read with your heart, not with your eyes (jenna)

read with your heart, not with your eyes

L’Irlandaise avait eu vent de l’ouverture d’une librairie, dans une petite rue de Bowen, et en avait même entendu des éloges. Il fallait savoir que Saoirse aimait beaucoup lire. Pas tous les jours, bien sûr, pas comme le violon. Mais elle aimait ces moments de calme où elle pouvait se perdre dans des phrases fleuries et des histoires imaginaires, ou parfois plus réelles. Peut-être que cette appréciation de la lecture s’était intensifiée quand elle était devenue aveugle, aussi. Apprendre le braille lui avait pris du temps, et elle n’était pas vraiment une lectrice parfaite avec ses doigts. Mais privée d’un de ses sens, regarder n’était déjà plus une activité qu’elle pouvait faire. Même si elle avait très peu eu l’occasion de regarder des films, là d’où elle venait. La télévision n’était pas vraiment une activité répandue. Il lui restait donc l’écoute, sa douce oreille formée aux sons de son violon était déjà bien occupée par la musique. Et pour varier, il y avait la lecture. Mais trouver des livres en braille n’était pas une mince affaire non plus. Aussi, curieuse, Saoirse avait pris le chemin de cette librairie, demandant à des passants qu’on lui indique le chemin alors qu’elle se rapprochait du but. « Bonjour. » lança-t-elle d’une voix claire en poussant la porte qui tinta joyeusement. Sa canne devant elle, la belle rouquine scannait les environs à l’aide des odeurs, des sons et des échos, ne s’avançant pas trop dans ce lieu inconnu pour ne pas prendre le risque de renverser des choses. Elle savait se repérer facilement avec sa canne blanche et sa main, et écouter où se trouvaient les gens, mais dans une pièce totalement nouvelle, c’était quand même plus risqué.

Cela fait déjà quelques mois que ta librairie est ouverte. Il y avait eut quelques personnes pendant ta journée de lancement. Dont un auteur qui avait créer des romans que tu vendais dans ta boutique. En espérant que cela l'aiderait à être plus connu à Bowen. Tu l'avais revu il y à ça quelques mois autour d'un thé. Tu ne l'avais pas croisé depuis. Tout comme les autres personnes qui étaient venues à la journée d'ouverture. Tu avais engagé une jeune femme du nom de Tara. Aujourd'hui elle ne travaillait pas, ayant prit sa journée. Alors que tu étais en train de ranger de nouveaux romans dans les étagères que la porte de la librairie s'ouvrit. Tu ne vis pas tout de suite la jeune femme aveugle qui venait d'entrer, entendu juste un bonjour d'une voix de femme. Une fois les romans rangés à la bonne place, tu te tournas vers la personne qui venait de rentrer. Tu vis une jeune femme rousse possédant une canne. Tu t'avanças vers elle rapidement, lui tenant le bras. "Bonjour mademoiselle ! Veillez m'excuser, je ne savais pas que vous étiez dénuée de la vue !". C'était la première fois qu'une aveugle passait le pas de ta librairie. Si elle cherchait de la lecture en braille elle allait être déçue, tu n'en avais aucune. Il faudrait vraiment que tu en commandes, après tout même les personnes ne possédant plus un des cinq sens avaient également le droit à la lecture. Avec une voix bienveillante, tu continuas : "Souhaitez vous un thé ou une pâtisserie ?"

Au départ, le silence ponctua ses salutations, ce qui signifiait pour l’aveugle qu’il n’y avait personne dans la boutique. Elle resta donc à sa place, quelques secondes suspendues, faisant un pas ou deux en vérifiant bien le périmètre avec sa canne, sans trop s’avancer. Quelqu’un lui répondit ensuite, signe qu’elle n’était pas seule finalement, et qu’elle n’avait pas parlé dans le vent. La personne enchaîna avec des excuses, par rapport à sa cécité, que Saoirse balaya d’un sourire jovial. Elle n’avait pas à s’excuser, son temps de réaction n’était pas si long et surtout, elle n’aurait pas pu le deviner. La rouquine supposa qu’elle n’avait tout simplement pas été dans son champ de vision. « Pas de problème, voyons. » sourit-elle, avant de sursauter légèrement quand son interlocutrice la prit doucement par le bras. Elle l’avait sentie proche mais pas à ce point, et sans qu’on la prévienne, c’était surprenant de se faire toucher sans pouvoir l’anticiper visuellement. Ses amis le faisaient parfois, parce qu’ils avaient l’habitude et elle aussi, et uniquement quand c’était nécessaire. Et puis, quand on avait pas l’habitude de traîner avec une personne sans yeux, il y avait tout un tas de réflexes auxquels on ne réfléchissait pas. « Oh, je ne savais pas que vous étiez une librairie qui proposait aussi cela. C’est super ! Ce n’est pas de refus, du coup. » s’enthousiasma Saoirse, agréablement surprise. Elle avait l’impression que des salons de thé et de petites douceurs, y en avait des tas, à Bowen. Dès qu’elle entrait quelque part, c’était ce qu’on lui proposait. L’Irlandaise saisit plus fermement sa canne et posa sa main sur l’arrière du haut du bras de ce qui semblait donc être la propriétaire, supposant que cette dernière allait l’emmener vers une table. C’était la meilleure façon pour elle de se laisser guider, c’était moins insécurisant que se faire tirer par quelqu’un et ça lui laissait plus de marge de manœuvre. En tout cas, c’était comme ça qu’on lui avait appris, au début de sa cécité.

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