Toujours prête à aider (pv Daywayn)

Voilà quelques jours que j'étais arrivée sur Bowen et je n'avais encore rien vu de la ville. Certes, j'avais visité le Starbucks ainsi que quelques cafés afin de subvenir à mon besoin vital de café. J'étais au courant que ce n'était actuellement pas recommandée dans mon état et j'essayais de réduire ce nectar ou au moins de le prendre décaféiné. Il était donc temps pour moi de faire le plein de bonnes victuailles afin de garder mon alimentation équilibré.

Avachie dans mon canapé, j'entrepris donc de me lever tranquillement. J'expérimentais actuellement les chutes de tension artérielle lorsque je me levais trop rapidement. Ce n'était vraiment pas agréable cette sensation de se sentir défaillir. Une fois debout, je me dirigeais vers une des valises qui gisait encore au sol. Mon regard se portait vers les shorts en jean que j'affectionnais tant habituellement. Pourtant, je n'étais plus du tout à mon aise dans ce genre de vêtements et il m'était plus confortable de porter une robe ample au niveau de mon ventre. J'optai donc pour une robe bordeaux que j'accompagnais de mes baskets préférées. Après un rapide passage à la salle de bains, j'entrepris de partir direction le marché.

Quelques minutes de marche suffirent pour que j'arrive sur place. Les odeurs se répandaient déjà rapidement vers mes narines et j'inspirai les bonnes odeurs. J'entrepris d'abord de faire un tour, pour voir les différents étals. J'observai les belles couleurs des fruits de saison, observer de loin les étals de viandes et de poissons qui me donnaient actuellement la nausée et je me mis à faire la queue pour acheter un bagel au cream cheese. Habituellement, je ne raffolais pas de cela mais depuis deux semaines, j'étais potentiellement capable de me nourrir uniquement de cela. Alors que j'attendais, je jetais un coup d'oeil à ce qui m'entourait. Mon regard s'arrêta quelques instants sur un homme qui se tenait contre le mur. Je fronçai les sourcils et en le voyant tituber un peu en marchant, je décidai d'abandonner ma place dans la file d'attente pour aller à sa rencontre. Je m'approchai discrètement et toussota pour l'avertir doucement de ma présence.

"- Bonjour Monsieur, vous allez bien ? Vous avez besoin d'aide ?"

Voilà maintenant quelques années que j’étais diplômée. Être infirmière était une évidence pour moi. J’avais ce besoin d’aider les autres, d’aider mon prochain mais surtout de me rendre utile. De plus, l’hyperactive que je suis, n’aurais jamais supporté se retrouver assise plus d’une heure, derrière un bureau. Je ne négligeais absolument pas l’importance de ce genre de poste mais ce n’était clairement pas adapté à ma personne. C’était donc tout naturellement que je suis allée vers cet homme qui me semblait dans le besoin. Alors que je fronçais les sourcils, signe de ma concentration, je l’observais. C’était bien là une partie essentielle de mon métier. Avant même qu’il ne réponde à ma question, je voyais bien qu’il était dans un état de mal-être. Je n’avais pas cela, j’avais toujours ce pincement au cœur lorsque je voyais quelqu’un mal. Je fis alors un geste instinctif et habituel lorsque je mettais ma tenue d’infirmière, je me relevais les cheveux en un chignon flou et j’allais m’adresser à lui avec une voix calme et sûre de moi. Après tout, je faisais ça quasiment tous les jours, m’adresser à des personnes blessées. Cependant, il ne semblait pas du même avis que moi.

Alors que j’allais lui répondre, je le voyais se lever et finalement s’affaisser au sol, hurlant. Je m’approchais doucement, ne souhaitant pas le brusquer. Il n’était jamais agréable d’être vu dans ces pires moments de vie, j’en étais bien consciente mais je ne pouvais le laisser ainsi. Je m’attendais à ce qu’il s’énerve à un moment ou à un autre, c’était presque toujours le cas lorsqu’on était frustré. Cependant, au moment où il donna un coup dans le mur, j’eus un petit mouvement de recul. Je mis quelques fractions de secondes avant de reprendre mes esprits, m’étant rappelé quelques souvenirs de prise en charge compliquées aux urgences. Je secouais la tête avant de m’apercevoir que j’avais inconsciemment mis ma main sur mon ventre, comme un instinct de protection. Je la retirais hâtivement, notant mentalement d’analyser cela plus tard. Je m’accroupis alors, souhaitant m’adresser à ce monsieur à la même hauteur que lui.

« - Vous devriez rester assis. Vous souhaitez que j’appelle les secours ? Vu votre état, il serait préférable que vous soyez vu par un médecin. »

L’homme en face de moi avait tout de même un comportement assez étonnant mais j’essayais de passer outre afin de lui venir en aide. Je pouvais voir qu’il était tiraillé par ses émotions. Ce n’était pas une chose évidente que d’accepter de l’aide. J’étais la première a le dire et a hésité lorsque j’en avais besoin. La preuve étant : j’aurai bien apprécié d’être entourée dans l’aventure que je vivais actuellement mais je n’arrivais pas à accepter de l’aide, à accepter que l’on me voit peut-être diminuée par ma condition. Je ne pouvais donc pas lui reprocher cela, j’essayais une autre approche et choisit de m’asseoir au sol, non sans grimacer au vu de ma condition physique déplorable depuis peu. Il aurait fallut que je me remette prochainement au sport, ça sera à re-planifier pour plus tard maintenant.

