manifeste | Sash'

Depuis quelques jours, Maya n’était plus la même. Elle se posait des questions, ne comprenait pas pourquoi le monde partait en couille… et dans le fond, toi non plus. Tu lui répondais de vagues réponses attendues et convenues, que personne n’aurait pu croire, toi y compris. Putain, c’était quoi le projet ? T’avais honte. Honte du monde dans lequel ta fille allait vivre. Comme si tu y pouvais quelque chose. La société, c’était pas toi qui la faisais, tu ne pouvais que naviguer dedans au mieux, évitant les pièges. Et t’espérais donner des bagages suffisants à tes filles pour que jamais elles ne se fassent rouler.  
Comme à chacune de ses sorties de cours, tu l’avais entendue entrer, monter le volume de sa chaine hi-fi qui crachait à qui mieux mieux.
« Regarde la peur, les persuader qu'des étrangers vont v'nir dans leurs salons pour les remplacer
Regarde le désespoir, leur faire prendre des risques pour survivre là où on les a tous entassés... » T’avais beau savoir que ce n’était qu’une chanson, ces mots t’avaient retourné le bide. Tu hésitais quelques instants devant sa porte que tu t’apprêtais à ouvrir lorsque… pas besoin. Tu te retrouvais nez à nez avec ta fille, banderoles à la main. Tu ouvrais de grands yeux, surprise et lui lançais un regard interrogateur : « y’a une manif maman. On y va. Laisse moi y aller. C’est pour les droits des étudiants. Et pour tout le reste. » tout le reste ? Tu n’avais pas eu le temps de lui poser la question que déjà, elle était sortie. T’étais bouche bée. Enorme claque : ton bébé n’en était plus un . Mais hors de questions de la laisser partir seule. Lya déjà chez la nounou, tu appelais rapidement celle-ci pour lui demander de la garder encore quelques heures supplémentaires. Bien sûr, tu y mettrais le prix qu’il fallait. Chanceuse que tu étais, elle avait accepté. Tu restais un peu en retrait, ne voulant pas que Maya te grille et pressais le pas, pour ne pas la perdre du regard. Tu la retrouvais là, avec ses amis. Tu soufflais un coup. Au moins, elle n’était pas seule. Commençant à te tranquilliser, tu allumais une cigarette, avec laquelle tu t’étouffais lorsque tu la vis embrasser à pleine bouche l’un des manifestants. Nom de dieu, elle se foutait de toi !! il allait falloir que vous ayiez une sérieuse discussion à son retour. Le cortège commençait sa marche. Tu continuais de te rapprocher de ta fille. Tant pis pour la discrétion.
Au bout de quelques mètres, tu te surprenais déjà à scander avec ferveur des trucs nuls sur des ministres ou des dirigeants à la con dont tu connaissais à peine le nom. Bordel, ça faisait du bien de gueuler. Rapidement, tu te revoyais à l’âge de Maya. Pleine d’idéaux et d’espoir. Toutes les manifs que tu avais faites avec son géniteur et une pensée t’effleurait tout à coup l’esprit : à 18 ans on espère changer le monde, à 40, on essaie d’faire au mieux à la ronde tu te sentais vieille, à la veille de tes quarante piges, bientôt au placard.On t’attrapait par l’épaule. Ta vieille amie, Jade, t’avait reconnue dans le cortège, et te tapait la discute. Tu tentais d’abord de t’en extirper : Pas qu’elle te gênait, mais en toute honnêteté, là, t’avais que ta fille en vue. Pourtant, tu sentais qu’elle avait besoin de parler. Alors tu l’écoutais, avançant dans le cortège. De plus en plus, tu comprenais dans son discours les réelles raisons de cette manif. Si ta fille prenait ça comme un jeu, il en était tout autrement pour d’autres, comme Jade. Toi qui avais pris ça comme un exutoire, tu scandais de nouveau ces slogans que tu trouvais de moins en moins nuls, avec le recul. Plus de traces de Maya. Ton regard scrutait, en panique, le cortège, lorsque tu surpris l’un des potes de ta fille jeter un fumigène sur des CRS. Bordel, mais à quoi ils pensaient ??? Tu courrais en direction de Maya, en hurlant « Y’a les flics !! » mais un mouvement de foule te fit perdre l’équilibre « FOUS LE CAMP, MAYA ! » avais tu crié de plus belle avant de toucher le sol lourdement. Piégée par la foule, impossible de te relever. C’était donc ainsi qu’t’allais mourir ??

