time won't wait past the moment (vega)

Bien sûr qu’Elmo serait triste si Vega quittait ce monde – en plus par sa faute, c’était un plan pour qu’il passe sa vie à se morfondre. Vega était un peu, beaucoup, son point d’ancrage à Bowen. Son point d’ancrage tout court. Quand il flippait, quand il errait dans sa propre vie, c’est elle qui le groundait, qui le ramenait à l’ordre, qui le remettait dans le droit chemin. Elle n’imaginait même pas l’impact positif qu’elle avait dans sa vie, et elle était l’une des seules belles influences de ce genre-là dans son entourage. Certes, il y avait le band, mais la musique avait toujours été pour Elmo une sorte de glissade vers le mal, en quelque sorte. Parce qu’il buvait avant et après les concerts, parce qu’il aimait rencontrer les filles dans les bars où ils se produisaient, parce qu’il se sentait tout puissant derrière sa batterie. Il se la jouait trop rockeur, et profitait de tous les avantages d’en être un. Ce n’était pas forcément sain. Bref, Vega était celle qui l’équilibrait le plus, et si un jour ils en venaient à ne plus être ensemble presque h24, il allait sûrement foncer tout droit vers sa propre perte, Elmo. Malgré toutes ces belles réflexions à propos de sa meilleure amie, cependant, aucun love story n’était en vue. « Ouais tu me l’avais fait comprendre à plusieurs reprises déjà. » Il rit. Il savait que sa colocataire le trouvait dégueu. Il ne se forçait pas trop pour déconstruire ça, non plus. « Trop bourré ça compte pas non plus du coup. Si je me souviens pas, c’est pas arrivé. » Ce serait une défense beaucoup trop facile dans des cas vraiment criminels mais pour Elmo ça passait, on va dire. Ce qui ne passait pas, c’était de devoir embrasser Vega en tout temps n’importe quand, pour convaincre le monde entier de leur mariage. « Bon au moins la case épouse jalouse et possessive, et demandante, on va pouvoir la cocher, tu l’as très bien ! » Elmo rit et se leva de table pour la contourner et aller faire un câlin à Vega. C’était aussi pour la remercier de s’embarquer avec lui dans cette histoire rocambolesque.

Si j’adore mon meilleur ami, je me gène pas non plus pour l’embêter et lui dire quand il a de la chance que je l’aime bien pour pouvoir manger n’importe comment devant moi ou laisser traîner ses affaires un peu partout. Il me le rend bien aussi. C’est comme ça qu’on fonctionne et qu’on a toujours fonctionné, on s’embête, on se taquine, on s’engueule comme un vieux couple marié depuis cinquante ans mais comme un vieux couple on est trop attachés l’un à l’autre pour que ça me saoule suffisamment pour arrêter de se parler. « Ah bon ? » Je demande toute innocente avant de rire. Il me dit que si on a dormi ensemble mais qu’il était bourré ça compte pas non plus. « Ouais ça compte quand ça t’arrange en fait ! J’suis bien contente de pas être ta copine. » Parce que bon s’il me trompe en étant bourré, qu’il oublie et qu’après il me sort cette excuse à la con, je le prendrais pas hyper bien. Être la copine d’Elmo c’est vraiment le mauvais plan. Devenir sa femme, encore pire, je m’engage vraiment sur un terrain glissant. Il me dit que je coche la case de l’épouse jalouse et possessive parce que je lui fais remarquer qu’on s’est pas fait de câlins depuis longtemps, ce qui est vrai. « Tu veux vraiment que je joue les épouses jalouses ? Ça me dérange pas….je trouverai ça très marrant. Mais toi tu risques de demander le divorce avant même qu’on soit mariés ! » Pour l’embêter je peux être une très bonne actrice et lui rendre la vie invivable. Mais malgré son air ronchon il se lève pour venir me prendre dans ses bras, ce qui me fait sourire. Je l’attrape pour le serrer contre moi. « Tu vois quand tu veux tu peux être mignon. »

