until the very end (pippa)

En voyant la détresse de sa sœur, Polly n’a pas hésité longtemps avant de l’inviter à discuter de tout ça. Elle n’est pas vraiment la personne la plus impartiale dans cette histoire et celle qui saura conseiller sans a priori sa sœur. Mais Pippa le sait, la rousse n’est pas du genre à trop cacher ce qu’elle pense, surtout à sa sœur. Depuis qu’elle est petite elle traîne dans les pattes de sa sœur et son grand ami Concho, ce qui avait de quoi les agacer dans leur adolescence, eux qui ne voulaient pas forcément devoir se trimballer une enfant avec eux. Polly a toujours voulu que sa sœur se mette en couple avec son ami d’enfance mais ça n’est jamais arrivé. A la place elle a marié un type un peu débarqué de nul part que la petite sœur apprécie beaucoup moins. S’il n’y avait pas eu Concho elle aurait peut être davantage apprécié le nouveau venu. Mais malgré cela elle essaie de faire la part des choses en se disant que si sa sœur s’est marié avec, c’est qu’il ne doit pas être si nul que ça. Elles ont planifié de se retrouver au marché nocturne pour boire un vin chaud et discuter de tout ça ensemble. Polly ne tarde pas à enfiler sa doudoune et à filer dehors, se retrouvant rapidement devant le fameux stand à l’odeur caractéristique. Lorsqu’elle voit sa sœur, elle la prend immédiatement dans ses bras, en lui caressant les cheveux « Pips...ça va aller. »

@Pippa Burnett-Reyes

Je ne m’attendais pas à ce que les gens comprennent ce qu’il y avait entre Liam et moi, car, au fond, cela ne regardait que nous. Quand je lui avais proposé le mariage, plus d’un an plus tôt, au départ pour lui éviter l’exil, mes idées étaient claires. Je refusai de voir les rêves de Liam, ami et amant à l’époque, pour une question de paperasse. Puis l’affection que nous avions l’un pour l’autre s’était complexifié, s’était densifié. Nous nous aimions, à notre manière, même si peu de gens pouvaient le comprendre, pas même nos proches. Seulement…il fallait bien se rendre à une évidence, ni Liam, ni moi n’étions réellement doué pour le mariage. Un an plus tard, nous commencions à en faire les frais. Sans compté qu’il y avait eu des nombreux dommage collatéraux et je ne pouvais plus me contenter de passer des oeillères, aujourd’hui. En réservant mes billets pour Chamonix, je n’avais pas cru que ce séjour aurait été le lieu de toutes ces réflexions…et pourtant. Ce soir, je me sentais au fond du sceau, complètement paumée entre ces prises de consciences douloureuses et mes questionnements au sujet de Conchobahr, sur qui j’étais tombée totalement par hasard au chenil de husky. Depuis que je l’avais recroisé, en Novembre, il y avait comme une plaie qui s’était réouverte, une plaie que j’avais moi-même engendrée.
Pour chasser la morosité, et ne pas la laisser peser sur mon mari, j’avais proposé à Polly, ma petite soeur, de me rejoindre en ville. J’avais besoin de marcher, de m’aérer l’esprit et peut-être de déguster un de ces vins chauds dont on ne cessait de me parler ici.
J’étais arrivée depuis quelques minutes seulement lorsque ma petite soeur se manifesta, me prenant dans ses bras. Je la serrai contre moi, accueillant cette étreinte avec bonheur.
— T’es chou, baby.
Je me séparai doucement d’elle, l’oeil légèrement larmoyant, puis lui souris.
— Je te paye un verre ?