@sasha hartwig

Pourquoi diable j'avais eu l'idée de me foutre dans une manif' ? Ah oui c'est vrai... Mes élèves. Je n'étais pas vraiment leur prof, juste un intervenant de temps à autre mais quand ils m'avaient sortis - Hey Sash' on va a une manif' pour foutre le bordel et se faire entendre !, je m'étais senti comme... responsable d'eux. Après tout, je n'étais pas leurs parents, juste un intervenant comme ça pour leur apprendre à dessiner des planches de BD. Mais je les avaient rejoins, pour garder un oeil sur eux et peut être jouer l'objecteur de conscience si jamais ça venait à partir trop en couille. Parce que j'en ai vu des tas à la télé des scénario catastrophe dans des manif'... Des blessés, des morts ou des futurs taulards... J'avais laissée Rori chez Mamie Lee, hors de question d'emmener ma fragile petite fille dans une manif et j'avais rejoins mon groupe d'étudiant tous déguisé comme si ils allaient à la Gay-Pride. Pas que cela me dérange, tout le monde peut aimer qui il veut et être celui qu'il veut mais j'étais persuadé que c'était une manif' pour les droits des étudiants. Je restais en retrait, surveillant le petit groupe. Je les admirais pas mal quand même, moi à leur âge ma seule motivation a manifesté aurait été de pouvoir rater les cours, même si je ne doutais pas vraiment que certains le faisait pour cette raison enfin... On y a tous penser pas vrai ?

Alors que tout semble se dérouler au mieux, une agitation se fait sentir et les gens se pressent et se bousculent. Je me retrouve un peu malgré moi au milieu de tout ça alors que des CRS commencent à encerclé la foule. Un gamin balance un fumigène. Putain de merde. Ça s'agite, se bouscule je pousse mes étudiants vers la sortie de la foule pour qu'ils puissent se barrer. Le mouvement de foule s'intensifie et la panique s'installe. Je vois une femme tombé devant moi et tout le monde est prêt à la piétiner juste pour ne pas se prendre les représailles des CRS. Bordel... mais ils vont la tuer ! Je suis pris du syndrome de superman et je fonce poussant les gens qui s'apprêtais à lui marcher dessus. - Putain de merde, vous voyez pas qu'elle essaye de se relever ! Dégagez ! Je me baisse pour l'aider à se relever. - Accroche tes bras à ma nuque, je vais t'aider Je passe un bras autour de sa taille et l'attire contre moi pour la remettre sur pied puis je la tire hors de la foule, la serrant contre moi, une main sur son crâne pour la protéger des éventuels coups qu'elle pourrait prendre dans la panique. Une fois plus au calme, je l'assoie sur un banc et m'assure qu'elle va bien. - Est-ce que ça va ? Tu veux que j'aille te chercher un truc à boire ou à manger ? Je lui offre un sourire bienveillant, mon regard se pose sur elle et je dois dire que je suis un petit peu envoûter tout d'un coup... C'est qu'elle est jolie ma Loïs Lane.

t’aurais voulu mourir dans l’assemblée en panique, tu cherchais trace de ta fille, mais impossible d’y voir. Ni de te relever, d’ailleurs, tant le mouvement de foule était soudain. D’un cortège calme, sans histoire, presque plein de bonhomie, tu te retrouvais au milieu de la frénésie de la fourmilière grouillante, purulente. Ca sentait la sueur et la peur, le stress, la colère. Où étaient passées les convictions et la bonne volonté ? Où étaient passés les espoirs et les envies de changer les choses ? Balayés en quelques fractions de secondes par ce foutu attroupement de CRS. Tant bien que mal, tu essayais de te protéger. Grimaçais, lâchant un cri de douleur alors qu’on te marchait sur les doigts, et te roulais en boule pour essayer de sauver ta peau, les mains sur les oreilles. Protection de ta tête, de ton visage, mais surtout contre ce bruit dans ta tête qui se faisait de plus en plus sourd. Maya… mon bébé… j’veux mon bébé... beau bébé de dix-sept ans, tout était relatif, lorsqu’on était parent : elle aurait toujours cinq ans pour toi. Paniquée, totalement dépassée par la situation, tu pleurais, l’air commençant à te manquer : t’étais tétanisée. Désynchronisée de ce monde de barges qui t’entourait, tu n’as pas tout de suite réalisé que quelqu’un était venu à ton secours. C’est son ombre au dessus de toi qui t’avait fait ouvrir les yeux, totalement perdue. Ca y était ? Tout ça pour ça ? T’étais morte ? Tout était sourd, lointain. Tu voyais bien que ce pauvre gars tentait de te dire quelque chose mais tu ne comprenais rien. Perdue, fébrile, tu demandais, balbutiante : « … quoi ? »  son bras s’enroulait autour de toi. Surprise, tu lui lançais un regard interrogateur ; tu ne réalisais pas vraiment, mais ce contact était de ceux dont tu avais besoin à cet instant. D’une extrême douceur. Ton coeur ratait un battement, et tu manquais de tomber, désarçonnée. Puis, passais instinctivement tes bras autour de lui, que tu serrais le plus possible contre toi : t’étais terrifiée. ce n’est que quelques minutes plus tard qu’enfin vous aviez réussi à sortir de ce cauchemar. Assise à ses côtés, tu cherchais Maya, inquiète. Mais aucune trace de ta fille dans cette putain de foule. Où était-elle passée ?? « je vais bien… merci d’avoir volé à mon secours » lui répondais tu comme machinalement, ne réalisant toujours pas ce à quoi il venait de te faire réchapper à l’instant, avant de nicher ton visage dans tes mains, tentant de reprendre contenance. A sa proposition, tu secouais la tête, légèrement hagarde : « non… merci… j’veux juste retrouver ma fille… J’ai voulu lui éviter les flics… » et t’as soupiré, ton regard se perdant sur la cohue qui semblait se calmer peu à peu, avant de murmurer « Maya ; où es-tu… ??? » chassant les larmes qui roulaient sur tes joues tu reposais ton regard sur ton sauveur, lui adressant pour la première fois depuis votre rencontre un sourire réellement sincère. Ta main se glissait sur la sienne – t’avais besoin de contact ; et tu lui lançais : « j’pourrai jamais te remercier assez pour ce que tu viens de faire… Merci... » Incapable de détourner ton regard du sien, t’étais comme hypnotisée : il y avait un quelque chose dans ses yeux qui te bouleversait.

