Le travail manuel est une lecture sans fin ft Elias Rutkowski

Ce magasin de bricolage se trouve littéralement à l’autre bout de la ville, c’est compréhensible quand l’on voit la superficie de l’enseigne, mais c’est une véritable plaie pour Manwë de s’y rendre. Il n’a pas de licence de conduite, mais ça ne l’empêche clairement pas de conduire. Sa voiture est un tas de rouille d’une laideur épouvantable, mais elle fonctionne encore, jusqu’à preuve de contraire. L’utilisant que très rarement, il n’a jamais eu l’occasion de se faire arrêter au volant de son monstre à moteur. Il faut dire qu’avec sa maladie il n’aurait jamais pu obtenir sa licence, ne pas voir les couleurs et être gêné par les lumières trop fortes est - admettons-le - assez embêtant pour conduire…

Quoi qu’il en soit, il avait finalement bien fait de se rendre à ce magasin, parce que son bolide a fait des bruits horribles tout le trajet, plus que d’habitude. Manwë n’avait pas prévu de faire plus d’achats que prévu, mais il n’en a pas le choix.

Une fois ces choix fais, vient l’interminable file d’attente. Pourquoi est-ce qu’ils n’ont ouvert qu’une seule caisse ? Restriction de personnel ? Allez savoir… Il faut prendre son mal en patience, mais le temps c’est de l’argent. Il a besoin de ce matériel pour sa boutique, s’il achète toujours le meilleur en matière première, il doit bien admettre que pour les outils il tente de faire quelques économies, qui plus est, il doit vraiment améliorer les étagères de son shop avant que tout ne s’écroule !

Il lâche un soupir las, accoudé à son chariot, il souffre terriblement des lumières des néons alors il opte pour sortir ses lunettes de soleil puis lui vint l’heureuse idée de jeter un œil aux autres clients… Juste derrière lui se trouve un homme qui le regardait fixement, il faut dire que Manwë est particulièrement reconnaissable même de dos avec ses tatouages. “ Elias… “ Parce qu’il ne peut définitivement pas faire semblant de ne pas l’avoir vu… Cela fait plusieurs mois qu’il n’a pas revu son ancien colocataire qui après plusieurs messages sur son téléphone avait vraisemblablement lâché l’affaire. Et les voici coincés tous deux dans cette file interminable où il n’est même pas possible de se griller un clope pour passer le temps. “ Tes cheveux sont toujours aussi ridicules. “ C’était comme ça que Man’ disait bonjour à son coloc autrefois, c’est presque un miracle qu’Elias ait pu apprécier cette maudite tête de lard qu’est le luthier.

J’avais l’impression de faire que ça, ces temps-ci, réparer des pieds de meubles. D’abord il y avait eu le lit de ma soeur, puis désormais le canapé de Manny. C’était loin de me déranger cela dit, j’adorais bricoler, réparer des trucs cassé et en ce qui concernait le canapé de Manny, cela me donnait une occasion toute trouvé de revoir son propriétaire. Le magasin de bricolage était comme ma deuxième maison, j’y pensais un temps si important que je commençais à connaitre les rayonnages par coeur. Je ne mis donc pas longtemps à trouver ce dont j’avais besoin. Je fis un tour, essayant de trouver en prime quelques inspirations pour des projets persos. Je file en caisse avec mes articles et me retrouve devant une longue fil d’attente, je soupire en voyant le monde, n’étant pas de caractère très patient. Ca avance au ralenti, c’est limite si on ne recule pas d’ailleurs. Et, alors que je m’impatiente, je reconnais le client qui se trouve devant, dans mon agacement je n’avais pas fais attention, et me retrouve à fixer ce type, qui n’est autre que mon ancien colloc, Manwë, qui a déménager du jour au lendemain, sans laisser de trace, ni d’explication. Il me fait une remarque sur mes cheveux, sa marque de fabrique, seulement, cette fois, c’est loin de me faire rire. Une vive colère monte en moi, je serre les dents pour ne pas la laisser exploser.
— On s’connait ? je balance, pour la provoque.

