I'm so sorry, honey [Amara]

J'étais trop mal, Ams' ne répondait plus à mes textos... Quelqu'un avait dû me voir avec Mila à la soirée. Et même s'il ne s'était rien passé de concret, on s'était tournés autour. Les regards que je lui avais lancé étaient suffisamment éloquents pour que les rumeurs aillent bon train. Pourtant, je n'avais rien fait, j'avais repoussé Mila, deux fois même ! J'avais même essayé d'appeler Amara, mais elle n'avait pas répondu. En soi, j'avais rien fait de mal. J'avais faillit déraper, mais je m'étais ravisé. Mais je ne savais pas qui avait dit quoi à Ams'. Peut-être que la vérité avait été enjolivée ? En tous cas, j'estimais que je n'avais rien fait qui soit un motif de rupture. Alors je ne comprenais pas le silence radio de ma douce Amara et les accusations de ma sœur.

J'en pouvais plus d'attendre qu'elle daigne me répondre. Il fallait que je lui parle, que je lui explique ce qui s'était passé, à savoir rien du tout. J'en revenais pas qu'elle n'ait pas cherché à avoir ma version de l'histoire ! Je lui avais dit par texto que je voulais lui parler de vive voix, mais elle m'ignorait complètement.

Et ma sœur n'était pas d'un grand secours... Je savais qu'elle adorait Amara, mais j'étais surpris qu'elle ne cherche pas à me soutenir sur ce coup-là. J'avais même l'impression qu'elle aggravait les choses. Heureusement que c'était ma petite sœur d'amour et que je l'aimais plus que tout. Au final, je ne lui en voulais même pas. Je m'en voulais à moi parce que ma nana et ma sœur me détestaient maintenant...

Je ne savais pas encore comment j'allais pouvoir me rattraper, même si, encore une fois, j'étais convaincu de n'avoir rien fait de si grave que ça. Après tout, elle me connaissait, elle savait comment j'étais et le passé que je me trainais. Elle savait très bien que ce ne serait pas facile, elle me l'avait dit elle-même. Mais elle avait aussi accepté de nous donner une chance malgré les embuches. Et pourtant j'avais l'impression qu'elle venait de me larguer ! Alors que je n'avais même pas couché avec Mila ! J'avais failli le faire, certes, mais j'avais réussi à me contrôler, parce que j'aimais Ams' de tout mon cœur et que je ne voulais pas lui briser le sien. Rien que cette idée me rendait malade. Je m'en voulais tellement de savoir que je l'avais blessée. Ça me faisait grave chier, et c'était bien la première fois que je me souciais des états d'âme d'une nana ! Mais là ce n'était pas n'importe qu'elle meuf, c'était Amara. Et j'étais prêt à tout pour arranger les choses avec elle. Cette peur de la perdre m'avait suffisamment fait réfléchir pour que je trouve la volonté d'arrêter de regarder les autres femmes. C'était décidé ! A partir d'aujourd'hui, plus jamais je ne déraperai !

Je me pointai chez Amara, un bouquet de fleurs à la main. Ça faisait complètement crétin, je trouvais, mais je n'avais pas l'habitude de faire des excuses à une meuf. Il me semblait que c'était ce que faisaient tous les abrutis qui merdaient avec leur nana. Alors j'en étais là... Je n'aurais jamais cru que ce genre de situation m'arriverait à moi. Et franchement, il fallait que je sois sacrément accroché à Amara pour faire un truc pareil. D'ailleurs elle allait être complètement choquée quand elle me verrait à la porte avec un putain de bouquet de fleurs à la main. Elle savait que ce n'était pas mon genre. Mais peut-être que justement, elle se rendrait compte que je tenais à elle au point de faire des trucs complètement inhabituels, rien que pour elle. Je sonnai à la porte mais après quelques secondes, toujours pas de réponse... Je frappai, mais rien non plus...

- Ams' ? T'es là, bébé ?

Toujours pas de réponse. Mais je me doutais qu'elle faisait semblant de pas être là juste pour que je me barre. C'était mal me connaitre si elle pensait que j'allais lâcher l'affaire. J'appuyai alors sur la sonnette comme un taré, encore et encore, me disant que je finirai par l'avoir à l'usure. Tandis que je tabassais le bouton, une porte s'ouvrit dans le couloir. Un type sortit de chez lui et me regarda d'un air surpris et agacé.

