lately i've been loosing sleep (manwë)

Beth était partie. Elle n’était plus là et tu avais l’impression de te retrouver seul comme une grosse merde. Azriel était souvent avec Lys et toi tu te retrouvais seul dans ton appartement. Les visites d’Effy n’étaient pas non plus quotidiennes alors tu ne savais plus quoi faire. Tu écrivais. De la musique, hein, pas un roman. T’étais bon qu’à ça en ce moment. T’avais pondu une bonne dizaine de chanson en l’espace de deux semaines, c’est beaucoup. Mais beaucoup étaient des ébauches, des trucs non finis que tu n’arrivais pas à terminer. C’était le cas aujourd’hui. T’étais en colère et tu ne savais plus quoi faire de ta peau. Sous le coup de l’énervement, tu avais balancé la guitare que tu utilisais pour composer à travers la pièce. La bonne idée, Milo ! Les feuilles de musique étaient étalées partout dans l’appartement, c’était un véritable chaos total. Quelques emballages de bouffe, des mégots de cigarette, et des canettes de coca. Mon dieu, des tonnes de cannettes de coca. Tu allais récupéré ta guitare, toujours énervé, en voyant qu’elle était fichue. Peut-être pas. Tu te souvenais dans des souvenirs lointain que le cousin de Charlie était luthier. Peut-être qu’il pourrait t’aider ? Tu soupirais et tu rangeais l’appartement un minimum au cas où ton colocataire rentrait à la maison. Tu laissais quand même un mot, pour lui dire que tu finirai de ranger ton bordel plus tard et tu foutais la guitare cassée dans son étui. C’était une de tes guitares favorites, une belle guitare sèche que tu avais acheté alors que tu étais encore en France. Il fallait donc la sauver. Tu prenais ton skateboard pour aller fendre le vent et aller jusqu’à la boutique du luthier. Tu ne le connaissais pas, il ne te connaissait pas mais fallait bien essayer. Une fois arrivé, tu prenais ton skate sous le bras et tu entrais dans la boutique. « Bonjour » dis-tu avec un mince sourire en arrivant à l’intérieur. Tu faisais peine à voir avec tes cernes, ton teint blafard et ton corps frêle. T’avais failli rechuter une fois dans la drogue, mais c’était clairement pas la chose qu’il te fallait. Tu prenais une inspiration avant de reprendre la parole. « J’ai une guitare un peu amoché, j’voudrai savoir si vous pouvez la sauver » dis-tu avec un mince sourire sur les lèvres, un peu gêné. « J’suis un ami de Charlie, elle m’a parlé de votre boutique » ajoutas-tu simplement. Tu savais pas pourquoi tu lui disais mais au moins, c’était sorti.

@Manwë Druid

C’était toujours un bordel sans nom derrière le comptoir de Manwë, occupant toutes les fonctions dans sa boutique, il ne peut pas quitter l’accueil alors il s’est toujours organisé comme il le peut pour être à la fois au four et au moulin. Plusieurs heures de travail pour la restauration d’une caisse de guitare, une vieille gratte sortie d’un grenier après beaucoup trop d’année d’oublie. C’est un jeune qui lui a apporté ça, l’émotion à la gorge en expliquant que c’était à son grand-père, une trouvaille unique et qu’il voulait absolument jouer de cet instrument. Voilà une belle histoire dirons-nous, mais tout ce qui intéressait Manwë c’est le fiat que ça allait lui rapporter pas mal d’argent… Il a la passion du métier, mais les factures ont tendance à gâcher ce plaisir, c’est l’envers du décors…