Manwë n’en attendait pas moins de la part d’Elias, après tout, pour avoir su supporter le luthier tout ce temps, il faut du répondant. Le tatoué remarque cependant tous les signes de l’énervement chez son interlocuteur, plus crispé tu meurs. Man’ lui était tout à fait décontracté, pourtant il aurait toutes les raisons du monde de vouloir péter un câble… Des raisons qu’il lui est arrivé d’évoquer avec le frisé du temps où il vivait ensemble. Et c’est bien parce qu’il commençait à s’ouvrir au plus jeune que Manwë a jugé plus sage de partir. Parler de son enfance ça lui fou toujours le cafard, il ne supporte pas d’être assez proche de quelqu’un pour baisser sa garde et parler des choses qui ont rendu sa simple existence à peine supportable. Il gère comme il le peut ce fait, en solo. Si les gens ne comprennent pas, pour tout dire, il s’en fiche éperdument.

“ Ah vous… Les gonzesses… Toutes les mêmes. “ Elias a beau être un petit provocateur, Man’ est particulièrement doué en la matière et il y a un chouilla d’expérience en plus. C’est plus fort que lui de répondre, pourtant il sait que dans les faits, c’est lui le mauvais gars… Comme souvent, trop souvent. “ Comme tu voudras. “ Il hausse les épaules et se retourne à nouveau dans le sens de la fille et s’accouder à son chariot. Il en serait resté là s’il n’avait croisé le client devant lui qui le regarde avec intérêt “ Avec un peu de chance on sera tous morts d’ennui avant la suite de cette conversation, alors retourne-toi y a rien à voir. “ Il pourrait presque admirer les personnes qui aiment les gens, parce que ça lui semble tout simplement impossible la plupart du temps.

Je n’étais pas vraiment quelqu’un de rancunier. J’étais sanguin, je partais au quart de tour, souvent pour pas grand chose, mais je n’étais pas du genre à entretenir des rancoeurs. Avec Manwë, en revanche, c’était différent. Le type m’avait ghosté du jour au lendemain, sans raison, après ce qu’on avait partagé. Il avait été mon coloc, certes, mais un ami surtout, un des rares avec qui j’avais eu une connexion spécial. Je détestais par ailleurs qu’on se foute de ma tronche, et j’avais la sensation que Manwë se la payai copieusement. Quand il tenta une approche, je choisis de répondre par la provoque, faisant mine de ne pas le connaitre. Sa réponse échauffa les braises du feu que j’essayai de contenir depuis que mon regard était tomber sur lui. Je n’entendis même pas ce qu’il dit ensuite, rendu sourd par la rage qui me prit soudain. De nerf, je balançai mes articles sur le tapis de caisse, faisait sursauté la personne devant moi, puis je me jetai sur mon ancien coloc, le choppant au col.
— Putain t’es sérieux, Man…! Tu me l’as fait pas à moi, putain !

Ses yeux verts fixent le bouclé qui est littéralement sorti de ses gongs, c’est presque trop facile de le faire réagir. Autour d’eux les gens s’estomaquent mais n’agissent pas, ils n’osent pas, mais la sécurité elle fera bien son travail d’ici peu. “ Tu ne veux pas te battre contre moi. “ Avant, ils se battaient ensemble, pas l'un contre l'autre. Man encaisse fort bien les coups, il est entrainé depuis son enfance et il sait aussi parfaitement en donner. Ils n’ont jamais eut à opposer leurs forces dans le passé, mais ce n’est pas le luthier qui reculera, jamais. Il n’a pas cherché à repoussé le geste d’Elias contrairement à ce qu’il aurait fait en temps normal, ouais en temps normal il lui aurait tordu les bras pour avoir seulement osé le toucher, mais là c’est différent… Il l’aime bien ce type, il n’a pas vraiment envie de lui faire de mal.

