Are we ready for this? (woolie)

Woody comprenait l’impuissance des gens qui l’entouraient. Il comprenait ce sentiment qu'ils ressentaient de ne rien pouvoir faire pour l’homme. Au bout de la ligne, c’était lui-même qui les en empêchait. Peut-être que leur présence aurait réussi, à un moment, à le soulager, à le réconforter. Mais il ne voulait même pas prendre cette chance-là. Il ne voulait pas risquer qu’on le perçoive différemment. Il avait déjà assez de mal à se regarder lui-même dans le miroir, s’il fallait qu’en plus il voit sa faiblesse se refléter dans le regard des autres, ce serait trop à supporter. « Je sais. » Se contenta de répondre Woody. Il ne voulait pas céder, pas là-dessus, pas maintenant. Il était désolé d’infliger cette souffrance à Charlie, mais il jugeait que sa demande était légitime, pour se préserver de sa propre souffrance. Il voulait penser à lui, dans cet éternel égoïsme qui le caractérisait si bien. C’était probablement la seule sphère de sa vie dans laquelle cet égoïsme pouvait se justifier.

Charlie porta la main du trentenaire contre son ventre. Ils se projetaient, s’imaginaient cet enfant qui n’était encore pas grand-chose là-dedans. Mais il existait et c’était déjà grand pour eux. Woody s’ouvrait à toutes les possibilités, tranquillement. Il avait confiance en Charlie et rien que ça le consolait. Cet enfant serait entre de bonnes mains avec elle, peu importe ce qu’il advenait de lui. Mais il essaierait très fort d’être là, lui aussi. « Moi aussi, j’en aurais eu envie, je pense. Tout comme je sais que ça n’aurait peut-être pas pu être possible, plus tard. Alors j’me dis que … que c’est peut-être mieux comme ça, que c’est peut-être un signe, une chance que la vie nous donne, une chance qu’on n’aurait peut-être pas eue dans quelques années … » Pas nécessairement d’un point de vue anatomique, physique, mais d’un point de vue émotif. Dans un déclin plus avancé encore, sans doute Woody aurait-il été encore plus réticent à l’idée de fonder une famille. Son ouverture n’aurait pas été la même qu’aujourd’hui. « On descend ? Tu veux que je te prépare un petit-déjeuner ? » Demanda Woody le regard doux, face à cette femme qui portait son enfant.

Dès leur rencontre, Charlie avait bien compris que la maladie de Woody était un sujet délicat. À leur premier rendez-vous, il n'avait pas souhaité expliquer la raison pour laquelle il s'appuyait sur sa canne. Et quand il lui avait enfin révélé être atteint de sclérose en plaques, cela n'a certainement pas empêché Charlie de s'accrocher à leur histoire. Et puis au fil des semaines, des mois, elle s'était faite à cette sombre partie de lui : son obstination à se murer dans le silence quand il était au plus mal de la maladie. Ce n'était pas une chose facile à accepter, car Charlie, comme tout son entourage, souhaitait lui apporter son soutien dans ces moments-là. Une fois de plus, elle resta simplement silencieuse, bien décidée à ne pas insister. Il n'y avait aucune pitié dans son regard lorsque ses yeux se posèrent dans ceux du physiothérapeute. Au contraire, il n'y avait que douceur et l'envie de le serrer dans ses bras pour lui montrer qu'elle serait là envers et contre tous. En portant sa main sur son ventre, elle désirait qu'il se projette avec elle. Ce que fit Woody. Charlie retrouvait son sourire, se confia même qu'elle aurait eut envie d'avoir un enfant avec lui plus tard. Contre toute attente il affirma que lui aussi - la surprise se lut immédiatement sur le visage de la française. Peut-être que tu as raison, oui. Peut-être que c'est le bon timing. Jamais elle n'aurait cru qu'il puisse envisager d'aller aussi loin avec elle. Bien trop euphorique, elle ne s'imaginait pas une seule seconde que son désir d'être père n'était pas forcément lié à elle. Non cette fois le prénom de Freja ne lui vint pas à l'esprit. Elle se sentait tellement chanceuse, tellement heureuse, que ce bonheur-là était intouchable. Il la regardait avec tendresse et son sourire s'élargit un peu plus. Elle posa une main sur la barbe de Woody. Enceinte ou non je peux préparer le petit déjeuner. Tu vas pas m'enlever ce petit plaisir. lui dit-elle avant de poser un baiser rapide sur ses lèvres puis de se lever. Et ce matin-là, elle prépara des pancakes avec un sourire béat.

Fin ♡