just call this what it is, we don't pretend it's real (tiffany)

Elle riait, elle semblait parler au vent, parler au vide, mais t’avais rapidement repéré le téléphone porté à son oreille, sa délicate main le tenant en place. Tu ne savais pas à qui elle parlait mais en tout cas, ce sourire-là n’avait pas été adressé à ta personne depuis belle lurette. Tiffany Sawyer, ton ancienne colocataire, une ancienne fréquentation aussi, avec qui t’avais hurlé sous la pleine lune lors de nuits franchement chaudes, et pas que parce qu’il y avait parfois eu des canicules dehors lorsque vous aviez vécu ensemble. Des canicules, y’en avait eu entre vous deux, aussi. Puis, elle avait déménagé, toi t’avais continué ta vie, tu pensais avoir des nouvelles d’elle de temps en temps mais tes sms s’étaient toujours retrouvés sans réponse. T’avais lâché prise. Ça n’avait jamais été ton genre de t’accrocher, encore moins si on ne te donnait aucune raison de le faire. Clairement, Tiffany avait passé à autre chose. Amoureusement, t’en avais rien à foutre, vous n’aviez jamais passé ce stade-là dans votre relation, pas de je t’aime, pas de battements de cœur accélérés en voyant l’autre au détour d’un coin de rue. Elle avait été une douce parenthèse dans ta vie sentimentale plutôt changeante. Amicalement, t’avais trouvé dommage qu’elle te coupe de sa vie sans prévenir. T’avais pas cherché à comprendre plus loin que ça. Life is life.

Mais en la voyant, toute souriante, allongée sur sa chaise longue légèrement redressée, t’avais eu un besoin urgent de comprendre. Pas parce que ton égo était heurté, pas parce qu’elle te manquait – pas nécessairement -, mais juste parce que tu ne pouvais juste pas te contenter de passer à côté d’elle et de faire comme si elle n’avait jamais fait partie de ta vie. C’était peut-être son genre, mais pas le tien. Elle était toujours au téléphone mais tu allas tout de même t’asseoir sur la chaise de plage à côté de la sienne. Tu ne fis que ça, t’asseoir, de côté, les pieds dans le sable, lui faisant face. Tu joignis tes mains entre tes cuisses écartées, et tu la regardas, un sourire presque imperceptible sur les lèvres. T’attendais.

La vie avait repris son cours normalement, comme si ton accident n’avait jamais eu lieu. Tu avais repris ton travail, à temps plein, tu avais repris le sport un peu plus poussé et tu avais l’impression de revivre. Même si certains pans de ta vie étaient toujours à l’arrêt comme ta relation avec Aaron. Depuis le lendemain du mariage de Jeff, il ne s’était pas passé grand chose pourtant tu avais tellement bu ce soir là que tu avais lâché quelques éléments pouvant faire avancer les choses. Visiblement non. Allongée sur une chaise longue, tu profitais du soleil et d’un moment au téléphone avec Ivy, pour prévoir les fêtes de fin d’années, une personne venait s’asseoir à côté de toi. Sentant un regard posé sur toi, tu tournais la tête pour découvrir un visage familier. « Je dois te laisser Ivy, on se rappelle plus tard ... Ciao bella ! » disais-tu à ta chère cousine avant de raccrocher et de t’asseoir. Tu avais l’impression de voir un fantôme, mais c’était peut-être parce que tu avais décidé de le chasser de ta vie du jour au lendemain sans lui donner la moindre explication. Encore un qui n’avait pas vu les choses arriver. Tu avais simplement pensé que tu ne lui devais rien, vous passiez du bon temps ensemble mais vous n’étiez rien pour l’autre. Tu l’appréciais mais visiblement pas suffisamment pour faire les choses correctement. Et après tu te demandais parfois comment tu faisais pour n’avoir personne dans ta vie qui reste assez longtemps. Tu ne pouvais t’en prendre qu’à toi-même. « Bonjour Oz ! » finissais-tu par lâcher, avec un léger sourire sur le visage, pour répondre au sien. « Ca fait longtemps.. Comment vas-tu ? » demandais-tu curieuse de savoir ce qu’il devenait depuis la dernière fois, qui devait remonter à presque deux ans maintenant. Tu t’étonnais de ne l’avoir jamais recroisé avant et de l’avoir mis si facilement de côté.

