First you take a drink, then the drink takes a drink, then the drink takes you. (ft. kae)

J’avais enfin un peu de temps libre depuis que j’étais arrivée à Bowen, et je m’étais dit que j’allais en profiter pour repérer les coins sympas de cette charmante petite ville - histoire que je sache où aller si j’avais envie de m’amuser un soir, pour y emmener un mec ou que sais-je encore. Et puis … ce serait encore mieux si je me trouvais quelques amis ! je n’avais rien contre l’idée d’aller en soirée seule, mais c’était toujours plus sympa à plusieurs, et … en un sens, plus … sûr aussi - même si chez moi je n’avais jamais eu aucune raison de me sentir en danger. C’est un pays très sûr, et la culture locale encourage à dénoncer quiconque aurait un comportement … suspect envers une femme. Et d’autres choses aussi.  Passons. Bowen était probablement une ville très sûre aussi ! même si j’avais entendu dire qu’il y avait eu un meurtre, il y a quelques semaines. Une touriste, allemande je crois, avec un prénom bizarre.

Je n’avais pas peur pour autant. Je me sentais même très bien. L’enthousiasme, l’excitation des premiers jours d’un voyage en terre encore inconnue. Les bonnes émotions commençaient enfin seulement à surpasser tout le stress et cette légère peur qu’avaient engendrés mon départ pour l’Australie - c’est que j’avais eu beaucoup de choses à faire ces derniers jours. Prendre mon logement à la résidence universitaire, régler les derniers papiers, faire quelques courses de première nécessité, tout ça. Mais maintenant, j’étais fin prête et j’avais enfin un peu de temps pour me détendre et m’amuser un peu ! alors, ben, c’était ce que j’allais faire.

J’étais en train de me balader dans la ville, à la recherche d’un lieu sympa. Rien n’attirait mon attention pour l’instant … enfin si, j’avais repéré une boîte qui avait pas l’air trop mal mais il était trop tôt pour ça, et puis c’était apparemment une boîte gay donc ça … m’intimidait un peu. Même si ce monde m’intriguait depuis quelques temps, et que je n’étais pas contre l’idée de vivre une nouvelle expérience … mais pas ce soir, du coup. Bon, alors … Bowen n’était pas une très grande ville mais il y avait forcément des coins digne d’intérêt, non ? Et si possible, quelque chose d’un minimum original.

Puis, au détour d’une rue, une enseigne attira mon attention. Oh … « rhumerie » ? Je n’étais pas particulièrement fan de rhum, en tout cas pas lorsqu’il n’est pas dans un cocktail, mais pour le coup c’est quelque chose d’original et ça me plaît bien. Je m’approchai. Wojna’s, que ça s’appelait apparemment. Quel nom bizarre ! c’était probablement étranger parce que ça sonnait pas australien. Enfin du peu que je connaissais de l’Australie. C’est-à-dire pas grand-chose, pour le moment. Bref … je décidai d’entrer. Ça ne me coûterait rien et puis si je trouvais ça nul je pourrais toujours partir et aller tenter ma chance ailleurs.

Quelques têtes se tournèrent vers moi quand j’entrai. Je jetai un coup d’œil rapide à l’endroit - visiblement, j’étais la seule asiatique. Ce n’était pas très surprenant, j’avais l’impression que j’étais la seule de la ville ! et en sens, ce n’était pas si mal, à quoi bon voyager si c’était pour voir les mêmes types de personnes que chez soi … même si bon, c’est vrai que ça ne fait pas de mal, un peu de familiarité. Ça rassure, en un sens. Mais bon, là pour le coup j’étais toute seule. Je m’assis donc au bar, non loin d’une autre fille elle aussi apparemment seule. Je la regardai vite fait - ça devait être une étrangère elle aussi, elle n’était pas vraiment du … euh, type local disons. C’était une brune plutôt jolie, une espagnole ou quelque chose comme ça à première vue ; je n’avais pas croisé beaucoup de personnes comme elle. Il n’en passe jamais à Singapour et pas beaucoup plus dans le reste de l’Asie.