Mon cœur se déchirait devant ce spectacle. Devant cette pauvre jeune femme recroqueviller sur le sol que personne ne remarque et qu’ils piétinent comme si elle était un vulgaire sac en papier Mcdo. Cette jeune femme qui a probablement une famille, des envies et des rêves mais sur laquelle on marche comme si elle n’était rien de plus qu’un déchet, comme si c’était une chose inanimé et sans vie. Mon coeur se tord et coûte que coûte, je fonce pour la sortir de là, je refuse de la voir mourir sous mes yeux piétiner comme Zazou dans “Je voudrais déjà être roi” ou Mufasa par les gnous, en fait le roi lion c’est beaucoup de gens qui se font marcher dessus non ? Elle ne semble pas entendre ce que je lui dis alors je me contente de la serrer contre moi pour la sortir de cet enfer après un peu de surprise, je la sens finalement me serrer comme une bouée de sauvetage. Mon coeur tressaute. On ne m'avait serré comme ça depuis… Ma gorge se noue mais pas le temps de me laisser émouvoir par le fantôme de ma fiancée disparue, je dois la sauver elle, car elle est encore vivante, je peux encore faire quelque chose.

Une fois sortie de la foule, je l'assois sur le premier banc que je vois et m’assure qu’elle va bien, restant à ses côtés relativement proche, histoire de pouvoir intervenir facilement si elle flanche. - C’est normal… j’allais pas te laisser comme ça, ne me remercie pas Elle me parle alors de sa fille et je mordille ma lèvre en cherchant du regard comme si je pouvais d’un coup me dire “bah tiens regarde elle est là tout va bien !” alors que je ne sais même pas à quoi elle ressemble. Je ne veux même pas imaginer son état, si je venais à perdre Rori dans une foule comme celle-ci, je deviendrai fou. Je l’entends alors murmurer et le prénom me fait tout de suis écho. - Tu as dis Maya ? Est-ce qu’elle est en école d’art ? Parce que si c’est elle, j’interviens dans sa classe parfois et je l’ai fait sortir de la foule avec ses camarades. Ils sont là-bas dans le square d’à côté pour boire des bières j'imagine ! Je sens soudainement sa main se glisser sur la mienne alors que nos regards se croisent, j’ai du mal à empêcher mes joues de chauffer, si on me demande je dirais que c’est la chaleur de la foule… Je mordille ma lèvre alors que nos regards ne peuvent plus se détacher, est-ce que cette foule était un portail multidimensionnel qui m’a projeté dans une comédie romantique ? Si c’est ça, les spectateurs doivent être super déçus parce que je suis loin physiquement d’un Christian Grey ou d’un Hugh Grant… Ma main se sert doucement autour de ses doigts et je m’approche un peu d’elle comme attiré par un aimant. Mais qu’est ce que je fou ? C’est surréaliste… J’ai l’impression de tromper la fille du balcon du dessus… alors que je ne sors même pas avec la fille du balcon du dessus je ne sais même pas à quoi elle ressemble… et puis cette fille je la connais depuis 30 secondes et demi, je ne sais même pas comment elle s’appelle… - Me remercie pas vraiment… hm… Moi c’est Sasha et toi tu t’appelle comment ? Ok… on est sur une ambiance retour en primaire, je suis nul bordel qu’est ce que je suis nul…