Alors qu’il venait de me faire une confidence concernant son rapport aux femmes, j’eus un élan de nausée. Il était inconcevable pour moi de faire mal à un animal et pire encore à un humain. Qu’elle soit verbale ou physique, la violence était impensable. J’eus alors plus d’empathie pour cet homme aux abords particuliers. Il devait effectivement eu avoir un passé compliqué pour être dans cette situation. Je me devais d’être patiente et à l’écoute, c’était surtout l’infirmière qui parlait en moi actuellement. Je m’adressais donc à lui, d’une voix calme, et à une distance d’environ un petit mètre afin de lui laisser de l’espace.

« - Vous savez, ce n’est pas une honte d’avoir mal ou encore de pleurer. Il est même préférable que vous vous exprimiez plutôt que de tout garder pour vous. Ça fait du bien de pleurer par moment. »

La psychologie de comptoir n’était pas mon fort. J’avais eu l’occasion de réaliser un stage en service de psychiatrie pendant mes études et c’était probablement celui que j’avais le moins apprécier. Non que l’idée de communiquer avec mes patients me dérange mais j’avais du mal avec les personnes négatives, déprimées qui n’ont aucune perspective ou autres. J’essayais néanmoins de le faire ici, de le faire parler s’il en ressentait le besoin. Ainsi, je pourrais peut-être l’aider avec ces maux physiques.

J’écoutais attentivement et avec beaucoup d’empathie les paroles qu’il prononçait. Alors que ce parfait inconnu était en train de me livrer une histoire tout à fait horrible, ma nausée persistait et les questions subsistaient. Comment faire du mal à quelqu’un ? Comment faire preuve d’autant de cruauté ? Je ne pouvais trouver de réponses adaptées à ces questions qui me taraudaient. Comment étais-je censée réagir à ces révélations dont je ne m’attendais absolument pas et qui révélaient une vie cruelle et pleine de douleurs ? Encore une question auquel je n’avais pas de réponse adaptée. Je regardais quelques secondes mes mains, un peu nerveuse à l’idée de dire quelque chose de déplacer. Lors de ma jeunesse, mes parents m’avaient appris à réfléchir avant de parler. A l’époque, je ne le faisais pas franchement, étant beaucoup plus spontanée qu’aujourd’hui. Maintenant et avec l’expérience, j’étais beaucoup plus réfléchie et je soupesais les mots que je prononçais selon les situations. Je décidai donc de dire à cet inconnu quelques propos polis, presque mal à l’aise.

« - Je suis vraiment désolée pour vous. C’est terrible. Vous devez être très triste.»

L’inconnu venait de poser une main sur moi et je ne pus m’empêcher de me crisper un peu. Bien que je fais un métier humain, avec du contact, j’avais toujours du mal lorsque l’on pénétrait dans mon espace vital. J’initiais souvent la communication verbale, j’étais soulagée quand c’était dans ce sens. Pour autant, je me crispais toujours quand les autres le faisaient. Je fus soulagée en le voyant également reculer. Il semblait également gêner de s’être comporté ainsi. Je me raclais la gorge, me permettant ainsi de reprendre contrôle de mes émotions et de mon corps, avant de lui répondre et le rassurer de son comportement :

« - Il n’y a pas de mal vraiment. »

De mon point de vue d’infirmière, ces cicatrices étaient plutôt belles. Pour autant, je savais par expérience qu’il était toujours étrange de dire cela. Nous, les médicaux et paramédicaux, avons des normes parfois différentes des « non-médicaux ». Nous sommes capables de voir pleins de choses que certaines jugeraient de bizarres alors que nous trouvons ça normal. Mon ex-compagnon, Oliver, était parfois choqué de ce dont je pouvais parler à table lors de nos repas. De sang, de fluides corporels en tout genre, rien ne pouvait m’empêcher de manger. Pourtant, Oliver avait également vu pas mal de choses en étant militaire. Il était habitué au sang, aux plaies par balles mais il était incapable de parler de fluides corporels sans perdre immédiatement l’appétit. Aujourd’hui, c’était à mon tour de connaître ça mais sans lui. Un rien me donnait la nausée bien que cela soit pour une tout autre raison.