Dès que Tiffany leva les yeux vers toi, tu vis dans son regard une étincelle lui parcourir les iris. C’était le regard d’une personne qui reconnaît un ami lointain, qu’elle avait peut-être oublié, laissé dans le passé. Tu maintins son regard, esquissant un faible sourire en l’entendant mettre fin à son appel à sa cousine. Tu baissas momentanément le regard vers tes pieds enfouis dans le sable pendant qu’elle raccrochait, avant de relever la tête vers la blonde qui s’assit sur sa chaise, te faisant face. Tu la scrutas du regard, un sourcil plus élevé que l’autre, voulant sonder son âme, chercher les réponses que t’avais jamais eues parce qu’elle n’avait jamais daigné te les donner. Ouais, de la revoir aujourd’hui, ça te faisait réaliser que cette coupure sèche et inattendue t’avait heurté plus que tu ne l’imaginais. « Bonjour, Tiffany. » Répondis-tu à ton tour, un léger sourire sur ton visage, toi aussi, même s’il semblait un peu plus forcé que celui de la blonde. Tu ne savais pas toi-même comment tu voulais vivre ce moment-là, alors c’était difficile de l’exprimer sur ton visage. « Ouais, ça fait longtemps. Difficile de croire qu’en plus de deux ans on ne s’est jamais recroisés. On dirait presque tu m’as évité tout ce temps-là. En sms comme en personne. » Lui reprochas-tu sans pour autant avoir de haine dans la voix. T’étais pas fâché contre elle, même si t’en donnais clairement l’air, là. T’étais juste déçu, et curieux de savoir pourquoi elle avait décidé de passer à autre chose du jour au lendemain. Tu pouvais comprendre qu’on veuille se défaire de certaines relations, au cours d’une vie. Tu ne pensais pas que deux personnes étaient nécessairement faites pour suivre le même parcours des années durant. Ce que tu ne comprenais pas, c’est qu’elle n’ait pas eu le courage de te le dire, qu’elle était rendue ailleurs. « Je vais bien. J’ai quitté la coloc’, moi aussi, depuis le temps. J’t’en informe si jamais il te prenait l’envie d’venir prendre des nouvelles, tu m’y trouveras pas. » Oh, right, si elle n’avait pas essayé dans tout ce temps, il y avait une raison. « Et toi, comment vas-tu ? » Lui demandas-tu en retour.

Le voir en face de toi remontait tous les souvenirs des moments que vous aviez pu avoir à deux. C'était des souvenirs doux, précieux que tu ne revivrais probablement jamais. Et en même temps, ce n'était pas ce que tu voudrais pour maintenant. « T'es pas le seul que j'ai mis de côté. » avouais-tu simplement, mais ce n'était pas cet aveu qui changerait les choses pour lui. Il n'en avait sûrement rien à faire des autres, ce qui comptait pour lui, c'était ce qu'il avait vécu. Tu sentais bien qu'il te faisait comprendre que tu avais merdé dans le passé et qu'aujourd'hui, tu avais la possibilité de t'expliquer. Tu te pinçais les lèvres, sentant son regard te scuter, comme si essayait de sonder ton âme. « Si je l'ai pas fait avant, y a peu de chance que je le fasse maintenant. » Ce n'était toujours pas les bons mots à dire. Tu étais vraiment peu douée pour présenter tes excuses mais tu t'étais très rarement prêtée à ce genre d'exercices. Tu avais déjà eu du mal avec Aaron et pourtant, Aaron, tu tiens à lui, plus que tu n'as pu tenir à Oz dans ton existence. Dans le fond, tu te rendais compte que tu n'étais pas vraiment une bonne personne pour ce genre de relation. « J'te présente mes excuses Oskár. J'avais pas prévu de disparaître de ta vie comme ça. » Ton accident était survenu du jour au lendemain et à part Aaron, tu avais essayé d'éviter un maximun ton entourage. Même ta famille. « Je vais mieux, j'ai.. » C'était la première fois que tu allais en parler à quelqu'un qui n'était pas au courant. Peut-être qu'il l'a su, peut-être qu'il a essayé de te contacter mais puisque tu avais décidé de faire la morte avant de partir six mois à l'étranger. « J'ai eu un accident d'escalade qui m'a poussé dans un fauteuil roulant et j'ai passé pas mal de temps enfermée à déprimer. Et après je suis partie un peu plus de six mois à l'étranger sur un coup de tête. » Ton regard n'avait pas quitté le sien, tu ne cherchais pas à avoir sa pitié, ni même sa compassion, s'il était toujours face à toi, c'était pour avoir la vérité et tu la lui donnais sans artifice. « J'aurais dû te parler de tout ça plutôt que de me couper du monde entier mais pour être honnête, ce n'est pas mon fort, c'est plus simple de fuir et de se dire que l'autre finira par oublier. » Ton honnêté te troublait, tu avais l'impression que ce n'était pas si difficle pourtant, tu avais peur d'être maladroite et de faire pire que mieux. Tu n'allais pas tarder à le savoir, son ton et sa réponse te diront si ça lui convienait ou non.

