ces pensées qui me font vivre un enfer (wooja)

Décembre 2021, juste avant son départ pour Chamonix. Après quelques sms échangés et ce sentiment que cette connexion inexpliquée ne s'effacera jamais, te voilà en chemin pour Mullers Lagoon. Normalement, tu devrais être avec Daniella, affalée dans le canapé, devant un bon film et un plat de pop corn entre les mains. A la place, tu prends la direction de ce petit coin de paradis où vous aviez l'habitude d'aller, Woody et toi, quand vous étiez encore ensemble. L'endroit est isolé, au calme, loin de la civilisation et des regards indiscrets. Clairement, votre rencontre ferait jaser si quelqu'un était au courant mais c'est bien le point ici, cela doit rester votre secret. Tu rejoins cette petite cabane reculée qui appartient sûrement à un habitant qui n'a aucune idée que vous avez trouvé la clé, il y a de ça des années, et que vous l'utilisez. De temps en temps, quand vous avez besoin de vous recentrer, de renouer avec vos sentiments les plus simples, vous venez ici, tous les deux. Vous ne discutez pas forcément, vous n'en avez pas besoin. Tout ce qu'il vous faut, c'est savoir que l'autre est présent et aussi près physiquement qu'au creux de votre coeur. Première arrivée, tu trouves la clé à son endroit habituel, dans le pot de fleurs posé sur la fenêtre de droite. Tu t'assures que personne n'est présent avant de t'engouffrer à l'intérieur de la petite cabane qui ne possède pas grand chose si ce n'est un minuscule canapé, quelques magazines, un kit complet de pêche et quelques babioles. Tu t'installes dans le canapé, pianotant sur ton téléphone jusqu'à ce que tu découvres Woody dans l'encolure de la porte. Il ne te faut pas plus de quelques secondes avant de te lever, t'avancer vers lui et le prendre dans tes bras.

Décembre 2021, un peu plus d’un mois après la fausse couche de Charlie. La cabane vers laquelle Woody marchait devait avoir appartenu à un ancien pêcheur, qui avait fait de ce petit lac son endroit de prédilection, avant que le lieu ne devienne autant touristique. Le Mullers Lagoon n’avait plus rien de l’endroit sauvage qu’il avait dû être auparavant. Les sentiers de gravier se multipliaient, les bancs de parc et les lampadaires le longeant à chaque trois cent mètres. Les couvertures à pique-nique étaient étendues ici et là, recevant sur elles des bandes de potes, des amoureux, des petites familles. On entendait rire et parler à chaque coin du parc … sauf lorsqu’on s’égarait un peu dans les herbes, les arbres et les buissons, pour en arriver à cette cabane un peu reculée du Lagoon. Freja et Woody l’avaient trouvée il y avait de cela plusieurs années, cette cabane presque en ruine mais dont la clé se trouvait encore cachée sous le pot de fleurs, intouchée. C’était devenu leur repère loin des regards, et aujourd’hui plus que jamais sans doute, ils avaient besoin de se rencontrer sans trop faire parler d’eux. Pour l’un comme pour l’autre. Woody ne savait pas pourquoi c’était à elle qu’il avait décroché le téléphone, quand il avait vu son nom sur son afficheur. Il n’avait répondu à personne, aucun appel, aucun message. Mais en voyant qu’elle, elle lui tendait la main, il avait eu envie de revenir dans le temps, d’oublier les dernières années. Oublier la fausse couche de Charlie. Oublier celle de Freja, aussi. Revenir à ce moment où tout était plus simple avant que sa tête de mule ne chamboule le calme. Tiraillé par la culpabilité, la tristesse et l’envie de retrouver Freja, l’aîné des Rutkowski poussa la porte de la cabane avec une certaine hésitation. Mais en la voyant se lever du canapé dès que leurs regards se croisèrent, il sut que bien malgré lui, c’était un peu de ça dont il avait besoin. Le jeune homme accueillit la norvégienne dans ses bras et cacha son visage dans la chevelure de la brunette, enfoui dans son cou. Les émotions que Woody contenaient en lui depuis la fausse couche de Charlie voulaient enfin sortir de leur cage mais le trentenaire luttait, encore et toujours. Pour détourner l’attention de sa mâchoire qui se serrait et de son cœur tout à l’envers, il déclara : « J’ai aucune idée de ce que je fous ici mais ça m’fait du bien que tu sois là, Frej’. »

