just you wait and you'll see that you're swimming with sharks (effy)

T’avais fini par faire cette foutue interview que tes boss t’avaient demandés par rapport à ton cousin. Ça te réjouissait pas mais bon, tu l’avais quand même fait. Ça t’avait miné le moral pendant quelques jours, mais bon, fallait bien continuer à vivre et surtout continuer à travailler. Tu t’affairais à de nouvelles choses. Notamment pour tes réseaux sociaux mais aussi pour le journal quand même. Des nouveaux articles, des nouveaux écrits, des nouvelles histoires. De quoi satisfaire ta curiosité malsaine. Alors que, comme tous les journalistes du Bowen Independant, on t’avait demandé d’écrire un article sur les 10 ans de mandat du Maire, tu tapais sur la même touche en continu sur ton ordinateur. Qu’est-ce qu’on en a à foutre que le Maire ait été élu pendant 10 ans et que tout le monde en parle ? Rien, absolument rien. Ça se voyait que t’avait pas envie de continuer à bosser là-dessus. Mais bon, tu essayais de passer le temps comme tu pouvais. Tu levais la tête de ton ordinateur pour savoir si quelqu’un d’autre que toi était là, parce qu’il était un peu tard, la plupart des gens étaient partis. Tu voyais une petite tête brune au loin. « Effy, t’es encore là ? » demandas-tu à haute voix, pour savoir si c’était elle. Tu te doutes bien qu’oui, il n’y avait qu’elle pour rester à cette heure-ci, comme toi dans les locaux. Enfin, c’est ce que tu te disais.

@Effy Shepperfield

La fin d'après-midi s'était étirée jusqu'à la soirée, sans même qu'Effy le remarque. Elle travaillait de façon irrégulière et décalée depuis un moment, maintenant qu'elle partageait ses nuits entre les insomnies et l'alcool, ou pire. Si elle parvenait parfois à se pointer à huit heures dans les bureaux, réussissant à paraître fraîche bien que morose, des jours passaient parfois sans qu'elle ne donne signe de vie. Sans compter les vapeurs d'alcool qui traînaient parfois encore sur elle quand elle débarquait à midi sans une once de gêne, ou les yeux encore rougis, par un pétard ou par les larmes, impossible à dire. La brunette était sur la pente descendante, mais contre toute attente, elle parvenait encore à produire un travail décent. Pas toujours dans les temps demandés, mais elle fournissait tout de même des choses recherchées et qualitatives. Ce soir, elle s'était enfoncée dans les méandres d'une potentielle affaire de corruption au sein de la police, et ses yeux cernés scannaient l'écran de l'ordinateur, récoltant chaque bout d'information qu'elle pouvait trouver, chaque numéro de contact, chaque lien. Une voix s'éleva soudain, si lointaine à son esprit qu'il lui fallut deux ou trois secondes pour réagir, incertaine. Elle releva la tête de son bureau, plissant les yeux. « Quoi ? Oui. » répliqua-t-elle d'une voix distraite, finissant par reconnaître Jules à quelques tables de là. C'était bien un des rares collègues à encore oser l'approcher comme si de rien n'était, depuis que la rupture avec Milo avait fracturé son âme et pesait de tout son poids sur son corps frêle, qu'elle maintenait debout avec quelques spirales de vodka et de drogue, ce que la plupart des gens ne s'empêchaient pas de remarquer.