Encore heureux, que tu ne sois pas le seul. T’avais pas l’impression d’avoir fait quelque chose de mal, pas l’impression d’avoir toi-même pris tes distances, provoquant le retrait de Tiffany de ta vie. Si t’avais été le seul à subir sa fuite, t’aurais trouvé ça franchement injuste qu’elle ne daigne même pas t’exposer tes torts. Enfin, injuste, tu trouvais déjà que ce l’était, cette manière d’être partie de ta vie comme une voleuse. Mais au moins, elle avait fait ça auprès de plusieurs personnes, ce qui signifiait que le problème venait d’elle. Tu te demandais vraiment ce qui avait pu arriver pour qu’elle coupe autant de liens – et tu t’étais posé la question à quelques reprises depuis le temps, quand sa silhouette revenait dans tes pensées. « Mis de côté, on dirait que tu dis ça comme s’il s’agissait juste d’objets qu’on s’attend à pouvoir reprendre plus tard. » Déclaras-tu simplement, les sourcils encore légèrement froncés. T’avais plus ton sourire en coin. Autant tu ne voulais pas laisser ça t’affecter, autant son indifférence à elle venait te chercher en-dedans. « Ouais, j’me doute. » Dis-tu à propos de ton changement d’adresse et le fait qu’elle ne viendrait probablement pas te rendre visite maintenant. D’ailleurs, elle ne te demanda même pas où t’étais, maintenant. Réveille, Ozzie, elle n’en avait rien à faire de toi. Tu ne savais pas non plus pourquoi t’en avais tant à faire d’elle, actuellement. Néanmoins, Tiffany te présenta ses excuses. « Qu’est-ce qui s’est passé, alors ? » Demandas-tu quand elle t’affirma que cette coupure n’était pas prévue. Elle t’apprit alors qu’elle avait eu un accident d’escalade, qu’elle s’était retrouvée en fauteuil roulant. T’en avais aucune idée. Tiffany et toi, vous n’aviez pas vraiment d’amitiés communes. Tu ne connaissais pas grand monde de son entourage. De toute façon, si elle avait disparu de la vie de tout le monde, sans doute n’étais-tu pas le seul à ignorer cette information pourtant importante.  Machinalement, tu regardas ses jambes qui, aujourd’hui, semblaient guéries. Elle était même partie plus de six mois à l’étranger. « J’sais pas quoi dire … » Commenças-tu en haussant les épaules. « J’veux dire … Je suis désolé pour ton accident. J’savais pas – comment j’aurais pu savoir ? Mais t’as l’air d’être bien rétablie, tant mieux. » Déclaras-tu avant de pousser un soupir presque inaudible. « Mais de penser que j’allais juste oublier, c’était pas très malin. J’suis passé à autre chose, t’en fais pas, mais oublier ? Non, j’me suis toujours demandé pourquoi t’avais fait ça, même si ça me hante pas matin et soir, quoi. »

Oz semblait peiné des mots que tu utilisais, tu lui avais déjà dit que tu manquais de tact, que les mots ce n’était pas ton fort alors tu savais que plus cette conversation avancerait, plus tu risquais d’être maladroite. « C’est vrai que dit comme ça, c’est pas très joli mais c’est ce que j’ai ressenti, j’ai simplement laissé les relations là où elles étaient comme on range un carton dans un placard et qu’on ne l’ouvre plus jamais pour éviter de tomber dessus. » Bien souvent parce qu’il était rempli de souvenirs qu’on voulait oublier, d’objets qui pouvaient nous faire du mal si on les retrouvait. C’était un peu ce que tu vivais en étant face à lui puisque le revoir te renvoyait au visage tous les bons moments que vous aviez pu vivre ensemble mais aussi le mauvais comportement que tu avais eu avec lui. Tu avais fini par tout lui avouer, l’accident, la convalescence, ton échappée, et enfin l’opération qui t’avait permis un retour à une vie normale. « Ne le sois pas, j’ai tout fait pour que ça ne se sache pas vraiment, alors forcément, personne n’aurait pu le deviner. Je ne voulais pas qu’on me