Pour le bien de ton couple, de ton esprit, de ton petit coeur et probablement de celui de Woody également, ce n'est clairement pas la meilleure solution de vous retrouver, dans ce repère, votre repère. Tu n'as jamais parlé de cet endroit à qui que ce soit, voulant le garder comme un secret privilégié, enfui à tout jamais, en Woody et toi. De nombreuses fois, vos secrets ont été dévoilés par les Writers ou par certains de vos "proches" mais aujourd'hui, tu désires, plus que jamais, que cette rencontre soit secrète. Votre secret, qui n'appartient qu'à vous. Au moment où la porte s'ouvre pour dévoiler Woody, tu ne peux t'empêcher de t'avancer vers lui pour te blottir dans ses bras. La peine qu'il a dû éprouver après la fausse couche de Charlie, tu la connais et lui aussi, d'ailleurs. Ce n'est pas la première fois qu'il l'éprouve et c'est pour cette raison que tu as tenu à être présente pour lui. Tu n'es peut-être pas la personne la plus appropriée ou la mieux placée mais tu ne pouvais pas rester de marbre et briller de ton absence. Cette fois encore, tu as ressenti le besoin d'être à ses côtés pour l'épauler. Par le passé, tu as manqué à ta tâche, notamment lors de fortes chaleurs qui ont accablé Bowen mais pas aujourd'hui. Plus maintenant. « Alors c'est tout ce qui compte. » Réponds-tu, toujours blottie dans ses bras, les yeux fermés. Votre étreinte dure encore quelques secondes avant que tu ne t'en détaches, ne voulant pas abuser. Après tout, tu ne sais pas où ils en sont avec Charlie et surtout, de ton côté, tu as Daniella au creux de ton coeur, cette blonde qui gagne davantage de place et d'importance au fil du temps. « C'est peut-être maladroit comme question mais... comment tu te sens ? » Maladroit ou inapproprié ? Tu ne sais pas vraiment. La réponse semble évidente dans le fond. "Mal", "désemparé", "triste", "impuissant". Tant de mots qui font écho à ce que tu as pu ressentir lors de ta propre fausse couche. Néanmoins, tu poses la question dans le but, et l'espoir, que Woody puisse poser des mots sur son ressenti. Qu'il puisse s'ouvrir à quelqu'un et laisser sortir tout ce qui dort au fond de lui. Parce que tu le connais, l'australien, et tu es persuadée qu'il enfuit tout à l'intérieur dans l'espoir que ça passe.

Il fallait que cette rencontre demeure secrète, de toute façon. Il ne pouvait en être autrement. Il y avait bien trop à risque. Si Charlie apprenait que Woody avait été à la rencontre de Freja alors qu’il jouait le mort auprès d’elle, ça ne passerait pas. Ça ne passerait plus. Était-ce peut-être un peu ce qu’il voulait pourtant provoquer, en se montrant la tête ici aujourd’hui ? Était-il en train de saboter sa relation par tous les moyens possibles, même le plus cruel ? Si Woody accordait à Charlie le traitement du silence, c’était parce qu’il se sentait complètement inutile et impuissant. Il n’avait rien à lui offrir, pas même son soutien dans cette période difficile, puisqu’il n’avait aucune énergie à donner. Il était vide. C’est la chaleur de Freja blottie contre lui qui lui rappela qu’il était humain, qu’il était vivant. Leur étreinte dura quelques secondes mais qui parurent une éternité tellement elle lui avait manqué. Il s’accrochait aux millisecondes qui s’égrenaient. C’est Freja qui initia le mouvement de recul, ramenant Woody à l’ordre. Elle lui posa une question sans doute ridicule, la réponse était claire, mais l’homme apprécia quand même qu’elle ne fasse pas semblant que rien ne s’était passé. Il aurait voulu que tout le monde fasse semblant, mais pas elle. Ils avaient beau s’être distancés, ils avaient beau ne plus être le duo infernal qu’ils avaient un jour été, il n’en reste pas moins qu’ils se comprenaient. « Je me sens encore plus brisé qu’avant. » Lâcha-t-il après une pause pour réfléchir, pour calmer sa respiration. Il n’avait jamais été doué pour trouver les mots, il n’aimait pas les chercher, il n’aimait pas fouiller en-dedans de lui pour comprendre ce qui l’étouffait. Ça faisait trop mal de vouloir comprendre sa souffrance. « J’ai beau faire tous les efforts que j’peux pour me guérir, pour réparer c’qui cloche en-dedans de moi … Y’a toujours quelque chose qui se passe et qui me ramène à … » Il marqua un arrêt, réfléchissant rapidement, avant d’hausser les épaules. « … Au point de départ. Mais qui ressemble plutôt à la ligne d’arrivée. » Parce que dans les circonstances, Woody n’avait ni l’envie ni la force d’avancer. Il avait parfois l’impression que c’était comme ça que son histoire se terminait. Inachevée, déficitaire, sombre.

