Coup du sort ◊ Gale

Poppy & Gale

A cet instant, tu boirais bien un verre. Ou deux même, ça ne pourrait pas te faire de mal ou à quiconque. T’avais jamais été une grande chanceuse, depuis que t’étais gamine, même si durant tes dix premières années de ta vie, tu mettais surtout cela sur le coup de ta maladresse. Cette dernière n’était plus à prouver, bras cassé, jambe cassé, le nez, l’arcade recousue et tout un tas d’autres choses que lister prendrait trop de temps. Mais en grandissant, en prenant de l’âge, t’avais fini par comprendre que ça n’avait rien à voir avec une quelconque maladresse. T’étais juste malchanceuse. C’était pas très grave dans le fond, t’étais pas la première à qui ça arrivait. Mais ça avait tout de même légèrement tendance à te pourrir la vie. Tu le sais bien, y’a pas de solution à part faire avec. Encore un truc que t’as du mal à admettre, que cette poisse va te poursuivre toute ta vie sans que tu ne puisses y faire quoique ce soit. En soit, à cette allure, elle risque pas d’être très longue encore ta vie, surtout si ça continue de cette manière.

Tu fais encore les frais de tout ça aujourd’hui. C’est pas de ta faute, tu as finis par l’intégrer mais à force d’avoir à faire aux pompiers, ces derniers vont finir par penser que tu le fais exprès, ou que t’es simplement une vaste blague à toi toute seule. Tu penches plus pour la seconde option, c’est dommage. T’es là, assise sur le trottoir devant ta boutique. Déjà que la rue commerçante est toujours bien animée, aujourd’hui, on a atteint un nouveau niveau. Tout est bloqué, pas moyen d’accéder parce que c’est chez toi que le spectacle se passe. Ca va râler aux alentours, c’est loin d’être ta priorité. Un pompier te lance un regard noir et fait un signe en direction du masque que t’as à la main, que t’es censée avoir sur la bouche pour t’aider à respirer. Ca te fait rouler des yeux, t’es plus une gamine, tu sais encore à quoi ça sert mais t’en as pas besoin, c’est pas faute de leur avoir dit. Tu vas bien, tu te sens bien. Enfin, ça c’était avant que tu ne le vois.

Gale, évidemment qu’il est là, il est toujours là quand t’as des soucis. A croire que c’est un vaste complot du destin ça encore. Tu l’imagines déjà s’approcher de toi, avec un sourire, une petite moquerie. Ca t’étonnerait pas et dans le fond, ça te ferait sans doute sourire. T’étais pas d’humeur et pourtant, un visage familier dans tout ce bordel, ça faisait toujours du bien. Promis Gale, j’y suis pour rien. Tu disais ça à chaque fois, t’étais jamais responsable de ta malchance. Mais j’innove t’as vu. J’avais encore jamais fait la fuite de gaz. T’avais décidé d’en rire plutôt que d’en pleurer, c’était toujours mieux que de t'apitoyer sur ton sort.

Poppy & Gale

Il y avait une partie de toi qui avait envie de rire de toute cette situation sans queue ni tête. L’autre, en revanche, avait plutôt envie de se glisser sous un plaid et de pleurer toutes les larmes de son corps avec un pot de glace à la main. La réalité était simple, t’en avais marre de tout ce qui te tombait dessus, tu te demandais sans cesse à qui tu avais bien pu faire du tort pour en arriver à une telle situation, une telle vie. T’avais pas la réponse en tout cas, personne ne l’avait sans doute et tu devais faire avec.

Mais dans tout ça, t’étais quand même rassurée de voir que Gale était là. C’était déjà comme ça que tu l’avais rencontré, on ne changeait pas les bonnes, ou mauvaises, habitudes. Tu savais que ça allait le faire rire, t’y pouvait rien après tout alors autant le laisser faire. Et toi, comme seule réponse d’abord, tu lui tires la langue. C’est vrai que pour attirer ton attention, je suis plutôt douée. Ça fonctionne en plus, pas vrai ? L’innovation, c’était ce qui important pour ne pas s’ennuyer. Même si tu te doutais qu’à force, les pompiers allaient croire que tu le faisais exprès, bien que ce ne soit pas le cas. Si ça peut te rassurer, je donnerais volontier cette poisse à quiconque le voudrait. Je n’en peux plus…

Tu pleures pas en public, jamais, c’est une de tes règles. Pas parce que tu refuses de paraître faible ou quelque chose dans le genre, mais parce que tu ne veux pas que les gens éprouvent une quelconque pitié pour toi, bien que tu saches qu’il n’en serait probablement pas le cas. Tu portes le masque que tu tiens entre tes doigts pour respirer un grand coup avant de le remettre sur tes genoux et de sourire à Gale. Fallait pas qu’il s’inquiète autant, t’avais survécu jusque là, ça devrait bien continuer encore quelques temps de la sorte.

Je suis restée pas mal de temps dans la boutique avant de réaliser qu’il y avait un souci. C’est juste de la prévention je suppose mais ils ont dit que si je le mettais pas, ils m’enverraient à l’hôpital… mais j’ai dis que ça servait à rien. Sont têtu. Si t’es apte à râler, c’est que tout ne va pas si mal, faut voir les choses comme ça. T’essayes de sourire à Gale, histoire qu’il s’inquiète pas plus qu’il ne devrait, mais t’es pas certaine que ça fonctionne. Sois pas si sérieux… y’a pas mort d’homme. Y’avait même pas de raisons pour que ton frère soit mis au courant, ça voudrait l’inquiéter plus que nécessaire. Et d’ailleurs comment ça se fait qu’il y ait autant de monde juste pour moi ? Je suis devenue VIP ? Une pointe d’humour, histoire de faire passer tout ça.