T’étais tétanisée. Et pourtant, il avait tout fait pour te tranquilliser. Mais rien n’y faisait. T’étais paumée, t’avais surtout perdu ta fille et tu n’avais qu’une hâte, la retrouver, rentrer chez vous et ne plus jamais sortir. À son contact, tu commençais à te calmer un peu. Aucune raison rationnelle aurait pu expliquer ce que tu ressentais. Comme une dose de mélatonine ; deux heures de yoga ou de méditation, ce type avait l’étrange effet de te calmer dans la pire situation que tu puisse vivre. T’avais besoin de réconfort, d’un peu de courage, et t’aurais voulu te blottir contre lui pour profiter de ce bien-être qui s’emparait de toi. Ta main retrouvait la sienne, t’aurais aimé ne plus la lâcher. Mais en y réfléchissant, ça te faisait peur : tu n’avais pas vécu ça depuis Hiro ; et puis… te coller à un inconnu, comme ça, sans contexte ni transition… ç’aurait tout de même été carrément chelou non ? Tant bien que mal, tu tentais de reprendre une contenance, remettant une mèche de tes cheveux derrière ton oreille. Tes yeux avaient du mal à se décoller de lui, mais fixaient à présent inlassablement tes chaussures, un peu gênée… Jusqu’à ce qu’il trouve le moyen de te dérider. Maya. Il connaissait une Maya. Tu commençais à respirer « oui, c’est ça ! Elle étudie ici… c’est… moi… avec vingt ans de moins environ. Et en beaucoup plus mignonne. » avais-tu lancé, riant légèrement avant de mordiller ta lèvre inférieure, tentant de te calmer. Rassurée par ses mots, t’as soufflé un coup, avant que ton nez ne se plisse. La fin de sa phrase te déplaisait au plus haut point. Tu grimaçais : « excuse moi, mais… ma fille ne boit pas. » et elle n’embrasse pas non plus? conscience tyrannique, tu prenais conscience de la façon la plus dure qui fut que ta fille n’était plus une enfant. Les larmes aux yeux, tu pleurais de plus belle « oh bordel… bien sûr que si elle boit, elle a dix-sept ans ! » toutes sortes de souvenirs plus ou moins sulfureux de toi à son âge te revenaient en mémoire et tu paniquais « aaaah ! Ma fille se drogue et va finir enceinte du connard au fumigène ! » à bout de nerfs, t’étais en roue libre. Les larmes n’avaient de cesse de couler sur tes joues et tu laissais ton visage se nicher contre son épaule : tu inondais son sweat au passage. Et le pire dans tout ça… c’était qu’il n’avait rien demandé. Tu te mettais à sa place, te disant que ce pauvre mec devait sacrément avoir envie de rentrer plutôt que de continuer de souffrir l’hystérique à la vautre. Tu fouillais dans tes poches à la recherche d’un mouchoir et essuyais tes yeux qui te brulaient : difficile de déterminer si c’était la panique ou la lacrymo qui commençait à piquer ; mais au vu du regard sec du jeune homme, tu pouvais te faire une idée de ce qui se tramait. Tu prenais une grande inspiration, ta jambe tressautant à cause du stress. Tu tentais de limiter la casse en tamponnant tes yeux, mais ton maquillage devait avoir coulé, te donnant le look d’un panda sous tranksène. SU.PER. Si tu avais eu des chances avec ce type, elles étaient maintenant réduites à néant. Lui adressant un sourire, tu avais enfoui tes mains dans tes poches, soupirant : « enchantée Sasha. C’est un joli nom ! » tu lui adressais un sourire, avant de poursuivre « j’m’appelle Enola. Tu… manifestais par conviction ? » demandais tu en essayant de faire oublier ton numéro de dramaqueen… tu ne savais plus où te mettre. Putain d’ypersensibilité.