Là, tout de suite, tu es bien loin de te douter que cette rencontre aura certaines répercussions sur ton couple, quelques mois plus tard. Cette rencontre reviendra au détour d'une conversation de pré-rupture, par accident, mais elle ne demeurera pas secrète malheureusement. Dans le fond, tu sais pertinemment qu'à Bowen, tout finit toujours par se savoir un jour. Cette étreinte que vous échangez, tu l'aurais bien poursuivie pendant un long moment encore, tant les bras de l'australien t'ont manqué. Néanmoins, par respect pour lui et sa relation, mais aussi pour Daniella, tu y mets fin, à contre coeur. Si, réellement, il n'y avait plus rien entre Woody et toi, cette étreinte ne poserait pas problème mais vous savez tous les deux que cette flamme, entre vous, ne s'éteindra jamais complètement. Ton coeur lui appartiendra toujours d'une façon ou d'une autre car il aura été - et restera - le grand amour de ta vie. Tu imagines mal quelqu'un le détrôner, lui qui occupe cette place depuis tant d'années maintenant. « Je suis désolée Woody. » Souffles-tu quand il avoue être encore plus brisé qu'auparavant. Tu ne comptes plus le nombre de fois où les événements de la vie ont bousculé le jeune homme, le mettant, à chaque fois, plus bas que terre. Pourtant, même s'il se persuade du contraire, Woody a toujours fini par se relever et souvent seul, n'acceptant l'aide de personne. C'est dire à quel point sa force de caractère est grande même si sous-estimée. « Tu penses vraiment que c'est ça la ligne d'arrivée pour toi ? Tu penses vraiment que tu vas finir tes jours seul, alors que tu as bien des gens qui t'aiment du plus profond de leur coeur ? » Toi y compris, il n'est pas vraiment nécessaire de le souligner, si ? T'installant sur le petit canapé du cabanon, tu attends que Woody t'y rejoigne avant de ramener tes jambes, pliées contre ta poitrine. « Qu'est-ce que tu te dis, à quoi tu penses, quand tu es tout seul chez toi, dans ta grande maison ? » Parce qu'il est évident que Woody s'est terré chez lui, c'est l'un de ses mécanismes de défense préféré. Tu y as été trop souvent confrontée par le passé malheureusement. Et tu doutes qu'aujourd'hui les choses soient différentes.

Freja s’avouant désolée, Woody se contenta d’hocher la tête. Tout le monde l’était, désolé. Mais personne ne pouvait lui ramener ce qu’on lui avait cruellement volé. Tout ce qu’on lui volait, année après année. Il n’était jamais épargné, l’aîné des Rutkowski, comme si le bonheur était un concept que la vie lui refusait. Il n’y avait pas droit. Il n’y aurait jamais droit. Son moment de gloire était passé, il avait assez souvent gagné, mais c’en était terminé pour lui. Réfléchissant aux questions de Freja, le jeune homme alla rejoindre la norvégienne sur le vieux canapé du cabanon. Elle avait les jambes ramenées vers elle, lui les allongea complètement devant lui, son corps se perdant dans le dossier du divan. « J’ai beau être entouré de gens qui m’aiment, j’suis quand même toujours seul, finalement, Freja. Parce que j’finis toujours par décevoir. Tout le monde. » Il s’agissait de ses propres actions, de ses décisions, qui décevaient son entourage. Il aurait pu faire un effort pour changer pour le mieux. Il n’en avait pas la force, Woody. Cette solitude, c’était un peu sa nouvelle zone de confort. Sa vie avait déjà tellement changée, il ne pensait plus avoir la force de tout reprendre en mains. Il soupira à la prochaine question de la brunette, qui semblait décidée à le plonger dans l’introspection, aujourd’hui. « J’essaie de pas penser, justement. » C’était d’ailleurs l’une des premières journées, depuis la fausse couche de Charlie, durant laquelle Woody était sobre. L’alcool, la drogue, les somnifères pour l’endormir à longueur de journée, toutes les méthodes étaient bonnes pour engourdir ses pensées. « J’panique, si je réfléchis. » Et il risquait de poser un acte regrettable, emporté par l’anxiété et la peur d’un futur sur lequel il n’avait aucun contrôle. « Ça t’arrive jamais, à toi ? De juste … tout vouloir mettre à off ? » Demanda-t-il à Freja en tournant faiblement la tête vers elle.

