if these scars could speak (charlie)

C’était son monde qui s’était écroulé. Vacillant au bord du vide depuis cette annonce qui avait fait basculer son quotidien, Niels, il avait l’impression d’avoir tout perdu, jusqu’à sa propre identité, qui s’était dénuée de sens depuis qu’il savait qu’Aelya n’avait plus aucun souvenir de lui, d’eux. En l’espace d’une seconde, tout avait volé en éclats, tout était parti en fumée, les souvenirs d’une vie réduits en cendres, perdus dans l’oubli. Il était rentré à la suite de sa visite hebdomadaire, laissant Aelya reprendre doucement ses esprits alors que les scènes de son réveil continuaient de le hanter, revoyant incessamment la confusion qu’il avait pu lire dans ses prunelles, celle qui lui avait fait comprendre que son visage ne lui revenait pas et qu’il n’était devenu qu’un inconnu à ses yeux. « Faut qu’on se voit. C’est urgent, c’est Aelya. Est-ce que tu peux passer à la maison ? » Avait-il tapé sur l’écran de son portable, envoyant ce message à Charlie qu’il tenait régulièrement informée des nouvelles concernant sa meilleure amie. Ce soir, il savait qu’il ne serait pas le seul à s’effondrer en apprenant que la mémoire d’Aelya s’était effacée, qu’il ne lui restait plus rien de sa vie passée. Les yeux embués de larmes, il s’avança lentement dans leur salon, son regard se posant instinctivement sur ces photos encadrées qui ornaient les murs et qui le raccrochaient à ce qu’ils avaient vécu ensemble. Niels, il savait intimement qu’il ne survivrait pas à une vie sans elle, l’idée de ne jamais la retrouver lui donnant cette impression de vertige, comme si soudainement, c’était les fondations de leur monde qui s’effritaient devant ses yeux impuissants.

Charlie était fébrile, ses doigts tapotant impatiemment le volant de son pick-up alors qu'elle était en route pour la maison de Niels et Aelya. Maison habitée uniquement par Niels en ce moment, l'autre moitié de la lumière de ces lieux étant prisonnière des néons blancs d'un hôpital. Tous les jours, la jeune résidente en chirurgie passait voir son amie, alitée, immobile. Elle n'en avait pas vraiment le droit, mais c'était sa meilleure amie et Charlie aurait été prête à faire brûler l'hôpital pour qu'on l'autorise à voir la belle brune. Et ses collègues ainsi que ses supérieurs le savaient bien. Tout comme il savait qu'elle avait le coeur brisé. Qu'elle maintenait la tête hors de l'eau de justesse, avec son meilleur ami toujours assigné dans sa chambre suite à une crise de sa maladie, et maintenant sa meilleure amie dans le coma. Ouais, elle cumulait, en ce moment l'Australienne. Malgré ses passages quotidiens dans la chambre d'Aelya, elle n'avait droit qu'à quelques minutes et devait tout de même bosser, passer voir Jules aussi. Elle était donc en contact presque quotidien avec Niels, qui avait pour ordre de l'informer du moindre changement d'état d'Aelya. Enfin, même sans ordre, il l'aurait fait. Mais Charlie était un peu à fleur de peau en ce moment, elle pressait les gens, était plus susceptible qu'à son habitude, même si elle faisait son maximum pour rester de bonne humeur et ne pas infliger ses explosions émotionnelles aux autres. C'était plus facile à l'hôpital, où elle avait le devoir professionnel de compartimenter. Mais ça restait un effort considérable chaque jour. Cette fois, elle était en congé, juste après son anniversaire. La gueule de bois se faisait sentir et pas pour rire, mais Charlie avait sauté dans sa voiture dès qu'elle avait reçu le message de Niels, se brossant les dents en dix secondes en même temps qu'elle se rafraîchissait rapidement à l'évier. « Elle s'est réveillée ??? Alors ? » avait répondu la brunette par message, mais Niels avait insisté pour qu'elle vienne. C'est presque en dérapant qu'elle gara sa grosse voiture devant la grande maison et en sortit d'un bond. Elle frappa à gros coups à la porte et ne prit pas la peine d'attendre avant d'entrer, tout son corps tendu et tremblant comme dans l'attente de la sentence. « Niels ? Niels ?! Dis-moi, qu'est-ce qu'il y a, c'est quoi les nouvelles ? » Son cœur battait la chamade, alors qu'elle parcourait la maison à grandes enjambées pour rapidement trouver le skater au salon, l'air abattu, étourdi. Elle était si angoissée de la réponse qu'elle en avait la nausée, et la lenteur de la réaction du garçon lui donnait envie de le secouer comme un prunier.