“ Fais pas d’histoires, tu sais parfaitement que c’était pas contre toi : il fallait que je parte. “ Il sait que Manwë est un aimant à problème, ça lui est arrivé d’en ramené à la maison, c’était bien ça le problème. Il lui faisait trop confiance, assez pour accepter d’être aidé. Il ne peut et ne veut impliquer qui que ce soit dans ses problèmes. “ Tu veux qu’on continue cette conversation sur le parking ou dans le local des agents de surveillance ? Parce qu'ils arrivent... “

Ce n’était pas de la rancune que j’éprouvais envers Manwë, pas uniquement du moins. C’était bien plus que ça. J’avais le sentiment d’abandon, le sentiment d’avoir été lourdé comme une merde, parce que oui, même en amitié, on pouvait avoir le coeur brisé. Et ça me trouait le cul de l’admettre. Parce qu’admettre ça, ça revenait à dire que mon ancien coloc avait un pouvoir sur moi, sur mes émotions et je ne le digérais pas bien. Quand je le chopai au col, Manwë garda son calme, faisant le malin au passage. Cela réveilla un rage en moi, mais Manwë me rappela à la bienséance. Je n’en avais pas grand chose à foutre à ce moment précis, pour être honnête, mais l’idée de passer de temps dans le bureau des agents de sécurité ne me disait rien non plus. Je le lâchai aussitôt, fulminant de l’intérieur. Quand les agents de sécurité parvinrent à notre hauteur, je levai les mains pour leur signifier que je ne souhaitait pas chercher des noises, je payai mes articles puis, les nerfs encore à vif, sortis du magasin. J’hésitai à me barrer dans la foulé et laissé Manwë comme deux ronds de flan, mais cela n’était pas ma manière de faire. En bon bélier, j’aimais me confronter aux choses désagréables, donner un grand coup dans la fourmilière plutôt que de laisser la merde s’accumuler. J’attendais donc que mon ancien coloc ne sorte du magasin, ressassant ce qu’il avait dit. Il m’avait sorti une putain d’excuse à la « c’est pas toi, c’est moi » qui me faisait bouillir.

Il aurait pu se passer de signaler à son ancien colocataire l’arrivée de l’agent de sécurité, ce n’est pas comme si le luthier n’avait pas de contact avec ces personnes-là, mais il n’avait aucune envie de nuire à Elias. Bien sûr, c’est toujours plus fort que lui de jouer la provoque et de répondre aux rapports de forces, il a toujours été ainsi, à ne pas se laisser écraser. On a beaucoup trop essayé de le faire depuis le jour de sa naissance, il ne parle jamais de sa vie, du moins, c’était ce qu’il lui avait semblé être acté… Mais vivre avec Elias, ça l’avait poussé à parfois parler de lui, parler de son père qui l’inquiète. Non pas dans le sens où il se fait du souci pour son géniteur, mais du soucis pour ce qu’il serait capable de faire à présent qu’il est sorti de taule. Cette confiance n’était pas saine aux yeux de Man’ qui ne souhaite mêler personne à ce que les gens considèrent comme une vengeance idiote, comme le pense cette avocate malgré la preuve récent de la violence de cet homme.

Il fit signe aux gardiens que tout allait bien, chacun pu finir ses emplettes sans vraiment se calculer. Le tatoué paye sa marchandise et se dirige vers son auto, son épave, garée au plus proche de l’entrée. Il n’eut pas le temps de charger ses affaires qu’il vit la silhouette d’Elias revenir à la charge, ça ne l’étonne pas vraiment.

Pas en état de se battre, il décide de laisser en plan ses affaires et s’élancer lui aussi vers la plus jeune pour l’attraper à son tour par le col “ Qu’est-ce que tu veux encore ? Des excuses ? J’m’excuserais pas si jamais c’est pas clair dans ta p’tite tête ! “ Il sent une légère douleur dans son épaule, c’est la chaleur du sang qui souffle sur sa peau qui lui fit lâcher sa prise et se tourner à 90° pour dissimuler sa faiblesse, putain de sutures au rabais… “ Fou le camp Elias si tu veux pas que j’esquinte ta jolie petite gueule... “