Se balader avec sa sœur dans un petit marché nocturne de campagne pour résoudre ses peines de cœur, cela faisait très téléfilm de Noël, ce qui plaisait beaucoup à Polly. Elle avait attendu avec impatience ce voyage depuis qu’elle en avait appris l’existence. Aller dans les montagnes, là où il y a de la neige, pendant la période des fêtes, c’est un véritable rêve pour elle. En temps qu’australienne qui a toujours vécu à Bowen, elle n’a pas beaucoup eu l’occasion de voir la neige. Elle a déjà fait plusieurs voyages dans des pays un peu plus froids que l’Australie, pendant l’hiver mais jamais dans des montagnes comme les Alpes. Pour l’occasion elle a sortie toute sa panoplie Harry Potter, du bonnet, au gant en passant par la fameuse écharpe, il est difficile de douter qu’elle soit une Serdaigle. Mais l’ambiance n’était pas si à la fête que ça, enfin Polly comptait bien remonter le moral de sa sœur et cela passe bien évidemment par un câlin. Pippa lui proposa de lui payer un verre de vin chaud. « Non, c’est moi qui te le paie, tu en as bien besoin. » dit-elle en commandant deux verres. « Va falloir qu’on arrange un peu tout ce qu’il y a dans ta tête. » dit-elle avec un sourire avant de lui tendre un des deux verres en carton fumant qu’elle venait de récupérer. Elle ne sait pas vraiment comment s’y prendre pour régler le dilemme amoureux de sa sœur, surtout qu’elle ne sait pas tant que ça ce qu’elle pense au final. Mais ce qu’elle a compris c’est que sa sœur n’est pas tant attachée que ça à Liam ou en tout cas pas assez pour que ça ne lui fasse rien de simplement croiser Concho.

Polly insista pour me payer un verre et je ne discutais pas. Ma soeur se dirigea vers un stand qui vendais du vin chaud et en commanda deux verres. Quand elle me tendit le mien, et nota qu’on devait remettre de l’ordre dans ma tête, j’eus une longue inspiration puis acquiesçai doucement.
— Bon courage, dis-je avec sarcasme.  
J’étais du genre à laisser mes pensées gamberger, parfois jusqu’à m’envahir complètement. Depuis toute jeune, c’était cela sans doute, qui avait dirigé mon choix d’étude vers la psychologie quelques années plus tôt. Si je n’avais encore pas décidé de m’installer en temps de psychologie, même aujourd’hui, je n’en restai pas moins fascinée par la psyché humaine et son fonctionnement. Le mien inclus. Même si j’avais le sentiment qu’il fallait des heures et des heures d’analyse pour n’en comprendre que des bribes. C’était là toute la beauté de la chose, sans doute.
— Je sais pas pourquoi j’ai le don de me compliquer autant la vie…

Polly sourit lorsque sa sœur lui souhaita bon courage pour réussir à remettre de l’ordre dans sa tête. Oui il lui en faudra sans doute un peu si elles veulent réussir à démêler tout ce qui se passe dans le cerveau et le cœur de Pippa. Mais la rousse est prête à se remonter les manches et à interroger sa sœur sur ce qu’elle ressent. Celle-ci expliqua qu’elle a le don pour se compliquer la vie. « Si la vie était toute simple je crois qu’on s’ennuierait un peu trop. » lui assura-t-elle. Et c’est peut être pour cette raison que la blonde est si troublée, parce que tout allait bien dans sa vie, un peu trop pour qu’elle soit épanouissante à son goût. « Enfin...si la vie était vraiment simple tu serais déjà mariée depuis dix ans avec Concho. » ajouta-t-elle avec un sourire. Parce qu’elle en est persuadée, ils sont faits pour être ensemble, elle ne voit pas d’autre possibilité que celle-là. Elle a entendu que le jeune homme a connu d’autres histoires, qu’il est même papa, mais qu’il est toujours célibataire à l’heure actuelle et pour Polly, ça n’est pas pour rien.

Il aurait été mentir de prétendre que je détestais les remous, j’avais tout fait, au contraire, pour que ma vie en soit remplie. J’aimais que ça bouge, j’aimais le piquant. C’était ce qui m’avait poussé, après l’annulation de mon mariage avec Juliann sept ans plus tôt, a voyager, à découvrir le monde, à rencontrer des personnes passionnantes, à écrire mes livres, monter mes podcasts. Ma vie n’était pas un long fleuve tranquille, et cela me plaisait.
— Ouais, t’as raison, admis-je en souriant.
Ma soeur ne put s’empêcher d’évoquer Concho, ses pronostiques me firent sourire.
—  Tu perds pas le nord toi…
Je lâchai un petit rire, avant de prendre une gorgée de vin chaud. L’espace d’une seconde, j’eus l’image de ce tableau dépeint par ma soeur, et je ne sus trop quoi en penser. Le mariage, étais-je seulement faite pour cela ?  
— Il y a toujours eu quelque chose de spécial, entre Concho et moi, c’est vrai. Mais je crois que ni lui ni moi n’étions prêts, avant…

