la jedi et la padawan (lys)

Pour Selma rien ne vaut une bonne randonnée. Elle marche dès qu’elle le peut. La plupart du temps lorsqu’elle est à Bowen elle ne s’aventure pas très loin suivant le temps qu’elle a mais le week-end elle se permet des expéditions plus loin et plus longue. Elle continue à partir en voyage régulièrement pour de longues marches en solitaire, à présent que León ne l’accompagne plus. Il lui arrive aussi d’embarquer sa fille avec elle pour quelques jours ou d’autres marcheurs enthousiastes même si tous n’arrivent pas à suivre son rythme. Cette fois elle a prévu une petite expédition d’une journée au départ de Bowen avec sa nièce, Lys. Un moment pour se retrouver toutes les deux, avec la nature autour d’elles. Le sac de la jeune femme est assez léger car elle n’a pas à embarquer avec elle tout son équipement de bivouac qui est ce qui pèse le plus lourd dans un sac avec l’eau. En Australie il faut prévoir des réserves d’eau assez conséquentes surtout quand il s’agit de s’aventurer dans des coins secs et reculés. Il lui est déjà arrivé plusieurs fois de sous estimer ses réserves et de se retrouver au bord de la déshydratation. Heureusement à présent avec les années d’expériences elle ne fait plus ce genre d’erreur. Son petit sac sur le dos et ses chaussures de randonnées aux pieds, elle attend Lys au point de rendez-vous, le départ du sentier de randonnée. « Salut. » lui dit-elle avec un sourire quand elle la voit. « Prête pour cette mini-aventure ? »

J’admire Selma, pour ces folles aventures, son esprit libre et le courage qu’elle démontre dans chacune de ses expéditions. Gamine, je la voyais un peu comme un Lara Croft et rêvait de faire comme elle. Mon père plaisantait souvent en disant que seule sa petite soeur pourrait un jour canaliser mon énergie débordante et il n’avait pas tout à fait tort. Je marche un peu moi-même, pas autant que Selma, c’est certain, mais j’aime la marche, ce moment que ça nous oblige à passer avec soi, à se vider la tête. Car souvent dans ce genre de périple, qu’on soit seule ou à plusieurs d’ailleurs, l’introspection est au rendez-vous. C’est aussi libérateur pour moi que de m’exprimer sur une toile. Alors, quand ma tante m’a proposé une journée de randonnée autour de Bowen, je n’ai pas pu refuser. Après un lever quasi aux aurores et un petit déj rapidement avalé, je prends la route et me gare au parking indiqué par Selma, j’embarque mon petit sac principalement rempli de gourdes d’eau avant de la retrouver à l’entrée du sentier. Quand je l’aperçois, un sourire radieux se colle sur mon visage.  
— Salut ! je fais avant d’éclater de rire. J’adore comme tu minimises le truc ! Mais oui, je suis prête !

Une journée de marche ce n’est pas grand-chose pour Selma. C’est plus un petit entraînement, une journée tranquille pour pas perdre le rythme plutôt qu’autre chose. Entre deux expéditions plus longues, elle continue toujours à marcher, en partant moins loin, dans des lieux plus accessibles et des trajets plus simples. Surtout lorsqu’elle est accompagnée de personnes qui ont moins l’habitude qu’elle de faire de longues randonnées, elle n’a pas envie que les choses se passent mal et devoir traîner son ou sa partenaire de rando pour arriver à la fin du périple. « Ce n’est qu’une petite journée de balade. » répond-elle à Lys. Oui elle minimise sans doute un peu les choses. « Mais ne t’inquiète pas, ça va aller. Le trajet n’est pas très compliqué et j’ai prévu un rythme suffisamment tranquille pour pas qu’on ait besoin de se presser pour finir. » explique-t-elle alors. L’avantage de partir en randonnée avec quelqu’un comme Selma c’est qu’elle connaît très bien la plupart des sentiers entourant Bowen et sait s’adapter aux personnes ayant un rythme plus lent que le sien. « A un moment on va croiser une cascade, on pourra faire une bonne pause là-bas. En plus c’est assez éloigné de tout donc en général on est plutôt tranquilles. »