Ce que Woody ressent aujourd'hui, tu ne peux que le comprendre et le ressentir, par procuration, toi aussi. C'est presque comme si tu revivais la perte d'un enfant avec lui sauf qu'aujourd'hui c'est avec une autre qu'il partage cette peine. Enfin, partage est visiblement un bien grand mot. A l'époque, lors de la perte de votre bébé, tu t'es sentie plus détruite que jamais au-delà des douleurs infligées à ton corps. Aujourd'hui, tu ne peux imaginer à quel point cela doit être difficile pour Woody de revivre ça, de ressentir à nouveau cette douleur dans la poitrine qui ne vous quitte pas. Alors être désolée est bien trop faible comme mot mais c'est tout ce que tu peux dire pour l'instant. Tu te sens complètement impuissante maintenant que vos chemins ont pris des directions différentes et que vous êtes tous les deux accompagnés par d'autres personnes. « Je ne te laisserai jamais seul Woody. Tu n'as pas encore compris... Ce n'est sûrement pas juste de dire ça mais quand je me sens seule, c'est à toi que je pense. Le simple fait de t'amener au premier plan de mes pensées me fait me sentir bien. Ta présence dans ma tête adoucit mon esprit, mon coeur. » Il est toujours en arrière plan, là quelque part, même quand il ne devrait pas. C'est plus fort que toi, c'est juste vital. Alors oui, des déceptions dans votre relation, il y en a déjà eues mais des deux côtés. Woody n'est pas le seul à avoir merdé. Essayant d'y voir un peu plus clair dans son esprit, tu questionnes l'australien sur ses pensées, sur sa façon de gérer les choses, si seulement il y parvient un minimum. Son mécanisme de défense, le fait de ne pas penser ressemble vraiment au tien. C'est le genre de choses que tu pourrais faire, toi aussi, t'enfuir à l'autre bout du monde pour éviter de penser et d'affronter les événements. C'est tellement plus facile mais ça ne fait que repousser le problème. Tu l'as appris à tes dépends plus d'une fois. « Si, évidemment. » Dis-tu en tournant la tête vers lui, le regard rassurant. Bien sûr que tu as déjà pensé au pire et plus d'une fois. Dans ton adolescence, tu as d'ailleurs déjà tenté de mettre fin à tes jours, ne supportant plus la violence que tu vivais au quotidien. Tu as juste voulu que tout s'arrête, pour de bon. Il y a quelques années, quand l'addiction est entrée dans ta vie, tu y as à nouveau pensé. Heureusement, tu as toujours trouvé une main tendue pour ne pas plonger. Aujourd'hui, tu ressens le besoin d'être cette main pour Woody. Si, du moins, il l'accepte. « Face à tout ce que tu as vécu, ces dernières années, c'est humain Woody. Cela doit être tellement dur d'être confronté à tout ça au quotidien. Mais pour éviter d'en arriver là, il faut que tu ramènes du positif dans ton quotidien... Ne me dis pas qu'il n'y en a pas, je sais que c'est faux. Tu ne le vois peut-être pas encore. » C'est toujours plus facile à dire qu'à faire, bien sûr. « Je veux être là pour toi. Si tu as des pensées noires dans ce genre-là, je veux être celle qui t'aide à t'en défaire. » Pourtant, ce n'est plus ton rôle mais bien celui d'une autre. Et ça, ça te rend malade.

La perte de ce second enfant ne faisait que confirmer à Woody ce qu’il pensait déjà : c’était lui le problème. Son corps, son être tout en entier, son karma de merde qui lui rappelait que plus jamais il ne verrait la lumière. Freja avait beau avoir passé des tests, pour lui c’était évident qu’avec un autre homme que lui, elle aurait davantage de chances de mettre au monde un enfant. Et maintenant, il pensait la même chose pour Charlie. C’était sans doute mieux ainsi. Qui voudrait de Woody Rutkowski comme père ? On ne pouvait pas débuter une vie de pire façon que ça. La vie jouait dans la prévention, en donnant la mort à tout ce qui pouvait provenir de lui. C’est cette douleur qui habitait le trentenaire, depuis la fausse couche de Charlie. Ces pensées-là qui l’empêchaient de dormir s’il ne prenait pas quelques cachets, avalés avec la première bouteille trouvée. « Tes pensées ne se souviennent sûrement pas exactement de ce que je suis, de comment j’ai pu te faire sentir … Dans tes souvenirs c’est probablement plus doux que dans la réalité … » Répondit-il, surtout pour éviter de rebondir sur le fait que Freja pensait encore à lui. C’est elle qui avait décidé qu’elle ne l’aimait plus, qu’elle tirait un trait sur eux. C’est elle qui était maintenant avec une autre, de ce qu’il avait pu comprendre même si elle ne le lui avait jamais directement confirmé. Il n’avait surtout jamais voulu demander. Il n’en voulait plus de ces conversations-là avec Freja, les what if et les doutes, même si c’était inévitable. Tout les ramenait toujours à ça. Tout les ramenait à eux. Pour le moment toutefois, c’est sur sa souffrance que Woody se concentrait, parce que la norvégienne lui posait des questions qui faisaient mal. « La bouteille de whisky fait très bien ce travail pour le moment. » Lâcha Woody, las. Il soupira, regardant finalement Freja. « Tu sais que j’ai jamais su comment m’ouvrir, comment être vulnérable. J’ai jamais su l’être complètement avec toi. Ça n’a pas changé, pas avec toi, pas avec qui que ce soit. » Ce n’était pas bien difficile à voir, d’ailleurs, puisqu’il s’était éloigné de Charlie dès que la situation était devenue trop difficile à encaisser. S’il n’était pas avec elle aujourd’hui, c’était parce qu’il n’avait pas évolué dans la gestion de sa souffrance. Il était toujours aussi malhabile, aussi réservé, aussi égoïste.