prenne en pitié, qu’on me voit différemment.. » Tu t’étais toujours battue pour donner l’image d’une femme forte, d’une femme indépendante qui n’avait besoin de personne, qui n’avait pas besoin de se reposer sur les autres alors forcément, quand tu t’es retrouvée en fauteuil, cette image de toi allait voler en éclats et tu avais simplement cherchée à te protéger. « J’ai jamais prétendue être maligne, j’me suis simplement dit que ça serait plus simple pour moi, j’ai pas vraiment pensé aux autres dans ce moment là. C’est d’ailleurs pour ça que je m’excuse aujourd’hui, j’aurais du prendre en compte tes sentiments. » Même si c’était un peu tard, lui au moins avait eu le droit à la vérité, il pourrait tourner la page et ne plus se sentir hanté par le fantôme de votre relation puis de ta soudaine disparition. C’est lui qui avait raison dans toute cette histoire, même si c’était dur à entendre, peut-être qu’il serait temps pour toi de faire une tournée de mea culpa auprès de tout ceux que tu avais blessé. Tu avais commencé par Aaron, parce que tu l’aimais et que son absence était notable mais tu devrais le faire avec les autres. « Mais puisque je suis partie comme une voleuse, je ne me voyais pas revenir comme une fleur par la suite. » avouais-tu doucement, une petite moue sur le visage.

T’étais pourtant pas le mec qui était reconnu pour avoir énormément de tact non plus. Tu disais les choses telles qu’elles étaient alors tu ne pouvais pas vraiment en vouloir à Tiffany d’agir de la même manière. Ce qui te touchait au fond ce n’était pas tant les mots utilisés ni la façon de l’aborder, non, le fond du problème c’était sa réaction à l’origine. D’être juste partie. Si elle t’avait dit à l’époque qu’elle coupait les ponts et qu’elle n’avait pas envie de t’expliquer pourquoi, t’aurais pas insisté. Ce qui était merdique c’était d’avoir été trop lâche pour avertir qui que ce soit qu’elle se fermait au monde entier. Qu’elle parle comme si t’étais un objet, tu pouvais t’en remettre, mais c’est qu’elle t’avait véritablement traité comme si t’en étais un, en te tassant de sa vie. « C’est du gâchis d’espace. » Lâchas-tu à propos de ce placard imaginaire dans lequel elle avait rangé ses relations. C’était une métaphore, tout ça, et tu la réutilisais pour lui faire comprendre que si elle avait fait le ménage dans ses cartons plutôt que de les cacher derrière une porte close mais bel et bien existante, probablement que tout le monde aurait davantage eu une paix d’esprit. Elle y comprise. Tiffany t’expliqua la cause de cette disparition soudaine : un accident qui avait failli tout lui coûter, l’usage de ses jambes surtout. Elle s’en était heureusement remise. Tu hochas la tête alors qu’elle ajouta ne pas avoir voulu être prise en pitié. Tu ne pouvais pas trop juger, tu ne savais pas comment tu aurais réagi à sa place. Peut-être exactement comme ça. Mais de penser que les gens pourraient juste l’oublier ? C’était trop facile. « Ouais, c’était pas mal égoïste. Mais j’imagine que dans une situation aussi extrême, c’est justifié de ne penser qu’à soi … momentanément. Sauf que tu vas mieux maintenant … tu prévoyais juste repartir à zéro en habitant dans la même ville ? Fallait bien t’attendre à me recroiser, moi, ou d’autres … » Elle t’avait ensuite répondu qu’en partant comme une voleuse, elle se voyait mal revenir comme une fleur. Tu haussas les épaules. « J’pense que c’est toujours bien mieux que de continuer ta vie en parallèle, juste à côté, comme si ça n’avait jamais compté. Et j’dis ça pour les autres, t’sais. Moi, j’me remettrai de ce feeling de ne pas avoir été si important que ça. » Sur le coup ça t’atteignait, mais t’allais pas en pleurer dès que tu lui tournerais le dos.

