(#50) - Je suis prête à apprendre. - Aidan

Ieva est partie faire une ballade avec mon fiancé pendant que moi je reste à la maison, bien sagement en attendant Aidan. Certes, le beau temps ici, ce n’est pas ce qui manque mais j’aurais aimé l’emmener se promener. Au moins elle ne reste pas enfermée à la maison, je sais mais Ieva est ma fille et autant dire que j’aime bien l’emmener un peu partout avec moi pour découvrir la ville sous une nouvel angle. Loin des vols, des poursuites, des nuits froides et des regards de dégoûts de beaucoup. Mais il y arrive mieux que moi. Lui, il travaille quand on l’appelle et moi je suis presque tous les jours à réviser l’anglais, à chercher du travail et autre… Boh… Au final, je n’ai pas vraiment à me plaindre et je le sais. Je ne vois pas pourquoi je me plains. Je ne me plains pas, je dis juste ne pas aimer de savoir ma fille hors de ma portée, je suis contente de ce qui m’arrive sinon…

Je me lève du canapé et part préparer du café. Je m’active devant la cafetière et pendant que e café coule, je me dirige vers le salon pour ranger les jouets qui traînent et sa petite voiture en plastique. Aujourd’hui, elle a pris le landau avec Nana, sa petite poupée offerte par un « ami » du squat qui l’adorait. Je range tout dans les caisses et vais faire la même dans sa chambre qui est… Un champ de ruine. Bravo Ieva, tu es encore plus bordélique que ta mère.. Je souris amusée. Elle n’a juste pas la notion du rangement. Pas encore. Une fois fait, j’entends sonner à la porte et je m’y dirige d’un pas speed, comme d’habitude et j’ouvre sur Aidan. Je lui souris « Bonjour » dis-je avec mon accent très prononcé et en ouvrant la porte pour qu’il entre.

Marishka & Aidan

Je refermai ma chemise avant de sortir de la salle de bain. Je pris mes clefs, qui traînaient sur la table de la cuisine, ainsi que mon portefeuille que j'enfonçai dans la poche arrière de mon jean. Je quittai mon appartement et dévalai les marches de l'immeuble. Aujourd'hui, je devais me rendre chez Marishka et j'avais bien l'intention de lui faire un petit cadeau. Je fis donc un détour par les boutiques, entrant dans un magasin de jouets pour acheter une peluche. Bon, en y réfléchissant bien, c'était plutôt un cadeau pour Ieva, et non pour Marishka mais je savais que ça lui ferait tout aussi plaisir.

Je choisis une peluche ayant l'aspect d'un lémurien, avec d'immenses yeux vert émeraude. Je passai à la caisse et quittai le magasin pour me mettre en chemin. Arrivé devant l'immeuble, je poussai la porte et grimpai les escaliers quatre à quatre. Je me plantai devant la porte de l'appartement n°50 et appuyai sur la sonnette. Marishka m'ouvrit presque aussitôt. Avec son accent à couper au couteau, elle me salua. « Bonjour. » Je lui souris avant de déposer un baiser sonore sur sa joue. J'entrai et lui demandai, en articulant exagérément: « Comment vas-tu ? » Puis, je lui tendis la peluche que j'avais achetée un peu plus tôt. « C'est pour Ieva. Je la trouvais adorable, cette peluche. » Je remarquai alors que tout l'appartement était baigné d'une odeur réconfortante, celle du café brûlant. Je jetai un coup d'oeil à la pièce et, pour une fois, aucun jouet ne jonchait le sol. Je me retournai vers la jeune maman, amusé: « Tu as fait pas mal de rangement, dis-moi. Tu ne t'es pas noyée sous les jouets ? » Je savais que pour quelqu'un qui parlait peu l'Anglais, comme Marishka, ma phrase pouvait sembler complexe mais en comprenant un mot sur deux, elle pouvait deviner le reste. C'est comme ça qu'elle apprendrait.

Depuis le matin je ne m’assis pas, depuis leur départ je m’active pour que la maison soit rangée. Je passe le temps et c’est toujours agréable de travailler dans un endroit propre, où l’on peut marcher sans avoir peur de poser le pied sur un légo. Chose qui est assez désagréable et à laquelle on ne s’habitue pas, si vous voulez savoir. A peine tout prêt, j’entends mon « mentor » sonner à la porte et c’est en souriant légèrement que je me dirige vers celle-ci pour lui ouvrir et ainsi le saluer. Je le laisse entrer et ferme la porte derrière lui en lui prenant ce qui l’encombre « Bien. Toi ? » Répondis-je en omettant le « Et » qui me pose problème. Je confonds toujours la prononciation avec celle de « Fin » alors moins je l’utilise, plus c’est agréable pour moi de parler. Je prends la peluche et la regarde « Merci. Ieva elle va adorer le.. Pelouche ? » Demandais-je peu sûre de moi.