La porte s’ouvre, il ne relève pas la tête, se contente de marmonner un “ Bonjour… “ Tout en continuant ce qu’il a à faire. Lorsqu’il relève enfin la tête, le spectacle n’est pas très reluisant… Non pas que Man’ soit une gravure de mode, mais ce type à l’air complètement au bout du rouleau et pourtant, il a l’air si jeune… Pourtant, Man’ à l’impression d’avoir déjà vu ce gars-là quelque part, le monde de la musique d’une petite ville passe souvent par lui, jamais il n’a vraiment eut à bosser avec les “Monkey Squad” pas uniquement parce que le luthier trouve ce nom de band ridicule, mais surtout puisqu'ils n’ont jamais fait appel à ses services, ce qui est bien regrettable… Les musiciens ont tendance à vouloir gérer eux même leurs instruments, mais c’est un métier, tout comme Man’ ne s’improvisera pas sur scène un jour. Charlie ? Pourquoi ce mec lui parle de sa cousine ? Le luthier plisse les yeux pour sonder un peu le gaillard… Après quelques secondes il en tire une étrange conclusion  “ Pas très consistant, faudra que j’en touche deux mots à Charlie… “ Il esquisse un léger sourire malgré tout, ah cet humour n’est-ce pas délicieux ?

“ Pose ta guitare là que j’y jette un œil… “ Et il ne fut pas déçu du voyage lorsqu’il ouvrit l’étui ses sourcils s’envolèrent ! “ C’est écrit luthier sur la devanture, pas service de réanimation, merde qu’est-ce qu’il s'est passé ? “ Quel désastre… “ En réalité, j’m’en fiche un peu de ce qu’il s’est passé… Seulement, est-ce que tu y tiens vraiment gringalet ? Parce que ça va être des heures de boulot et va certainement te couter cher. “ Pas question de perdre son temps, il ne gagne pas assez bien sa vie pour ça ! Il a plein de guitares en vente ici pour dépanner son client. “ Tu veux de l’eau ? “ Il est vraiment pas frais celui-là… On dirait que le moindre courant d’air va le briser…

En arpentant les rues de Bowen sur ton skate, tu regrettais vraiment d’avoir balancé cette guitare à travers l’appartement. Tout simplement parce que tu y tenais énormément, c’était un cadeau de ton père avant de partir pour l’Australie. Quand tu arrivais dans le magasin du luthier, tu esquissais un sourire mais tu voyais que le maître des lieux te dévisageait un peu. Quand tu mentionnais Charlie, il tirait une tête un peu étrange. Mais son humour avait pris le dessus et tu laissais échapper un petit rire. « Faudrait que j’aille la voir pour me remplumer » dis-tu avec un petit sourire en coin. Ton humour n’avait pas disparu, tu étais juste déprimé et surtout dépressif. Tu avais été diagnostiqué par ta psychologue, sinon tu n’utiliserai pas ce mot à la légère. Tu posais ensuite ton étui à guitare sur le comptoir et tu ouvrais ce dernier en tirant un peu la tronche. Tu savais qu’il allait te dire que soit c’était irréparable, soit ça allait te coûter un rein. Mais tu voulais vraiment garder cette guitare et tu mettrai le prix qu’il faut pour la réparer. « Je sais, je sais… » dis-tu en soufflant avant de reprendre. « Cette guitare, j’y tiens énormément et je mettrai le prix nécéssaire pour la réparer. Mais après je peux comprendre que vous n’ayez pas le temps » dis-tu au luthier en haussant les épaules. Tu ne voulais pas qu’il perde son temps sur ton instrument, mais tu voulais au moins qu’il essaye. Quand il te proposait de l’eau, tu lui souris gentiment. « C’est gentil merci, mais ça ira » dis-tu poliment au jeune homme. « Je sais qu’on dirait que j’suis faible et tout mais avec mon corps de lâche, c’est pas facile d’avoir l’air en bonne santé » avouas-tu simplement ensuite. Tu ne voulais pas qu’il te prenne en pitié, mais c’était gentil de sa part de le faire et des s’inquiéter.

Le plus jeune ne se dégonfle pas face au caractère de Manwë, bien au contraire, il perçoit miraculeusement son sens de l’humour, ce qui n’est pas si souvent. Les gens se vexent si facilement dans cette nouvelle société beaucoup trop bien pensante qui ne fait que des emplâtrés mièvreux selon le luthier. Charlie a tendance à gaver son cousin de gâteaux, il imagine que cela doit en être de même pour ses amis, sans aucun doute, ils parlent bien de la même Charlie. Mais il n’est pas du genre à s’étaler au sujet de sa famille, même s’il adore véritablement les jumeaux, il n’est pas fier de faire partie des Keynes, au point qu’il a choisi de reprendre le nom de sa mère après maintes procédures administratifs et dollars alignés.