- Qu'est-ce que tu fous, p'tit con ? Tu vois pas qu'il y a personne ?

- Occupe-toi de ton cul, vieux débris !

J'étais énervé, c'était pas le jour de me saouler. Je continuais d’appuyer sur la sonnette comme un acharné, je savais qu'elle finirait par ouvrir. Surtout si elle m'entendait chercher la merde à ses voisins.

- Je vais appeler les flics, moi, tu vas voir !

- Ah ouais, et pour quel motif ? Agression de sonnette ?! Rentre chez toi, va boire une thé, papy !

Le vieux continuait de pester contre moi, mais je ne le regardais même plus, je me contentais de suriner la sonnette comme un malade, bien décidé à casser les oreilles à tout l'étage jusqu'à ce que Ams' me réponde. Je m'interrompis et me retournai quand j'entendis la voix de ma chère et tendre résonner dans le couloir. Ah... C'était donc pour ça qu'elle ne répondait pas à mes coups de sonnette intempestifs...

- Je suis désolée, il n'est pas totalement sobre je crois. Je vais m'en occuper. Je m'excuse pour le dérangement, ne nous en tenez pas rigueur à ma colocataire et à moi-même.

- Elle raconte des conneries, je suis frais comme un gardon ! m'adressai-je au voisin, en le narguant.

Pas totalement sobre ? J'étais parfaitement clair, ouais ! Mais je n'en voulais pas à Ams', je savais qu'elle avait dit ça parce qu'elle essayait d'éviter d'avoir des ennuis avec son voisin. M'enfin moi, j'en avais rien à carrer de son voisin ! Et je n'avais pas envie qu'elle me fasse passer pour un alcoolique, surtout que là tout de suite, j'étais tout à fait sobre ! Et j'étais déjà bien énervé parce qu'elle me snobait alors que je n'avais rien à me reprocher. Du moins pas grand chose... En tous cas, je trouvais sa réaction pas vraiment légitime, elle ne m'avait même pas laissé l'occasion de m'expliquer. C'était un peu facile d'écouter les ragots et d'accorder du crédit au premier clampin qui bavait sur moi. Je ne savais même pas qui lui avait raconté des trucs à mon sujet, ni ce qui avait été dit...

- J'étais au boulot, River. Tu ne peux pas te prendre la tête avec mes voisins comme ça, tu imagines les problèmes que tu pourrais m'apporter ?!

- C'est lui qui me prends la tête, Ams' ! répondis-je en jetant un regard noir au crétin déplumé qui était toujours sur le pas de sa porte.

Amara me passa devant pour ouvrir la porte, me poussant presque. Je relevais pas, il fallait que j'essaie de rester calme si je voulais arranger la situation. Même si je n'étais pas certain de savoir ce qui se passait. Mais de toute façon, c'était Amara, alors elle pouvait bien me bousculer si ça pouvait la soulager, je ne risquais pas de réagir. Je l'aimais trop pour ça. On entrait tous les deux et je lui tendis aussitôt le bouquet, lui adressant un sourire aussi forcé que désolé. Je lui avais pris des lys, blanches. J'y connaissais que dalle en fleurs, mais je savais au moins qu'il fallait éviter d'offrir un bouquet jaune. Soit disant que c'était symbole de cocufiage. Ça aurait été carrément déplacé et j'aurais probablement signé mon arrêt de mort.

- C'est gentil d'être venu avec des fleurs, River. Mais toi, cette fille... Je ne suis pas non plus stupide, si on m'en parle, c'est qu'il s'est passé un truc. Et surtout si tu voulais qu'on se voit. J'ai peur de ce que tu vas m'annoncer.

- T'as pas à avoir peur, bébé ! Je sais pas ce qu'on t'a raconté, mais il s'est rien passé avec Milana ! On s'est croisés à une fête, elle m'a dragué mais je l'ai repoussée. Le pire que j'ai fait, c'est... de la mater un peu. Je l'ai regardée, ok, mais c'est tout. Je trouve qu'il y a pas de quoi se prendre la tête non plus...

Si elle me faisait la gueule pour si peu, on était mal barrés quand même... Parce que mater des nanas, ça risquait de m'arriver de temps en temps, c'était humain après tout. Ça ne voulait pas dire que ça irait plus loin. Après, c'est vrai qu'avec Mila, j'avais presque fauté. Mais presque seulement ! Et au final, j'avais ravalé mes pulsions lubriques, et je l'avais fait pour Ams', parce que je l'aimais. C'était bien la première fois que je me souciais des sentiments d'une fille en plus, c'était plus une preuve d'amour qu'autre chose finalement. Elle aurait dû être flattée. Mais je n'étais peut-être pas très objectif dans ma façon de voir les choses.