Il n’était pas sûr de savoir survivre sans recevoir l’amour d’Aelya, lui qui avait trop naïvement pensé que dés son réveil, tout rentrerait dans l’ordre, qu’ils reprendraient leur vie là où elle s’était arrêtée. Et finalement, un nouveau coup de massue était venu l’achever, le clouer au sol, l’empêchant même de respirer. Niels, il ne savait même plus où était sa place, revenant chez eux avec cet air hagard, déboussolé, comme s’il avait perdu tous ses repères depuis qu’il savait qu’il n’en était plus un pour Aelya. Sans trop savoir comment l’annoncer, il laissa un message à Charlie sans lui donner plus d’informations, sûrement parce-que l’écrire rendrait cette réalité encore plus concrète, encore plus douloureuse. Il n’était pas prêt à vivre cette descente aux enfers, lui qui aurait donné sa vie pour retrouver celle qu’il aimait, comme avant, pour que leur vie puisse reprendre son cours, comme c’était écrit. Le coeur à l’agonie, il n’entendit même pas la brune débarquer chez lui, se retournant seulement lorsqu’elle chercha désespérément des réponses dans son regard sans vie, laissant quelques longues secondes s’écouler « Elle a tout oublié. » Lâcha-t-il après avoir entrouvert les lèvres, cillant pour retrouver cette réalité qu’il aurait aimé fuir. « E-Elle sait plus qui j’suis, Charlie. » Finit-il par souffler, cherchant du réconfort dans le regard de son amie, priant pour qu’elle lui dise que cette amnésie serait éphémère, qu’Aelya lui reviendrait, qu’elle reprendrait sa vie pour les retrouver, que tout irait bien. Qu’ils iraient bien.

L'expression de Niels ne présageait rien de bon. Elle augurait du très mauvais, même. En croisant ses iris noisette emplis de désespoir, un coup de chaud envahit le corps de l'Australienne. Elle sentait son corps battre à tout rompre dans sa poitrine, sa cage thoracique comme comprimée par un poids invisible et ses poumons se vider de leur air sans sembler pouvoir en reprendre. Elle était pétrifiée de peur. Les secondes précédent l'annonce s’égrainaient comme des heures, et quand finalement la sentence tomba, Charlie fronça ses sourcils fins. « Comment ça, tout oublié ? » répéta-t-elle, abrutie par la nouvelle, ses neurones incapables de processer cette information. Les sueurs froides se dissipaient en même temps qu'elle essayait de comprendre ce que Niels lui apprenait. Ça semblait improbable, irréel, à tel point que ça sembla rassurant une brève seconde, comme si cette information était venue d'une autre dimension et n'avait pas d'impact ici-bas. Comme s'il n'y avait rien de grave, finalement. Mais la phrase qui sortit par la suite d'entre les lèves du garçon suffit à la ramener brutalement à la réalité. Une lueur d'incompréhension régnait dans les yeux de la brunette, son visage était presque méfiant, tellement ébahie par cette nouvelle. La détresse de Niels l'acheva, dans ce parcours vers l'acceptation de ce qui était. « Une amnésie d'identité... » formula finalement la médecin, presque dans un murmure, le regard dans le vide. Utiliser un mode de pensée médical et professionnel l'aidait un tout petit peu, à enregistrer l'information et à ne pas trembler de panique. Néanmoins, Niels et elle savaient bien ce que ça voulait dire, pour eux. Aelya les avait oublié. Comme s'ils n'avaient jamais existé. Doucement, Charlie prit les mains du skateur dans les siennes, les serrant fort comme elle aurait serré une corde la sortant d'un ravin. Ses yeux s'étaient embués et aucun mot de réconfort ne pouvait sortir de sa gorge nouée.