« Fais pas genre tu te rends pas compte de toutes les fois où tu me juges ou m’insultes. » Et sur ce, Elmo prit un petit bout de l’oignon précédemment léché de tout bord tout côté, et le lança sur Vega. Il avait visé son visage mais il avait plutôt atteint son cou, tant pis. Il rit avant qu’ils ne parlent de partager le même lit, peu vêtu, ce qui s’était apparemment déjà produit mais dont ‘Mo n’avait aucun souvenir. Et pour lui, si ça n’existait pas dans sa mémoire, ça n’existait pas du tout. « J’en ai plus de copine alors tout le monde est content. » Lâcha le barista avec un léger rire avant de faire une petite moue. Tout le monde était content sauf lui, en fait, qui avait beau avoir eu plusieurs mois pour faire une croix sur sa relation avec Bella, il s’était toujours accroché à l’espoir qu’ils se rabibochent quand même. Surtout dans un décor aussi romantique Chamonix. Mais nan, aucune réconciliation en vue, c’est à peine s’ils se regardaient lorsqu’ils se croisaient dans la rue ou dans une activité touristique. Cela dit, si Vega se comptait chanceuse de ne pas être la copine du barista, il fallait se demander pourquoi elle avait accepté de le marier, même si ça n’était que sur papier. Ça impliquait quand même beaucoup de théâtre pour arriver à convaincre les agents de l’immigration. Faire semblant, ça se rapproche quand même pas mal de la réalité. Au moins Vega avait déjà quelques qualités pour que ça passe sans éveiller de doutes : jalouse et demandante. « Oh t’sais, j’ai enduré Bella pendant près de deux ans, je pense que je peux faire un effort si c’est pour pouvoir rester en Australie. » Certes, il était encore très attaché à la costaricaine, mais il était tout de même capable de souligner ses défauts. Leur relation avait été houleuse en raison de cette jalousie qui allait des deux côtés d’ailleurs. Le jeune barista se leva finalement de sa chaise après avoir terminé son assiette, pour en donner un vrai, câlin, à sa meilleure amie. « Ouais, ouais. » Lâcha-t-il, reprenant son air grognon, en se séparant de Vega pour regagner sa place. « Bon tu manges ou tu fais semblant ? » Elle était toujours plus lente que lui – pas difficile, me direz-vous.

Je lui adresse un air innocent quand il me parle de toutes les fois où je le juge et où je me montre pas forcément très sympa puis il me balance un morceau d’oignon pour se venger. « Hey ! » J’en profite ensuite pour lui balancer que l’excuse de je suis bourré je me souviens plus, ça ne fonctionnerait pas vraiment avec une vraie copine. Moi je m’en fous, il fait bien ce qu’il veut même si je me cautionne pas forcément tout, il n’échappera pas à mes leçons de morale, mais je sais que je ne suis pas irréprochable non plus. Je sens une pointe de tristesse quand il se rassure en disant qu’il n’a plus de copine. Son histoire avec Bella n’a jamais été simple et ce n’est pas la première fois qu’ils se séparent mais cette fois ça semble être bien terminé. Si depuis l’histoire avec Nikolaj je ne la porte pas dans mon cœur, je ne veux que le bonheur de mon meilleur ami même si cela veut dire être avec elle. « Tu auras bientôt une femme, c’est carrément mieux. » Je tente pour le faire sourire. Enfin, la femme en question c’est moi donc on ne peut pas dire qu’il soit vraiment gagnant puisque contrairement à une copine, on ne couchera pas ensemble. Quand on parle de jalousie, il évoque à nouveau Bella qui effective n’est pas la moins possessive des copines. Je n’ai pas envie d’être comme elle, surtout si ça rappelle à Elmo son ex. « T’imagines même pas ce que tu vas devoir faire pour me remercier du service que je te rends. » Je lui dis avec un sourire. La première chose étant de me prendre dans ses bras, sincèrement je l’espère. A peine ais-je dit qu’il est mignon qu’il se la joue mec sans sentiment. « Je sais que tu peux être cute quand tu veux, te peux pas me le cacher sous des aires de vieux mec grincheux. » Il s’en prend ensuite à mon assiette bien plus remplie que la sienne qu’il a fini d’engloutir. « Oh ça va, moi je mâche les aliments quand je mange, je savoure, pas comme toi ! »