Je me sentais comme un lion en cage, une colère à peine contenue électrisant tout mon corps. Cela m’agaçait de me mettre dans un état pareil pour Manwë, cela équivalait à admettre qu’il m’avait blessé. Lui s’en fichait royalement, il avait balayé notre amitié d’un revers en quittant la colloc sans dire un mot et sans donner la moindre nouvelle après. Incapable de passer l’éponge, comme j’aurais dû le faire probablement, je restai sur le parking, serrant les poings et trépignant. Quand mon ancien colloc sortit du magasin de bricolage et qu’il m’aperçut, sa réaction fut immédiate. À son tour, il me choppa au col, me provoquant à nouveau. La moutarde me monta au nez. Vite. Très vite. J’aurais du l’ignorer, me raisonner et éviter une prise de bec inutile, mais c’était plus fort que moi. Un sourire mauvais sur le visage, je m’apprêtai à riposter quand mon oeil fut attiré par une tâche brune, au niveau de l’épaule de Manwë. Ses doigts lâchèrent mon encolure et son corps pivota, comme pour m’inciter à me détourner, moi aussi. Sourcils froncés, je ne parvins pourtant pas à tourner les talons.
— Man’…il t’arrive quoi ? m’enquis-je. Ma voix était neutre, sans animosité, comme un peu plus tôt, avec une légère pointe d’inquiétude.
Parce que…merde, c’était un con, mais il demeurait mon ami.

Manwë n’avait aucune réelle envie de se battre avec Elias, sans quoi il l’aurait déjà frappé. Il cherche à le repousser tout simplement, parce qu’il tient à lui, peut-être plus que de raison. Man’ n’a jamais vraiment laissé beaucoup de place dans sa vie pour le sentimentalisme et sa vie, il la juge désormais trop dangereuse pour ne serait-ce qu’y penser.

Il se tourne après l’avoir menacé, il ouvre avec fracas la portière arrière de son très vieux véhicule pour balancer ses achats à l’intérieur. Il sent que ces mouvements n’aident pas son épaule, loin de là. Mais il se fixe l’objectif de partir. Il s’attendait à tout, sauf entendre Elias lui poser cette question. Manwë referme la porte et opte pour éloigner le caddie avec le pied, il ne compte pas le ranger. Il tourne la tête vers son ancien colocataire pour lui répondre sèchement “ Il m’arrive que tu commences à vraiment me les casser ! “

Il est cependant bien obligé de se retrouver pour monter dans sa voiture, il ouvre la portière, comme si ça allait cacher grand-chose tandis qu’il lui fait à nouveau face avec cette tache de sang grossissante, il est persuadé qu’un point à du lâcher et qu’il a grandement besoin d’un pansement compressif sans trop tarder, pas le temps pour piquer une petite jasette avec Elias. Il croise le regard inquiet du bouclé, celui-ci semble sincèrement inquiet, du moins il l’imagine, le luthier n’a clairement pas l’habitude à ce que l’on se fasse du soucis pour lui.

Cela lui prit quelques secondes pour trouver les mots, l’équilibre entre ce qu’il avait envie de lui dire et ce qu’il doit lui dire. Peut-être fut-ce le sang perdu ses derniers jours qui l’eut rendu aussi inhabituellement indécis. “ Juste une égratignure. “ Il s’assoit sur le siège conducteur avant de commencer à voir des étoiles. “ Fais pas cette tête mon vieux, c’est pas demain que tu pourra venir cracher sur ma tombe. “ Ajoute-t-il avec un léger sourire,  il n’a clairement pas l’intention de clamser, il est une teigne, increvable comme on dit !

Mon ancien colloc me répond sur un ton agressif. Je le connais suffisamment pour savoir que c’est un réflexe de défense, aussi, je n’y fais pas attention. Il m’inquiète sérieusement, malgré ses tentatives de minimiser ce qui lui arrive. Je remarque la tâche de sang qui semble prendre plus de place sur le tissu de son t-shirt, et ça n’a pas l’air d’être rien. Manwë plaisante à nouveau, tachant de détourner mon attention. Cela ne fonctionne pas, bien évidemment. Je continue d’avancer vers lui en fronçant les sourcils. Je le regarde s’installer tant bien que mal dans sa voiture, puis m’approche davantage.
— Raconte pas des flatibuses*, t’as besoin de voir un médecin…
Je ne savais pas ce qui était à l’origine de cette blessure, mais elle n’avait pas l’air anodine. D’un mouvement de tête, je l’inciter à se décaler sur le siège passager, tandis que je m’infiltrais dans la voiture.
— Pousse-toi.