Pour lui c'était du gâchis, pour toi c'était tout autre chose. Tu n'aimais pas qu'on puisse te blesser, alors si tu devais choisir, c'était à toi d'être à la place de celui qui blesse. Et pour pouvoir faire ça sans être trop affectée, il fallait que les relations soient résumées à rien de très important pour ne pas en souffrir. Jamais. « On peut le voir comme ça, mais disons que je suis optiste.. Euh.. optimisée » Ce n'était même pas le bon moment. Tu devrais plutôt dire formatée. C'était comme ça et pas autrement. Tu avais beaucoup de mal à te défaire de ça, tu le voyais avec Aaron, tu avais ramé pour qu'il accepte de te laisser entrer à nouveau dans sa vie. Sûrement parce que pour une fois, tu ne considérais pas l'autre comme un objet dont tu pouvais facilement te passer. Son absence dans ta vie avait été un tel déchirement, tu en avais souffert et tu ne voulais pas revivre ça. « Disons que je n'ai pas réfléchi jusque là.. » avouais-tu, complètement honnête. C'était difficile d'avoir une conversation à coeur ouvert avec toi, la seule capable d'un tel exploit, c'était Ivy, ta cousine, parce que tu ne pouvais rien lui cacher. Et puis c'était la famille, elle serait toujours là pour toi, quoiqu'il puisse arriver entre vous. Avec les garçons, avec tes amis, tu avais toujours eu plus de mal à croire à 100% à une relation comme tu avais avec Ivy. Et maintenant que c'était le cas avec Aaron, tu comprenais que tu avais peut-être fait fausse route toute ta vie. Mais c'était difficile de défaire une croyance, difficile de changer et d'accepter d'être blessée. « Tant que ça n'allait pas, y avait aucune raison de voir les autres, c'était assez facile de rester enfermée chez soi à se morfondre. » Tu te mordais la lèvre une micro seconde avant de reprendre de plus belle. « Puis après j'ai fais un long voyage, quittée la ville plus de six mois et lorsque je suis revenue, je devais me faire opérer et rien d'autre n'avait d'importance. Et maintenant que ça va mieux, je me dis que ça fais plus d'un an que je fais la morte auprès des autres, qu'ils ont le temps d'oublier, de m'oublier et que je pouvais me fondre plus facilement dans la masse sans fauteuil roulant, ou courir assez vite pour prendre la fuite.  » Ta voix était lasse, tu haussais simplement les épaules, comme pour lui faire comprendre que tu subissais plus ton comportement qu'autre chose. Après tout, c'était ton mécanisme de défense, il avait toujours plus ou moins bien marché, alors pourquoi changer ? Et maintenant que tu le veux, tu ne savais pas vraiment comment t'y prendre. Peut-être qu'une consultation psy pourrait t'aider à passer ce cap, mais tu ne t'en sentais pas capable, comme si aller chez le psy, ça serait reconnaître que tu ne vas pas bien, que tu as des problèmes. Et tu en as, c'est certain, mais encore il faudrait pouvoir sortir du déni pour les affronter. Tu voyais un petit trou au loin à l'horizon mais il était encore bien loin et le déni était si doux. « Et pourtant, en te voyant, je n'ai pas eu la force de courir et je regrette même le comportement que j'ai adopté. Pourtant c'est trop tard, je ne peux pas rattraper le temps perdu, je peux simplement m'excuser et essayer de faire mieux les prochaines fois. Même si tout le monde ne me donnera pas forcément une seconde chance.  » Tu aurais pu partir comme une voleuse, il n'aurait sûrement pas essayé de te rattrapé et s'il l'avait fait, tu aurait pu crier comme une menteuse, à l'agression et il aurait été forcé de te lâcher, parce que tu le connaissais bien, jamais il ne te ferait de mal. Et une fois de plus tu aurais montré ton mauvais visage. Pourtant, tu n'avais pas eu envie de le faire, tu avais eu envie de te justifier, comme tu avais pu le faire auprès d'Aaron. Ce n'est pas pour autant que tu le ferais avec toutes les personnes que tu avais laissé derrière toi ces deux dernières années. « Mais je tiens à te dire que même si je ne l'ai pas montré, j'ai adoré les moments qu'on a passé ensemble, t'es un mec cool Oz, et je te souhaite d'être heureux. » C'était sincère. Tu aurais aimé être une autre version de toi pour vivre une relation sincère avec lui, il aurait pu te rendre heureux et l'autre version de toi aurait sûrement pu lui rendre l'appareil. Sauf que ton cœur avait été pris par un autre, qui ne le saurait sûrement jamais et dans tout ça, tu souffrais peu.