- Ok, on s'est tournés autour, c'est vrai, mais c'est tout. Je l'ai même pas touchée, même pas un peu. Promis.

Putain, à Bowen il y avait vraiment des yeux partout. Comment Amara avait réussi à avoir vent de cette petite histoire de rien du tout alors qu'il n'y avait personne que je connaissais à cette fête, à part Mila. Peut-être que c'était cette dernière qui avait parlé. En tous cas ça avait fait le tour de la ville en moins de deux ! Si je lui avais dit que j'étais en couple dés le départ, on n'en serait probablement pas là. J'avais volontairement omis de mentionner que j'étais avec quelqu'un, ok, mais tout le monde faisait ça, non ? Pour pouvoir flirter, sans forcément que les choses n'aillent plus loin. Bon, j'étais pas très rationnel dans ma réflexion, mais j'essayais de me convaincre que je n'avais rien fait de si grave. Il fallait bien que j'en sois persuadé, si je voulais qu'Amara le soit aussi. Et puis, je n'avais pas l'intention de refaire cette erreur, alors elle n'avait pas à s'inquiéter pour cette histoire. J'avais eu suffisamment peur de la perdre quand elle avait arrêté de répondre à mes textos. Je crois que ça m'avait fait l'électrochoc dont j'avais besoin pour réaliser à quel point je tenais à elle. Mais j'en étais conscient maintenant, et j'avais bien l'intention d'éviter de nous mettre des bâtons dans les roues. La vie de couple, c'était déjà assez compliqué comme ça.

Moi qui pensais détendre l'atmosphère avec ma remarque, c'était raté. Bon, c'est vrai que je voulais le provoquer, le voisin, mais Amara n'avait pas l'air d'apprécier.

- Argumente pas, c'est pas le moment.

Ok... Elle était fâchée... Mais je ne lui en voulais pas, je me doutais que les trucs qu'elle avait dû entendre sur moi et Milana ne lui avaient pas fait plaisir. Du coup, je suivis son conseil, et laissai tomber.  Je ne répondis rien au voisin furax, qui continuait de vociférer contre moi. Je n'avais pas envie de mettre Amara en pétard, elle était déjà suffisamment contrariée. En plus, elle ne me croyait pas du tout quand je tentai de lui expliquer que son voisin était venu chercher la merde le premier. Pourtant, c'était vrai ! J'avais fait que sonner à cette fichue porte, rien de plus ! C'était ce casse-burnes qui était sorti de chez lui pour gueuler !

- Là c'est surtout toi qui l'a dérangé.

Je ne répondis pas non plus. Elle n'avait pas l'air d'humeur... C'était même pas la peine de tenter une plaisanterie, j'étais sûr de ne pas la faire rire.

- Tu l'as matée ? Certes tu n'as pas été jusqu'à te la faire mais River, comprends quand même que ça signale jamais un bon présage... Tu as failli succomber ? C'est pour ça que tu m'as appelée hier ?

Elle avait pris mes fleurs, c'était déjà un bon début. Ça aurait pu être pire, elle aurait pu me les jeter à la gueule. Finalement, elle n'était peut-être pas si énervée que ça ? Je la sentais surtout émue, blessée, mais j'avais bien l'intention de remédier à ça. Ça me faisait grave de la peine de la voir dans cet état. je n'avais pas cherché à provoquer ce genre d'émotions chez elle, et si j'avais su que le peu qu'il s'était passé avec Mila allait lui revenir aux oreilles, je me serais abstenu. Je pensais pas que flirtouiller avec une autre meuf la mettrait dans un tel état.

- Ben... Non. Si j'avais voulu aller jusqu'au bout, je l'aurais fait. Je crois surtout que c'est une vieille habitude, c'est tout. Et je t'ai appelée parce que je m'en voulais, même si je n'ai fait qu'y penser. Je voulais te le dire plus tôt, mais tu m'as snobé...