Elle n’était pas décidée à lâcher le morceau. Si avant Polly se faisait plus discrète sur son envie de voir sa sœur en couple avec Concho, essentiellement parce qu’elle a fini par se marier à Liam et que ça semblait plutôt bien lui aller, depuis qu’elle sait que Pippa doute, elle n’hésite pas à en remettre une couche dès que l’occasion se présente. La jeune femme sourit avant que sa sœur ne lui réponde qu’ils n’étaient pas prêts pour quelque chose, mais il semblerait que ça ait changé. « Oui mais comme tu dis, c’était avant. » Elle se demande un peu ce qui a fait subitement tout basculer mais elle se dit que le temps des fêtes ne doit pas y être pour rien, la neige non plus peut-être. « T’as un peu tout fait pour essayer de t’éloigner de lui quand même et tu vois bien que ça fonctionne pas vraiment. Vous avez un truc ! » Déjà quand ils étaient ados et que la rousse n’était qu’une enfant, elle les imaginait ensemble, ne comprenant pas vraiment pourquoi ça n’arrivait pas.

Polly avait toujours soutenu que Concho et moi étions fait l’un pour l’autre. Déjà petite, elle nous taquinait sur le sujet, et cela n’avait pas changé. Je n’étais jamais entrée dans les détails consernant mon mariage avec Liam, pas avec ma petite soeur en tout cas, et même sans savoir que mon mari et moi n’étions pas exclusif elle continuer de nous shiper Concho et moi sans se cacher. J’admirais sa conviction. Il y avait quelque chose de spécial entre mon ami d’enfance et moi, ça, je ne pouvais le nier. Je le ressentais fortement ces derniers jours, et cela me troublait énormément, ce que ma petite soeur ressentais sans doute.
— C’est possible, dis-je alors, c’est même sûr. Concho n’est pas n’importe quel mec à mes yeux et si…si je m’y autorise, je crois que je ressens vraiment quelque chose pour lui, mais ça n’est pas juste. Je suis mariée et Concho n’a pas à accepter ça.
Je bus une gorgée de mon vin chaud puis, soupirai longuement.
— Et toi alors ? Comment ça va ? Tu m’as dis que tu passais le séjour avec des inconnus, ça se passe comment ?

Polly ne pouvait s’empêcher d’afficher un large sourire quand sa sœur finit par admettre que si elle était vraiment honnête, elle ressent bien un truc pour son amie d’enfance qui va au-delà de la simple amitié. Si visiblement cela était un mystère pour eux deux, pour la rousse ça n’en a jamais été un. Elle les a un peu toujours embêté avec ça et maintenant que ça devient un peu plus concret, elle ne risque pas de s’arrêter. Peut-être qu’elle se calmera le jour où ils se marieront et où elle pourra dire, une dernière fois, dans son discours qu’elle le savait depuis des années qu’ils étaient fait l’un pour l’autre. « T’as qu’à switch et faire de Concho ton nouveau mari ! » lui dit-elle avec un petit air angélique. Ouais elle n’est pas vraiment du côté de Liam dans cette histoire. Elle n’hésiterait pas à le dégager si c’était pour mettre Concho à la place mais bon ce n’est pas à elle de prendre ce genre de décision. « Tout se passe hyper bien. Je profite à fond de tout. J’ai pas énormément parlé aux gens de mon chalet mais ils sont cools quand même. Juste je passe mon temps dehors alors souvent on fait que se croiser. J’ai pas d’histoires de cœur passionnantes comme toi à raconter. » répondit-elle en riant concernant sa propre expérience montagnarde.

Elle sait bien Polly que les choses ne sont jamais simples dans les histoires d’amour de sa sœur. Elle se sent toujours un peu perdue dans celles-ci, elle n’a jamais compris pourquoi Pippa a épousé Liam et elle ne lui a pas trop donné de détails sur cette décision. Il faut croire que ça fait partie de son jardin secret. Et puis même si la rousse raconte beaucoup de choses à sa grande sœur, elle en garde aussi certaines pour elle. Sa vie amoureuse n’est certes pas si complexe mais elle ne partage pas toujours tous les sentiments qui la traversent. Elle n’a pas connu d’histoires tumultueuses comme Pippa, plutôt des relations qui se finissent parce qu’elles doivent se finir et chacun part de son côté sans se détester. Elle a bien sûr connu des disputes, des déceptions mais aucune relation dont elle garde un réel mauvais souvenir. « Oh oui je sais ! » dit-elle riant à propos des histoires de sa sœur. Elle explique ensuite que de son côté elle n’a pas d’amourettes montagnardes à raconter mais sa sœur réplique en parlant de ses prétendant.es qui l’attendent à Bowen et elle cite notamment Jules, avec qui Polly a eu un rendez-vous. « Non je n’ai pas une foule de prétendants et de prétendantes ! Et j’ai vu qu’une fois Jules, il compte pas. » Elle ne se projette pas sur ce que peuvent donner ses rendez-vous, elle préfère voir dans le temps comment les choses évoluent, si une connexion amoureuse se créé, ou amicale ou aucune. Elle ne force pas le destin.

