et si le soleil se lèvе sur les autres, je sais quе c’est moi qui ai chassé les roses. (livio)

et si le soleil se lèvе sur les autres,
je sais quе c’est moi qui ai chassé les roses

Des applaudissements essoufflés retentirent dans l'ambiance chaleureuse du Elm Street quand elle termina sa prestation. Enfin, prestation, c'était un grand mot. C'était un soir calme, il y avait toujours du monde dans ce bar renommé, mais les soirées jam et autres concerts tranquilles apportaient une ambiance différente des grosses soirées du week-end. Aïnhoa était devant un public connu, de petite taille, mais incroyablement attentif et ouvert. Elle slamait rarement devant beaucoup plus de personnes, et ce n'était pas son souhait. Ses textes, elle voulait les partager au monde, mais il n'y avait rien de plus épanouissant pour elle que ces petits groupes d'auditeurs, habitués à sa voix ou curieux du dimanche, qui venaient se poser calmement et se laissaient transporter par ses mots. Elle prévenait souvent ses amis, mais pas tout le temps, ou pas tous à la fois. Et puis ils avaient l'habitude des concerts improvisés d'Aïnhoa, sa passion n'était pas nouvelle, on pouvait la trouver de temps en temps dans un bar ou sur la place, pour rapper, slamer, en solo ou avec un partenaire. Ce soir, Livio était venu, aussi, après un bref salut à son petit public et un sourire radieux, elle secoua ses longues tresses noires et descendit de la petite estrade improvisée dans un coin du Elm Street. « Tu veux bien jouer le groupie qui m'offre un verre ? » fit-elle en embrassant son ami sur la joue, l'ayant vu arriver durant sa représentation et n'ayant pas encore eu l'occasion de le saluer.

Leandro était chez Emilia – la jeune Manzoni ayant supplié son frère de lui laisser son filleul – Aura devait sûrement être avec Manny pour répéter encore une fois les chansons de la fête de clôture de la Mangue (encore et encore), Livio s'était donc retrouvé seul dans leur grande maison. Et comme le moral n'était pas au plus haut, à cause de ce fichu visa qui n'arrivait pas et qui allait probablement le pousser à quitter brièvement l'Australie, il avait décidé de sortir. Bien sûr, il avait son idée en tête. Aïnhoa rappait ce soir au Elm Street. Il se devait donc d'être là pour soutenir son amie, sans compter que c'était toujours un énorme plaisir d'entendre les textes de la jeune femme. Installé dans la salle, parmi la foule dont l'attention était rivée vers la jeune femme, Livio écouta avec intérêt les mots de la brune, qui donnait tout, tellement tout. Ce n'était donc pas étonnant que le public se trouvait aussi réceptif et bien évidemment, les applaudissements se firent nombreux quand elle termina sa prestation. Livio joignit ses applaudissements aux autres, un large sourire sur les lèvres quand elle s'avança jusqu'à lui pour le saluer. « Uniquement si j'ai le droit à un autographe ! Comme ça, je pourrais le revendre cher quand tu seras une star internationale et je pourrais me payer un voyage aux Maldives. Promis, je t'enverrai une carte postale.» répondit-il, taquin. Il fit signe au serveur pour qu'il vienne prendre la commande de son amie, la laissant choisir avant de commander à son tour une bonne bière bien fraîche. « J'ai adoré ta dernière chanson. C'est un nouveau texte ? » demanda-t-il, intéressé. Quand on parlait de création, cela faisait forcément écho chez Livio.

Si l'air de Livio semblait enjoué, la jeune femme ne put s'empêcher de remarquer qu'une tension fatiguée marquait ses traits. Elle n'hésiterait pas à s'enquérir de son état plus tard, bien que ça puisse être dû à des choses futiles, une nuit trop courte due à enfant agité peut-être. Mais l'amie du bel Italien préférait s'assurer qu'il n'y ait pas une raison moins éphémère derrière. Elle ne comptait toutefois pas l'assaillir de questions d'emblée, aussi arriva-t-elle d'un air guilleret près de Livio, demandant de façon peu subtile s'il pouvait payer un verre à son artiste favorite. « Je vois que tu as déjà prévu tout ton plan ! D'accord, ça me va. Tu pourras l'envoyer à l'adresse de mon futur appartement dans Upper Manhattan. » répondit la brune avec un sourire amusé, rentrant dans la plaisanterie. Elle doutait de devenir célèbre un jour, et ce n'était pas le but, d'ailleurs. Puis, quand bien même elle deviendrait une artiste renommée avec un salaire à cinq chiffres, s'acheter un endroit de luxe était bien la dernière chose qu'elle ferait. Elle passerait probablement son temps à chercher le meilleur moyen d'utiliser son argent pour renverser un système inégalitaire et refaire le monde. Le barman vint prendre leur commande, Aïnhoa choisissant un simple verre de vin rouge, et remerciant l'employé avec un sourire. Elle se tourna à nouveau vers Livio, qui la complimentait sur son dernière texte. « Merci. En fait non, je l'ai écrit y a pas mal de temps, mais il m'a fallu un moment pour me sentir prête à le sortir en public. » sourit humblement la Belgo-Sénégalaise, pensant à ce dernier texte qu'elle avait mis un moment à écrire, parfaire, modifier, pour à la base ne le garder que pour elle et le faire lire à quelques proches. Avec des mots déguisés, cela parlait de la difficulté d'élever un enfant quand on n'avait pas prévu d'être mère, des sentiments de peur et de culpabilité qui côtoyaient ceux d'une expérience magnifique et d'un amour profond pour son fils. Elle parlait forcément de son expérience à elle dans ce texte, sans en mentionner le déclencheur le plus sordide, Laël n'était présent sur cette Terre que parce qu'elle avait subi un rapport non-consenti. Mais elle parlait bien de tout le reste, qui pouvait faire écho à bien d'autres situations et ressentis, qu'on soit mère ou père. « Santé, Liv'. Je suis contente que tu sois venu ! » sourit-elle avant de boire une gorgée de vin.