A la question de cet inconnu sur ce que nous allions faire, je n’avais, dans un premier temps, pas de réponse à lui apporter. J’étais initialement venue chercher des provisions pour les prochains jours. Cependant, je ne me voyais pas le laisser ainsi. Il semblait un peu perdu et, avec les révélations qu’il venait de me faire, c’était tout à fait normal. J’allais donc lui proposer d’aller boire quelque chose de frais ou encore un café, comme cela se faisait normalement. Tant pis pour mes provisions, je me nourrirai encore quelques jours de pizzas et de la dernière tablette de chocolat qu’il restait dans mes placards. Je lui souris poliment avant de lui proposer :

« - Vous voulez aller boire un café ? Ou une boisson fraîche ? Ça pourrait vous faire du bien je pense. »

J’étais contente d’entendre que l’homme à mes côtés souhaitaient m’accompagner pour boire une boisson chaude. Depuis ma plus tendre enfance, ma mère m’a toujours proposé ce genre de boissons lorsque j’étais triste ou simplement lors d’une petite blessure. Plus jeune, c’était un chocolat chaud avec de crème fouettée sur le dessus, une de mes boisson préférée au monde. Avec l’âge, j’ai préféré changer pour partager un autre moment avec elle, le thé. Ma mère, d’origine britannique, a toujours pris très à coeur ce moment de la journée qu’elle jugeait comme un moment de partage. Encore aujourd’hui lorsque je me rends chez mes parents, je souris en l’entendant m’appeler vers seize heures pour partager une tasse de thé, anglais évidemment, avec elle. C’est un moment de partage mais surtout de papotage entre les deux grandes bavardes que nous sommes. Boire une boisson chaude est donc toujours un bon moment de passé à mes yeux.

Prenant les commandes vers le café le plus proche, je guettais tout de même l’homme à mes côtés. J’étais intriguée d’en apprendre plus sur lui et je pensais que ça sera la meilleure des manières. Je lui tins la porte avant de pénétrer dans le café. L’ambiance y semblait fort sympathique. Il n’y avait pas trop de bruits, propice donc aux conversations. Les lumières tamisées rendaient le tout très cosy et je notais mentalement cette adresse pour y revenir une prochaine fois au détour de mes courses au marché. Je me rendis au comptoir et y commandait un café décaféiné, le thé étant réservé à l’après midi mais surtout aux moments en compagnie de ma mère. Je reçus rapidement ma commande et me rendis vers la table qu’occuper déjà l’homme avec qui j’étais. J’ouvris immédiatement le gobelet de ma boisson et en humait l’odeur. Elle n’était, certes, pas aussi bonne que du café classique mais c’était mieux que rien pour la consommatrice de café que j’étais. J’en pris aussitôt une longue gorgée, appréciant le liquide chaud qui coulait dans ma gorge. Me rendant compte du silence qui régnait d’un seul coup entre nous, j’entamais la conversation de manière très banale mais que je jugeais efficace.

« - Alors, ça vous fait du bien cette boisson chaude ? »

En entendant les paroles de ce dénommé Daywayn, il est vrai que je n'avais pas pris le temps de me présenter à lui. J'étais plus préoccupée par sa santé que par la manière dont il se prénommait. A présent que nous étions confortablement installés dans ce café pour le moins confortable, il était effectivement plus poli de se présenter. Néanmoins, je trouvais l'approche de ce dernier assez particulière. Pourquoi me demander si j'étais seule ? D'autant plus que cette question me mettait des plus mal à l'aise ces derniers temps. Ma rupture avec Oliver était encore bien trop tôt pour que je puisse discuter de ma vie sentimentale.

"- Je suis enchantée Daywayn. C'est un plaisir de vous rencontrer même si les circonstances n'étaient pas des plus idéales pour vous bien sûr. Vous faites de jolis métiers dites moi. Vous ne devez pas vous ennuyez dans votre vie ! Je m'appelle Ava, je suis infirmière aux urgences de l'hôpital de Bowen depuis peu."

Je décidai de me concentrer sur les questions auxquelles je voulais bien répondre. Je décidai donc volontairement d'omettre la dernière question, cette dernière me rendant un peu gênée et nostalgique de ces dernières années passées aux côtés d'Oliver. Je lui répondais néanmoins avec plaisir à ses autres questions tout en trouvant impressionnant qu'il pratique autant de métier intéressant et chronophage à n'en pas douter. Je me surpris à préciser que je travaillais à l'hôpital de Bowen, cela semblait étrange dans ma bouche. Pourtant, c'était ma nouvelle vérité que je commençais doucement à accepter. J'avais un sentiment étrange que ma vie à Bowen allait bien se dérouler, que cette ville allait m'apporter un calme et une stabilité qui me manquait dernièrement.

La suite des paroles de l'homme me mirent un peu plus mal à l'aise. Instinctivement, je mis une main à mon ventre et à sa petite proéminence que je devais protéger à tout prix. Je n'étais pas vraiment à l'aise avec ce ventre. Je le dissimulai encore le plus possible alors qu'il était encore compliqué d'évoquer ma grossesse. Les changement sur mon corps devenaient de plus en plus flagrants, j'en étais bien consciente. Je ne me sentais en aucun cas de laisser un inconnu toucher mon ventre. Je me sentais obligée de préciser que j'étais désolée afin de rester la plus polie possible.

"- Hum...Je ne préfère pas...Désolée."