Le rire de ma petite soeur était communicatif, comme sa bonne humeur habituelle. Elle appuya mon propos, sous entendant que ma vie amoureuse était loin d’être simple. Je l’admettais sans mal. Pour être compliquée, elle était, et infiniment plus que ne le pensait Polly. Ma soeur n’était pas au courant de cet accord qui existait entre Liam et moi. Elle pouvait pensé peut-être que nous étions un genre de couple libre, mais elle n’avait pas de détail précis. Et c’était tant mieux. C’était bien trop compliqué, de toute manière, pour y mêler d’autres personnes. Quand bien même ces personnes figuraient parmi les plus chers à mon coeur. Je préférai changer de sujet, et lui parler de ce gars, Jules, pour qui elle semblait avoir une certaine sympathie. Selon les dires de ma petite soeur, ça n’allait pas plus loin.
— Ok ok…mais il est beau gosse, admet-le, insistai-je.
C’était le quart d’heure de la grande soeur relou, et je m’en voulais un peu de devoir jouer cette carte cela dit, cela avait l’avantage de détourner mes pensées de Concho. Nos dernières discussions m’avait ébranlé plus que je ne souhaitais l’admettre.

Pippa sait qu’elle peut compter sur sa sœur pour écouter avec attentions ses histoires de cœur ou ses histoires tout court. Polly peut lui donner quelques conseils, plus ou moins avisés, suivant la situation. Mais chacune conserve une partie de sa vie secrète. Même si elles partagent énormément de choses toutes les deux, il y en a parfois certaines qu’on n’a pas envie d’évoquer avec sa sœur. La rousse sent bien que la vie sentimentale de sa sœur est encore plus compliquée actuellement mais elle n’a pas mis longtemps à se faufiler dans la brèche lorsque le nom de Concho est ressorti. Cela fait une éternité qu’elle milite pour qu’ils se mettent ensemble alors maintenant que ce moment pourrait arriver, il n’est pas question qu’elle lâche le morceau, même si bien sûr sa sœur fait ce dont elle a envie. Il lui faudra attendre patiemment de savoir ce qu’à donné leur prochaine entrevue. En attendant Pippa détourne le sujet vers la vie amoureuse de sa petite sœur, bien moins animée. Elle lui parle de Jules, un type sympa qu’elle n’a vu qu’une fois pour l’instant. La jeune femme rit avant de répondre « Oui objectivement il est beau mais bon tu sais bien que moi c’est pas franchement ce qui m’intéresse. » Le physique ça compte un peu mais pour Polly ça passe clairement au second plan par rapport au feeling d’une rencontre et au caractère de la personne. Elle ne ressent pas vraiment d’attirance physique pour les gens, c’est plus au niveau psychologique que la connexion doit se faire. « J’peux te le présenter s’il t’intéresse. » dit-elle pour plaisanter. Elle ne le fera pas, déjà parce qu’il l’intéresse quand même, en dehors de son physique et parce qu’elle va pas mettre sa sœur dans les bras d’un autre alors qu’elle est prête à aller dans ceux de Concho.

Parler  des relations de ma soeur sert clairement à faire diversion. Elle n’est pas dupe, je crois. Sur le ton de l’humour elle me propose de me faire rencontrer le fameux Jules dont nous parlions plus tôt. Je ris doucement.
— Je crois qu’il y a assez de bordel dans ma vie sentimentales pour que je n’en rajoute une couche.
On continue de marcher toutes les deux dans les rues de Chamonix, nous aventurant d’abord dans quelques boutiques, puis tombant finalement sur un marché d’hivers avec des exposants artisants. Au détour des allées, j’ai l’espoir de trouver, peut-être, un cadeau pour l’anniversaire de Perry qui aura lieu dans quelques jours.  

the end