« Bonsoir », dis-je à la serveuse derrière le bar avec mon plus beau sourire, « je vais vous prendre, euh … à vrai dire je n’y connais rien … » Le rhum, moi, à part le rhum-coca … bon, c’est un peu comme le whisky en vrai, non ? Du whisky, euh … tropical, on pourrait dire. Enfin, pas des tropiques que je connais moi. Même s’il existe du rhum indonésien. C’est pas très loin de chez moi, l’Indonésie. Mais bon, autant en profiter pour essayer quelque chose de nouveau, non ? Ouais …  

Puis j’eus une idée. Je me tournai vers ma voisine de comptoir. « Bonsoir ! C’est quoi ce que vous buvez ? Je sais pas quoi choisir … » Bon, d’accord, c’était surtout une excuse pour ouvrir la conversation avec l’inconnue. Après tout, j’étais aussi venue ici dans l’espoir de faire quelques rencontres, et parfois les rencontres se font le plus simplement possibles, autour d’un verre.  

Valentina & Kae

Oui, j’avais la sensation que ce ne serait pas trop mal, ici. Ça sentait bon l’alcool, le sucre et la bouffe - ça commençait à me donner faim d’ailleurs. Je me demandai ce qu’ils pouvaient bien servir ici. Un petit coup d’œil rapide à l’une des tables pourrait me renseigner sur la question, mais de toute façon, je ne suis pas difficile, j’aime tout. Pareil en alcool, même si je n’ai pas encore tout essayé - je suis plutôt du genre à rester dans ma zone de confort. D’habitude. Bien sûr, il m’arrivait de faire des exceptions - comme lorsque j’étais en voyage, parce qu’à quoi bon le faire si c’était pour faire la même chose que chez soi … Bref. Je me sentais curieuse, mais il y avait l’air d’avoir pas mal de choix et je ne savais pas quoi prendre. En temps normal j’aurais pris quelques verres d’un peu de tout histoire d’essayer, quitte à me bourrer la gueule, mais je ne me sentais pas encore assez à l’aise par ici pour tenter le diable - ce serait un coup à me perdre, à faire n’importe quoi, vous voyez le truc.

Je demandai alors à la jeune femme assise à côté de moi ce que, elle, avait pris. Bon, c’était surtout une excuse pour engager la conversation. Car elle avait l’air d’être toute seule elle aussi, et visiblement une étrangère comme moi et puis parce que … c’était un peu triste de boire seul, non ? Ben, maintenant elle allait plus être seule pour faire ça, et puis moi non plus. Enfin, si elle voulait bien qu’on parle un peu. Elle pouvait tout aussi bien juste m’ignorer, ou juste répondre à ma question avant de me faire comprendre qu’elle voudrait bien être tranquille. Je le comprendrais très bien. Tout le monde n’était pas aussi, euh … extravertie, disons, que moi.

« Ey linda ! J'ai pris un rhum de par chez moi. C'est un Mocambo, tu devrais goûter, c'est vraiment délicieux. Enfin, si tu aimes le rhum ! », me répondit-elle avec un certain enthousiasme. D’accord … pour être honnête sa réponse ne m’avançait pas beaucoup, je n’avais aucune idée de ce qu’était un Mocambo à part que ça venait de chez elle mais comme je ne savais pas d’où elle venait j’en étais toujours au même point. Bah, c’était pas bien grave. N’empêche, sa dernière phrase me fit sourire. « Si je n’aimais pas le rhum, je ne serais pas trop à ma place ici ! » Enfin, si j’avais bien compris le concept du truc. « Je suis plutôt whisky d’habitude », expliquai-je à la jeune femme comme si elle me l’avait demandé. Parce que bon, je suis comme ça. Je parle trop. Il y a des gens que ça insupporte - et je peux le comprendre. Bref … ouais, je suis plus whisky en temps normal. Sec et sans glaçons, sinon mon père m’aurait reniée. Il est écossais … enfin non, il est né à Londres mais la famille de sa mère est d’origine écossaise. Mais passons. L’heure était au rhum. Cette fille avait l’air de bien apprécier celui-ci en particulier, alors je décidai de lui faire confiance. De toute façon, je ne m’y connaissais pas beaucoup, il aurait sûrement le même goût que les autres pour moi. « Un, euh … Mocambo s’il vous plaît », demandai-je finalement à la barmaid.