- Donc c'était réciproque ? Tu l'as draguée ? Mais tu lui as pas dis que tu avais quelqu'un ou elle en avait juste rien à faire ? Putain River... Fin, tu réagirais comment en apprenant qu'un autre mec me drague et que je rentre dans son jeu ? Qu'il me dise tout ce que tu as dis à cette fille ?

Elle marquait un point. Si la situation avait été inversée, j'aurais cherché le gars, je l'aurais retrouvé et je lui aurais maravé la gueule dans les règles ! J'aurais rien fait à Ams' évidemment, mais je lui aurais quand même fait la gueule, c'est sûr. Mais là, il s'agissait de moi. Et je n'avais pas envie qu'elle me fasse la gueule. Je ne voulais pas qu'elle me déteste. La voir comme ça, ça me rendait dingue.

Je l'observais tandis qu'elle allait chercher un vase pour le remplir et y mettre les fleurs. A quoi elle jouait, putain ? On se prenait la tête et elle faisait tout pour masquer sa mélancolie. Ça me stressait de la voir si stoïque. Je savais pas gérer ça. Moi quand quelque chose me contrariait, je gueulais. C'était comme ça avec mon daron, avec ma sœur aussi - non avec elle, c'était elle qui gueulait en fait -, et même avec la plupart des gens que je connaissais. On se criait dessus une bonne fois et c'était réglé ! Mais son manège là, je savais pas comment le gérer.

- Non, je lui ai pas dit... Elle devait penser que j'étais célibataire vu que la dernière fois...

Putain ! Qu'est-ce que je foutais ? Amara n'avait même pas l'air d'être au courant que je m'étais déjà tapé Milana... Même si c'était de l'histoire ancienne, c'était peut-être pas la peine d'en rajouter une couche.

- Je sais, j'aurais dû lui dire tout de suite. My bad, chaton.

- Est-ce que tu regrettes de ne plus pouvoir aller à une soirée sans pouvoir sauter sur la première fille que tu vois sous prétexte que tu es avec moi ? Si tu n'as pas osé le lui dire en plus.

- Non, je regrette pas, Ams' ! C'est juste que c'est nouveau et que... Je sais pas, je me suis retrouvé à cette fête tout seul, et Mila était là et elle a commencé à me chauffer. Du coup... Je sais pas en fait... J'ai juste fait, comme je faisais avant, tu vois ? Mais je suis pas allé plus loin, je suis sorti direct et j'ai essayé de t'appeler !

Elle alla s'asseoir, sans rien dire de plus. Mais je voyais bien qu'elle avait les larmes aux yeux. Merde... J'étais censé faire quoi de plus ? Je m'étais excusé et tout... Je m'étais excusé, non ? Putain, je savais plus !

- Bébé, je te demande pardon. J'ai jamais voulu te faire de la peine...

Elle se fermait complètement, se plongeant dans un mutisme qui me déstabilisait. J'étais là, planté au milieu du salon, sans savoir quoi faire, ni quoi dire de plus. Je savais pas comment me comporter dans ce genre de situation, c'était carrément inédit pour moi. J'avais apporté des fleurs en plus, pour la première fois de ma vie, je trouvais que j'avais assuré. Mais apparemment, ça ne suffisait pas. J'étais trop un handicapé des relations amoureuses putain !

- Mon chat ?

Je m'approchai et m'accroupis devant elle. Je pris sa main qu'elle gardait près de son visage comme si elle voulait cacher son émotion. J'étais complètement perdu, n'ayant aucune idée de ce que je pouvais faire pour arranger les choses. Alors j'improvisai. Je posai mes mains de chaque côté de son visage et l'embrassai avec fougue, espérant déclencher chez elle suffisamment de désir pour qu'elle oublie tout ça.

Je ne savais pas trop comment réagir à toute cette froideur. Amara était franchement glaciale avec moi, c'était pire que tout. Je me sentais un peu con de rester planté là à la regarder s'occuper des fleurs dans un calme olympien. Fleurs qui, soit dit en passant, je n'avais pas achetées, c'était trop cher ces trucs ! Et ça durait pas longtemps en plus. Je les avais chouravées dehors quand le fleuriste avait eu le malheur de regarder ailleurs. Mais ce n'était que des fleurs après tout, c'était pas ça qui allait lui couler la boutique à Monsieur Pivoine !

- Je ne t'ai pas snobée, j'avais besoin d'un peu de temps. Réagir à vif ça ne m'apporte jamais rien de bon et j'avais pas envie de dire des choses qui auraient pu s'avérer blessante et que je ne pensais pas forcément, en plus. Je sais que ça fait partie de tes vieilles habitudes mais les choses sont différentes maintenant...