Son intérêt se porte sur la guitare qu’il découvre en piteux état, pour quelqu’un qui y tient, il n’en prend vraiment pas grand soin. Le luthier n’apprécie pas toujours les musiciens pour ça, ils ont un peu trop tendance à le prendre pour un magicien (or ce n’est pas le bon personnage pour ça…) “ Je trouverai le temps… Il faudra être patient. “ Il est seul à travailler ici, il gère beaucoup trop de chose, mais en même temps il ne s’en plaint pas, être un bourreau de travail ça lui épargne d’avoir la moindre vie sociale.

“ Que tu sois plutôt maigrichon n’a rien à voir avec ta gueule de déterrer mon vieux…“ Manwë a également une silhouette plutôt sèche bien qu’assez athlétique pour que cela se remarquer moins. Le luthier a l’habitude du monde la nuit, avant de se lancer dans cette carrière il a été roadie pour de nombreux band et aussi travaillé comme serveur - barman dans de nombreux clubs de la ville. Il connait la fragilité de ses personnes, il ne les a jamais réellement jugé, bien qu’il aurait pu, car malgré sa vie haute en drama, il a toujours eu ce mental d’acier. “ Du moment que tu clamse pas dans mon magasin, j’ai pas que ça à faire que te porter sur mon dos pour te mettre avec les autres cadavres.” Encore et toujours ce joyeux humour.


“ Bref… Disons que je vais voir ce que je peux faire, j’prend un acompte de cent cinquante dollars. “ Ils sont loin du tarif final, car même s’il parvient à récréer le caisson de cette guitare, il devra faire ré-usiner les touches de frettes abimées et refretter, planimétrer, faire un réglage complet, changer les cordes et la touche finale : revernir. “ C’est à quel nom ? “ Qu’il demande en attrapant son carnet de commande plus que bordélique et plein à craquer, tout en cherchant un stylo parmi ses tournevis.

Tu avais réussi à te calmer sur la route pour aller chez le luthier, du coup tu te sentais un peu mieux. C’est pour ça que tu étais assez réceptif à ses blagues. Tu riais à ses frasques d’humour. Mais rapidement, tu reprenais un peu plus de sérieux quand il analysait ta gratte qui était fichue, clairement. « J’ai d’autres guitare à la maison, je peux patienter » affirmas-tu à Manwë. Tu t’en fichais si tu devais attendre des semaines voir des mois parce que tu tenais à cette guitare comme à la prunelle de tes yeux. Et quand tu l’avais jeté à travers la pièce, ça t’avait fait du mal rien qu’au moment où tu l’avais lâché. Quand il te disait que tu avais une gueule de déterré, ça te faisait rire. « Ouais j’sais mais j’ai toujours cette gueule là quoi que je fasse » dis-tu toujours en riant. « Promis, j’compte rester en vie encore un moment alors j’vais pas tomber ici, j’ai pas envie de rencontrer vos cadavres » ajoutas-tu à l’égard du luthier. Il avait l’air vraiment sympa, dommage que tu ne l’ai pas connu avant. En tout cas, il prenait ta guitare pour la réparer et ça c’est vraiment cool. Il te demandait un acompte de 150 dollars et tu sortais ton porte feuille pour les lui donner. T’avais retiré 200 dollars avant de venir, tu savais que ça te couterait cher dans tous les cas. Tu lui donnais les sous en liquide avant qu’il ne te demande ton nom. « Milo, Milo Putskowski » dis-tu pour qu’il écrive ton nom sur le carnet de commande.