Elle me servit rapidement. J’en goûtai un peu. Ça n’avait pas l’air trop mal. « Hum … il a une bonne couleur … il a des notes, euh … sucrées … », commençai-je à juger le rhum en faisant tournoyer la boisson dans mon verre comme s’il s’agissait d’un vin. Je regardai à nouveau la jeune femme et eus un nouveau sourire : « Nan, je plaisante, j’y connais rien ! Mais il est pas mauvais du tout. » De toute façon, tant que c’était de l’alcool, ça ne pouvait que me plaire. Et cette phrase me donnait l’impression d’être une alcoolique, alors que je ne bois que quand je vais en soirée, généralement. Ou pour les grandes occasions, vous voyez le truc. Et avec modération. Parfois.

« Euh … vous me le dites hein, si je parle trop. Ça a tendance à fatiguer les gens, parfois. » Ouais, parce que bon, elle m’avait rien demandé la fille, mais je m’étais mise à engager la conversation sans même savoir si elle voulait continuer à me parler. Alors je décidai de me taire un peu pour une fois, et de reprendre une gorgée de rhum.   

Valentina & Kae

C’est bon, le rhum. Et l’alcool en général. Ça fait du bien et ça réchauffe - même si la température était déjà tout à fait acceptable, qu’il faisait à peine moins chaud que chez moi (mais il fait tout le temps chaud, chez moi). Ça aide un peu à aller vers les gens, aussi. Bien que je n’aie heureusement jamais eu besoin de ça pour aller vers les gens ; ça ne fait que me rendre d’avantage bavarde, donc d’avantage insupportable pour certaines personnes. Et … le truc avec le rhum c’est que ça n’a pas beaucoup le goût de l’alcool alors on est vite tenté d’en boire plus que de raison ; alors mon verre à peine entamé je pensais déjà qu’il y en aurait quelques-autres qui suivraient. Surtout si cette … jolie étrangère se joignait à moi. Mon côté très extraverti ne l’avait pas repoussée, alors c’était plutôt un bon signe.

Elle ria un peu lorsque je fis semblant de décrire le goût de la boisson avec mes faux airs d’experte.  Ce rhum ne me semblait pas trop mal, c’était tout ce que je pouvais dire. Et ça suffisait bien. C’était le boulot de ceux qui travaillaient ici de s’y connaître, non ? Mais je n’étais pas venue pour une séance de dégustation. Nan, j’étais venue pour me détendre un peu, et rencontrer des gens sympas si c’était possible. Et ça l’était, apparemment. Cette fille semblait vouloir la même chose ; discuter avec une inconnue autour d’un bon verre de rhum (sans doute très cher). Rhum … mexicain, apparemment ? C’était ce qu’elle me dit en tout cas. Et comme elle m’avait aussi dit que ça venait de chez elle, c’est qu’elle-même était mexicaine. Oui, je sais, j’ai une capacité de déduction incroyable, ha ha. Bref. L’inconnue venait du Mexique, fallait croire. Intéressant. Je gardai ça dans un coin de ma tête. Je lui en reparlerai sans aucun doute plus tard, lui demanderait de me parler de son pays, j’étais toujours curieuse là-dessus. En attendant, je décidai de taire un peu, histoire qu’elle n’ait pas marre de moi prématurément. Ce serait bien dommage.