Peu à peu, tu commençais à te calmer à son contact. Comme si, en l’espace d’un instant, il avait eu le pouvoir d’effacer tout ce qui jusqu’à présent te terrifiait au plus haut point… Seule ombre au tableau, ta fille que tu ne parvenais pas à retrouver et pour qui tu étais inquiète plus que jamais. Une grande inspiration. Tu tentais de te reprendre et fermais les yeux, profitant du contact de sa main, chaude et rassurante, là, dans la tienne. Des images, osées mais jolies d’Hiro et toi te revenaient tout à coup : il avait suffi de peu. Vos doigts entremêlés te rappelaient sa demande en mariage, ta main ne voulant plus jamais lâcher la sienne, devenir sa femme pour le meilleur et pour le pire… Aujourd’hui, c’était dans la main de ce type, qu’était la tienne. Bordel, t’étais totalement en train de dérailler. Ton regard cherchant rapidement dans le ciel, comme pour demander pardon à ton fiancé ; tu quittais la main de Sasha pour fourrer ton poing dans tes poches. « Tu connais ma fille ?? T’es genre… son prof, ou quelque chose de ce genre ? » improbable. Ton superman n’était autre que l’un des profs de Maya. Tes joues rougissaient légèrement. Si quelque chose devait se passer, c’était définitivement mort : tu savais qu’elle te ferait une scène impossible. Et… dans le fond, peut-être n’aurait elle pas tort. Coucher avec l’un des profs de sa gosse… ça n’arrivait que dans les séries à la con, ça non ? Tu ne pouvais pas te rabaisser à ça. Et pourtant… Il t’attirait. C’était fou. Inexplicable. T’avais l’impression de tromper Hiro. tu te détestais

C’est lorsque tu as réalisé que Maya n’était plus le bébé que tu connaissais que tu as paniqué. Et encore une fois, le brun avait eu le geste qu’il fallait. Tout était si évident entre vous… ça coulait de source ; aussi ne l’avais tu pas repoussé. Tu te contentais de profiter de son étreinte et de ses caresses réconfortantes sur ton bras, soupirant légèrement… Avant de relever ton regard sur lui « merci… de vouloir me rassurer. » t’as grimacé, avant de hausser les épaules et de lui avouer : « cependant, je… les ai vus s’embrasser tout à l’heure.Bien essayé. » tu lui adressais un clin d’oeil, et sortais un mouchoir, tentant de couvrir tant bien que mal les dégâts. Quelle ne fut pas ta surprise, lorsqu’il sortit de sa sacoche une lotion micellaire et un mouchoir qu’il imbibait du liquide. Tu restais bouche bée quelques micro-secondes, avant d’accepter, et de finir de te démaquiller : foutu pour foutu… t’aurais l’air moins stupide sans rien. De toutes façons, tu n’avais pas grand-chose de base : tu n’étais pas adepte du pot de peinture. Lui adressant un sourire, tu lançais, rangeant le mouchoir dans ta poche : « je vois que tu es équipé… elle a quel age ta fille ? » au vu de son aveu, tu te doutais qu’elle était bien plus jeune que Maya, mais… peut-être qu’elle pourrait s’approcher de Lya ?
Tu hochais la tête lorsqu’il t’expliquait être là pour les enfants. Ca t’enlevait un poids. Alors comme ça, il y avait encore des gens responsables et bienveillants sur Terre ? Celle là, tu l’avais pas vue venir. « c’est gentil de ta part. C’est pas tout le monde qui aurait pris sur son temps… surtout un weekend. » tu lui adressais un sourire avant de mordiller légèrement ta lèvre inférieure: « t’as tout compris. Au fait… tu sais pourquoi ils manifestent exactement ? J’ai pas tout compris ! » Tu t’allumais une cigarette, prenant une grande taff dessus, avant de lui tendre ton paquet. Et t’as réalisé ce qui s’était dit quelques instants plus tôt : « au fait… j’ai pas rêvé ? T’as bien dit que j’étais mignonne, tout à l’heure, non ? » avais tu demandé un peu hésitante, replaçant une mêche de tes cheveux derrière ton oreille. Il y avait bien longtemps, qu’on ne t’avait pas dit ces choses là. Et ce n’était pas pour te déplaire.

Intérieurement, t’étais en train de faire un débat avec toi même « intervenant était il la même chose que prof ? » tu pesais le pour et le contre, négociais avec ta raison, qui te disait que l’un dans l’autre, c’était une très mauvaise idée. Mais ton coeur en avait tant envie qu’il te faisait oublier tout ce qui aurait pu te poser problème, avant. Oui, il connaissait Maya. Et prof ou pas, il avait techniquement figure d’autorité sur ta fille dans un contexte donné. Tu commençais à paniquer, faire des plans sur la comète. Tu voyais déjà la très célèbre phase du « J’FAIS C’QUE J’VEUX T’ES PAS MON PERE !! MAIS COMMENT T’AS PU ME FAIRE CA MAMAN ! SORTIR AVEC MON PROF ???? » qui du coup, répondrait à ta question – oui, c’était probablement la même chose, prof et intervenant. A peu de choses près. Tu fronçais les sourcils et lui adressais un léger sourire. Pour une raison que tu ignorais, tu avais envie de continuer cette discussion avec lui. Apprendre à le connaître, ne fut-ce qu’un tout petit peu, n’engageait à rien après tout… Si ?