Je ne suis pas vraiment du genre à trainer des pieds, mais les randonnées de ma tante sont souvent loin d’une promenade de santé. Cela dit, j’aime me challenger et essaie de la suivre au mieux. En général, je ne suis pas déçue du voyage. Ca nous rapproche, et nous fait vivre des moment précieux. En plus de me permettre de me surpasser, ce qui n’est jamais inintéressant.
— Je te fais confiance, je lui rétorque avec un grand sourire.
Cela fait quelque temps que je n’ai pas marché, ou fait du sport tout court, prise dans la rénovation de la maison de mon père, mes journées passe à une vitesse folle sans que je n’ai pris du temps pour moi. On se lance, et Selma m’informe qu’on pourra s’arrêter en chemin près d’une cascade.
— Trop bien, ça doit être magnifique !  

Il n’est pas rare que Selma embarque des gens avec elle pour aller randonnée autour de Bowen. Il faut dire que le plus simple pour réussir à lui parler est encore de lui proposer une balade, il y a peu de chances pour qu’elle dise non. Tandis qu’elle aura davantage tendance à refuser une sortie dans un salon de thé, même si elle boit beaucoup de café et que, comme la marche, elle a bien du mal à s’en passer. Cette fois c’est l’occasion pour elle de passer un peu de temps avec Lys, qu’elle ne voit pas si souvent, comme toutes ses autres connaissances, toujours partie d’un bout à l’autre du monde. Elle avait prévu tout l’itinéraire pour qu’elles puissent marcher sans être trop essoufflées. « Oui c’est vraiment sympa. » répondit-elle enthousiaste tandis qu’elles continuaient d’avancer sur le chemin de terre. « Ça avance les travaux dans la maison ? » Elle sait que c’est le grand projet de sa nièce. Selma y est allé plusieurs fois, avant la rénovation et pendant également. Elle a hâte de pouvoir voir le résultat final et impressionnée par tout le travail et le temps que peut mettre Lys dans cet ouvrage.

J’avais compris le fonctionnement de ma tante, depuis le temps. Elle avait la bougeotte, il était inutile d’espérer avoir de longues conversations avec elle si elle n’était pas accompagnées d’une marche en plein air. Rares étaient les fois où j’avais vu Selma restée immobile, dans le confort d’un fauteuil, pendant des heures. Même durant les réunions de famille, les Noëls ou les anniversaires, la petite soeur de mon père avait besoin de bouger, de se tenir débout, d’aller à droite ou gauche. Elle ne tenait pas en place et c’était une des choses que j’aimais le plus chez elle. Nous marchons à belle allure, et ma tante me pose alors une question au sujet de la maison de mon père que je suis en train de rénover. Je hoche la tête avant de répondre.
— Oui, ça avance, je lui confirme, Az m’aide beaucoup sur son temps libre, et franchement, sans lui, ça aurait prit beaucoup plus de temps, je dois admettre.
L’expertise et le savoir-faire de mon petit ami était précieux dans cette nouvelle aventure, et il m’aidait avec la bonne humeur et la volonté qu’on lui connaissait. Je m’estime extrêmement chanceuse pour ça.

Passer du temps à l'intérieur n'est pas le grand passe temps de Selma, alors si elle peut comprendre la passion de sa nièce pour rénover sa future maison, elle sait qu'elle n'aura jamais l'envie de se lancer dans un tel projet, à part pour le défi qu'il représente. Il lui arrive régulièrement de vouloir changer l'agencement de son intérieur même si au final elle passe bien plus de temps dans sa piscine ou son jardin lorsqu'elle se retrouve chez elle. Depuis le départ forcé de Leónel de leur maison, elle a bien plus de mal à avoir envie d'entreprendre quelques changements, ne voulant pas effacer sa présence en ces lieux même si penser à lui si souvent lui fait du mal. « Pour le gros œuvre ça doit être bien pratique en effet ! » Elle connaît le petit-ami de Lys pour l'avoir rencontré quelques fois et sait qu'il travaille dans le bâtiment ce qui est plutôt avantageux quand il s'agit de rénover une maison. « Ça fait un moment que je ne suis pas passée, faudra que je passe voir tout ça. » Ajouta-t-elle avec un sourire. « Du coup j'imagine que c'est ce qui occupe la plupart de ton temps en ce moment, non ? »