Si Tiffany arrivait à se convaincre que ses relations ne valaient rien pour elle, alors soit, mais c’était une existence assez malheureuse que de ne jamais s’attacher aux autres par peur d’être blessé ! T’étais peut-être pas si différent, en fait, surtout pour le côté amoureux, tu préférais garder les relations très superficielles pour ne pas risquer de tomber en amour. Mais ça se résumait à ça, à l’amour. Dans tes amitiés, tu t’investissais à fond quand tu le pouvais, tu sortais avec des amis à tous les soirs, tu leur faisais profiter de ton voilier dès qu’ils en avaient envie, tu te souvenais de chaque anniversaire et tu t’assurais de les souligner comme il se doit. T’étais généreux en amitié. Alors de voir le côté totalement opposé de Tiffany, qui t’avait oublié plus vite que vous vous étiez rencontrés, ça t’avait giflé. « Hm ? » Avais-tu simplement gémis, sans trop attendre de réponse ou de précision, quand Tiffany avait parlé d’être optiste ou optimisée. Tes sourcils s’étaient froncés mais vous étiez rapidement passés à un autre point de ce même thème. Tiffany était revenue dans la même ville après son absence fantôme. S’attendait-elle à reprendre sa vie à zéro en n’ayant aucun compte à rendre ? C’était ridicule, cette façon de pensée, la preuve tu la croisais ce matin et tu demandais des explications. Tu ne devais pas être le seul à vouloir comprendre, dans son ancien entourage. « Ouais, j’vois bien ça. Bah, prends notre rencontre d’aujourd’hui pour y réfléchir, alors, Tiffany, pour éviter de répéter l’erreur après d’autres, peut-être. » À moins qu’il soit trop tard, après tout tu ne savais pas depuis combien de temps exactement elle était là, peut-être qu’elle avait déjà revu tout son monde. Tu te demandais comment ils avaient réagi, eux. Est-ce que c’était toi qui exagérais ? T’en doutais, quand même. Tu te sentais tout à fait légitime dans ton ressenti. « Ça s’explique, ce genre de chose, par contre. En tout cas, moi perso’, si tu m’avais juste dit les grandes lignes et que tu m’avais demandé de respecter ton espace, j’l’aurais fait. Et ceux qui ne l’auraient pas fait au moins ça t’met au clair qu’ils te respectent pas. Là, t’en aurais fait un bon, ménage. » À la place, elle avait décidé de ne pas faire de tri et de faire passer tout le monde dans le tordeur. Tu ris, jaune, quand Tiffany parla de pouvoir s’enfuir en courant, au besoin. « Bon, si t’es encore dans ce mindset de prendre la fuite, alors ça sert à rien qu’on se parle, là. » Tu préférais mettre tes efforts ailleurs, dans une relation amicale qui allait dans les deux sens. Mais la blonde reprit en disant qu’en te voyant, non, elle n’avait pas eu la force de courir dans l’autre sens. Et que ta présence lui faisait même sentir des regrets par rapport à son comportement. « La fille que je connaissais était un fille cool aussi, Tiff’. J’espère qu’elle est encore à quelque part là-dedans, en d’ssous de tous ces mécanismes de défense à la con que tu t’es forgés. » Déclaras-tu. C’était peut-être cru  mais t’allais pas lui dire quelque chose que tu ne pensais pas, juste pour la déculpabiliser. « J’prends tes excuses mais j’pense qu’on peut continuer nos chemins chacun de notre côté, comme t’avais de toute façon prévu de le faire. » Si t’étais pas venu vers elle aujourd’hui, elle aurait continué sa petite vie et t’aurais continué à vivre dans l’ignorance. T’avais pas trop envie de t’imposer à elle, maintenant, peu importe qu’elle parle de regrets et de secondes chances. Tu connaissais ta valeur.