* des conneries. Ce mot n’existe pas en effet

Pas moyen de se débarrasser d'Elias, on ne peut pas dire qu'il n'a pas employé plusieurs méthodes pour tenter de le faire. Manwë supporte plus aisément la douleur que l'idée de demander de l'aide ou d'en recevoir. " Ouais t'as raison, je vais aller voir ces trous du cul de charlatans pour un petit bobo, putain Elias qu'est ce que... " Son ancien colocataire est beaucoup trop près, l'empêchant de fermer la portière. "Non." Qu'il répond alors qu'Elias veut le pousser côté passager. Il pose sa main sur le fauteuil d'à côté, sur un tas de petits sachets de ketchup qu'il a stocké d'il ne sait où et probablement devenu impropre à la consommation. Ces derniers éclatent sous son poids, et même s'il tente de résister, Elias est un sacré bourrin et quand il a une idée en tête il ne l'a pas ailleurs....

Man se retrouve assis sur le fauteuil passager, il a posé ses fesses en plein sur le ketchup, il ne le voit pas, mais une tâche se forme sur son pantalon comme s'il était en plein déluge menstruel. " Tu fais chier Elias, y'a cinq minutes tu voulais me péter la gueule et maintenant tu viens m'emmerder à jouer au héro ? " Il pose sa main sur son épaule douloureuse, du sang se dépose sur ses doigts. Il lâche un soupir en s'enfonçant dans le dossier et ajoute avec un sourire en coin " Conduis pas comme un con avec mon tacot. "

Je sais parfaitement qu’il va refuser, qui va m’envoyer chier, mais je ne compte pas le laisser faire. Sa carapace est épaise, mais ma tête est encore plus dure et il le sait. Je lui impose mon aide et s’il tente de la refuser, cela ne dure pas longtemps. Je me faxe du côté conducteur, incitant mon ancien coloc à se décaler. Sa caisse est un vrai bourrier, ça l’a toujours été. Je fronce les narines à l’odeur qui se dégage de l’habitacle. Je me tourne vers Manwë qui continue de râler, soulignant le paradoxe de la situation.
— Si y’a que ça qui te choque, je t’en fouterai une dès que tu seras requinqué…
Je me tourne vers l’arrière pour vérifier que le chemin est dégager et que je peux reculer sans crainte. Je souris à sa remarque qui, dans le langage Manwë s’apparente à peu de chose près à un merci. Je démarre la voiture et effectue ma marche arrière, avant de quitter le parking et de prendre le chemin de l’hôpital.
— Avoue, t’avais envie que je joue les p’tites infirmières, je le taquine sans quitter la route des yeux.

Il se contenta se lever les yeux au ciel quand Elias lui propose de lui cogner dessus après ses soins, comme si ça apporterait plus de sens à cette situation. La perspective de retourner à l'hopital, ça lui retourne bien plus le bide qu'il ne le dira jamais. Il ne parle pas Manwë, il ne se confie strictement jamais et il n'en éprouve pas le besoin.

" Rêves toujours... " Répondait-il à la plaisanterie avant d'ajouter " Si j'devais avoir ce genre de fantasme, ça serait moi l'infirmier qui pique le cul des autres. " Il est arrivé plus d'une fois que le luthier se soit tapé des gars, mais il avait de claires limites. Avec sa main valide il appuie sur sa plaie pour limiter les effusions de sang.

Il devrait tenter de négocier avec Elias, il l'aurait sans doute fait avec n'importe qui d'autre, mais il sait que c'est peine perdue. Il préfère garder son énergie pour les médecins et réclamer son autorisation de sortie contre avis médical, comme il le fait toujours... Néanmoins, il tente le coup, parce que lui aussi est têtu. " Tu sais qu'on peut pas m'obliger à recevoir des soins que j'veux pas ? " Ça il le doit clairement à cette idiote d'avocate qui a fait sortir son père de taule et qui de cause à effet, à rendu cette blessure existante. Au moins, il connaît un peu plus ses droits, il aurait aimé avoir ça en poche bien avant. Quoi qu'il en soit... " J'serais sorti plus vite qu'il ne t'as fallu de temps pour m'emmener là bas. " Est-ce qu'il ne moquait un peu de son ancien coloc ? Un peu... "  Si tu veux vraiment rendre service, t'as qu'à me ramener chez moi, j'ai c'qu'il faut pour arranger ça. " Ça laissera sans doute une cicatrice de plus cette histoire, mais qu'est-ce qu'il en a à faire ? Autrefois il aurait pu dire chez eux, mais cette époque est révolue.