Je l’invite à prendre place sur le canapé, posant la peluche sur la table basse pour ne pas l’oublier et je vais chercher deux tasses, le café, le sucre et les cuillères dans un plateau tout en riant de sa remarque une fois que je la comprends « Non. Jouets beaucoup dans chambre. » Répondis-je simplement avant de tout poser sur la table basse et le servir. J’attache mes cheveux en une queue de cheval presque grotesque et le regarde « Je… M’être… Suis ? Travaillé, anglais. » Moi qui ne suis jamais à l’école et qui ne suis arrivée ici que depuis quelques mois, ou plus.. Je pense avoir fait pas mal de progrès, même si parfois, mes phrases sont encore dures à déchiffrer mais ça arrive. Doucement mais sûrement. « Nous allons quoi faire… » Je marque une pause et réfléchis pendant quelques secondes « Faire quoi, Aujourd’hui ? » Je suis curieuse de connaître le programme.

« Bien. Toi ? » Je souris en voyant le massacre que faisait subir Marishka à l'Anglais. C'était normal, ce n'était pas sa langue maternelle mais son accent à couper au couteau m'avait toujours beaucoup amusé. Je lui répondis : « Moi aussi, merci. » tandis que la jeune femme me retirait la peluche des bras. Elle me remercia de l'attention: « Merci. Ieva elle va adorer le.. Pelouche ? » Je discernai de l'incertitude dans sa voix. Je la corrigeai : « La peluche. »

Lorsqu'elle m'y invita, je m'installai dans le sofa. Je fis une remarque sur l'ordre plus que surprenant qui régnait dans la pièce et je fus très satisfait de voir Marishka sourire. Elle avait compris ce que je venais de dire et c'était plutôt une bonne nouvelle vu la complexité de ma phrase. « Non. Jouets beaucoup dans chambre. » Je me contentai de hocher la tête. La jeune femme déposa la peluche sur la table avant de filer pour ramener du café.

Elle remplit les tasses puis, noua ses cheveux avant de me demander : « Je… M’être… Suis ? Travaillé, anglais. » Je fronçai les sourcils, faisant mine de ne pas savoir où elle voulait en venir. Je me montrai parfois trop exigeant avec elle mais ça ne pouvait que lui être profitable. « Pardon ? » dis-je en lui souriant d'un air espiègle.

Ensuite, je me penchai pour prendre l'une des tasses posées sur la table. J'y jetai un morceau de sucre puis, je pris l'une des deux cuillères. Je la fis remuer dans le liquide noir lorsque Marishka tenta de me poser une question, s'y reprenant à deux fois. « Faire quoi, Aujourd’hui ? » Je fis mine de réfléchir un instant avant de proposer : « Vocabulaire ? » Je retirai la cuillère de la tasse, en fit disparaître les quelques gouttes de café y perlant en la passant entre mes lèvres. Je désignai la cuillère et la montrai clairement à Marishka : « C'est quoi, ça ? »

« La peluche. » Je hoche la tête. La peluche. J’entre cette information dans ma tête et la garde pour la première fois. J’en connais un qui sera fier de mes nouveaux progrès et je ne peux que sourire un peu plus à cette pensée. Je le fais entrer puis assoir, qu’il se mette à l’aise pour la suite de la journée. Nous allons avoir du travail à faire, j’en suis consciente. Je passe en même temps ouvrir la fenêtre à l’espagnolette pour laisser un peu d’air passer, un peu d’aération ne fait pas de mal. Surtout pour la maison.

Je prends à mon tour une tasse pour y mettre trois sucre et mélanger le tout. Le café est assez nouveau pour moi et j’ai tenté avec un sucre ou deux mais c’était toujours trop amer à mon goût. J’ai essayé un troisième et ça a été, un quatrième c’était de trop. Thomas me dit que c’est trop quand il me voit faire et lui m’en m’est deux le matin mais j’en rajoute un sous son regard amusé et désespéré à la fois. Je ne compte plus les remarques qu’il me fait pour mon goût prononcé et mon envie incessante de sucre. J’ai d’ailleurs toute une boite de bonbon dans un placard rien que pour moi.

Bref. Il me fait répéter ma phrase, j’avoue que je me suis un peu laissée aller mais je me reprends et réfléchis « J’ai… J’ai travaillé beaucoup ? » Je vois son regard et fronce les sourcils « J’ai beaucoup travaillé ? » Ah oui, ça me semble plus plausible mieux construit. Je souris, contente. « Oui, vocabulaire, bien. » Je regarde la cuillère, ложка dans ma langue. Je repense à Thomas me demander où elles sont et le mot me vient de nulle part. « Une cuillère ! »