Manwë ne veut pas savoir pourquoi cette guitare s’est retrouvée dans cet état, mais il apprécie que le jeune homme veuille malgré tout la faire réparer. L’argent et le temps ne sont pas un problème, ce sont des réponses rares. “ Ok, ça me va. “ Ça lui convient de ne pas porter cet homme à l’hôpital, mais surtout de savoir qu’il compte vivre. Cet étranger à l’air complètement usé jusqu’à la moelle, pourtant il est bien plus jeune que le luthier.

Il prit l’acompte demandé, pas surpris que le type soit venu avec de l’argent, c’est un musicien, il a notion de la valeur du travail d’un luthier. “ Ok… Milo… Pu… Milo tronche de déterré… Je saurais que c’est toi. “ Il raye sa tentative d’écrire le nom de famille du jeune homme, pourtant, ce nom ressemble fortement à celui de son ancien colocataire auquel il n’a pas envie de penser. S’attacher à quelqu’un, même amicalement, c’est plutôt rare chez lui, mais ça lui semble insurmontable si cette personne vit avec lui. Il a toujours eut besoin d’une distance, d’une échappatoire, son chez-lui doit être une sorte de refuge, ça l’aide à ne pas partir en vrille. Il n’espère pas que les autres puissent comprendre, il se contente de faire respecter sa règle. “ Tiens, c’est ma carte. Tu me téléphone ou tu m’écris si tu veux savoir où ça en est… “ Est-ce qu’il est en train de dire au musicien qu’il n’a pas envie de revoir sa tronche de déterré en direct ? C’est ce qu’il fait et dit en temps normal. Mais ce Milo… Il lui rappelle un certain type paumé dans la vie, lui-même.

“ Je… Sinon tu peux passer… “ Il se lève de son tabouret pour faire le tour du comptoir et approcher du brun, ses yeux verts le scrutent brièvement. “ J’vais me griller une clope, t’en veux une ? “ Même s’il lui a finalement suffit que d’un regard pour comprendre que ce client souffre de quelque chose qu’il connait bien et qui fait trop de ravage, une addiction à tout autre chose que la nicotine. “ Sinon… Ça t’arrive souvent de briser des trucs auxquels tu tiens ? “ Ne pas se fier à l’aspect brindille, n’importe quel homme peut être violent…

C’était déjà une petite victoire que le luthier accepte de faire son maximum pour sauver cette guitare. Et puis tu avais deux autres guitares chez toi, alors tu avais bien le temps de t’amuser avec celles-là en attendant la guitare amochée. Quand tu donnais ton nom, toi voyais qu’il avait du mal à l’écrire. ça te faisait sourire qu’il transforme en tronche de déterré. « Ça sonne mieux, j’devrai changer de nom de famille, tiens » dis-tu avec un léger rire. Tu étais énervé précédemment, mais il avait réussi à te faire arraché plusieurs rires et sourires. Il semblait détente comme gars, pas prise de tête. Il avait l’air sympa. Mais tu aurai été loin d’imaginer que c’était quelqu’un de la même famille que ton ex et amie, Charlie. Ensuite, il te tendait sa carte pour que tu puisses le joindre ou quoi, si tu voulais des nouvelles rapidement de ton instrument. « Merci » dis-tu simplement en attrapant la carte. Tu al rangeais précieusement dans ton prote-monnaie avant de le fourrer dans ta poche de jean. Lorsque’il se levait de son tabouret, il te disait qu’il allait fumer une clope et il te proposait de te joindre à lui. « Yes, merci beaucoup » dis-tu avec un sourire en coin. Il te tendait une clope que tu attrapais entre tes doigts. Tu récupérais tes affaires et tu le suivais à l’extérieur du magasin. Tu allumais la clope avec ton briquet que tu lui tendais pour qu’il allume la sienne. Après avoir soufflé la première bouffé de nicotine, tu lui répondais. « Non pas souvent à vrai dire » dis-tu avec un sourire. « C’est assez difficile en ce moment pour moi, la vie me fait pas de cadeau » ajoutas-tu avec un rire pour dédramatiser ta phrase.