Je garde les yeux sur la route, prenant le chemin de l’hopital de Bowen. Je me doute bien que Manwë va protester, qu’il refusera sans doute de se faire soigner et il ne lui faut pas longtemps avant qu’il ne me le confirme oralement. Je soupire.
— A pisser contre le vent, on mouille sa chemise…
Je ricane, réalisant que je viens d’utiliser une des expressions préférée de mon père. Ca ne me ressemble pas tellement, d’ailleurs, de parler comme lui. À croire que l’inquiétude que je nourris pour mon ancien coloc réveil un instinct curieux.
— Tu peux pas simplement accepter qu’on t’aide sérieux ? Et hors de question que je te laisse faire ça tout seul, c’est un coup à ce que tu chopes le tétanos ou une connerie du genre.
Je me tais, puis continue de rouler. Puis je jette un bref coup d’oeil à Manwë.
— Il s’est passé quoi ?

Bien sûr il pourrait lui dire de l’emmener voir son médecin personnel, ce cher vétérinaire, lui il pose pas de questions. Mais il ne veut pas mêler davantage Wolfgang à ses histoires, tant que ça reste qu’entre eux c’est bon, mais pas question de partager leur secret avec les autres. Même s’il apprécie Elias, il sait que ce dernier peut être un vrai connard quand ça lui prend. Il ne prend pas le risque et ce même si Elias était un vrai petit ange. Manwë n’écoute pas vraiment son ami et ses histoires de chemise, sa seule véritable préoccupation était d’appuyer sur cette foutue plaie. Il aurait sans doute dû suivre les conseil de rester tranquille quelque temps, ça n’aurait pas lâché… Comme s’il écoutait les conseils.

“ À ton avis ? “ Est-ce qu’il peut accepter qu’on l’aide ? Est-ce qu’il est du genre à dire merci ? Ce serait tellement mal le connaitre. Il est néanmoins surpris de voir son ancien coloc s’inquiéter, derrière son air de tête de lard, il se trahis tout seul avec sa voix et ses paroles étranges. Il est vrai qu’ils ont partagés beaucoup ensemble, Man’ c’est le genre de coloc qui reste dans son coin. Il n’est pas à l’aise avec les autres, surtout chez lui. Il a grandit avec un homme violent et une mère victime d’elle-même. Alors il ne se sent bien que dans la solitude, en temps normal. Il avait appris à se sentir bien en compagnie d’Elias, et ç'avait été perturbant. “ T’es sérieux là ? “ Il lève ses yeux verts en direction du plus jeune qui venait de lui demander ce qu’il s’était passé. Il avait pourtant été clair entre eux qu’il ne devait pas se mêler de ses embrouilles. Mais comme ils ne vivent plus ensemble, l’accord ne tient sans doute plus. “ Juste une p’tite dispute… “ Pas du tout, il avait mis une avocate dans la merde et ça avait été la moindre des choses que d’aller la défendre ou au moins de servir de bouclier humain. “ Il a dû chier dans son froc pour se sentir obligé de sortir un couteau. “ A plusieurs contre un et une femme, franchement les pires agresseurs de l’histoire. “ Ça y est, t’as fini ton interrogatoire de merde ? “ C’est sa technique à lui, braquer les autres pour qu’ils n’aient plus envie de s’inquiéter, Manwë a l’art de savoir faire passer l’envie d’apprécier un connard comme lui. Repousser les autres, c’est tellement facile… Il lâche un soupir en fermant les yeux, se focalisant sur les bruits épouvantables du moteur plutôt que sa douleur.