« Non ça ne me dérange pas du tout, au contraire », répondit-elle à ma remarque sur le fait que je parlais peut-être trop. « Au fait, je m'appelle Valentina, mais appelles-moi Val & toi, c'est quoi ton p'tit nom ? » Je repris une courte gorgée de rhum et, avec un sourire, me présentai : « Kae. C’est vraiment un p’tit nom, pour le coup » Parce qu’il ne fait que trois lettres, du coup il est court mon nom, et … enfin vous aviez compris je pense. Bref, une blague nulle pour « bien » commencer la conversation. なぜダメなの? En tout cas, Valentina … c’était plutôt joli comme prénom. Il ne sonnait pas comme ceux que j’avais l’habitude d’entendre. Bon, en même temps, si elle venait du Mexique, c’était bien normal. D’ailleurs, wow, elle en avait du chemin ! C’était très loin d’ici, le Mexique. Enfin bon.

« T’es Mexicaine donc, c’est ça ? Ça me rassure un peu, j’avais l’impression d’être la seule étrangère par ici ! », lui dis-je avec enthousiasme. Pas que ça me gênait particulièrement, comme je l’ai déjà dit. Si j’avais tenu à voir autre chose que des Australiens, je serais allée dans une plus grande ville. Mais bon, je n’allais pas non plus faire la fine bouche et ne pas causer avec Valentina parce qu’elle n’était pas du coin, hein ! bien au contraire, parce que ça nous faisait un point commun. En plus du fait qu’on aimait apparemment toutes les deux les alcools forts. Et notre discussion commençait à peine !

« Moi je viens de Singapour », déclarai-je sans lui laisser le temps de me retourner la question. « Ce n’est pas très loin d’ici mais je n’étais jamais venue en Australie avant. Enfin, une seule fois. » Par contre, je connaissais l’Asie du Sud-est comme ma poche. Et le Japon. Si elle voulait en savoir plus … Bref. Je repris un peu de rhum et reposai mon verre sur le bar, gardant l’alcool un peu plus longtemps en bouche afin d’en profiter davantage, essayant aussi d’en déceler les subtilités et les saveurs cachées. Sans grand succès. Pour moi, ça restait juste du très bon rhum.

« Et tu fais quoi dans la vie, Val ? » demandai-je ensuite à ma nouvelle potentielle future amie. Ouais, je ne perdais pas de temps. J’étais comme ça, moi. Elle l’avait probablement déjà compris.

Valentina & Kae

Le Mexique … ça faisait rêver, un peu. Je veux dire, je crois bien que c’était littéralement le pays le plus loin possible de chez moi ; c’est-à-dire que je n’aurais jamais probablement la chance d’y aller. Ce n’était pas très grave, en soi. Chez moi aussi il faisait chaud, il y avait la mer et, euh … tout un tas de choses. On pourrait trouver plein de points communs entre ces deux pays, sans doute. Bref. Cette fille en tout cas, Valentina, avait prit la peine de faire le voyage jusqu’à Bowen, qui n’était pas beaucoup plus proche de son pays natal. Elle était sans doute ici pour une bonne raison. Mais ça ne me regardait pas vraiment, n’est-ce pas ? Bon. Valentina précisa qu’elle venait de l’état de Sonora, près de la frontière avec les Etats-Unis. D’accord … ça m’aidait à me situer un peu. Il y avait pire comme coin pour vivre, non ? Enfin, je n’en savais rien. Mais ça devait sympa d’être voisin avec les américains.

« Singapour ? C'est vrai que ce n'est pas si loin », commenta Valentina lorsque j’évoquai mes propres origines. « Je n'y suis encore jamais allée. C'est toujours moins loin que le Mexique, dans tous les cas pour y aller faire un tour. » Je souris à nouveau et repris une gorgée de ce délicieux rhum. Ouais. C’était limite si je pouvais sauter dans un avion pour retourner chez moi récupérer un truc et revenir le soir-même. Enfin … non, quand même pas, on était à Bowen après tout. Mais vous comprenez l’idée. C’était certain que ce ne serait pas la même pour elle, ha ha. Enfin bon … La conversation se poursuivit. Je me sentais très à l’aise. Comme souvent. Je n’étais pas du genre à être intimidée par les inconnus, mais je pense que vous avez dû vous en rendre compte, et Valentina aussi. Et l’alcool aidait, tout naturellement. D’ailleurs … j’avais bien envie de reprendre un verre. Ce n’était pas très raisonnable, peut-être … mais je n’en avais rien à faire, de ce qui était raisonnable ou pas. Je terminai mon premier verre alors que ma nouvelle amie m’expliquait qu’elle était danseuse. C’était apparemment sa grande passion depuis longtemps, et elle réussissait à en vivre en postant des vidéos d’elle. Oh, sympa ! Elle vivait de son art ? C’était ce que j’aspirais à faire, moi aussi. Idéalement … même si je n’avais aucun problème à l’idée de devoir vivre d’un travail plus « normal ». Tant que ça me permettrait de concilier les deux …