La vitesse à laquelle tout avait basculé l’avait anéanti, le laissant seul avec ce pieu planté en plein myocarde, l’hémorragie s’aggravant au fil des minutes alors qu’il avait compris que les souvenirs d’Aelya s’étaient envolés dans le néant. Il était rentré chez eux après son réveil, vidé d’émotions, traînant son corps sans vie jusque dans leur maison où tout lui rappelait ce qu’ils avaient vécu tous les deux. Le regard terni par la peine, il s’était retourné vers Charlie qui cherchait des réponses à ses questions, lui qui ne savait même pas comment lui annoncer cette nouvelle qui l’avait mis à terre, sans aucune pitié, conscient qu’il n’aurait aucun moyen de la préserver. Il cilla à ses mots, incapable de répéter cette vérité impensable, la laissant intégrer les paroles qu’il venait d’expier. Et il restait planté là, sans bouger, paralysé par la douleur qui parcourait chacun de ses membres pour le clouer sur place, aspirant sa force et son espoir. Sans qu’il ne puisse l’empêcher, une larme roula finalement le long de sa joue, Niels qui l’écrasa rapidement pour ne pas l’accabler davantage, parce-qu’il imaginait très bien ce que Charlie pouvait ressentir à cet instant. Il la regarda s’approcher, baissant les yeux vers ses paumes chaudes qui glissèrent entre les siennes, Niels s’y accrochant comme on s’accrocherait à une bouée de sauvetage en pleine tempête. « Les médecins savent pas si c’est réversible… » Souffla-t-il finalement, épuisé par ce combat qui ne faisait que de commencer, lui qui avait voulu paraître fort devant celle qu’il aimait alors qu’il n’avait suffi que d’une seule seconde en dehors de son champ de vision pour qu’il ne s’écroule. « Charlie, dis-moi que t’as espoir… Elle va revenir, hein ? » Lâcha-t-il, comme s’il la suppliait, comme si son monde entier était suspendu à ses lèvres.

Une tempête émotionnelle se formait lentement, mais très sûrement, dans l'esprit de la jeune interne. Une tempête étonnamment calme vue de l'extérieur, mais à l'intérieur c'était un cyclone qui se construisait, prenant un peu plus d'ampleur à chaque seconde, grossissant dans sa poitrine, prêt à tout ravager sur son passage. Charlie était toujours en train de découdre les pans d'informations que Niels lui donnait, pour mieux les comprendre, car son cerveau s'y refusait, cherchant à se préserver. Mais son corps et son cœur pouvaient essayer de nier les faits autant qu'ils le voulaient, ça ne changeait pas les choses. Et chaque précision apportée par le mari de sa meilleure amie nourrissait un peu plus cette tempête menaçante dans ses entrailles. La belle brune ferma les yeux, accusant le coup de cette annonce supplémentaire. Peut-être qu'Aelya ne leur reviendrait jamais. C'était une possibilité. Charlie essayait de se raccrocher à des espoirs futiles, comme le fait que les docteurs préféraient être pessimistes face aux familles des patients, ou tout du moins bien les préparer au pire. C'était une façon de se protéger, de ne pas donner de faux espoirs. Peut-être que c'était le cas ici, qu'il y avait une bonne probabilité qu'Aelya recouvre la mémoire mais qu'ils préféraient simplement insister sur le cas contraire. Ces suppositions s'entrechoquaient dans ses pensées torturées, tout ça encore une fois pour l'éloigner de son impuissance face à la triste réalité actuelle. Ils ne pouvaient rien faire. La sentence était là. Ils ne pouvaient qu'espérer. Et les yeux suppliants et embués de larmes de Niels suffirent à briser les derniers remparts qui maintenant la tempête. Oh comme elle avait envie de lui dire oui, elle et son optimisme à toute épreuve. Non, pas à toute épreuve, apparemment. À leur tour, les perles d'eau salée se mirent à rouler des yeux azur de la jeune femme. Ses lèvres tremblaient, alors qu'elle voulait désespérément ouvrir la bouche pour lancer au garçon la bouée de sauvetage qu'il demandait, réclamait, suppliait. « Je... Je sais pas... J'ose pas... » balbutia Charlie alors que ses émotions se déchaînaient, débordaient, la rendant incapable de réfléchir, de formuler, de maîtriser quoi que ce soit. Elle ne lâchait pas les mains de Niels, qui était aussi d'une grande importance à ses yeux, pas seulement parce qu'il était l'amour de la vie d'Aelya, mais parce qu'il était aussi un ami proche. Elle pleurait, à chaudes larmes maintenant, encore plus meurtrie de ne pas pouvoir fournir à son ami ce dont il avait désespérément et douloureusement besoin : de l'espoir.