Le fait que Woody ne rebondisse pas sur cet aveu que tu viens de lui faire, en dit long sur l'état de votre relation aujourd'hui. Elle est bel et bien terminée, le chapitre - le livre même - s'est clôturé, peut-être même refermé pour toujours. Néanmoins, tu ne soulignes pas quoi que ce soit, préférant garder le jeune Rutkoswki au premier plan de la conversation. Après tout, vous êtes là pour lui. Seulement pour lui. « Mes souvenirs sont parfaitement intacts, ne t'en fais pas. » Dis-tu simplement. Dans ton esprit et dans ton coeur se trouvent tous ces souvenirs partagés avec l'australien. Chacun d'eux est gardé bien précieusement même ceux qui paraissent plus difficiles, plus compliqués, plus douloureux. Ils font partie de toi aujourd'hui. « Tu sais comme moi que ce n'est pas une solution. » Souffles-tu, les sourcils légèrement froncés. « Tu n'as jamais su ou tu n'as jamais voulu ? » Demandes-tu avec douceur. Ce n'est en aucun cas un jugement mais plutôt une réelle question. Qu'est-ce qu'il fait qu'il refuse de s'ouvrir à tel point, même auprès de toi, alors que votre relation ne date pas d'hier. Après tout ce temps, tu sais qu'il a confiance en toi et que ce n'est pas une question de confiance. Alors, parfois, tu t'en viens à te demander s'il n'y a pas également une question de volonté. Enfin, t'en sais rien finalement. Woody ne s'est jamais épanché sur le sujet, même avec toi. « Qu'est-ce qui te fait si peur dans le fait de te confier Woody ? » Ajoutes-tu, toujours pour essayer de comprendre et de l'aider à y voir plus clair. « Si j'te saoule avec mes questions et que tu préfères ne pas en parler, tu as aussi le droit de le dire, je ne le prendrai pas mal. » Au contraire, tu préfères qu'il se montre honnête plutôt que de le voir se renfermer sous le coup de tes questions.

Il ne pouvait pas rebondir là-dessus, Woody. Il ne voulait pas. Il traversait une dure épreuve mais il savait que Charlie aussi vivait les mêmes émotions, décuplées même par l’absence de Woody qui aurait dû être là pour elle. Il ne pouvait pas couronner cet abandon d’une trahison. Il l’aimait, Charlie. Même s’il aimait aussi Freja, même si une partie de lui aimerait toujours Freja, oui. Le dire à voix haute ce ne serait bon pour personne. Un court rire peu convaincu s’échappa des lèvres du trentenaire lorsque la norvégienne affirma que ses souvenirs étaient intacts. Woody avait pourtant toujours pensé que les bons souvenirs s’effaçaient toujours plus vite que les mauvais. À propos du whisky, il haussa les épaules. « Et tu sais comme moi que parfois il ne semble pas y en avoir d’autres, solutions. » Le physiothérapeute savait que Freja avait aussi eu tendance à se tourner vers l’alcool lorsque son monde s’écroulait. Par le passé, c’était son mécanisme de défense, sa façon de fonctionner. Aujourd’hui il ne savait plus, il ne la connaissait plus autant qu’avant. Peut-être que la présence de Zoé dans sa vie lui avait permise de se trouver de meilleures manières de faire face à l’adversité. Lui ne connaîtrait jamais ça. « Les deux. Je n’ai jamais su comment et j’ai jamais voulu apprendre, non plus. » Ça lui paraissait plus simple, à Woody, de garder tout en-dedans de lui et de ne jamais montrer aux autres toute la noirceur qui l’habitait. Au fil du temps c’était devenu de plus en plus difficile mais malgré tout, il y avait encore une part de secrets dans les démons qui habitaient Woody. Ou plutôt, c’est Woody qui les habitait, ses démons. « Tu me saoules pas … C’est juste … Compliqué de répondre. » S’il y avait une personne qui pouvait lui poser toutes les questions du monde, c’était Freja. Il ne le prendrait jamais mal. Il ne lui en voudrait jamais. Et s’il ne voulait pas répondre, comme elle le lui disait, il n’avait qu’à le dire. « J’ai peur que … J’ai peur que les regards changent, que le jugement prenne place, qu’on veuille me faire changer d’avis sur des trucs que je pense. Je préfère montrer ce que je veux montrer. Ça me garde en contrôle d’au moins une chose dans ma vie. Les rares fois où je me suis ouvert, je l’ai regretté, si ça se trouve tout ce que je suis en train de te dire, ce soir j’vais me trouver bien con de te l’avoir dit. » À nouveau, il haussa les épaules. C’était le seul mouvement qu’il se sentait capable d’articuler. « Et puis c’est le désordre, en-dedans, même moi j’y vois pas clair. » Alors parfois il disait des choses qui dépassaient sa pensée, ou qu’il n’aurait pas dites de cette façon s’il avait eu le temps de faire du ménage dans ses mots.