« J’aime bien danser aussi !», m’exclamai-je. Oui, je sais que ce n’était pas ce qu’elle m’avait demandé. « Je suis étudiante », lui réponds-je en hochant la tête. « En communication. Et je pose pour des photos, depuis … quatre ans maintenant. » J’avais commencé quelques mois avant mes dix-huit ans. Et officieusement même encore avant, puisqu’il m’était arrivé de poser pour mon père. Il ne faisait pas du tout dans la photo de mode ou quoi que ce soit, en fait il avait été photographe de guerre il y a quelques années avant de se reconvertir dans l’art, mais moi ainsi que ma mère avaient toujours été une certaine source d’inspiration pour lui. Il aimait bien nous le dire en tout cas ! et j’imagine que c’est toujours mieux pour lui (et pour nous aussi, en un sens) que ce soit les deux femmes de sa vie qui l’inspirent et pas le whisky par exemple. Mais passons. Je commandai un nouveau Mocambo et reprit : « Je suis là pour une année d’échange universitaire ! Je suis arrivée il y a quelques jours. » Voilà, elle savait tout. On en avait fini, je crois bien, avec les bases de la conversation entre deux inconnus.

Peut-être qu’on pouvait … s’amuser un peu ? Nous passions déjà un bon moment, à faire connaissance toutes les deux, enfin moi j’appréciais ce qu’il se passait en tout cas, mais ça ne suffirait peut-être pas pour qu’on devienne véritablement des amies. Bah, on verra bien, non ? Même si … un sourire malicieux se dessina sur mon visage. J’avais une petite idée derrière la tête, oui. J’avais envie de voir sa réaction si … j’essayais de la draguer, plus ou moins ouvertement. Je sais, ce n’était pas mon style de faire ça (encore moins s’il s’agissait d’une fille …) mais, je ne sais pas, je me sentais pleine d’audace. Et de rhum, aussi. Bref. Je plantai mon regard dans le sien, fit un petit sourire, et me lançai. « Les femmes latines sont tellement belles … » Puis un léger regard vers sa poitrine. Bon. J’avoue que je ne savais pas trop moi-même ce qu’il me prenait, mais … il n’y avait rien de mal, non ?  

Valentina & Kae

Cette soirée se déroulait admirablement bien. Et elle ne faisait que commencer … Valentina était une fille sympa comme tout, et jolie avec ça en plus. Même si je ne savais pas trop pourquoi je m’attardais particulièrement sur ce détail … bah, j’étais dans la mode (en quelque sorte) alors c’était normal de regarder les gens, leur façon de s’habiller, leur façon d’être … non ? Ou sinon c’était tout simplement l’alcool qui réveillait mon côté … curieuse, avide de nouvelles expériences. Pas que je m’attendais à ce qu’il se passe quoi que ce soit, hein. J’étais certes sortie ce soir pour m’amuser un peu mais ce n’était pas ce genre d’amusement que j’avais en tête. Discuter, boire quelques verres, ça me suffisait bien.