Toute cette histoire avec ton cousin te mettait mal. Et tu restais des heures au bureau pour pouvoir soulager ta conscience et écrire des trucs décents. Tu pouvais bien démissionner et vivre seulement de ton argent fait grâce aux réseaux sociaux, mais c’était pas ce que tu voulais. Tu aimais trop ce métier pour l’arrêter. Tu faisais ça depuis longtemps maintenant, et puis tu avais certaines affinités dans cette entreprise, et d’autres moins. Mais même ça, ça ne te gênait pas, au contraire. Tu aimais travailler en groupe, avec plein de gens autour de toi. Surtout quand tu étais encore malade. Puisque ça te permettait de te sentir vivant, et de faire parti d’un ensemble. Alors que tu t’écroulais sur ton bureau, tu voyais quelqu’un qui était encore là après tout ce temps. Tu levais la tête pour héler cette personne que tu croyais être ta collègue, Effy. Et en effet, c’est bien elle. Tu posais ton stylo et tu mettais ton écran en veille avant d’aller vers elle. « Cool, j’vais pouvoir t’emmerder un peu alors » dis-tu en arrivant vers elle. Tu prenais une chaise pour t’assoir à côté d’elle et tu lui faisais ton plus beau sourire. Tu savais que ça n’allait pas bien dans sa vie, enfin c’est ce que tu en déduisais puisque depuis quelques temps, elle était encore plus à l’ouest qu’avant et que son corps respirait l’alcool alors qu’elle essayait de combattre ses démons. « Sur quoi tu bosses ? » demandas-tu en posant ton coude sur son bureau, et ta tête dans sa main.

La réponse de son collègue arracha un bref soupir à Effy, après un temps de réaction de quelques secondes, le temps d'assimiler ce qu'on lui voulait. Elle se redressa légèrement sur sa chaise, le suivant de son regard azur alors qu'il venait jusqu'à son bureau, fier comme un paon. Un mince sourire en coin se dessina le long de ses lèvres pâles, malgré tout. Jules, c'était tout un numéro. Et bien qu'elle l'ait rembarré sans une trace de remords plusieurs fois, elle admettait tout autant sans mal que c'était quelqu'un de chouette. Il pouvait être a real pain in the ass, et il avait certainement dû lire cette pensée sur le visage de l'Anglaise un bon nombre de fois. Mais il était indiscutable qu'ils s'appréciaient, à leur façon, même s'ils n'avaient qu'un lien de collègues. « Est-ce que j'te donne l'impression que c'est le moment de m'emmerder ? » rétorqua Effy en haussant un sourcil, tournant vers Jules un regard maussade, sans se départir totalement d'une pointe de malice.  Inutile de chercher bien loin pour connaître la réponse à cette question, le teint pâle et fatigué de la brunette la donnait sans mal. Trop tard néanmoins, il avait tiré une chaise pour s'installer à ses côtés, ce qui fit lever les yeux au ciel à Eff' en même temps que ça la fit sourire. Sa question n'avait été que rhétorique, évidemment que Jules ne comptait pas la laisser se fondre dans l'ombre dans ce bureau presque vide. « Corruption. » l'informa-t-elle simplement sans s'épancher en détails, comme toujours. « Et toi ? On t'avait pas confié le suivi d'une enquête sur un meurtre présumé ? » s'enquit à son tour la belle brune, croisant les bras sur sa poitrine. Elle donnait peut-être l'impression d'être trop paumée dans ses cauchemars que pour suivre ce qu'il se passait dans le monde réel, mais son sens aiguisé de l'observation et de l'écoute était toujours là, et elle suivait, de loin.

Emmerder Effy au taff, c’était un peu ta passion après mettre des bâtons dans les roues de Nevaeh. Du coup, tu n’allais pas manquer une occasion de le faire ce soir, vu que vous étiez les seuls à être au bureau. Ton papier n’avançait pas, en même temps écrire des choses affreuses sur un membre de sa famille c’est compliqué. Et décrire Manwë comme un horrible personnage, ça ne te convenait pas. Du coup, tu préférais aller voir la britannique qui était paisiblement dans son coin et aller la faire chier. « J’ai l’impression de t’emmerder et j’adore ça » dis-tu en t’asseyant à côté d’elle, sur le siège près de son bureau. Tu affichais un grand sourire en la regardant. Et après, tu jetais un oeil sur son ordinateur pour savoir sur quoi elle écrivait. Elle avait un style de journalisme particulier, contrairement à toi. Plus dans les faits divers pendant que toi tu touchais un peu à tout. Des fois, tu aimerai avoir un style à toi mais tu ne savais pas vraiment où te situer dans le journalisme. « Hmm, intéressant » dis-tu en hochant la tête, entrain de lire les premières lignes qui étaient sur son ordinateur. Elle te demandait à ton tour, ton sujet du moment. Tu te redressais sur la chaise pour lui répondre, en soufflant. « Si, Manwë Druid, meurtre avec préméditation. Mais… c’est mon cousin » répondis-tu simplement à la jeune femme en faisant la moue.