Elle ne m'avait pas snobé ? Mais bien sûr que si ! Comment osait-elle dire ça ?

- Je suis pas d'accord ! C'était pas cool de me laisser en plan alors que j'attendais que tu me répondes. Du coup je savais pas si je pouvais venir te voir ou pas. Tu comptais faire quoi en fait, ne plus jamais me répondre ?!

J'avais haussé un peu le ton, parce que moi la finesse c'était pas trop mon truc. On ne s'était jamais engueulé avec Ams'. Toutes ces années d'amitié, et jamais un mot plus haut que l'autre. Mais le contexte était différent, et jamais elle ne m'avait filtré. Ça me brisait le cœur. J'avais poiroté comme un con en attendant sagement qu'elle me réponde, mais rien. J'avais fini par débarquer à l'improviste parce que j'avais eu une trouille d'enfer qu'elle ne veuille plus jamais me revoir. C'était quand même signe de mon amour pour elle, non ? Elle le voyait pas ça ?

J'avais largué une bombe en plein milieu d'un champ de bataille déjà ravagé, en évoquant mon passé avec Mila. Je n'avais pas fini ma phrase, mais l'essentiel avait été lourdement supposé, laissant à Amara le loisir d'en faire des déductions tout à fait légitimes.

- Parce que la dernière fois, tu l'as baisée... C'est ça ?

Je ne répondis rien. Elle avait compris, pas la peine d'enfoncer le clou. Et puis, c'était vieux. En parler n'aurait fait qu’aggraver les choses pour rien puisqu'à cette époque-là, Ams' et moi on était seulement amis.

J''avais fait l'erreur de ne pas dire tout de suite à Milana que je n'étais pas célibataire certes, mais est-ce que c'était si dramatique ? Au final, je ne l'avais pas touchée, on n'avait rien fait, je m'étais contenté de fuir la tentation. J'avais même essayé d'appeler Amara ! En vain, cela dit. Si elle avait décroché, je lui aurais dit tout de suite que j'avais failli déraper et que je regrettais. Mais elle était probablement occupée. Et quelqu'un lui avait parlé entre temps et elle m'avait finalement envoyé des textos. Mais je ne pouvais pas me justifier par sms, c'était impossible. Elle en avais tiré des conclusions hâtives, et m'avais complètement snobé, m'empêchant de lui fournir toutes explications.

- Oui, tu aurais dû le lui dire directement.

- Je sais, je suis désolé, bébé...

Sa voix était moins douce qu'auparavant. Elle était rude, non pas dans ses mots, mais dans sa façon de me parler. C'était nouveau ça aussi. Et j'aimais pas cette élocution pleine de froideur.

- Sauf que ce n'est plus comme avant, justement... Justement, notre relation est nouvelle et déjà suffisamment fragile comme ça même si je ne sais pas si tu réalises à quel point elle l'est...

- Mais si, je réalise ! Et je te rappelle quand même qu'il s'est rien passé au final avec Milana...

Non parce qu'elle avait quand même un peu l'air d'avoir oublié l'essentiel. A savoir que j'avais baisé personne à cette soirée.

Pourquoi j'avais l'impression que c'était perdu d'avance ? A quel moment presque coucher avec une autre était devenu si rédhibitoire que je sentais une saloperie de rupture qui nous pendait au nez. Hors de question. Je ne savais pas si Amara avait seulement besoin de temps pour digérer ce qui s'était pas passé, ou si elle galérais juste à me dire qu'elle ne voulait plus me voir, mais je n'avais pas l'intention d'attendre d'en avoir le cœur net.

- Je sais, je vois que tu es désolé. Mais comprends que je n'ai pas envie d'être cette petite amie qui se demande à chaque fois que tu sors si tu ne vas pas faillir, si tu ne vas pas avoir envie d'une autre femme, qui ressentira mille et un doute à chaque fois. Tu ne voulais pas me blesser, mais j'ai mal.

Je la regardais sans rien dire avant de baisser les yeux en soupirant. Ça me faisait mal à moi aussi, j'avais mal de la voir comme ça et je m'en voulais à un point qu'elle ne semblait pas imaginer, sinon elle m'aurait déjà pardonné. Surtout que, encore une fois, je n'avais rien fait. Ça aurait dû la rassurer, et la convaincre que même si j'allais à une soirée sans elle, c'était pas pour autant que j'allais tringler une autre meuf.