Manwë manque de s’étouffer en allumant sa clope, pourtant c’est un geste qu’il fait des dizaines de fois par jour (et oui… n’osons imaginer l’état d’encrassement de ses poumons), mais c’est assez rare que l’envie de rire lui prend lorsqu’il allume sa cigarette. Ses yeux verts accrochent ceux du plus jeune pour lui dire sérieusement “ La vie…. La vie ça ne fait jamais de cadeaux, alors à quoi bon se torturer, hm ? “ C’est malheureusement le mal du siècle, les gens s’apitoiement sur leur petite vie, sur ce qui les entoure. “ Ça fait quarante ans que je vis dans cette ville merdique et tu sais quoi ? Rien n’a jamais vraiment changé dans le fond. Les gens se rendent malade pour des choses qu’ils ne peuvent pas changer… Beaucoup me prennent pour un pessimiste, mais en réalité j’me contente de ce que j’ai, j’passe pas à côté de ma vie en pensant à tout ce que je n’aurais pas. ” Tant pis si sa vie peut sembler misérable aux yeux des autres, Man’ n’a jamais eu de pensées suicidaire de toute sa vie, malgré tout ce qu’il a vécu, ça ne lui est jamais venu à l’idée de mettre un terme à son existence. Jamais il ne s’est dit que le monde se porterait mieux sans lui, parce qu’il sait que le monde ne tourne pas autour de lui.

“ Quels que soient tes problèmes - Monsieur gueule de déterré - tu ne peux pas tout changer. “ Ce qui parait énorme à surmonter, parfois ne demande qu’un léger changement à ton niveau, même si ce changement c’est juste d’accepter. Manwë émis un pouffement quelque peu cynique avant de donner un coup de coude - léger on sait jamais - à son client. “ Comment on peut avoir une conversation aussi sérieuse d’aussi bonne heure et sans alcool ? “ Et surtout, à depuis quand Manwë Druid fait du social ?

Il avait raison, la vie ne faisait jamais de cadeau mais tu persistais à te torturer. « Bonne question, ça doit être une question d’habitude » dis-tu en haussant les épaules. Tu tirai une latte sur ta cigarette en écoutant le luthier parler. Il te racontait que rien n’avait changé depuis quarante ans dans cette ville et qu’il était du genre pessimiste. Tu étais un peu pareil dans le fond, tu ne voulais pas voir les choses sous un meilleur jour pour ne pas être déçu à la fin. « C’est juste que… j’suis bloqué à un certain point fixe de ma vie et que j’arrive pas à m’en sortir. Mais j’avoue que j’suis aussi pessimiste que vous, j’ai pas envie de me faire rêvé si les choses ne marchent pas » dis-tu un peu de façon confuse. Il comprendrait surement pas de quoi tu parlais mais c’est pas grave. Depuis que tu avais arrêté de boire il y a deux ans, tu étais toujours comme ça, à avoir peur que tout s’écroule alors tu te disais : si vous vous attendez à une déception, vous ne pourrez jamais vraiment être déçu. C’était devenu ta devise. Quand il te disait que tu ne pouvais pas tout changé, tu soupirai. « Je sais que j’peux pas tout changer mais y’a des trucs qui faudrait que j’améliore quand même » soufflas-tu avec un petit sourire sur tes lèvres. Tu évacuais en même temps la fumée de cigarette de ta gorge. Mais tu devais améliorer ta dépendance à l’alcool, à la drogue et devenir une meilleure version de toi-même. C’était une cause perdue, tu ne voulais pas te dire que tu allais y arriver et puis ensuite chuter. « Milo, c’est pas compliqué quand même, j’préfère ça à gueule de déterré » dis-tu avec un léger rire. Le luthier avait eu du mal avec ton nom de famille mais ton prénom était plutôt rapide quand même. Après, il faisait comme bon lui semblait. « C’est la grande question ! » dis-tu avec un petit rire timide. « A vrai dire, sans alcool ça m’arrive plus souvent maintenant » ajoutas-tu alors que ton rire s’essoufflait.

