(#2508) Blame it on the alcohol ∞ Callie & Emily.

Emily ne savait plus très bien où elle était, ni même ce qu’elle faisait là. Elle se contentait d’avance plus ou moins adroitement, trébuchant de temps à autre sans raison apparente. Que faisait-elle ici, au beau milieu de ce quartier résidentiel ? Et pourquoi le sol bougeait-il de cette manière ? Marcher n’était pas si compliqué d'habitude mais là, chaque pas semblait lui demander une énergie et une concentration sans égale. Elle soupira et se laissa tomber sur le bord du trottoir. Une pause s’imposait. Elle devait se calmer un peu, retrouver ses esprits et essayer de se souvenir pourquoi elle était venue jusqu’ici. La dernière chose qui lui revenait en mémoire ? Être entrée dans un bar. Seule. Pour la première fois de sa vie. Ce genre d’attitude était loin de lui ressembler, mais elle avait voulu voir ce que noyer son chagrin dans l’alcool faisait. Alors elle avait enchaîné les verres, encore et encore, jusqu’à ne plus rien contrôler. Et elle se retrouvait ici, au beau milieu de Bowen, errant comme une âme en peine. Elle leva la tête et plissa légèrement les yeux pour voir convenablement. Et une maison étrangement familière apparut quelques mètres plus loin. Celle de Callie, l’une de ses amies les plus proches. Mais bien sûr ! C’était pour aller la voir qu’elle était venue jusqu’ici ! Ni une ni deux, elle se releva avec hâte et s’avança vers la demeure de la jeune danseuse, se tenant sur tout ce qui pouvait l’empêcher de tomber. La tête lui tournait de plus en plus mais elle trouvait les effets de l’alcool grisants. Après s’être hissée tant bien que mal devant la porte, elle appuya sur la sonnette. Une fois, puis deux, puis trois. Et une quatrième fois. Juste histoire d’être sûre que son amie viendrait lui ouvrir. Elle n’avait aucune idée de l’heure qu’il était. Vingt-trois heures ? Minuit ? Une heure ? En tout cas, la nuit était tombée depuis pas mal de temps. Lorsque la porte s’ouvrit enfin, un large sourire illumina le visage d’Emily. « Heyyyyyy Callie ! », s’écria-t-elle avec entrain. Elle tenait à peine debout mais elle espérait naïvement que son amie ne s’apercevrait de rien. « Je pensais à toi et je me suis dit "pourquoi ne pas aller lui rendre une petite visite !" et… ME VOILA ! » Sans plus attendre, elle lui sauta dans les bras, s’écroulant à moitié sur la pauvre danseuse qui ne devait absolument rien comprendre. Emily n’avait pas pour habitude d’agir de cette façon. Elle ne buvait pratiquement jamais et encore moins jusqu’à être saoule… Mais ce soir-là, elle avait eu besoin de le faire. Parce qu’elle n’allait pas bien et qu’elle voulait voir si l’alcool aidait réellement à oublier ses problèmes. À première vue, c'était le cas : elle ne pensait plus à rien, si ce n’est à l’instant présent. Plus de Casey, plus d’Emrys, plus de clients grincheux ou de problèmes d’argent. Juste elle, profitant de cette visite surprise faite à une amie de longue de date.

La jeune fille se laissa traîner jusqu'au canapé, incapable de protester. Elle n'avait pas vraiment conscience de ce qu'il se passait autour d'elle et elle se demandait si tout cela était réel ou si elle était en train rêver. S'installant plus ou moins habilement sur le canapé, elle leva la tête vers Callie. « Mais pourquoi tu t'es mis dans cet état ? » Emily fronça les sourcils, feignant l'ignorance. « De quel état tu parles ? Je suis normale ! » Malheureusement pour elle, elle parvenait difficilement à articuler. Elle n'avait jamais remarqué que parler demandait tant d'effort. Elle fit une pause, essayant de remettre ses pensées en ordre, puis elle regarda Callie pendant quelques secondes avant de se mettre à rire. « Bon, d’accord… J’avoue que j’ai avalé quelques verres. Tout le monde le fait alors pourquoi pas moi ? » Elle avait toujours été celle qui ne commettait aucun écart, qui restait dans les rangs quoi qu'il arrive. Et elle voulait changer. Elle avait l'impression que devenir comme les autres l'aiderait à prendre confiance en elle. Et que cela changerait la vision que Casey avait d'elle. Avec le temps, elle avait fini par se persuader qu'il la méprisait et qu'il regrettait amèrement de l'avoir épousée ; peut-être regagnerait-elle ses faveurs en devenant une toute nouvelle Emily, beaucoup moins sage que celle qu'elle avait toujours été ? Elle pouvait toujours essayer, elle n’avait rien à perdre. Décidant de chasser ces pensées de son esprit, elle reporta son attention sur Callie et afficha un large sourire. « Je suis sûre que tu es genre SUPER CONTENTE de me voir ! », assura-t-elle en criant sans le vouloir les mots « super » et « contente ». L’alcool la rendait euphorique et pour l’instant, elle ne regrettait pas une seule seconde d’avoir ingurgité tous ces verres. Il n’en serait peut-être pas de même le lendemain matin, quand elle aurait la gueule de bois, mais elle préférait éviter d’y penser pour l’instant.