Réaction incongrue de sa part. Tu éclatais de rire, avant de lui adresser un regard moqueur : et maintenant, on sait ce que tu regarde quand tu t’ennuie… mais...j’juge pas ! Personnellement, j’suis team Chrichri d’amouuur ! » tu riais, un peu gênée. Putain, Enola, tu peux pas te taire ? Y’a des blagues, faut pas aller jusqu’au bout ! Maintenant, il va te prendre pour une fan de cette série merdique que tu as du regarder une fois dans ta vie ! Tu manquais d’air. Ta cigarette pour prétexte, tu prenais une grande inspiration, tandis que tu tirais dessus. Et tu regardais bien volontiers la photo qu’il te montrait. Non… alors comme ça il était gay ?? le coeur lourd, tes mâchoires se serraient et tu luttais pour ne pas pleurer. Pour une fois qu’un mec te plaisait. Pour une fois ! Mais il semblait paniquer, comme si quelque chose dans cette photo le dérangeait. Instantanément, tu as soufflé bruyamment, rassurée. Peut-être un peu trop bruyamment d’ailleurs : pour la discrétion, on repasserait. Un sourire cette fois plus sincère naissait sur ton visage tandis que tu sortais à ton tour ton téléphone. Sur ton fond d’écran ? Tes filles, bien sûr. Mais aussi… Hiro et toi. Photo prise lors de vos dernières vacances avant le drame, tu n’avais pas été capable de changer ton fond d’écran. Tu avais besoin de lui ; encore un peu. De nouveau, un silence s’installait, et tu tentais d’expliquer, un peu en panique : « je… te présente Lya. Elle a un an. Et… euhm… lui… c’était mon fiancé. Il est… » incapable de finir ta phrase, tu avais essayé de lui faire comprendre de façon détournée : « j’vis seule. Avec mes deux filles. Mais… tu vas trouver ça bête… j’continue de lui parler, souvent. » et merde. Enolaaa ? Allooo ? Tais toi ! Ce n’est pas en parlant de son ex-fiancé décédé qu’on serre, c’est écrit dans le manuel du parfait petit Don Juan aux éditions Meetic tu clique tu nique ! Tu raclais ta gorge, avant de lui adresser un sourire un peu gêné, et changeait rapidement de sujet avant de rire légèrement : « arrête… me dis pas que tu passe tes samedis sur Animal Crossing ! » tu ricanais avant de lui lancer sur un ton de défi « j’te parie que mon île est bien plus développée que la tienne. T’as réussi à rembourser intégralement cette salope de Tom Nook ? » tu éclatais de rire légèrement, tentant de faire abstraction d’un fait : t’étais loin d’être sexy avec ton langage de charretier, lorsque tu t’emballais.

Et puis tu avais réalisé. Tu lui avais posé la question qui tuait. Pas pour le mettre mal à l’aise, mais parce que tu venais de réaliser : tu n’avais tellement plus l’habitude qu’on te dise ce genre de choses qu’au final… Tu ne les entendais même plus. Surprise de sa réponse affirmative, tes joues s’étaient empourprées en l’espace de trois millièmes de seconde, record battu ! Tu l’observais, ne sachant plus quoi répondre, ton regard évitant le sien avec soin. Il semblait paniqué ; tout autant que toi. Et lui adressant un sourire bienveillant, tu avais remis sa mèche en place. Comme si tu le connaissais depuis toujours. Là, tu avais déposé un baiser sur sa joue et t’étais rapproché de lui avant de lui avouer : tu sais… Je crois que… Tu me plais toi aussi. Beaucoup. Mais… j’sais plus comment on fait tout ça. J’me sens tellement nulle ! » tu riais légèrement, avant de soupirer : « j’crois que tu as raison : je ne vais pas revoir Maya avant ce soir… si ce n’est demain. Elle semble partie pour longtemps avec son.. euh… comment déjà t’as dit ? » tu essayais de retrouver le nom de ce petit salaud mais rien à faire. Tu soupirais, l’observant du coin de l’oeil : « ça te dirait un café ? C’est moi qui offre. Pour… te remercié de m’avoir évité une fin à la Mufasa ! »