Il hausse également les épaules quand le plus jeune répond que se torturer l’esprit est une question d’habitude, il se demande bien à quel moment les gens se détestent au point de charger sur leurs épaules une responsabilité démesurée. Pourtant, il s’y connait en abus…

“ Pessimistes ou réalistes ? Mais est-ce qu’on est vraiment bloqué quand on regarde bien ? “ Il dit ça alors qu’il est réellement coincé avec son magasin, ses responsabilités, ses finances lamentables et pourtant… Il ne se sent pas prisonnier de sa situation. Il estime l’avoir choisi et quand ça sera trop, il déposera le bilan, mais il espère bien tenir le choque encore de nombreuses années… Il ne saurait que faire d’autre de sa vie et franchement, il n’a pas envie, ni l’énergie de changer à nouveau de voie. Il s’est tellement cherché.

Il sourit amusé à la rétorque de son client “ Ok, Milo. “ Ses yeux verts observent le plus jeune, on peut dire que Man’ a le don de lire entre les lignes, il est beaucoup plus empathique qu’il ne veut bien le laisser croire. “ Ça fait combien de temps ? “ Et il sait que Milo saura de quoi il parle, les alcooliques se posent souvent cette question : tu tiens le coup depuis combien de temps niveau abstinence ? Pourtant, même s’il dispose d’un jeton des AA, Manwë n’est pas alcoolique. Il abuse parfois de la boisson, mais il n’en consomme pas forcément quotidiennement. Il n’a de dépendance qu’à la cigarette, il pense bien que ça finira par le tuer, mais il faut bien mourir de quelque chose ? Au-delà de fumer par besoin, c’est aussi un des rares plaisirs qu’il ait dans la vie. " T'es pas obligé de répondre, c'est privé... Mais juste... C'est bien de vouloir t'en sortir. " Sa vie à lui, sa jeunesse aurait été bien différente si sa mère avait fait cet effort.

La torture ça te connait bien. Tu le fais depuis tellement des années que tu ne les compte plus. Mais il avait raison, d’un côté. A quoi ça servait d’être aussi pessimiste, était-ce la réalité ou autre chose. « Pessimiste, je pense. Parce que c’est réel, j’peux m’en sortir mais j’m’en donne peut-être pas assez les moyens » soufflas-tu en haussant les épaules. Tu scrutais l’horizon, en donnant ton prénom au luthier parce que même si gueule de déterré ça t’allait bien comme surnom, tu préférais autre chose. Ton prénom n’est pas compliqué alors tu lui disais, avec un petit rire pour dédramatiser votre conversation. « Merci » dis-tu avec un sourire quand il prononçait ton nom. Puis venait la question fatidique qu’il te posait. Il avait compris, en même temps, tu ne l’avais pas vraiment caché. Ses mots résonnaient dans ta tête. Ça faisait combien de temps que tu t’étais pris en main ? Combien de temps que tu étais vraiment sobre ? Est-ce qu’on oubliait la rechute que tu avais fias il y a quelques mois quand Charlie était venu à ton secours ? « Je suis entré dans un centre de désintoxication en juin 2019 après une overdose lors d’un évènement » dis-tu en soufflant. Tu reprenais une taff sur ta cigarette et tu reprenais. « J’ai tenu 695 jours sobre avant de faire une rechute et j’ai failli attenter à mes jours » ajoutas-tu simplement. Tu avais mis la médaille de tes deux ans de sobriété aux AA, parce que tu n’en étais plus digne. « Maintenant, je suis sobre depuis ce jour là, ça fera un an en avril » dis-tu en regardant finalement Manwë. Tu venais de lui raconter ta vie, il en avait peut-être rien à cirer de tout ça, même s’il avait posé la question. Mais ça te faisait du bien de souffler, de parler de tes maux à vois haute. « Ça fait du bien d’en parler » dis-tu avec un petit sourire en coin. « Vous aussi ? » demandas-tu simplement, en essayant de ne pas l’offenser et qu’il le prenne mal. Même s’il avait posé cette question de façon anodine, il savait de quoi il parlait.