- Ams', si tu le sais, pourquoi tu te mets dans cet état ? Je t'ai dit qu'il s'était rien passé et que j'étais désolé, tu veux quoi de plus ? Je suis paumé, là...

Elle avait peut-être simplement besoin de temps, mais je n'avais pas l'intention de lui en accorder davantage. Je voulais arranger les choses, et je le voulais maintenant. Pas dans trois jours, pas dans une semaine. rester comme ça plus longtemps, c'était juste inenvisageable !

Je sentis ses larmes couler alors que je l'embrassais. Elle me repoussa presque aussitôt. Putain, je m’attendais pas à ça...

- S'il te plait, pas maintenant... Un baiser ne suffira pas, River... Même si j'aimerais que ce soit le cas...

Ouais, sauf que j'étais pas d'accord de la laisser comme ça. Elle voulait quoi ? Que je me tire et que j'attende patiemment qu'elle ne daigne m'appeler pour me larguer ? Sûrement pas !

- Écoute, je sais que je suis naze comme mec, et que tu pourrais trouver cent fois mieux que moi. Mais c'est pas parce que j'ai dragué une nana, que je t'aime pas. Au final j'aurais pu aller plus loin avec Mila, et je l'ai pas fait. C'est bien la preuve que je t'aime, non ?

Putain de merde... Je réalisais que je venais de lui dire que je l'aimais. C'était un truc que je n'avais jamais dis avant, à personne. C'était bien la première fois que ces mots sortaient de ma bouche, et en plus c'était sincère. Si je m'en étais rendu compte, elle l'avait entendu aussi, et ça me stressait à mort. Parce que c'était carrément trop tôt, et parce qu'à tous les coups elle en était pas là et elle ne me répondrait pas la même chose. Mais quel abruti !  Voulant esquiver ce que je vivais comme une maladresse, parce que ce n'était clairement pas le moment, je me rapprochai d'elle à nouveau et l'embrassai encore. J'étais du genre à insister. Elle devait le savoir depuis le temps, elle me connaissait suffisamment pour ça. Elle ne se débarrasserait pas de moi si facilement.

J'aimais pas voir Ams' comme ça, surtout que j'avais pas l'habitude. On n'avait jamais eu de disputes avant, quand on était simplement amis. Et je ne l'avais jamais vu autrement que la Amara douce et joyeuse que j'avais toujours connue jusque là. En plus, je savais pas gérer ce genre de réaction passive. Je ne savais ni quoi faire ni quoi dire.

- Putain River mais arrêtes d'exagérer ! Bien-sûr que si, j'allais répondre. Mais excuse moi de te dire que je suis pas de celles qui s'énerve directement et rentre dans le tas comme ça ! J'avais besoin d'encaisser ça alors arrête. Puis tu es bien placé pour me dire que ce n'était pas cool de te laisser sans nouvelle. Et draguer une autre, tu crois que c'est cool pour moi ?

Ok, coup bas... Enfin non, mais quand même. Je parlais pas de ça. Bref... Je ne répondis rien. J'étais frustré qu'elle m'ait laissé sans nouvelles, qu'elle m'ait snobé, parce que c'était ce qu'elle avait fait. Et ça n'était jamais arrivé. Et je ne pensais pas que ça arriverait un jour. Elle pouvait pas me faire ça, je n'étais pas capable de le supporter. Même si elle avait ressenti le besoin de prendre du recul par rapport à tout ça et de mettre de la distance avec moi, je ne pouvais pas l'accepter. C'était pas juste, mais tant pis. Je refusais de lui laisser le temps de cogiter pour qu'elle finisse par décider de me larguer.

- Pourquoi tu ne lui as pas dis... ? C'est la honte pour toi ? Enfin, non. Ne réponds pas...

Bien sûr que non je n'avais pas honte, je ne savais même pas pourquoi j'avais rien dit à Mila au final. J'avais pas l'habitude d'être en couple, c'était peut-être aussi anodin que ça. Mais en vérité, je savais que j'avais voulu me garder la porte ouverte, parce que j'avais eu l'intention d'aller plus loin avec Milana. Mais je m'en étais empêché, parce que j'avais pensé à Ams'. Alors oui, je n'avais pas dit que j'étais en couple, et j'avais failli déraper, mais je n'avais rien fait en fin de compte. Et je trouvais que c'était le plus important.