« Certes, mais je suis désolée de constater que c'est toi qui paie les pots cassés, c'est dur de s'en rendre compte avant.. » En même temps comment faire pour voir quelque chose lorsqu'à chaque fois que tu regardes dans la bonne direction, soit tu fermes les yeux, soit tu finis par les lever ou les baisser afin de ne pas avoir à constater la triste réalité. Un déni ce n'était jamais évident à vivre, d'autant plus quand on n'en est pas au courant. Tout le principe d'un déni quoi, et il n'y a que quand une personne vient te le mettre sous les yeux qu'il n'y a plus le choix que de les ouvrir et de le voir. Et aussi, tu n'avais plus la force de fuir, tu avais plus de trente ans, tu avais beaucoup couru dans ta vie et tu commençais à en avoir marre.  « Mais je n'aurais pas pu le savoir avant de t'en parler, de mon prisme, c'était plus facile de couper les liens avec tout le monde que de faire au cas par cas et de devoir lutter avec certains. » A l'époque tu n'en avais pas la force, ceux qui étaient venu chez toi avait fait face à une porte close, ceux qui t'avaient envoyé des messages n'avaient jamais eu de réponses, pareil pour ceux qui ont essayé de t'appeler. Il n'y avait qu'en allant voir tes parents, où ils auraient pu avoir une réponse sur le fait de savoir si tu étais encore vivante ou non mais pour ça, il fallait connaître leur adresse et très peu de gens avaient cette information. « C'est plutôt moi qui ait permis aux autres de prendre conscience que j'étais pas une super amie, amante ou quelque soit la relation. » Tu n'en étais pas fière, mais c'était trop tard de toute façon pour rattraper le temps perdu et agir autrement. De toute façon si tu devais revivre la situation, tu avais peur de faire la même connerie parce que tu n'aimais pas paraître si faible alors que tu te battais continuellement pour montrer l'inverse au monde entier. C'était peut-être ça le problème, il faudrait songer à trente piges de ne plus laisser l'image et l'avis des autres avoir autant d'impact sur ta vie. « En tout cas, j'aimerais bien la retrouver cette fille-là ! » Le fait de briser ton déni, de parler à coeur ouvert à Oz te donnait une piste pour l'avenir, si tu voulais retrouver le chemin vers l'ancienne Tiffany, qui n'était pas si parano et fermée, il faudrait passer par le chemin le plus long et le plus escarpé. Mais tu étais capable de le faire, faudrait juste penser à ne pas le faire seule et trouver les bonnes personnes pour t'accompagner dans tout ça. Sinon, ça serait sûrement voué à l'échec. « Tu as raison, mais au moins, la prochaine fois qu'on se croisera, j'pourrais venir te saluer sans me sentir mal, et mine de rien, c'est important d'avoir des relations saines. » Il mériterait que tu l'invites à sortir pour le remercier de ce qu'il venait de faire pour toi. Mais tu n'étais pas certaine qu'il en ait envie, en tout cas, peut-être pas maintenant. Quand tu aurais réussi à casser tes défenses, à retrouver la liberté qui te guidait dans le passé alors là, ça pourrait être une idée intéressante.

