Do your best and forget the rest (Charles)

Depuis qu'il était venu s'installer à Bowen, Mateo tournait un peu en rond. Lui qui s'était habitué à la vie trépidante en voyageant de villes en villes, en s'entraînant pendant de longues heures se trouvait ici bien vite dépourvu. Cette ville était petite, très petite, trop petite. En réalité, il manquait surtout de repères, d'un boulot, de sorties qui lui donneraient une vie sociale. Il fallait qu'il se créé de nouveaux liens et qu'il sorte de sa tanière, où Netflix tournait à plein régime. En constatant cela, il s'était demandé ce qu'il pouvait faire. Et la réponse avait fini par arriver naturellement : le tennis. Il était bon pour cela et coup de chance : Bowen avait son propre club de tennis. Là, il avait commencé à donner des cours aux plus petits, ce qui était un point fort pour le club. Avoir un grand joueur comme professeur donnait beaucoup plus de visibilité au petit club bowenien. Finalement, tout le monde était content.

« A la semaine prochaine, les loulous ! » dit joyeusement Mateo aux six petits qui avaient assisté au cours ce soir. Un sourire se dessina sur ses lèvres quand l'un des petits vint l'entourer de ses bras en le saluant. Qui aurait pu croire que Mateo ait la cote auprès des petits, alors qu'il avait laissé tomber sa propre fille... Il s'était étonné lui-même. Quand tous les petits quittèrent le court, Mateo resta sur le terrain et récupéra sa raquette. Depuis qu'il avait arrêté sa carrière, il ne jouait plus vraiment et cela lui manquait. Il s'amusa à taper quelques balles avant que son regard ne se pose sur un jeune homme qui s'apprêtait probablement à jouer. Mateo lui adressa un léger sourire, lui lançant poliment : « Je vous laisse le terrain. » Alors qu'il s'apprêtait à poser sa raquette, il reposa son regard sur l'homme et demanda : « A moins que vous ne veuillez jouer contre moi ? » Qui ne tentait rien n'avait rien...

L’une des premières choses qu’il avait fait quand il a décidé de s’installer à Bowen a été de vérifier la présence d’un club de rugby. Même si Charly ne doutait pas qu’il y en ait un, comme dans presque toutes les villes d’Australie, il aurait pu annuler sa venue si ça n’avait pas été le cas. Il pratique ce sport depuis qu’il est tout petit et que ses parents ont trouvé ça comme seul moyen de canaliser son énergie et son côté bagarreur. Ça lui a appris la discipline et à rester plus calme. Mais en dehors du rugby, il pratique également le tennis. Les deux sports n’ont rien à voir mais il les aime tous les deux, même s’il a une préférence pour le premier, comme en atteste sa carrure, ressemblant davantage à celle d’un rugbyman qu’un tennisman. Il est déjà venu plusieurs fois au club et s’est inscrit à un cours hebdomadaire histoire de faire un peu connaissance et trouver des partenaires de jeu. Parce que oui, le tennis tout seul ce n’est pas très pratique, même si ça se fait, notamment pour s’entraîner à faire certains exercices. Il est arrivé un peu tôt pour son cours et personne n’est encore là. Sur le chemin vers le court il croise même des enfants qui viennent de finir leur cours, il les salue et sourit, un peu nostalgique que dans le lot il n’y en ait pas un à lui. Le jeune homme se dit qu’en attendant il pourra s’entraîner avec le lanceur de balles ou faire d’autres exercices qui ne nécessite pas de partenaire. En arrivant il se dirige directement vers un banc pour poser ses affaires, ne faisant pas attention au fait que le court n’est pas vide. Une voix lui dit qu’il lui laisse le terrain, avant de lui proposer un petit match, si le cœur lui en dit. « Oh oui pourquoi pas. » répond-il sans relever la tête, finissant de faire ses lacets. Lorsqu’il relève la tête et découvre son adversaire, il ne peut s’empêcher de s’exclamer « Oh bordel ! » En temps que pratiquant et fan de tennis, il connaît forcément Mateo Lima, grand joueur de tennis ayant pris sa retraite il y a peu. « J’ai aucune chance ! » dit-il en riant. Charly est un grand compétiteur, il déteste perdre et est en général prêt à tout pour gagner mais là il faut bien avouer qu’il faudrait un miracle pour qu’il l’emporte. Il n’a pas un mauvais niveau mais il n’est clairement pas à la hauteur d’un ancien professionnel.

Après le cours donné aux plus petits – la relève, comme il aimait tant le dire – Mateo avait traîné sur le court de tennis. Il s'amusait surtout à faire rebondir la balle, à improviser quelques services avant d'aller récupérer les balles. Il était surtout pris d'une vague de nostalgie, qui lui rappelait à quel point il avait aimé faire ce sport. Même s'il lui avait couté sa vie personnelle. Mais tout seul, c'était moins intéressant, aussi envisagea-t-il de quitter le terrain quand un jeune homme arriva au loin. Peut-être attendait-il quelqu'un pour jouer. S'avançant jusqu'à lui pour récupérer ses affaires, Mateo se jeta à l'eau et lui demanda s'il voulait jouer avec lui. La réponse positive du jeune homme fit sourire le tennisman. Sourire qui s'élargit encore plus quand son futur adversaire releva la tête et le reconnut. Mateo se mit à rire face à ce 'bordel' sorti du cœur. Parfois, il occasionnait ce genre d'exclamation, oui. Mais quand le nouvel arrivant affirma qu'il n'avait aucune chance face à lui, le brun secoua négativement la tête. « Bien au contraire ! Ça fait huit mois que je n'ai pas fait un seul match. Je suis clairement rouillé. » Il garda son sourire sur les lèvres. Il n'exagérait pas. Huit mois sans faire de tennis affectaient forcément son niveau. Bien sûr, il avait encore ses techniques et ses tours de passe-passe, mais il avait quand même pris un sacré coup de vieux, physiquement parlant. Il avait sans aucun doute perdu en endurance. « Mateo » dit-il au jeune homme, lui tendant la main pour faire les présentations comme il se devait.