Elle avait quand même le don de lui redonner le sourire, Vega. Il avait vu ses pensées se perdre vers Bella, ce qui lui arrivait pas mal ces derniers temps surtout depuis qu’il la savait ici à Chamonix, tout comme lui, mais qu’elle semblait tout faire pour l’éviter. Vega l’avait ramené. La preuve qu’elle le groundait. « T’as raison. Et quelle femme ! J’vais en faire, des jaloux. » Il ne blaguait pas là-dessus, Elmo, même s’il y avait toujours un peu une touche d’humour à tout ce qu’il disait. Il ne comprenait pas que sa meilleure amie soit encore célibataire. Elle était canon, intelligente, elle avait une tête sur les épaules, elle savait avoir du fun – la plupart du temps -, alors vraiment parfois il se demandait ce qui clochait. Lui, il pouvait comprendre. Il avait peut-être un physique pas trop mal mais il n’était pas très futé et pas vraiment boyfriend material non plus. Pas pour rien que Vega hésitait un peu à s’embarquer dans cette grosse mascarade ! « Fais-moi la liste, j’en ferai au moins la moitié. Je sais que tu ferais pas ça pour n’importe qui, et heureusement d’ailleurs, mais … Merci. C’est peut-être pas encore tout officiel et j’sais qu’il faut prendre le temps d’y réfléchir encore un peu mais … rien que de le considérer, déjà, c’est … Merci. » Lâcha-t-il avec un sourire gêné, parce que quand même, c’était gros ce qui était en train de se passer. D’ailleurs, dans ce même élan, Elmo se leva et alla donner ce câlin tant réclamé par son amie. Il renoua assez vite avec sa personnalité de bougon qui ne veut pas ouvrir son cœur, cela dit. « Viieeuuuux ? » S’indigna-t-il, comme si c’était la seule partie qui était une insulte. Le temps filait et Vega n’avait pas encore fini de manger, alors bien sûr l’italien s’impatienta devant son assiette à lui, qui était vide. « Y’a savouer et y’a être ultra lente. » En vrai il exagérait, ça ne le dérangeait pas plus que ça, il passait du temps avec Vega, c’était l’important.

Je balance mes cheveux derrière mon épaule avec un sourire satisfait face au compliment, honnête ou pas, de mon meilleur ami. Je ne sais pas si en m’ayant comme future épouse il rendre beaucoup de mecs et de femmes jalouses que je me sois éprise de lui mais quelque part j’espère un peu que ce soit le cas, ça voudrait dire que ma vie amoureuse n’est pas si désespérée. « Et moi je vais rendre jalouses toutes les petites étudiantes avec qui t’as pas encore couché. » Je lui réponds en riant même si je n’ai aucun doute qu’il ne se privera pas pour le faire. De toute façon ça correspond plutôt bien à ce qu’il montre aux gens, c’est typiquement le genre de gars coureur de jupons qui iraient tromper sa femme en prétendant travailler tard au bureau. Je suis sûre qu’il sait rester fidèle, la preuve avec Bella mais je pense pas qu’il le serait avec n’importe qui. Enfin plutôt je pense pas qu’il tomberait amoureux et se mettrait en couple avec n’importe qui. Il a pas le cœur facile à attraper. Je l’informe quand même que l’immense service que je lui rends implique qu’il a une énorme dette envers moi. Il me remercie et sa sincérité me touche parce que les déclarations du genre c’est pas franchement dans ses habitudes même si depuis qu’on se connaît à eu droit à quelques moments d’amour tous les deux, purement amical bien sûr, heureusement. « Je te fais ça dès ce soir. » Je lui réponds en souriant avant qu’il ne vienne me faire un câlin. Sur le vieux grincheux que je lui sors, c’est le vieux qui le choque le plus. « Tu seras toujours plus vieux que moi que veux tu ! » Je lui réponds en souriant, sachant très bien qu’il préfère être un jeune grincheux plutôt qu’un vieux sympa. Il s’intéresse au contenu de mon assiette, encore en partie remplie tandis que la sienne est vide et parfaitement propre. « Vas-y prend en un peu, je sais que t’attends juste une invitation de principe pour manger moitié de mon assiette. » Je lui dis avant de prendre une bouchée. Maintenant qu’il a l’autorisation de taper dedans, elle ne devrait pas tarder à se vider.