La tournure que prenait la discussion avec ce type était carrément étrange. Merde, si on y réfléchissait deux secondes (ce que tu aurais fait en temps normal), t’aurais mis fin à cette discussion qui t’aurait dérangée. Mais là, rien. C’était même le contraire, tu entretenais cette discussion qui ne te gênait pas le moins du monde. C’était mieux que ça : tu te sentais bien. Enfin écoutée et comprise. Pas prise en pitié. On entendait simplement ce que tu avais à dire. Et supplément bonus, lui aussi avait vécu ça. Oh, tu ne le souhaitais à personne encore moins à ce pauvre homme qui te semblait tellement gentil qu’il était probablement très loin de mériter ça. Mais pour la première fois de ta vie, tu pourrais croire, si on te disait compatir et pouvoir se mettre à ta place. En l’écoutant te parler de tous ces mangas, tu te mis à rire, hochant la tête : « ok. J’vais te faire un aveu. En fait… j’suis bien heureuse que Maya adore les mangas. Elle me sert d’excuse tous les matins, pour les regarder sans trop culpabiliser de pas remplir mon rôle d’adulte. » tu riais légèrement, ton regard cherchant à capter le sien. Il y avait dans son visage une sorte de douceur et de gentillesse que tu n’avais encore captée nulle part ailleurs. Et pour tout avouer, tu ne trouvais pas son côté ado à côté de la plaque dérangeant. En fait, tu trouvais ça attachant. Presque rassurant. T’avais tellement croisé de types dont la vie ne tournait qu’autour de leur réussite que Sasha t’apportait, sur ce coup là, une véritable fraîcheur. Silencieuse, tu l’écoutais te raconter son histoire. Ton coeur se serrait, à le voir si bouleversé. Tu aurais voulu l’entourer de tes bras, mais tu te rappelais qu’il y avait moins d’une heure, vous ne vous étiez encore jamais adressé la parole. Délicatement, ta main vint se glisser dans la sienne, dont tu caressais le dos du bout de tes doigts, en signe de réconfort. Les gestes étaient parfois bien plus forts que les mots, et tu avais simplement envie de lui montrer que tu étais là. A son aveu, tu hochais la tête : « j’suis désolée que tu aies eu à vivre ça… je n’imagine pas combien ça a du être difficile. Heureusement que tu as ton frère en tous cas. C’est bien qu’il soit là. » avais-tu lancé, lui adressant un léger sourire bienveillant, avant de lancer timidement : « Hiro… c’est… un accident de voiture. On partait en vacances. Les filles et moi… on dormait quand la voiture nous a coupé la route. C’est allé très vite. Quand je me suis réveillée à l’hôpital, j’avais été opérée. Trois côtés fêlées. Les petites n’ont rien eu heureusement. Et Hiro... » tu déglutissais difficilement, les yeux brillants « il était déjà parti, lorsqu’on est arrivés aux urgences… j’ai jamais pu lui dire au revoir. » le coeur serré, tu tirais sur ta cigarette, honteuse de raconter tout ça à cet inconnu. Putain, Enola, mais qu’est ce qui n’allait pas chez toi ?? tu n’en avais jamais parlé à personne, alors pourquoi lui ? Aucune idée. Peut-être parce que pour la première fois depuis longtemps, tu t’étais sentie en confiance. Pour la première fois depuis le type du balcon. Et encore. Même à lui, tu n’avais jamais eu le courage de lui expliquer pourquoi tu vivais seule avec tes filles.

Tu soupirais légèrement, laissant glisser la fumée entre tes lèvres tandis que ton regard se posait sur vos mains qui ne s’étaient pas quittées. T’aurais bien voulu t’excuser d’avoir plombé l’ambiance, mais heureusement, il était déjà parti sur Animal Crossing. C’était bien, ça, Animal Crossing. Pas glauque. Peut-être même mignon. Parfait. Tu riais légèrement, avant d’écraser ton mégot que tu remettais dans ton paquet de cigarettes faute d’avoir une poubelle sous la main : « c’est vraiment des connards ces ratons. Ils ont tout compris au système économique, c’est déprimant ! T’as vu le court du navet ??c’est bon, ça coûte les deux bras, leur affaire ! J’vais manger que des cerises ! » tu avais ri puis t’étais levé, le suivant : « être nuls à deux… je crois que ça peut se faire. Si… t’avais rien d’autre de prévu cet après-midi ? » tu lui adressais un sourire, amusée que lui aussi ait pu penser à cette référence. Et tu avais volontiers attrapé ce bras qu’il te proposait : « vu le bazar… on devrait peut-être essayer les rues adjacentes… tout est bloqué sur l’avenue. » tu grimaçais en voyant ce tableau de désolation et t’engouffrais dans une des rues au hasard. Là, tu t’arrêtais net devant un salon de thé : « qu’est ce que tu dirais de ça ? J’suis jamais venue mais… ça a l’air cool, non ? »