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Sûrement que Jules cherchait n'importe quelle occasion de faire autre chose qu'être confronté à un article qui n'avançait pas. Ou bien c'était simplement l'activité de venir titiller les nerfs d'Effy qui était plus excitante que n'importe quelle autre. La question ne fut pas investiguée, bien que le journaliste y répondit quand même, même si sur un ton sarcastique. Effy laissa échapper un nouveau soupir en levant les yeux vers le ciel, comme pour implorer de l'aide là-haut, mais c'était purement théâtral, comme geste. « Ravie d'égayer ta soirée. » déplora l'Anglaise, se composant une expression de dépit, l'ironie perçante dans ses prunelles de ce bleu envoûtant. « Fais pas genre que tu comprends la moitié des mots que j'utilise. » railla-t-elle sans scrupules, coulant un regard presque arrogant à son collègue. S'il assumait totalement de venir l'ennuyer à son bureau, elle avait bien le droit de prendre son tour, elle aussi. Et puis, c'était plus de cette façon-là qu'ils communiquaient leur respect mutuel. « T'es le mieux placé pour avoir les faits, dans ce cas. » répliqua la jeune fille en sourcillant à peine face à l'information, l'air détaché. Ça pouvait paraître insensible, après, Effy était rarement dans la compassion ostentatoire.

Cette envie d’écrire cet article équivalait à une envie de se pendre. C’est pour ça que tu avais interpellé l’anglaise qui se trouvait à l’autre bout du bureau et qui veillait au travail, un peu comme toi. Tu t’étais dirigé vers son poste de travail, sans lui demander si tu pouvais discuter avec elle. Non, tu t’étais clairement imposé là et tu n’avais pas envie de partir puisque tu retardais la rédaction de ton article. « T’es pas obligé d’être aussi sarcastique tu sais » dis-tu avec un rire. « Ni de me prendre pour un idiot, merci » ajoutas-tu en reprenant un semblant de sérieux. C’était pas ce que tu aimais, la condescendance d’Effy, mais bon, là ça te permettait de passer le temps et de ne pas écrire. Tu préférais l’emmerder que de faire autre chose. « Ouaip, malheureusement » dis-tu en haussant les épaules quand elle disait que tu étais le mieux placé pour parler de l’affaire de ton cousin. Tu jouais avec un stylo, assis sur la chaise à côté de celle d’Effy et tu la regardais faire. De temps en temps elle tapait un mot à l’ordinateur. « Si j’t’ennuie tu le dis, hein, mais j’partirai pas pour autant » ajoutas-tu avec un sourire en coin à la jeune femme.