L’esprit de compétition de Charly en pris un coup lorsqu’il réalisa qui était son adversaire. Pas un gars lambda qu’il aurait pu battre ou avec qui le match aurait pu être serré, non plutôt un type qui a joué contre les plus grands et qui le battra à plate couture sans l’ombre d’un doute. Le jeune homme tente de le rassurer en lui disant que cela fait plusieurs mois qu’il n’a pas pratiqué, qu’il n’a plus son niveau d’avant sa retraite mais Charly n’est pas dupe. Il est sûr que même aujourd’hui un John McEnroe de soixante ans le battrait sûrement. Il n’est pas nul, non il pratique le tennis depuis de nombreuses années mais il est loin d’avoir le niveau d’un joueur international, même un à la retraite. Malgré tout il ne peut s’empêcher de voir ça comme un défi, il risque de finir bien frustré de ne pas avoir réussit à marquer de points. Il pourra toujours essayer de prendre sa revanche au rugby. Il ne sait pas ce que vaut son adversaire dans ce sport mais il est presque sûr de le battre. Même si les joueurs de tennis ont un physique puissant, il est moins imposant que celui d’un rugbyman donc à part courir en esquivant les joueurs, il n’y a pas beaucoup d’autre option. « Je pense qu’il vaudrait plus que huit mois pour que j’ai ma chance. » déclara-t-il avec un rire. Mateo s’approcha de son futur adversaire en se présentant et en lui tendant la main. « Je crois que c’est plutôt à moi de me présenter. Charly. » répondit-il en attrapant la main du jeune homme, se disant que c’est quand même sacrément classe de côtoyer un joueur de son niveau.

Il était là le problème. Quand on voyait Mateo, on s'imaginait de suite n'avoir aucune chance de le battre. Mais n'oublions pas que le tennis est un sport et que chaque match de sport peut provoquer la surprise générale. Oui, il avait joué dans la cour des grands, il avait eu de belles victoires mais il avait aussi eu des défaites là où on le pensait pourtant être gagnant. C'était la joie du sport et c'était ce qui l'avait toujours passionné et poussé à garder la tête froide. Alors, lui était plutôt serein face à cet homme qui pensait avoir déjà perdu. Mateo tenta de le rassurer, en rappelant qu'il était désormais à la retraite et donc un peu rouillé, mais cela ne sembla pas convaincre le jeune homme. « Huit mois à faire moins de sport, je peux assurer que ça joue sur l'endurance. » Il ajouta ensuite : « Et puis, je viens de sortir d'1h30 de cours avec des petits de neuf ans, je suis épuisé. » Il rit joyeusement. En réalité, il avait juste envie de s'amuser, de jouer au tennis sans prise de tête. Il se présenta donc au jeune homme, esquissant un sourire à ses mots. « Eh bien enchanté, Charly ! » dit-il en lui serrant la main. Il s'installa sur le banc afin de refaire ses lacets et serrer correctement ses baskets afin que cela tienne bien ses chevilles. Lui qui s'était fait plusieurs entorses n'avait clairement pas envie d'en ajouter une autre sur sa longue liste. Il releva le regard vers Charly et demanda : « ça fait longtemps que tu joues au tennis ? »

Charly ne s’imaginait pas battre un champion tel que Mateo, même retraité depuis plusieurs mois, même rouillé comme il disait. Surtout que le tennis n’est pas son sport principal à lui donc forcément il l’a toujours moins travaillé et a eu moins comme objectif la performance. Même si en temps que compétiteur il a toujours un peu voulu gagner, que ce soit en sport ou pour ses procès. Là ça serait beau de gagner contre un ancien professionnel mais il préfère se convaincre que ça ne vaut pas le coup de s’imaginer une possible victoire plutôt que de s’énerver et finir frustré. Une fois de plus Mateo essayait de montrer qu’il n’était pas à son meilleur niveau mais il en faut un peu plus pour que Charles s’imagine avoir une chance. « Je pense pas que ça suffise mais on verra bien. » Il se présenta à son tour, lui étant davantage l’inconnu que l’inverse. Et puis en dehors de sa notoriété, il avait pu entendre parler du tennisman par Jean, avec qui il a été en couple fut un temps. Il lui demanda ensuite s’il pratique le tennis depuis longtemps. « Depuis que je suis enfant, mais ça a toujours été en loisir, mon sport c’est plus le rugby. » Aucun doute qu’il le laminerait sur la pelouse d’un terrain de rugby. « Je n’ai pas besoin de te retourner la question. » Il suffit d’aller sur wikipedia pour avoir la réponse. Mais il imagine mal qu’un joueur de son niveau ait commencé tardivement.