime, mais t’avais besoin de te faire voir. T’avais besoin de te faire connaître et qu’on te repère pour des contrats plus gros. Tu voyais déjà cette boutique réorganisée avec un petit speakeasy improvisé pour le temps d’un soir.

Il reste muet, sans rien dire. Si tu ne l’avais pas entendu parler plus tôt, tu te serais demandé s’il était muet. Il semblait hésiter. Il s’excuse en disant qu’il ne pouvait pas investir. Tu fronçais les sourcils : avais-tu parlé d’investir sans t’en rendre compte? Il t’avouait qu’il était achromate. T’avais aucune idée de ce que ça voulait dire : seulement que c’était une maladie des yeux parce que c’était ce qu’il te disait quelques secondes après. Tu affichais une mine empathique à son sort. Il disait qu’il ne savait pas de quelle couleur elle était, sa boutique. La lumière directe était difficilement supportable, pas surprenant que cette boutique soit aussi sombre…

« Tout ne serait que temporaire, le temps d’un soir. » que tu disais avec un peu trop d’enthousiasme. Tu renchérissais : « Et si je vous promets : pas de lumière directe, pas d’arc-en-ciel et qu’on conserve votre confort et votre qualité de travail? » Un speakeasy n’allait pas obstruer sa qualité de vie, son confort n’en serait que grandissant. Tu l’écoutes attentivement. « Mon but n’est pas d’éviter le jugement, juste de vous donner un petit boost, un air d’aller juste à temps pour les fêtes. » que tu dis avec douceur. Puis tu réalises que tu n’as pas répondu à sa question. « Alexis. »