« Did I hurt your feelings, honey ? » se moqua allègrement la journaliste quand son interlocuteur lui proposa d’être moins sarcastique. Voilà pourquoi sa réaction le fut d’autant plus. Elle lui décocha un regard provocateur, mais hocha la tête à la remarque suivante de Jules. Quelque part dans son esprit embrumé, une impulsion de malice avait repris, lancée par ce jeu de provocation. « Je sais que t’es pas un idiot. » répondit-elle cette fois, placide, sérieuse. Illisible. « La plupart du temps. » ajouta-t-elle du bout des lèvres, le bleu incomparable de ses yeux s’ancrant sans honte dans celui du garçon, alors que son visage reprenait cette lumière malicieuse, presque imperceptible, comme pour semer le doute. La langue acérée d’Effy n’était jamais loin, mais ça ne voulait pas dire qu’elle pensait tout ce que celle-ci formulait. Elle n’allait certainement pas se priver de taquiner Jules, après tout, c’était lui qui était venu chercher sa compagnie, il savait dans quoi il se lançait. Mais non, elle ne le prenait ni pour un idiot, et elle ne se moquait pas de lui, pas réellement. Elle voulait juste lui en donner l’impression. Il avait suffisamment d’armes pour le lui rendre. « Alors tu feras un bon article. » dit la belle brune, reprenant cette voix détachée qui ne présentait que peu d’empathie. C’était l’image qu’elle renvoyait, pourtant ce n’était pas tout à fait vrai. Ce qu’elle entendait par ses mots, c’était que le lien de Jules avec le présumé meurtrier, lui permettrait de contrôler l’histoire de son article, et peut-être de limiter les dégâts, sans pour autant interférer avec les faits. Se désintéressant totalement de son écran cette fois, Eff’ tourna sur sa chaise pour faire face à son collègue. Nouvelle décharge du bleu électrique de ses yeux. « Tu m’ennuies toujours Jules. Mais on peut rester là quand même. » Façon détournée de lui signifier que sa présence ne la dérangeait pas tant que ça, dans le fond. Peut-être même qu’elle était contente, finalement, qu’il soit venu jusqu’à son bout de bureau. Chacun son fardeau dans sa tête, ils pouvaient profiter de leur présence mutuelle pour les oublier un instant. Et bien qu’elle s’amuse à prétendre le contraire, il y avait des gens bien plus chiants que Jules avec qui passer du temps. Auquel cas elle serait sans doute partie directement, ou aurait érigé un mur de silence pour faire fuir ces derniers.

« Tu me brises mes émotions tout le temps, notamment quand tu me rejettes » dis-tu d’un air faussement dramatique. Tu savais que ça ne marchait pas avec Effy, ce genre de drague ou quoi. Mais bon, tu le faisais parce que ça l’emmerdait. Et puis de toute façon, toi, ça t’occupait et te permettait de passer le temps. « La plupart du temps » dis-tu en levant les yeux au ciel. Tu lui parlais ensuite de ton article sur ton cousin, Manwë et sur le fait qu’il était accusé de meurtre. Cette histoire te rongeait mais tu étais le mieux placé pour écrire cet article, comme te le confiait l’anglaise. C’est juste que tu n’avais pas envie de le faire, parce que tu savais au fond de ton âme qu’il était innocent et qu’il n’avait rien à voir là-dedans. Ça te brisait le coeur d’écrire ça et tu n’avais pas envie de le faire c’est pour ça que tu repoussais l’échéance le plus possible. « On verra bien » dis-tu en soufflant. Tu voyais bien qu’elle était détachée de cette histoire, Effy. Tu te disais même que c’était elle qui aurait dû écrire cette histoire vu que c’était plus son domaine que le tien, même si tu n’avais pas vraiment de domaine de prédilection. Tu lui soulignais que même si tu l’ennuyais, tu comptais bien rester à son bureau parce que tu n’avais rien de mieux à faire, enfin mis à part écrire un article sur la mort de ton oncle et tu n’avais pas envie de le faire. Alors tu comptais bien l’embêter encore un petit peu. « Parfait » dis-tu en lui faisant les yeux doux. Et puis, tu te disais que si elle parlait avec toi, c’est que tu l’embêtais pas tant que ça finalement. Tu connaissais bien Effy, tu savais comment elle était quand quelqu’un l’emmerdait profondément. Et ça n’avait pas l’air d’être le cas.