Non, ça n'aurait pas été sage de rebondir ni pour Woody et son couple ni pour le tien avec Daniella. Aujourd'hui, vous ne pouvez plus rentrer dans ce genre de schéma. C'est terminé parce que tu as mis un frein définitif à votre histoire afin que l'australien puisse s'investir pleinement aux côtés de quelqu'un d'autres. Tout ça parce que tu as fini par te convaincre que tu n'étais pas celle qu'il lui fallait. « Mais c'est en choisissant ce chemin-là qu'on finit dans des endroits très sombres. » Affirmes-tu en fronçant les sourcils à nouveau. De ton côté, l'alcool a souvent fait partie de ta vie durant tes moments compliqués mais pas seulement. La drogue s'est également glissée parmi tes pires moments de vie et chaque jour est un combat contre cette addiction. Tu ne voudrais pas que Woody en arrive au même point avec l'alcool. Il mérite tellement mieux que ça. Tu hoches la tête lorsque le jeune homme répond qu'il n'a jamais su comment s'ouvrir et qu'il n'a jamais voulu apprendre à le faire. C'est honnête et criant de vérité pour toi qui le connais sur le bout des doigts. Tu lui demandes d'aller chercher au plus profond de lui-même, de trifouiller dans ses tripes et surtout dans son coeur, exercice plutôt compliqué pour le jeune Rutkowski. Mais tu es convaincue que c'est de cette façon que tu peux l'aider à y voir plus clair. « Pourquoi tu regretterais de te confier à moi ? » Demandes-tu sans réellement comprendre où il veut en venir.« C'est normal que ce soit le désordre après ce que tu as vécu... Mais débattre avec quelqu'un sur ce que tu penses - ou ressens - n'a pas forcément pour but de te faire changer d'avis. Cela nous permet juste de savoir où tu te situes et de t'aider au besoin. » Déchiffrer Woody est un exercice assez ardu auquel tu as déjà été confrontée plus d'une fois. Néanmoins, à chaque fois que tu as eu la chance de le faire, cela vous a permis à lui comme à toi d'y voir plus clair. Dans le fond, la communication est la clé de tout. « Qu'est-ce que tu as regretté, quand tu t'es ouvert à moi ? » Oses-tu demander, toujours interloquée par ses dires.

« Je suis déjà dans un endroit très sombre. » Avait admit Woody, le regard perdu au loin même si le mur n’était pas si loin que ça, il ne le voyait plus, il ne voyait plus grand-chose, il avait l’impression que tout était flou autour de lui. Plus rien n’avait de sens. Les questions de Freja n’en étaient que plus complexes à déconstruire. Il avait du mal, Woody, à organiser sa pensée. Et quand elle lui demanda ce qu’il avait pu regretter, en se confiant à elle, l’homme demeura silencieux un moment encore. Des épisodes de leur vie lui revenaient en flashback. Les images étaient presque intactes, comme si ces mauvais souvenirs s’étaient ancrés dans sa mémoire pour lui rappeler, toujours, ce qu’il avait perdu par sa propre faute.

C’était en 2018, après la fusillade. Freja était à l’hôpital. Woody n’avait assisté à rien de cet horrible événement. Mais il avait su que Freja se trouvait sur la plage à ce moment-là et qu’elle avait été emmenée à l’hôpital. Il avait été la voir dès qu’il avait pu, elle n’avait que des blessures mineures mais évidemment, jamais il n’avait pu ne pas s’inquiéter pour elle. Ce jour-là à l’hôpital, Woody avait pour l’une des premières fois dit à la norvégienne qu’elle méritait mieux que lui, qu’il ne pourrait s’engager auprès d’elle, que par amour il devait la laisser aller. Freja lui avait par la suite dit de partir. Parce que c’était ce qu’il savait faire de mieux. « M’ouvrir à toi sur mes sentiments, sur où j’en étais alors que je le savais même pas, Freja. Je pense qu’à quelque part j’avais tellement de mal à comprendre ce que je ressentais que ça sortait n’importe comment. Je n’ai jamais été aussi incohérent qu’avec toi. Je t’aimais d’un amour fou et je te laissais me filer entre les doigts. » Encore et encore, Woody avait fait le choix d’ignorer leur amour, prétextant que c’était pour le bien de Freja. Peut-être aurait-il dû aujourd’hui se réconforter en la sachant avec Daniella. Mais il avait encore la boule au ventre malgré tout. « Tu te souviens quand je suis venu te voir à l’hôpital, après la fusillade ? Ça s’est terminé entre nous, par ma faute, encore la même rengaine. Ce jour-là tu m’as dit que tu espérerais que je regretterais mes paroles. » Et vite, parce qu'un jour, il sera trop tard pour faire machine arrière. Woody hésita un moment. Les paroles qu’il s’apprêtait à lui admettre étaient lourdes de sens, et douloureuses sachant qu’ils pouvaient effectivement difficilement faire marche arrière maintenant. Ils étaient ailleurs, dans leur vie. « Je les ai regrettées, Freja, ces paroles. Tu peux pas savoir à quel point j’ai regretté de t’avoir laissée partir. Mais autant je l’ai regretté autant je me suis toujours convaincu par la suite que c’était quand même pour le mieux. Tu vois à quel point c’est confus dans ma tête ? C’est pour ça que je préfère ne rien dire. Je ne le sais pas, ce que je veux. Je ne l’ai jamais su, même en paraissant tellement borné. Et maintenant que je me suis laissé une chance avec Charlie, … bien sûr que, souvent, ça me traverse l’esprit, de me demander … Et si c’était avec toi que je m’étais laissé cette chance ? Et si j’avais fait ce bout de chemin-là plus tôt ? » Il haussa les épaules. « Et toutes ces autres fois par la suite, où j’aurais encore eu ma chance mais que c’était tellement le bordel en-dedans … J’me suis convaincu de répéter les mêmes erreurs parce qu’au fond j’savais pas quoi faire d’autre, quoi dire d’autre. » Il soupira.