Il était privé de la seule personne capable de le rassurer, errant désormais dans les tréfonds d’une solitude qu’il n’avait plus eu l’habitude de côtoyer depuis qu’il avait rencontré Aelya. Il avait l’impression d’avoir perdu ses repères, sentant ses fondations vaciller, à deux doigts de s’écrouler alors qu’il tentait d’imaginer un avenir sans elle. Il serait incapable d’y survivre, il le savait intimement, parce-qu’il avait voué son âme à la sienne, trouvant dans les battements de son myocarde une raison de faire battre le sien. Il avait mal de franchir cette porte sans elle, mal de savoir que cette situation pouvait potentiellement s’éterniser, que le risque de ne jamais la retrouver était présent. Et c’était avec une douleur incommensurable qu’il avait pris la décision de prévenir Charlie, l’attirant jusqu’à lui, entre les murs d’une villa sans vie. Il peinait à rester fort, craquant sous le coup de cette nouvelle qu’il s’entendait expier pour la première fois, le regard terni par ce cauchemar qui l’anéantissait peu à peu. Il avait mal, pour Aelya, pour lui, pour Charlie qui comprenait maintenant la raison de son regard embué de larmes, de cette absence de vie dans ses yeux. Et il avait vu la douleur s’immiscer en elle, en un battement de cil, Niels qui sur le moment, se détesta de lui faire subir cette nouvelle. « Charlie… J’vais crever sans elle. » Lâcha-t-il, sans même réfléchir, comme un cri du cœur, ses mains toujours liées à celles de la brune. Il n’aidait pas, il en était conscient et pourtant, il avait besoin de l’entendre lui dire que tout irait bien, que la médecine serait capable de lui ramener sa femme, de leur rendre leur vie injustement volée. « Putain, pourquoi elle ! » Expia-t-il, ses mains s’extirpant des siennes, la colère s’immisçant dans ses veines, Niels s’éloignant de quelques pas pour chercher à respirer, à soulager ses poumons comprimés par la douleur.

Charlie essayait de contrôler les sanglots qui secouant ses épaules, témoins de la déchirure et du sentiment de perte qui s'enroulaient autour de ses pensées. Elle se cramponnait à Niels comme si lui pouvait encore changer la donne, comme s'il lui restait une dernière carte inattendue dans sa manche. Comme il était le seul présent à pouvoir lui donner des informations, elle avait cette impression irréelle qu'il avait tout autant le pouvoir de réparer les choses, que des mots plus optimistes pouvaient franchir ses lèvres. Le drame là-dedans, c'était que le skateur semblait attendre la même chose de Charlie. Voilà où ils en étaient, à chercher mutuellement une réponse dans les prunelles terrorisées de l'autre. Deux oiseaux perdus avec des ailes en train de flamber, cherchant une flaque d'eau près de l'autre, qui n'existait pas. « Dis pas ça... Elle est toujours là. » répondit faiblement la jeune médecin, une fois qu'elle parvint enfin à digérer un peu ses larmes, le temps d'articuler une pensée et une phrase. Aelya avait beau ne plus savoir qui elle était, elle était toujours là, faisait partie du même monde qu'eux. Au milieu du tourment de ces nouvelles, Charlie trouva du réconfort dans cette pensée. Niels et elle étaient meurtris par l'injustice en ce moment, mais ils n'avaient pas le droit d'oublier qu'au moins, la lumière de leurs existences était toujours avec eux. Même s'ils n'avaient plus de place dans ses pensées et ses souvenirs. Mais Niels s'emporta avant qu'elle ne puisse aller plus loin dans ces réflexions qui lui paraissaient être les seules à pouvoir amener du réconfort. Il s'éloigna, son regard se durcissant sous le coup de la colère, une colère qu'il ne pouvait malheureusement diriger contre absolument personne. « Niels... Comment elle en est arrivée là ? » souffla Charlie d'une voix presque peureuse. Effrayée par la réponse, et par comment sa question sonnait maintenant qu'elle l'avait formulée à haute voix.