La jeune fille était bien trop éméchée pour remarquer l'air inquiet de son amie. Elle n'avait plus conscience de rien, si ce n'est que le sol bougeait beaucoup, même si elle était assise. « T’espérais trouver quoi dans l’alcool ? » Ce qu'elle espérait trouver ? Quelque chose qui lui permettrait d'oublier tous les trucs qui n'allaient pas dans sa vie. C'était idiot, certes, mais elle s'était dit que l'alcool pourrait peut-être l'aider. Après tout, c'était là-dedans que sa mère s'était réfugiée après le "départ" de son père. Sa mère. Voilà qu'elle devenait comme elle alors qu'elle s'était jurée de ne jamais lui ressembler. Quelle ironie du sort. « T’as pas chaud ? T’as envie de vomir peut être ? Tu vas rester ici ce soir. » La jeune serveuse se contenta de hocher sagement la tête. Rester ici, ça voulait dire ne pas rentrer chez elle et, par conséquent, ne pas voir Casey. C'était ce dont elle avait besoin. Pour ce soir, au moins. Elle soupira doucement, l'euphorie ayant laissée place à une profonde tristesse. Était-ce l'alcool qui décuplait ses sentiments ? Ou faisait-il simplement ressortir tout ce qu'elle gardait au fond d'elle, pour ne pas inquiéter les autres ? « Je suis malheureuse, Callie », dit-elle d'une voix anormalement faible, comme si elle ne voulait pas se rendre à l'évidence. Elle évitait bien souvent de penser à elle et à sa vie, en général. Elle avait bien trop peur de réaliser qu'elle n'avait jamais rien réussi et qu'elle était devenue tout ce qu'elle avait toujours détesté. Elle porta ses mains à son crâne et se massa doucement les tempes, levant ses yeux plaintifs vers la jolie danseuse. « J'ai mal à la tête », geignit-elle. Finalement, boire à en perdre la raison n'était pas une si bonne idée que cela... C'était plaisant l'espace de quelques heures, oui. Mais maintenant que l'exaltation était passé, il ne lui restait rien d'autre que cet état nauséeux, ces maux de tête et ces tristes pensées, qui ne semblaient pas vouloir la quitter... Pas même un soir de beuverie.

Les effets euphoriques de l'alcool commençaient à se dissiper et maintenant plus que jamais, Emily regrettait d'avoir enchainé les verres. Cela ne servait à rien, sinon à décupler son mal-être. Que cherchait-elle dans l'alcool ? Une solution ? Une bouée de sauvetage ? Quelque chose qui lui ferait oublier que sa vie était loin d'être celle à laquelle elle rêvait dix ans plus tôt ? Peut-être, oui. Mais au final, elle était obligée de se rendre à l'évidence : il n'y avait pas de solutions miracles et l'alcool n'arrangeait rien. Elle s'exécuta docilement quand Callie revint au salon. C'était sa première cuite, elle ignorait ce qu'il fallait faire dans ces cas-là et pour le moment, elle ne pensait à rien d'autre qu'à son mal de crâne horrible. Son amie posa sa tête contre son épaule et une fois de plus, Emily se laissa aller. Elle ferma les yeux pour calmer ses vertiges (mais aussi toutes ces pensées parasites qui lui encombraient l'esprit en permanence). « C’est lui, c’est ça ? » La jeune serveuse regretta d'avoir laissé parler son coeur sans réfléchir. Maintenant, elle allait être contrainte de tout révéler à Callie. De lever le voile sur son mariage pas si parfait que cela et de reconnaître que toutes les personnes qui avaient désapprouvé leur union avaient eu raison. Ils étaient bien trop jeunes pour se marier. « Tu veux un conseil d'amie ? Ne te marie jamais », dit-elle calmement sans prendre la peine d'ouvrir les yeux. Elle n'était pas sûre que le mariage y soit pour quelque chose mais depuis qu'ils s'étaient passés la bague au doigt, sa relation avec Casey n'avait fait que se détériorer, encore et encore. Bien sûr, ils en seraient peut-être là s'ils ne s'étaient pas mariés mais blâmer cette union sacrée la rassurait un peu. « Le mariage, ça craint. Ça craint vraiment. C'est encore plus nul que tous les trucs que tu détestes sur cette Terre », ajouta-t-elle d'un air plaintif. Elle parlait comme une adolescente attardée mais elle n'avait pas le courage de réfléchir à ce qu'elle disait. Elle parlait, un point c'est tout. Son cœur semblait jouer au yoyo et chaque respiration intensifiait son état nauséeux. Elle devait faire peine à voir. Jamais, plus jamais, elle ne boirait d'alcool de sa vie !