Tu n’avais pas honte d’aimer les animés et les mangas. En fait, au fond de toi, tu en avais toujours eu une espèce de fierté. Quand tu étais gosse, ça faisait de toi quelqu’un de cool : à l’époque, ces dessins animés n’étaient pas vraiment du goût des parents ; véritable révolution lorsqu’ils avaient été autorisés à la télé. Et dans les cours d’école, vous n’aviez eu de cesse que de parler des heures des aventures de Goldorak, ou de Jeanne et Serge, et de leur très célèbre coup de foudre au match de volley ball ; pour les plus fleurs bleues d’entre vous. Mais ceux que tu préférais, toi, c’étaient Gigi, ou encore Cat’s eyes : l’idée d’une double vie, là, quelque part, se réinventer à l’infini, au nez et à la barbe du premier crétin qui tenterait de te percer à jour. Et puis, aujourd’hui, ça faisait de toi une maman cool auprès des gosses et ça, ça n’avait pas de prix. Et puis, c’était quand même en partie grâce à ça que tu avais pu te rapprocher de Maya, lorsqu’elle avait commencé sa crise d’ado. Tu t’étais mis à rire en écoutant attentivement la proposition de Sasha, et t’avais lancé : « tu plaisantes mais… Maya serait la gamine la plus assidue de la classe, si t’avais le génie d’inventer un truc pareil ! Sans compter… que t’aurais peut-être une nouvelle élève : si j’suis bien maquillée… j’passerai peut-être pour sa grande sœur ? » tu riais, lui adressant un clin d’oeil, avant de reprendre un ton plus calme et posé, tout comme ton comportement, plus humble, lorsqu’il évoquait Charlotte. Tu étais concernée de trop près pour savoir qu’on ne riait pas de ces choses là. A ses mots concernant Hiro, ton coeur se serrait, et, troublée, tes yeux s’étaient embués de larmes. C’était idiot mais dans le fond, tu avais sans doute besoin d’entendre ça. Tu t’étais tellement démenée pour vos filles, avançant sans cesse dans le doute, que parfois tu te demandais si tu avais faits les bons choix. Et franchement, tu avais eu de quoi douter, plus d’une fois : souvent, tu t’étais crue loin d’être à la hauteur. Ton regard vissé sur tes chaussures, tu mordillais ta lèvre inférieure, un peu nerveusement « merci… Mais… tu sais… je peux en dire autant à ton sujet. Je ne connais pas beaucoup d’hommes qui auraient eu le courage que tu as eu pour t’occuper de ta petite. Charlotte, elle aussi, doit être fière de toi. » tu souriais, un sourire bienveillant s’étirait sur ton visage tandis que tu reposais ton regard sur le sien. Avec un peu de chance, Hiro et Charlotte s’étaient retrouvés, là-haut, et veillaient sur vous main dans la main. Du moins, c’était tout ce que tu pouvais leur souhaiter : Charlotte avait l’air d’avoir été une chic fille.

Et de nouveau, Sasha avait eu le mérite de t’arracher un rire. Non seulement il aimait les animés, mais, en plus de ça, il jouait à Animal Crossing ? Tu devais-être en train de rêver, un type comme ça ne devait pas exister, t’allais te réveiller dans quelques instants, et avoir un seum intersidéral. En attendant le réveil, tu passais tes bras autour du sien en souriant, bien plus tranquille qu’à votre premier contact. Et tu hochais la tête : « on est d’accord ! Porcelette est scandaleuse ! J’suis sûre qu’elle est de mêche avec ces foutus ratons pour nous énerver ! Parfois, j’ai envie de lui jeter ses navets dessus. Mais je suis contre le gaspillage. » tu riais de bon coeur, et hochais la tête une nouvelle fois « hm… quand je pense que pour ma part j’étais pire à son âge… j’me dis que j’ai de la chance, que Maya soit ma fille. Et aussi… j’comprends mieux pourquoi ma tante a blanchi aussi vite ! » tu éclatais de rire en repensant à tout ce que tu avais bien pu faire vivre à ton pauvre oncle et ta tante chérie : tu n’étais pas la fille modèle, loin de là, et toutes ces conneries que tu avais pu faire gamine, c’était difficile de dire aujourd’hui à tes enfants ne les faite pas

Sans lâcher son bras, tu entrais dans le salon de thé. Il semblait être un endroit tranquille et cosy, et en son sein, seuls quelques habitués qui discutaient tranquillement. Tu pris place dans l’un des fauteuils en cuir tanné par le temps, et attrapais le menu sur la table basse : « je crois… que je vais me laisser tenter par le banoffee et un bubble tea matcha. Tu sais ce dont tu as envie, toi ? » avais-tu demandé, tout sourire, en refermant le menu d’un geste tranquille, mais sûr.