Maintenant que je ne travaillais plus au lycée de Bowen en tant que professeure de littérature, j’avais davantage de temps à consacré à ma carrière d’artiste qui commençait à décoller. Le reste de mon temps, en effet, je le passais à la maison de mon enfance, dans les travaux. On avançait plutôt bien, Az et moi, aidés et accompagnés de quelques professionnels et certains de nos amis, dont Elias, le coloc de mon amoureux et son collègue sur les chantiers depuis de nombreuses années.
— Oui, ça m’aide beaucoup c’est sûr, tout comme le fait de pouvoir récupérer des matériaux qui devraient partir à la déchèterie sans ça…
C’était assez fou, ce constat qu’on avait fait, Az et moi. Les gens dépensent sans compter parfois et jete les choses encore utile sans même y penser. C’est fou quand on y pense.
— Ca nous prend beaucoup de temps, oui…j’arrive quand même à peindre, et j’espère que les travaux seront bientôt fini pour que je puisse ouvrir ce centre d’Art Therapie. Et puis…on a un autre projet, avec Az…
Je souris en coin à ma tante.
— Je ne sais pas si je te l’ai dis, mais on essaie d’avoir un bébé.

Avoir un compagnon qui travaille dans le bâtiment doit être une aide plutôt utile lorsqu’il s’agit de construire une maison. Mais Lys lui explique que ce n’est pas seulement ça mais qu’ils peuvent aussi récupérer quelques matériaux destinés à la poubelle, sans doute car présentant des imperfections qui ne passent pas aux yeux de la compagnie ou des chutes inutilisables à leurs yeux. En plus d’éviter des déchets, l’économie financière n’est pas négligeable, c’est doublement bénéfique. « Ah oui c’est plutôt pratique effectivement. » affirma-t-elle en pensant à son ami Isaiah qui doit être fou en pensant à tout ce qui est jeté à la poubelle chaque jour alors que c’est encore parfaitement utilisable. La jeune femme expliqua qu’en plus du projet de la maison, elle peint sur le temps qu’il lui reste mais qu’en plus de ça, elle a un autre projet qu’elle ne tarde pas à révéler à sa tante. « Oh c’est génial ! Ça fait combien de temps que vous y pensez ? » Si Selma ne fait pas partie des personnes ayant une grande fibre maternelle, elle est ravie quand les autres ont envie de se lancer dans le projet de la parentalité. Elle est très heureuse d’avoir eu Izzy mais si elle n’avait pas rencontré Leónel, elle n’en aurait probablement jamais eu, restant une aventurière célibataire et sans attache. Les deux chemins de vie lui conviennent très bien et elle n’a absolument aucun regret sur ses choix, si ce n’est qu’elle aimerait toujours avoir son mari auprès d’elle et qu’il soit à nouveau celui qu’elle a épousé.

En commençant se projet de construction, je n’avais absolument pas imaginé la quantité de matériaux qui était abandonné après les gros chantiers et qu’Az avait pu récupérer. C’était assez fou de se dire qu’on parlait de pénurie pour certaines choses, tandis qu’on s’offrait le luxe d’en gaspiller d’autres. C’était abhérant, même si, je devais le reconnaitre, ça nous avait bien aidé pour le coup. Mieux valait que ça serve de toute manière, plutôt que ça encombre les décharges.
Le sujet de conversation toutefois dévia sur une second projet qu’Azriel et moi avions entrepris et qui occupait toutes nos pensées, peut-être même davantage que le centre d’Art Thérapie. Je confiai alors à ma tante que mon amoureux et moi essayions de concevoir, chose que je n’aurais jamais cru possible étant donné qu’avant cela, je ne m’étais jamais vraiment imaginé avec des enfants. Mais plus Az et moi en parlions, plus cela me semblait naturel, et j’avais hâte de connaitre le nouveau visage de cette famille que nous avions l’intention de construire.
— Ca fait environs un an qu’on a commencé à y penser, je réponds à ma tante, c’était l’anniversaire d’Azriel, et…ça nous est venu comme une évidence. C’est assez fou.