On pourrait aller danser, aussi, éventuellement ? Ça me semblait être une bonne idée, nous aimions cela toutes les deux apparemment. Hum, oui … pourquoi pas. Un autre soir ; un prétexte pour se revoir. Ouais. Je décidai de garder cette idée dans un coin de ma tête. En attendant, nous continuâmes à converser. « Incroyable ! », fit-elle alors que je lui disais que j’étais modèle photo. « Tu as déjà posé pour des professionnels ? » Je hochai la tête. Ouais, et pas qu’un peu ! mais … « Surtout des photographes connus que dans mon pays. Enfin dans ma ville, c'est la même chose » Parce que Singapour c’est à la fois une ville et un pays mais je ne vous apprends rien je crois. Une très grande ville, mais qui peut devenir étouffante parfois. Disons qu’on finit par s’y sentir un peu à l’étroit, au bout de quelques années. Alors que pourtant, on ne connaît pas encore tous ses secrets, tous ses recoins, qu’on ne cesse d’y rencontrer de nouvelles personnes, de vivre de nouvelles choses. Enfin bref.

En parlant de vivre de nouvelles choses, je me mis en tête de flirter un peu avec la jolie latine. Me demandez pas … encore une fois ce n’était pas parce que je m’attendais à quelque chose mais parce que j’avais envie de voir comment elle réagirait. Au pire, elle me rembarrait juste franchement et simplement et ce ne serait qu’un petit moment de gêne pour nous deux (surtout pour moi, en fait). Même si j’imagine qu’elle se sentirait quand même flattée par le compliment et puis ce n’était pas comme si je lui avais proposé de lui rouler une pelle ou de la ciseauter sur le bar. Si je peux me permettre.

« Je te remercie cariña. Je dois dire que tu as ton petit charme, toi aussi. » Qu’elle me répondit. Ah. Ouais. J’écarquillai les yeux. ああ、くそ。J’avoue que je ne m’attendais pas à ça. « Oh, euh, merci ! », fis-je tout en sentant une chaleur parcourir mes joues. Et ce n’était pas à cause de l’alcool, cette fois. « Je ne m’attendais pas à … enfin je voulais juste voir ta réaction si je … enfin tu m’as comprise », repris-je avant de reprendre une gorgée de rhum. Ce qui n’arrangeait sans doute rien, oui. « Je suis pas lesbienne, mais je si l’étais, je tenterais sans doute quelque chose ! » Euh, ouais … C’était peut-être pas la bonne chose à dire. Mais c’était un compliment, enfin je crois. Je devrais peut-être juste me taire, non ? Même si je n’avais pas l’impression de l’avoir offensée ou quoi que ce soit, bien au contraire elle était rentrée dans mon jeu. J’imagine qu’elle voyait ça comme une façon de pimenter un peu notre discussion, notre amitié naissante - comme moi je voyais ça. Ou bien elle était potentiellement réellement … intéressée. Après tout, je ne savais rien de ses … préférences. Ça ne se demande pas au bout de cinq minutes de conversation, vous savez.

Ouais, peut-être devais-je simplement me la fermer. Mais vous savez comment je suis, j’en suis incapable. Alors bon, tant qu’à faire, autant continuer dans cette direction, non ? Fixant à nouveau le beau regard de Valentina, je repris le contrôle, et la parole : « Ceci dit, je ne suis pas contre une nouvelle expérience … Mais rassure-toi, je vais pas te sauter dessus ! » La dernière phrase était nécessaire je pense, sinon elle pourrait s’imaginer des trucs et prendre ses jambes à son cou. Je ne lui en voudrais pas, c’est vrai que ce serait très prématuré de faire ce genre de choses. Ou même d’en parler, en fait. Mais bon, ce qui était fait était fait et ça changeait un peu des sujets de discussion banals entre deux inconnues ! 

Valentina & Kae

La soirée était pleine de surprises, décidément. Ma rencontre avec Valentina déjà en avait été une en soi, et une très bonne, et le fait qu’elle réponde ainsi à ma tentative de flirt en était encore une autre. Je m’attendais à ce qu’elle me rembarre ! gentiment, certes, mais je ne pensais pas qu’elle rentrerait dans mon jeu. Je ne lui en aurais pas du tout voulu, c’est vrai que c’était très audacieux de ma part, on se connaissait à peine ; c’était bien pour ça d’ailleurs que j’y étais allé doucement, subtilement. Ce qui n'était dans le genre de la maison d’habitude. Mais bon, je n’allais pas lui sortir un truc du style « T’es bonne, on baise ? » hein. Bref … tout ça pour dire que je ne m’attendais pas à cette réaction. Et que du coup, j’avais pas prévu quoi dire après. Ce qui ne m’arrivait pas souvent, je trouvais toujours quelque chose à dire d’habitude parce que je suis incapable de me la fermer même quand il faudrait.