Il ne pensait pas que le plus jeune se confierait aussi facilement à lui, pourtant ça ne devrait plus l’étonne, les gens ont tendance à leur raconter leurs problèmes, il doit avoir la gueule de l’emploi… Ça ne le dérange pas, les gens sont sincères dans leur détresse, c’est ce qu’il ne retrouve pas forcément quand les gens essaient d’être sympas avec lui.

Man’ écoute ce récit pour le moins compliqué, il recule pour se caler à l’ombre et se protéger des rayons du soleil qui à travers ses iris vertes provoquent une douleur à laquelle il a fini par s’habituer avec les années. “ Moi ? Non. “ Il lui adresse un sourire en soufflant la fumée de sa cigarette. “ C’était ma mère… Quand j’ai fais un syndrome de sevrage quelques jours après ma naissance, elle m’a abandonné à l’hôpital. “ Et pourtant, il la plaint toujours, et il l’a aimé. Elle a été une mère médiocre, mais il lui a pardonné depuis bien longtemps, longtemps avant sa mort. “ Il n’y avait pas que l’alcool dans sa vie, elle a fait ce qu’elle pouvait pour s’en sortir, pour être une bonne mère. “ Elle ne pouvait cependant pas compter sur son père pour l’aider à s’en sortir, il sait qu’elle a voulu le meilleur pour lui en l’abandonnant. Elle savait qu’elle serait nulle, mais son père l’a forcé à être mère, il l’a culpabilisé, il l’a manipulé, il l’a frappé, elle en est morte. Lui n’a été qu’un moyen de pression dans cette histoire. “ J’n’ai pas su l’aider non plus et ça à fini par l’emporter quand j’avais quinze ans…” Il se souviendra toujours de cette civière et de ce drap blanc, c’est comme s’il pouvait les voir à cet instant. Il a dû attendre une année pour que le même scenario se répète avec sa belle-mère et qu’enfin son père fut arrêté.

“ Je ne le vis peut-être pas, mais j’ai grandi avec ça… Avec ce vide que l’alcool cause. “ Il n’y a pas que les buveurs qui sont victimes de l’alcoolisme. “ J’ai fini par trouver avec quoi remplir ce vide, enfin, j’crois… “ C’est drôle, parce que c’est pas son genre de parler de lui, de ce qu’il ressent, mais là, c’est presque facile. "Pas toi ?"

Tu venais de conter ton histoire à Manwë comme si tu le connaissais déjà. Alors que pas du tout, tu venais de dévoiler ta vie d’alcoolique à un étrangers. Enfin pas si étranger que ça, c’était le cousin de ton ex mais quand même, vous ne vous connaissiez pas. Mais à son tour, il venait te parler de sa vie, pourquoi il avait l’air si sensible à l’alcoolisme. Il ne l’était pas, de son côté, c’était son entourage qui l’avait été. Son histoire était terrible, et tu te sentais désolé pour ce bon vieux gars même si tu ne le connaissais pas. Tu buvais ses paroles pendant que tu continuais de fumer ta cigarette. La vie ne l’avait pas épargné au brun, ça se voyait. Mais même si sa mère était fautive et alcoolique, il ne lui en voulait pas. Pourtant, toi, y’a des gens qui t’en ont voulu d’être comme ça et de pas guérir, à commencer par Beth par exemple. Mais c’est une autre histoire. « C’est sur d’aider quelqu’un qui est alcoolique… » soufflas-tu avec la fumée de ta cigarette. C’était jamais facile d’aider quelqu’un qui souffrait de cette maladie, de l’alcool et de la drogue. Tu avais eu du mal à te faire soigner, toi-même. Comme il le soulignait, c’est pas parce qu’il ne l’était pas lui-même qu’il ne savait pas les dégâts que ça faisait, cette boisson dangereuse. « Un sacré vide » répétas-tu en écho aux paroles du luthier. Tu levais les yeux en l’air, comme pour trouver la réponse à la question qu’il venait de te poser puis tu souris. « J’ai des gens super qui sont là pour moi, qui m’aident beaucoup. Mon travail est le meilleur truc au monde, la musique est ma passion. Mais j’ai pas encore réussi à me détacher de l’alcool, de la drogue, de tout ça… » dis-tu en perdant légèrement ton sourire à la fin de ta phrase. Tu finissais ta clope que tu écrasais par terre avant de la mettre dans le cendrier à côté de la porte.