Tu haussas les épaules, peut-être que t’étais la meilleure personne pour récolter des pots cassés, en fait. T’allais pas lui lancer des regards noirs à chaque fois que tu la recroiserais. T’allais pas parler en mal d’elle auprès de toutes les personnes que vous pouviez avoir en commun dans votre vie. T’allais pas vouloir ruiner son existence tout ça pour un banal abandon. T’étais pas comme ça, Oskár, pas du genre à laisser la rancune dicter ta conduite. Tiffany poursuivrait son chemin et toi le tien, au pire. Ça ne changerait rien des derniers mois. La blonde pourrait réparer les pots cassés auprès des autres s’il y avait des dégâts. Les vôtres pourraient gésir au sol jusqu’à ce que le temps les fossilise. « On ne peut jamais savoir quoi que ce soit avant de faire le premier pas, le premier geste, pour initier la suite. C’est pas une raison pour ne rien faire du tout. » Ou pire encore, faire comme Tiffany et carrément reculer. Si elle s’empêchait d’aller de l’avant par peur des conséquences, parce qu’elle ne les savait pas d’avance, la blonde ne vivrait pas sa vie. Tu l’avais toujours vue comme une fille tellement téméraire, pleine de force et de caractère. Cet accident l’avait totalement changée, tu le constatais bien fort aujourd’hui. La jeune femme lâcha que c’était son comportement à elle, finalement, qui avait permis à son entourage de reconnaître qu’elle n’était pas une bonne amie. « Je peux pas te contredire là-dessus. » Avais-tu cruellement conclu, ne lui laissant aucune chance. T’avais pourtant essayé de te mettre à sa place et t’en avais même conclu que t’aurais peut-être agit exactement de la même façon. Et alors t’aurais été le pire ami possible. C’était dommage, un beau gâchis, tout ça, parce que comme tu le lui dis, Tiffany était une fille plutôt cool avant qu’elle ne tourne la page si rapidement. « J’aurais bien aimé aussi. Ne jamais la perdre, surtout. » Mais là, t’avais comme l’impression qu’il était trop tard, Oskár. Qu’un truc s’était brisé et que même si vous tentiez de vous rabibocher, il y aurait un morceau manquant, quelque chose de différent. Peut-être dans quelques années, lorsque l’eau aurait coulé sous les ponts, ce serait mieux. Tu le laissas d’ailleurs savoir à la blonde, qu’il était préférable pour vous deux de poursuivre vos chemins chacun de votre côté. « Bien sûr, hésite pas. J’ai peut-être pas été cool, là, tout de suite, mais je pense que tu peux comprendre ma position. Et ça n’enlève rien à ce qu’on a pu partager par le passé. » Tu esquissas un sourire, pour conclure cette discussion sur une note un peu plus douce, même si l’issue n’était pas si positive.

Ton regard ne quittait plus le sien, si au début ça avait été difficile de le soutenir, maintenant, tu étais heureuse de pouvoir le regarder dans les yeux, d'autant que tu lui avais offert des excuses sincères. « A t'entendre parler, ça tombe sous le sens.. » Et pourtant, dans ta tête, il y avait un mais. Un tout petit mais, qui finalement t'empêcher de te lancer, par peur. Et c'était une excuse assez nulle d'avoir peur mais c'était difficile de toujours se contrôler. Il était temps pour toi d'accepter de  t'ouvrir aux autres et prendre le risque d'être blessée, prendre le risque de perdre le contrôle sinon, tu finirais seule. Il n'y avait pas vraiment d'autre porte de sortie pour toi, ça ne pourrait plus fonctionner à sens unique. Tu en avais bien conscience, même si tu savais aussi que ce serait un travail d'introspection difficile et que tu aurais sûrement d'autres échecs avec d'autres personnes. Certains ne seront pas aussi bienveillant que lui. « Tu n'as pas été méchant non plus, c'est toujours désagréable de se prendre la vérité de plein fouet, sauf que c'est important, pour permettre de changer, de grandir et d'évoluer. » Si tout n'était que mensonge, les relations seraient vraiment horribles. Le monde n'en serait vraiment pas meilleure. Certes, il n'avait pas mâché ses mots en venant te voir alors que tu faisais l'autruche depuis des mois, mais sa démarche n'était pas méchante, il s'était inquiété pour toi et il avait eu besoin d'avoir une réponse là où tu avais fait silence radio. Aujourd'hui, tu avais accepté de laisser ta carapace de côté, de laisser la petite fissure s'agrandir. « Je dois filer, mais j'espère qu'on aura l'occasion de partager quelques moments dans l'avenir ! » Sûrement pas ceux comme vous avez pu vivre par le passé, mais simplement discuter, prendre des nouvelles, voir comment se passe la vie. Oz t'avait connu sous toutes tes facettes, ou en tout cas, c'était celui qui s'en approchait le plus alors vous ne serez peut-être pas ami tout de suite, mais dans l'avenir, tu serais heureuse de l'être et d'être une bonne amie. Tu te levais avec un large sourire, tu avais hésité à te pencher pour lui déposer un baiser sur la joue, mais finalement, tu t'étais abstenue. La distance entre vous avait été trop grande pour que tu te permettes d'être aussi proche. Et s'il avait voulu te repousser, il aurait eu raison. Au lieu de ça, tu partais plus légère, te retournant une dernière fois pour lui jeter un dernier coup d'oeil.

Fin