Valentina avait l’air de trouver ça assez drôle. Que je cherche mes mots, que je tente de me justifier, tout ça. Et en vrai, moi aussi. C’était plutôt amusant comme situation quand on y pense, non ? « Tu n'as absolument pas à te justifier linda ! Et puis, j'ai juste voulu rentrer dans ton jeu ... pour rigoler ! Détends-toi, tout va bien ! », fit-elle en posant une main sur la mienne. Je hochai lentement la tête. Elle avait raison, bien sûr. Tout va bien, y a pas mort d’homme, on fait que s’amuser un peu. C’était bien pour ça qu’on était ici toutes les deux, je crois bien, pour s’amuser. « C’est que … je m’attendais pas à ça ! », avouai-je avec un sourire. Bon elle avait bien dû le comprendre en me voyant galérer à me justifier, et mes joues devenues cramoisies pendant quelques secondes. Mais ça allait mieux maintenant, j’avais parfaitement repris le contrôle de moi-même.

Elle me demanda ensuite si j’avais déjà eu des expériences de ce genre. Oui, autant parler de ce genre de choses tant qu’à faire, après tout j’avais lancé le sujet, en quelque sorte. « Hum … », fis-je en fixant la jolie latine du regard, faisant semblant de réfléchir. « J’ai embrassé une fille, une fois. Pour voir. Même pas avec la langue, donc on peut dire que j’ai rien fait du tout », je lui réponds finalement avec un grand sourire. C’était il n’y a pas très longtemps. Un an, quelque chose comme ça ? Ouais, grand max. J’étais à une soirée avec une amie, on était toutes les deux dans notre coin à parler (de sexe, j’imagine) et puis on a eu cette idée. Ce fut … sympa, disons. Et j’imagine que ça l’aurait été encore plus, et plus mémorable aussi si on y avait mis plus de cœur, à pleine bouche quoi. Enfin voilà …

« Ceci dit, je suis pas contre une nouvelle expérience, comme tu l’as peut-être déjà compris », poursuivis-je avec un petit rire. « J’imagine qu’on peut dire que c’est un fantasme. » Un fantasme des plus classiques, j’imagine. Mais c’est que j’ai une vie sexuelle assez … banale, en vrai. Même avec les mecs y a plein de trucs que j’ai pas encore expérimenté. Et c’est pas grave. J’ai tout le temps pour ça, hi hi. « Et … toi, alors ? » Je renvoie sa question à Valentina, normal. On ne pose pas ce genre de questions si on n’est pas prêt à y répondre soi-même. « En tout cas … » Je m’interromps. Je suis pas sûre de moi pour le coup. Pas certaine que cette remarque-là passe. Bah, y a pas de raison ! elle comprendra que c’est de l’humour j’espère. « … sache que si je devais le faire avec une fille, c’est toi que j’choisirais ! …  C’est un compliment, si jamais », précisai-je avec un clin d’œil. Je repris une lampée de rhum, finissant mon deuxième verre. Merde, déjà. Fallait que je fasse attention. J’étais à pied et je tenais plutôt bien l’alcool, mais quand même. Hum … Je jetai un regard dehors. Un peu d’air frais serait pas une mauvaise idée, je crois, même si ça signifiait surtout que j’avais envie de remplir mes poumons avec autre chose que de l’oxygène. Alcool et tabac, ça allait bien ensemble. Dommage qu’on n’avait pas le droit à quelques cigares avec ce rhum.

« Je vais fumer, tu viens ? », demandai-je à ma nouvelle amie. Si ça se trouve on avait ce même vice en commun.

Valentina & Kae