Une fois de plus je restais silencieux. Déjà parce que Ams' n'avait pas l'air de vouloir entendre mes justifications une nouvelle fois, et parce que je ne pouvais certainement pas lui dire que oui, en effet, j'avais voulu me garder Milana sous le coude. Surtout que je ne le désirais plus. C'était juste sur le moment.

- Je sais que tu n'as pas couché avec elle, mais et si l'envie survient à nouveau ? Tu résisteras ? Comprends moi que d'apprendre que tu continues de draguer d'autres femmes, ça puisse être une nouvelle que j'accueille plutôt mal. J'en avais rien à faire quand on était amis mais je suis amoureuse de toi, c'est plus pareil maintenant à ce niveau là...

Elle était amoureuse de moi ? Je m'en doutais, mais ça faisait bizarre de l'entendre de sa bouche. Mais j'étais agréablement surpris, parce que je crois bien que moi aussi j'étais amoureux d'elle. J'en étais même certain.

- Ça n'arrivera plus, je te le promets. Et je ne continue pas à draguer "d'autres femmes", c'était juste "une" femme et c'était qu'une seule fois. Je sais que j'aurais pas dû, mais j'ai l'impression que tu profites de cet incident pour faire des généralités...

C'était sorti tout seul, un peu maladroitement. Je voulais pas dire ça comme ça, je voulais pas qu'elle pense que je lui faisais un quelconque reproche. Elle avait toutes les raisons de douter de moi, mais je voulais qu'elle m'accorde sa confiance, malgré des circonstances qui s'y prêtaient peu...

- Parce que j'ai pas envie d'être jalouse, River. J'ai pas envie de me demander si l'idée de coucher avec une autre t'effleure l'esprit, ni même l'envie de me demander ce qu'elles ont qui puisse te donner envie d'elles... J'ai pas envie de souffrir.

Je n'avais pas envie de la faire souffrir non plus, là-dessus on était d'accord. Si ça arrivait, ce n'était pas voulu. Par contre je devais avouer que j'étais assez flatté de voir qu'elle était jalouse. Ça ne me faisait pas plaisir qu'elle en souffre, mais j'appréciais l'intention.

- Moi non plus j'veux pas te faire souffrir. J'ai jamais voulu te faire de peine, tu peux pas savoir comment je suis mal là...

Je n'avais aucunement l'intention de lâcher l'affaire. Hors de question de la laisser respirer, j'étais pas d'accord avec l'idée. Je ne partirais pas d'ici sans avoir réglé ça. Désespéré, je lui avais même dit que je l'aimais, alors que c'était un peu tôt pour ça. C'était quand même un putain d'exploit venant de moi !

Cette fois-ci, elle ne me repoussa pas, mais ce baiser restait tendu et elle pleurait toujours. Je ne savais plus quoi dire pour apaiser sa peine.

- Je t'aime aussi, River. Tellement fort... Je ne veux juste plus revivre ce doute, s'il te plait...

- Plus jamais, promis, répondis-je avant de l'embrasser à nouveau.

Je ne savais pas si j'allais pouvoir tenir cette promesse, mais je le voulais sincèrement. Et c'était ça qui comptait le plus, non ? Et puis, je ne pouvais pas lui ça, je devais la rassurer si je voulais avoir l'occasion de lui prouver que je pouvais être à la hauteur. Mais être parfaitement honnête avec elle là tout de suite sur mes propres doutes mettraient fin à notre relation à peine entamée, et alors je ne saurais jamais si je pouvais devenir celui que je voulais être pour elle. Elle savait dans quoi elle s'engageait avec moi après tout, alors elle devait me laisser une chance de découvrir si j'étais capable de la combler. Et il n'y a qu'en prenant des risques qu'on finirait par s'en rendre compte.

J'espérais retrouver cette aisance qu'on avait tous les deux avant que cette histoire ne vienne la faire douter de nous. Et je me disais que le meilleur moyen d'y arriver c'était d'arrêter de parler des choses qui fâchent et de baiser. C'était peut-être une erreur, peut-être pas, j'en savais rien vu que jusque là on était que des amis. Mais il fallait que je tente le coup. Je fis glisser mes mains sur ses cuisses, remontant jusqu'à ses hanches, tentant de percevoir chez elle un retour positif.