Leurs regards se cherchaient, se suppliaient dans un silence sur lequel planait cette attente interminable, eux qui espéraient la même chose, menant finalement un même combat où ils n’étaient pas sûrs de ressortir gagnants. Il aurait donné sa vie pour entendre Charlie lui dire qu’Aelya retrouverait ses souvenirs, que son état n’avait rien d’alarmant et qu’ils finiraient par reprendre leurs vies là où elles s’étaient arrêtées. Et pourtant, la réalité le frappa de plein fouet lorsqu’il remarqua les larmes embuer son regard turquoise, le voilant de cette peine qui percuta son coeur déjà piétiné. Il cilla à ses mots, incapable de puiser son espoir dans les paroles de son amie qui lui rappelaient pourtant qu’Aelya était toujours avec eux, même si elle n’était plus vraiment celle qu’elle avait été avant l’accident. La gorge nouée par les larmes qu’il tentait de ravaler pour ne pas complètement s’effondrer, Niels, il cherchait un moyen d’expier sa colère, sa peine, faisant quelques pas pour cracher sur cette injustice qui les privait de l’amour de sa vie. Et soudainement, Charlie le rattrapa, attirant son attention sur elle alors qu’il se remémorait ce moment où il s’était senti mourir, revoyant le corps inanimé d’Aelya, comprenant qu’elle avait succombé une nouvelle fois à l’appel de la drogue. « Je sais pas comment tout a basculé aussi vite… Elle allait mieux, j’te promets que c’était ce que je pensais. J’étais certain qu’elle touchait plus à cette merde, elle me l’avait promis. Mais j’ai rien vu venir Charlie… Ça a été trop vite, j’ai pas pu la sauver à temps… » Lâcha-t-il après un long silence, le coeur brisé par ces vérités qu’il expiait pour la première fois alors que des larmes s’échappèrent une nouvelle fois de ses yeux, revivant ces instants où son monde s’était effondré. « J’suis désolé… J’ai pas été assez là pour elle, j’ai pas su l’aider… » Continua-t-il, ressentant ce dégoût pour lui-même quand la culpabilité le prenait aux tripes, l’empêchant de respirer correctement.

Charlie n'avait pas pu s'empêcher de demander. Elle savait dans les grandes lignes ce qui s'était passé, mais comme pour prétendre apaiser sa propre peine et son propre sentiment d'injustice, elle avait besoin de savoir. Comment ça en était arrivé à ce point. Comme pour trouver un sens, une sorte de raison pour laquelle le karma s'était attaqué à eux. Pour se fustiger elle-même, comme si ça prouverait à l'univers qu'elle se reprentait et qu'il pouvait donc laisser Aelya tranquille. La laisser revenir à eux. Rationnellement, elle savait que tout ça ne servait à rien, que ça ne fonctionnait pas ainsi. Mais elle voulait s'en donner l'illusion et l'espoir. Elle se détesta de poser cette question, ou même que le brun puisse y trouver une once de reproche. Elle le ramenait à sa culpabilité à lui et elle se mordit la lèvre, un nouveau sanglot bloquant sa gorge alors qu'elle le retenait du mieux qu'elle le pouvait pour entendre la réponse de Niels. Sa souffrance s'évaporait par ses pores et semblait venir embaumer la pièce, les piégeant dans une fumée épaisse de peine inconsolable. « Moi non plus... Moi non plus j'ai rien vu, j'ai rien compris... » souffla-t-elle, la voix brisée, alors qu'elle mêlait sa tristesse à celle de son ami, incapable d'occulter l'écho que ses mots trouvaient en elle. Elle prit une grande inspiration, chassant les larmes de ses perles azur d'un geste presque rageur. « Dis pas ça Niels. T'as toujours été là pour elle, en toutes circonstances, et encore maintenant. Y a plein de gens qui auraient trop peur de cette nouvelle dure réalité et jetteraient le bébé avec l'eau du bain. Ils laisseraient Aely' derrière pour s'épargner toutes les difficultés de son état. Toi pas. Tu ferais jamais ça. Et moi non plus. » Son ton était d'un sérieux rare, d'une articulation presque féroce. Elle avait planté son regard de celui de Niels, soutenant le poids de la culpabilité qu'elle trouvait au fond du sien. Elle serait là pour Aelya et pour Niels, solide comme une montagne, même si pas inébranlable. Parce qu'elle savait qu'eux aussi, ils seraient là pour elle.