Selma était contente de voir sa nièce avoir tous ces projets de vie. Elle se dit que cela devait pas mal l’occuper, rénover la maison, son projet de centre d’art thérapie et à présent celui d’avoir un enfant. La journaliste repense à elle quand elle était plus jeune, qu’elle jonglait entre sa vie amoureuse et sa professionnelle, partant régulièrement en reportage à l’autre bout du monde. Elle a dû arrêter de courir partout un temps durant sa grossesse et les premiers mois d’Izzy. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle aurait continué les reportages jusqu’au moment d’accoucher mais une femme enceinte dans des pays en guerre, c’est rarement une bonne idée. Et si quelque chose était arrivé au bébé, elle s’en serait voulu toute sa vie et León lui en aurait aussi sans doute voulu. Alors pendant un temps elle avait seulement quitté l’Australie pour quelques randonnées faciles et jamais trop loin de la civilisation, au cas où quelque chose se passe. « Ah oui c’est pas tout récent….vous essayez depuis ce moment-là ? » Connaissant Lys, elle savait que le projet d’avoir un enfant ne faisait pas forcément parti de sa liste, tout comme il ne faisait pas parti de la liste de Selma. Mais parfois la vie décide que tout ne se passe comme on l’a imaginé des années en arrière, pour le meilleur et pour le pire.

Un an…que je le formule à voix haute à ma tante, j’ai peine à me dire que ça fait un an qu’Azriel et moi essayons d’avoir un enfant. C’est étrange comme le temps passe. J’ai l’impression que mon amoureux et moi avons discuté de ça il y a à peine quelques jours, c’est fou. En vérité, nous n’avons pas changé grand chose, hormis ma prise de contraceptifs. Mais, c’est tout. On a décidé de laisser les choses se faire, à leur rythme, sans trop y réfléchir. Les parents d’Azriel nous disent souvent qu’on mène « une vie de bohème », ça me fait sourire à chaque fois. Et en même temps, je trouve ça poétique. « Ouais, mais…on se prend pas la tête, ça arrivera quand ça arrivera » je résume à Selma. « Je crois que je suis pas pressée…ça demande de gros changements, et je pense que c’est pas si mal que ça prenne du temps. Ca nous permets d’appréhender tout ça tranquillement. » Je sais que je peux me confier à coeur ouvert avec ma tante, je sais qu’elle me comprend. Qu’elle comprend mes choix de vie, mes états d’âme. C’est assez reposant de discuter avec elle.

hj : je suis désoléééééée pour ce retard

De leur côté, Selma et León n’ont eu aucune difficulté à avoir Izzy. C’est arrivé assez rapidement après qu’ils aient pris la décision d’avoir un enfant. S’il avait fallu attendre longtemps puis prendre rendez-vous sur rendez-vous pour tomber enceinte, elle aurait sûrement refusé et aurait choisi de ne pas avoir d’enfant, ce qui aurait sans doute été un point de discorde avec son mari. Ou bien en adopter un, même si les démarches sont parfois longues et difficiles. La journaliste n’avait pas dans ses projets de devenir mère, tout comme elle n’avait pas celui de rencontrer quelqu’un et se marier, mais un chirurgien chilien en a décidé autrement en débarquant de manière inattendue dans sa vie. « Ça arrivera quand ça arrivera, si vous êtes pas pressés c’est bien. Parfois à trop vouloir que ça arrive, ça ne vient pas. Tout comme pour certaines personnes ça vient sans que ce soit voulu, la vie fait pas toujours les choses comme on veut. » relativise-t-elle. « Comme ça au moins vous pouvez tout préparer tranquillement, de finir la maison et tout le reste. » approuve-t-elle ensuite. Si Izzy était arrivée par surprise, Selma aurait probablement eu plus de mal à gérer sa grossesse, à se mettre en tête de calmer le rythme, déjà qu’en prévoyant les choses, elle a eu du mal.