« Je regretterai ce soir encore de t’avoir dit tout ça. Parce que ce n’est pas juste pour Charlie. À chaque fois que je me confie, je fais du mal autour de moi. Peu importe à propos de quoi. » Il secoua la tête. Déjà les remords l’envahissaient. Son discours était décousu, la souffrance parlait. Il avait le cœur désorganisé par la peine. « Oublie tout ça, ok ? Je veux pas que les gens sachent ni où je me situe, ni ce dont j’ai besoin pour être aidé. C’est mieux que je sois seul. » Tout d’un coup il se referma.

Tu baisses les yeux, ressentant une certaine tristesse à l'idée que Woody soit dans un de ces endroits si sombres complètement seul et démuni. Avec la perte qu'il vient de vivre, ce n'est pas étonnant qu'il tende à rejoindre ce genre d'endroits mais il devrait y avoir une main pour le retenir. La tienne, celle de Charlie ou d'un ami ou membre de sa famille. Quoi qu'il en dise, l'australien est tout de même entouré. Bien entouré. Le seul problème c'est qu'il n'a jamais accepté que son entourage soit réellement là pour lui et c'est de cette façon qu'il se retrouve au plus bas. Tes propres pensées font écho au souvenir ramené par Woody. Tu te rappelles très clairement de ce moment parce que tu as souffert de votre discussion pendant longtemps. D'ailleurs, cette discussion est revenue sur le tapis maintes et maintes fois. Il a fallu un bon moment avant que l'australien daigne vous laisser une chance. Quelque part, tu envies un peu Charlie d'avoir eu cette chance sans trop de difficultés. Bien sûr, tu sais que ce n'est pas tout rose entre eux non plus, sinon il ne serait pas là, avec toi. Mais quand même, votre histoire est passée par des moments bien plus compliqués avant d'aboutir à quelque chose de vraiment beau. De vraiment pur. Jusqu'à ce que tout s'écroule, une dernière fois. La dernière fois. « Oui, je m'en souviens parfaitement. » Réponds-tu en attendant la suite. « A l'époque je ne comprenais pas pourquoi tu me repoussais comme ça mais maintenant j'y vois plus clair. Maintenant, je comprends par où tu es passé. » Parce que tu t'es retrouvé au même endroit que Woody, il y a quelques mois et encore aujourd'hui. Lorsque tu as fermé la porte sur votre histoire pour le laisser s'investir avec une autre, tu étais dans ce même état d'esprit. Un état d'esprit qui aura causé bien des dommages à votre histoire, malheureusement. Tu n'es pas certaine de devoir lui dire que tu es passée par là, que tu lui as menti lorsque tu lui as affirmé que tu avais tourné la page. Il serait sans doute en colère et il ne comprendrait pas pourquoi. Puis, à quoi bon le dire maintenant ? A quoi ça servirait ? A rien. « Avec des si on referait le monde. J'y pense aussi, très souvent même, à ce que serait notre vie si on n'avait pas perdu notre bébé ou si on était simplement resté ensemble après ça. Mais ce n'est pas parce que ça nous a détruits de l'intérieur que ça doit être la même chose pour Charlie et toi. » Oses-tu dire. Cette discussion est lourde de sens et comme le souligne l'australien, pas très juste pour vos amoureuses respectives mais les choses devaient être dites, tu le sens, tu le sais. « Non, Woody, je ne vais pas oublier tout ça. Tu ne fais de mal à personne là, il n'y a que nous deux et ça restera entre nous deux, ce qu'on se dit là. Tu peux me faire confiance, tu le sais non ? Ne te referme pas. » Souffles-tu en relevant la tête vers lui, à quelques centimètres à peine de son visage. « S'il te plait. » Ajoutes-tu sans détacher ton regard du sien. Cette ouverture, cette discussion, tu en as besoin autant que lui.