Man a seulement hoché la tête quand le plus jeune affirme qu’il est difficile d’aider quelqu’un d’alcoolique, il espère ne pas ajouter de la culpabilité sur ses petites épaules, mais il est vrai que l’alcoolique fait des dégâts autour de lui… Peut-être qu’être confronté à cette réalité peut donner la force d’arrêter, de comprendre que l’on est pas seul à souffrir. Le luthier n’a pas la prétention de pouvoir aider en quoi que ce soit, mais ce gars-là, sa souffrance lui parler. Difficile d’en parler, mais puisqu’il s’est confié, il se dit qu’il peut lui rendre cette confiance. À qui pourrait-il bien raconter ça ? Qui est-ce que ça intéresse ?

Il donne une tape sur l’épaule du guitariste pour happer à nouveau son attention et son regard, même si cela lui demanda de sortir de l’ombre  “ Si ce sont des gens qui comptent pour toi, c’est à toi d’être là pour eux… Mais t’peux pas te reposer que sur eux, t’as conscience de ça ? Pour t’faire aider, faut que tu trouve aussi des personnes moins impliquées que les gens qu’t’aime. “ C’est ce qui détruis tout, parce que c’est une maladie, et qu’il faut quelqu’un qui sera prêt à lui foutre des claques sans avoir peur de le perdre, de le blesser trop fort et inversement. Il dépose à son tour son mégot dans le cendrier avant d’ajouter “ La musique c’est quelque chose qui prend pas mal de place, hm… “ La musique c’est une passion qu’il partage, à sa manière. Il n’a pas voulu d’une vie de saltimbanque parce qu’il connait les risques liés à la drogue, l’alcool, entre autre… “ J’voulais pas te mettre inconfortable mon pote, j’parle juste de c’que j’connais… Ta vie a probablement rien à voir. “ Il en doute, mais Manwë n’est pas un moralisateur, ni même un donneur de conseils.

La tape que te donnait le luthier dans le dos te sortait de tes pensées. Il avait raison, tu ne pouvais pas compter que sur les gens que tu aimes et qui t’aiment. Alors tu lui adressais un mince sourire. « Je sais, c’est pour ça que je vais aux alcooliques anonymes et aux narcotiques anonymes. Pour que j’ai du soutien d’ailleurs que dans mon entourage » dis-tu avec un léger sourire. Tu avais le temps d’aller à ce genre de meeting puisque tu travaillais à ton compte et que tu emménageais toi même ton emploi du temps. T’avais un sponsor, tu étais aussi un sponsor de quelqu’un, même si t’étais pas vraiment de la meilleure des influence. Puis tu essayais de te concentrer plus sur ton job et sur ta musique pour ne pas penser qu’à l’alcool et la drogue. Même si tu y penses constamment. « Oui, et puis je joue souvent, j’ai un groupe avec des potes et ça m’aide beaucoup dans la… guérison ? » dis-tu avec une petit moue triste. T’aimais pas appeler ça la guérison mais pourtant c’est vraiment ça, tu voulais gérer de cette maladie qu’est l’alcoolisme. « Non, vous inquiétez pas, ça me fait du bien d’en parler à quelqu’un qui ne me connaît pas et qui est sensible à ce sujet » dis-tu avec un sourire en coin. Tes amis voulaient t’aider à aller de l’avant, mais ils ne comprenaient pas forcément ce que l’alcool avait comme effet sur toi, ou la drogue même. Les deux étaient délicats pour toi, ce qui rendait la guérison encore plus compliquée. « En tout cas, merci d’essayer de sauver ma guitare » dis-tu au luthier avec un sourire en coin.

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