Effy ne put s'empêcher de pouffer de rire en réaction au mélodrame feint par son collègue. Rire. C'était quelque chose qui ne lui arrivait plus, ça. C'en était même devenu étrange comme sensation, ce geste que certains faisaient si aisément. Elle en était décontenancée, mais n'en laissa rien paraître, son regard pénétrant toujours posé sur Jules. Quoi que, il était capable d'avoir remarqué ce léger chavirement dans son regard. Comme elle l'avait dit, il n'était pas idiot, elle le savait très bien. Et il était plus fin observateur qu'il ne le laissait paraître, sûrement. Et puis, il l'avait fait rire, et c'était vraiment un exploit qui n'était pas donné à tout le monde, ces temps-ci. Il devait sûrement s'en rendre compte. Mais bien heureusement pour l'Anglaise, la conversation se poursuivit sans qu'une seconde ne soit accordée à cet instant plus particulier qu'il n'aurait dû l'être. « Pas besoin de voir, je le sais. » répondit-elle avec un simple haussement d'épaules, encore une fois comme si la question de savoir si Jules allait pondre un bon article, se posait. Ils avaient beau se livrer régulièrement à ces petits combats de piques, Effy respectait son travail, elle savait qu'il était un bon journaliste, même si elle évitait toute forme de compliment direct, et était souvent trop occupée à le remballer, lui et ses techniques de drague douteuses. Après avoir d'ailleurs lancé un énième commentaire sarcastique au brun, elle précisa qu'ils pouvaient rester là. Confirmation tacite que ce moment à deux, n'était pas si douloureux qu'elle le prétendait. Elle leva cependant les yeux au ciel devant un Jules qui mimait des yeux doux. « Par contre si t'as une autre activité à proposer que d'jouer au dragueur des bacs à sable, j'suis preneuse. » reprit la jeune femme en feignant un soupir désespéré. Mais sans se départir de ce sourire en coin joueur et périlleux qui la caractérisait. Elle s'était définitivement désintéressée de son travail en cours, toute son attention focalisée sur le garçon. S'il voulait jouer à ça, il avait intérêt à pouvoir parer le regard désarmant de l'Anglaise.

Un rire qui sortait de la bouche d’Effy, c’était un peu comme une petite victoire pour toi. Alors tu souriais, face à cette victoire. Vous n’étiez pas si proche que ça tous les deux, mais vous vous connaissiez quand même bien. Elle savait beaucoup de choses te concernant, en même temps, vous avez passé des heures et des heures dans ce bureau ensemble. Elle te faisait d’ailleurs un compliment sur ta façon d’écrire, et tu étais content. « Effy Shepperfield approuve mes articles ? J’vais mettre une plaque sur mon bureau pour le marquer noir sur blanc ! » dis-tu avec un léger rire. Mais ça te faisait plaisir. D’autant plus que l’histoire sur laquelle tu écrivais n’était pas non plus très joyeuse. Les histoires de famille, on a pas envie de les voir écrites noir sur blanc dans le journal de sa ville. Alors que tu tournoyais sur ta chaise, embêtant encore un peu plus l’anglaise, elle te demanda si t’avais une autre idée que de discuter comme ça tous les deux, un truc un peu plus fun. « Oh, j’ai bien des idées mais j’sais pas si tu seras d’accord » dis-tu en lui faisant un regard charmeur. Tu avais eu vent de ses histoires avec son copain, son ex, tu sais pas trop en fait. Et tu avais l’habitude de faire du charme à la brune mais ça n’avait jamais vraiment marché. C’était plus devenu un jeu. « Et puis, t’as surement mieux chez toi pour ce que j’ai à te proposer » dis-tu avec un rire.

Pas tout à fait un rire cette fois, mais un rictus amusé, qui gagnait ses prunelles. « Il te faudra au moins ça comme preuve que je t'ai un jour fait un compliment. » sourit-elle, malicieuse, insolente, admettant néanmoins que c'était bien un compliment qu'elle lui avait fait. Ce soir, l'un et l'autre semblaient vouloir échapper à quelque chose, Jules à son article, Effy à son cœur, et d'un accord tacite se dirigeaient à deux dans cette direction. « Try me. » répliqua la journaliste, croisant les jambes et les bras sur ces dernières, se rapprochant par ce geste de quelques centimètres, alors qu'elle avait définitivement tourné le dos à son bureau. L'éclair de défi dans son regard azuré ne laissait pas de doutes quant à sa volonté de voir ce que son collègue avait réellement à proposer. Elle avait sa petite idée, le connaissant, mais elle croyait aussi en son inventivité et était à l'écoute de toute éventualité, elle ne pouvait assurer qu'il était incapable de la surprendre. Il avait beau flirter à tout bout de champ, la jeune fille ne doutait pas qu'il était capable de bien d'autres choses. S'il le voulait. « Et qu'est-ce que ce serait ? » interrogea sincèrement l'Anglaise, arquant un sourcil, pas certaine de ce que son interlocuteur mentionnait à mi-mot. À nouveau, elle n'était pas dépourvue d'idée, mais elle était sincèrement curieuse de savoir ce qu'il avait derrière la tête. Encore une fois, elle ne pouvait nier l'éventualité qu'il la surprenne. Dans tous les cas, elle ne s'empêchait pas de vriller sur lui son regard incandescent en attendant la réponse.