C’était devenu confortable, à force de vivre dans la noirceur,  c’était devenu confortable de s’y glisser dès que le monde extérieur lui semblait trop difficile à affronter. Le noir faisait moins mal que la lumière, son corps mettait moins de temps à s’y habituer. Son cœur, aussi. À quelque part Woody ne voulait peut-être pas qu’on le sauve, parce qu’au moins au plus bas on n’attendait rien de lui. Il n’avait pas besoin de faire semblant. Il n’avait pas besoin de sourire et de répondre que oui, ça allait un peu mieux, alors que c’était généralement faux. Au fin fond de sa solitude il n’avait pas besoin de répondre à des questions telles que celles posées par Freja. Et même si ces interrogations venant d’elle ne l’importunaient pas, elles le confrontaient quand même à ses démons. Il lui déballa alors une réponse des plus confuses, rapportant des souvenirs qui restaient ancrés dans sa mémoire comme un poison gâchant tout le reste. Il y en avait tellement d’autres, bien après ça, il y avait tant de paroles tant de moments que Woody aurait préféré ne jamais avoir vécu avec Freja mais c’est cette scène-là qui lui revint en tête, qu’il utilisa comme exemple, parce que parmi le flot bordélique de souvenirs c’est ce qu’il avait réussi à repêcher. Il ne savait même pas où il voulait en venir avec ça, il ne savait même pas quel message il passait, quelle réponse il donnait. Woody n’avait jamais su décoder ses propres émotions, au fond c’est ce qu’il voulait faire comprendre à Freja. Il était une montagne d’incertitudes et d’incohérence. En lui c’était un casse-tête dont on venait de verser, en dehors de la boîte, les morceaux éparpillés sur la table fissurée et il perdait des bouts de lui-même entre les craques. « Tu comprends ? Qu’est-ce qui a changé pour que tu saisisses là où je voulais en venir ? » Demanda Woody, les sourcils légèrement froncés. Ils s’étaient tellement pris la tête avec ça, jamais il n’aurait pensé qu’elle puisse finalement comprendre ses raisons, lui qui ne les comprenait pas tout à fait encore. Surtout maintenant qu’il s’était en fin de compte donné une chance avec Charlie, réalisant qu’il aurait pu le faire bien plus tôt dans sa vie, avec Sara, avec Freja. Et qu’il n’aurait pas gaspillé autant d’années. La norvégienne le ramena sur terre, affirmant que ça ne servait à rien de se créer des scénarios qui appartenaient au passé et qui ne s’étaient pas réalisés. Que leur finalité à eux ne devait pas forcément rimer avec son histoire avec Charlie. Il soupira discrètement, avant de prendre conscience de tout ce qui se disait, de la lourdeur de leurs mots, et de l’erreur qu’il commettait en ouvrant la porte sur de telles pensées. Il se referma complètement, demandant à Freja d’oublier tout ça. Et comme toujours, elle ne l’écouta pas. « Même si ça reste entre nous deux j’fais du mal à Charlie rien qu’en pensant à tout ça. Et j’te fais du mal à toi parce que j’te dis des trucs qui n’ont plus leur place et qu’on ne peut rien y faire, rien y changer … » Elle releva les yeux vers lui et leurs visages, si près l’un de l’autre, réveillèrent en Woody un torrent électrique au creux de sa poitrine. Sans doute leurs visages s’étaient-ils rapprochés un peu plus encore, en tout cas le trentenaire eut l’impression de sentir son souffle chaud contre ses lèvres, comme avant, comme avant que tout ne se brise. Il resta là bien trop longtemps, un funambule tanguant à gauche et à droite, pourtant son visage ne bougeait pas, son regard non plus, rivé sur Freja. « Je peux pas faire à Charlie ce que j’ai fait à Sara y’a sept ans. Je ne veux plus être cet homme-là. » Conclut-il finalement, cette scène s’apparentant bien trop à celle vécue lors de la tempête qui avait ébranlée la ville en décembre, sept années plus tôt.

Il est bien plus facile de se laisser sombrer que d'essayer de remonter à la surface, c'est une certitude. Si tu as sombré dans la drogue il y a quelques années d'ici, c'était pour ne plus avoir à affronter tes cauchemars et crises d'angoisse. Il aurait été plus difficile de trouver un.e psychologue à qui en parler pour approfondir le problème et trouver des solutions. C'était plus rapide, plus radical, de se droguer pour pouvoir dormir la nuit. Pour oublier, tout simplement. C'est sans doute ce réconfort que Woody trouve à travers l'alcool alors oui, tu comprends pourquoi il emprunte ce chemin-là même si ce n'est pas le bon. Comme tu comprends toute cette confusion à laquelle il fait allusion, vous ramenant quelques années en arrière. « Parce que je suis passée par-là. J'ai ressenti la même chose. » Dis-tu sans pour autant épiloguer sur le sujet, de peur de dire quelque chose que tu pourrais regretter et qui pourrait mettre un froid entre Woody et toi. Tu ne veux pas le perdre à nouveau, pas alors que vous reconstruisez un semblant de relation basé sur la confiance. S'il savait que tu lui avais menti, cette confiance serait perdue. Peut-être même à tout jamais. « Je suis désolée, c'est moi qui t'embarque dans ce genre de pensées, je ne devrais pas... » Souffles-tu en secouant la tête. « Ne t'en fais pas pour ma peine, elle n'est pas importante aujourd'hui. Tu l'es bien plus. » C'est pour lui que tu es là aujourd'hui, pour sa peine à lui. Pour la perte qu'il a vécu. Et sans que tu ne comprennes réellement pourquoi, ton visage se retrouve à quelques centimètres de celui de l'australien, se rapprochant millimètre par millimètre jusqu'à s'immobiliser sans que lui ni toi ne franchissiez un millimètre de plus. C'est dangereux mais ça a le don de faire emballer ton coeur à mille à l'heure. Cet effet-là, il l'aura toujours sur toi peu importe le temps qui passe, peu importe les relations que tu peux entretenir avec d'autres. C'est instinctif, c'est inné, c'est viral. « Tu n'es plus cet homme-là, Woody. Montre-lui à quel point tu peux être bon, attentionné, drôle, gentil, bienveillant. Tout ça, c'est toi. C'est ce qui se trouve là. » Souffles-tu en posant une main sur son coeur. Tu ne seras pas celle qui brisera la proximité entre vous, pas aujourd'hui. Tu en es tout bonnement incapable. Mais tu ne seras pas non plus celle qui trompe sa copine et qui pousse le jeune Rutkowski à tromper la sienne.