Elmo rit en voyant la chevelure de Vega revoler derrière l’épaule de la jeune femme, par fierté, par contentement, de ce compliment reçu un peu de nulle part. Il était capable d’être gentil, Elmo, quand même. Et de dire la vérité même quand ça lui demandait d’agir de manière un peu cucul comme ça. « Il y en a peu. » Lâcha l’italien à Vega en riant. Elle aurait du mal à en trouver, effectivement – bon, ok, il exagérait encore comme à l’accoutumée. La colocataire d’Elmo lui mentionna qu’il allait lui en devoir une, et point qu’une, en fait ! Beaucoup, pour accepter de le marier, pour l’aider à demeurer ici à Bowen. Il n’avait point envie de retourner en Italie, tout le contraire, donc il allait en effet devoir tout l’or du monde à Vega, de lui permettre de continuer la petite aventure qu’il vivait à Bowen. Il lui demanda de lui écrire ce qu’elle voulait pour qu’il la remercie comme il faut. Elle le lui ferait cette nuit – elle avait dit avant ça, or Elmo n’était point dupe, elle ferait ça pendant qu’elle n’arriverait point à dormir. « Deal. Merci. » Bon, merci, c’était un peu trop quand on apprend qu’il allait devoir exécuter la moindre envie de Vega. Il vint quand même lui faire un câlin, ce qui ajouta au remerciement en grand. Il reprit place à la table, là où il était une minute avant, et commença à être impatient devant le plat encore bien rempli de la brunette. Elle l’invita à piger ce qu'il voulait à l'intérieur du plat, au pire. Il n’attendit point davantage. « Enfin ! » Lâcha-t-il même, avant de plonger une main au centre du plat de Vega, pigeant un truc par-ci et par-là qu’il envoyait en bouche avec bien peu d’élégance. Elmo était rarement élégant, cela dit. Le plat vide, Elmo demanda : « Bon, on y va ? » Elle n’avait point eu de délai correct pour avaler l’ultime bouchée, Vega.

Je lève les yeux au ciel avec un sourire quand il me répond qu’il n’y en a pas beaucoup des étudiantes qui ne sont pas encore passées dans son lit. Elmo bourreau des cœurs ! Mais bon je me rassure, même si j’ai pas vraiment besoin de me rassurer de quoi que ce soit, en me disant qu’elle n’y passe une nuit parce qu’elles découvrent bien vite qu’après minuit le prince charmant n’a plus franchement rien de charmant. Avec moi ça fait bien longtemps que minuit est passé et que j’ai absolument plus aucun espoir de le trouver attirant à mes yeux un jour. Au moins une étudiante, ancienne étudiante aujourd’hui, qu’il n’aura pas mis dans son lit, l’honneur est sauf ! Il accepte en échange de l’immense faveur que je lui fais, d’en accomplir quelques unes des miennes à mon tour. Je n’ai pas franchement d’idées sur le moment et pas forcément envie non plus qu’il en accomplisse vu le boulet qu’il peut être parfois, si c’est pour compliquer encore plus mes problèmes je préfère encore me débrouiller toute seule. Je finis par lui donner mon assiette pour qu’il en mange une partie parce que sinon je sais que je vais avoir droit à un millier de commentaires d’ici à ce que je finisse mon assiette. Ce qui arrive plus vite que prévu puisque forcément Elmo c’est à peine s’il prend le temps de mâcher. « T’es sûr que tu veux pas encore un truc ? Parce que là t’as pas l’air rassasié. » Je lui dis pour l’embêter avant de me lever pour qu’on aille payer et partir pour découvrir un peu la ville.

fin