want to read between the air of silence, then the rain begins (ayleen)

Début du mois de juillet. Zelda était à une compétition de e-sport que je savais ultra importante pour sa carrière. Je ne pouvais pas la déranger, je me répétais ça à moi-même : je ne pouvais pas la déranger. Pourtant, j’hésitais, parce que Lara faisait de la fièvre et qu’elle ne s’endormait pas. Elle hurlait telle une mandragore dans Harry Potter, et ça empêchait Maxwell de dormir, mais aussi Perry et Penny, puisqu’on habitait le même logement. Il ne restait que quelques journées de vacances à Maxwell, il reprenait la maternelle cette semaine à New York, et j’allais le reconduire à l’aéroport le surlendemain. Ally serait furieuse si je lui renvoyais notre fils complètement épuisé ou pire, malade. Et puis, j’ignorais ce qui clochait avec Lara, par-dessus tout. Je me faisais du souci pour elle mais je ne voulais pas inquiéter sa mère alors qu’elle devait mettre toute son attention sur son job. Je ne devais pas déranger Zelda, non.

J’avais donc obtenu un rendez-vous en urgence avec la pédiatre que j’avais depuis que Maxwell était apparu dans ma vie il y avait de cela deux ans. Zelda et moi avions continué les suivis avec elle lorsque Lara était née, aussi. La petite d’un an et demi dans son porte-bébé, contre mon torse, et la main de Maxwell dans la mienne, je traversai la rue qui menait à l’hôpital et je me rendis à l’aile de pédiatrie sans plus attendre. Il y avait une vingtaine de minutes de retard, minutes pendant lesquelles je fixai l’écran d’annonces sans trop les voir.

Quand on appela mon nom, je me rendis à la salle numéro 312 tel qu’indiqué. Maxwell s’assit sur la chaise en coin et moi je restai de bout en essayant de distraire Lara qui s’impatientait. Dr. Campbell entre finalement dans la salle d’auscultation … avec un ventre prêt à exploser. Je ne pus m’empêcher de le fixer, un moment, visiblement surpris. Je n’avais pas vu Dr. Campbell depuis quelques mois, trois ou quatre peut-être. Là, elle était carrément enceinte jusqu’au cou. « Bonjour docteure Campbell. » Dis-je en remontant mon regard à ses yeux, mais j’avais l’impression de suer à travers toutes mes pores. Ou bien c’était le petit corps chaud de Lara qui me donnait l’impression d’être un volcan sur le point d’exploser, comme le ventre de la pédiatre ?

J’avais peut-être réussi à ce que mon visage troublé passe inaperçu. Et j’avais peut-être dévisagé le ventre de docteure Campbell moins longtemps que j’avais pensé. Parfois, dans un moment de panique, les secondes se transforment en minute, ou vice-versa. Là, j’avais eu l’impression de fixer son ventre pendant quarante ans, mais c’était peut-être deux ou trois secondes à tout casser. J’essayai de demeurer calme malgré la tempête de questionnements dans ma tête, mais ça me demandait encore plus de concentration et d’énergie, alors je commençai à suer de partout. Lara, fiévreuse, collée à mon torse, n’aidait pas son papa. Sentant peut-être que j’étais en transe, Maxwell répondit à ma place à la question de la pédiatre. « Ma sœur dort pas et elle pleure tout le temps. C’est parce qu’elle a la fièvre. » Expliqua-t-il en grand bonhomme qu’il était. Je tournai la tête vers lui, le fixant deux secondes avant de lui sourire. J’hochai la tête. « Ouais, c’est ça, Lara fait de la fièvre depuis hier matin, elle n’a pas dormi beaucoup non plus depuis … » Expliquais-je avec ma jambe droite qui bougeait sans cesse, signe de stress. Ça, je n’arrivai pas à le cacher à la pédiatre, cette fois. Elle me demanda si je voulais un verre d’eau. « Je veux bien, s’il-vous-plaît, oui, merci. » Répondis-je. Si je ne buvais pas de l’eau j’avais l’impression que mon corps allait se dessécher à force de transpirer. La docteure me ramena un verre que je calai en trois-quatre énormes gorgées. « Hum. Je pense que je n’ai pas dormi assez moi non plus, avec tout ça, en fait. » Dis-je dans un rire nerveux, mon regard ne cessant d’aller des yeux de la pédiatre jusqu’à son ventre, puis à ses yeux à nouveau. Ce n’était vraiment pas le moment qu’on perde notre pédiatre, pensais-je, égoïstement. « Je ne savais pas que vous étiez enceinte. Félicitations ! Ça a l'air d'être, hum, assez pour bientôt ? » Demandais-je maladroitement, pour savoir quand elle allait tomber en congé de maternité. Ce n'était pas désintéressé.