« Et moi qui pensait que ce jour n’arriverai jamais » dis-tu en feintant d’être dramatique. Vous vous entendiez bien avec l’anglaise mais elle était quand même très éloignée de tout le monde, laissant planer une ambiance morose autour d’elle. Mais tu avais réussi à passer cette barrière, du moins ce soir. Tu lui proposais quelque chose à demi-mot. Mais c’était tellement explicite que tu te doutais qu’elle avait compris de quoi tu parlais. Mais visiblement non, c’était pas le cas ou bien elle jouait bien la comédie. Tu la voyais en face de toi sur sa chaise de bureau, bras et jambes croisées. Alors tu t’approchais avec la tienne, et tu lui souriais. Tu regardais aux alentours du bureau qui était totalement désert vu qu’il faisait nuit et que vous étiez tous les deux les derniers présents. « Y’a personne dans ce bureau, à part toi et moi… » commenças-tu en murmurant. Tu parlais doucement alors qu’il y avait personne, un peu étrange quand même mais bon, c’est pas grave. Un petit regard malicieux et un sourire sur les lèvres, tu continuais ton approche. Tu t’approchais alors encore un peu plus d’elle et tu posais une main sur sa jambe. « Genre personne… » précisais-tu avec un sourire. Mais tu ne voulais pas la forcer, oh non loin de là. C’était une idée comme ça, toi qui avait toujours trouvé la brune charmante, c’était le moyen de concrétiser tes envies. Mais bon, c’était vraiment pas pour la forcer !

« Je suis d'humeur généreuse, aujourd'hui. » répliqua la jeune fille, le ton mi-blasé, mi-joueur. Jules avait beau être un emmerdeur de première par moments, il en jouait consciemment, et il restait un bon acolyte quand il s'agissait de se détendre et prendre le parti du rire. Ce soir, sa présence était finalement, plus salvatrice qu'agaçante. Et alors que le brun ressortait ses armes séductrices et son air un poil arrogant, Effy, pour une fois, le poussa dans son jeu. Elle avait toujours remis Jules à sa place sans prendre de pincettes, et sans remords. C'était leur façon de communiquer, principalement. Une grosse partie de leur relation était basée là-dessus. Mais ce soir, une lueur d'intérêt s'était allumée dans les iris imprenables de la belle Anglaise. Peut-être pour tenir à distance un peu plus longtemps, tout ce qui lui faisait mal à en hurler. Peut-être parce que pour la première fois depuis longtemps, quelqu'un était capable de la faire se sentir un peu plus légère, un instant. Loin de tous les drames de son existence. Alors qu'elle interrogeait Jules du regard, déterminée à ce qu'il verbalise clairement ce qu'il avait derrière la tête, ce dernier jeta un coup d’œil autour de lui, avant de parvenir à une conclusion qui confirma les attentes de la jeune fille. « Et donc ? » insista-t-elle, le poussant jusqu'au bout, sans que son regard intense ne dérive d'un millimètre. Un simple sourire félin, curieux, étreignait toujours son visage pâle. La précision ne se fit pas attendre, et la main du garçon sur sa cuisse était un indicateur qu'Effy jugea enfin suffisant. Leurs langages corporels à chacun ne trompaient pas, de toute manière. Et ils parlaient tous deux suffisamment couramment la langue des sous-entendus que pour ne pas se comprendre. « So you wanna fuck ?  » Pas de détour avec la brunette, pas de romantisme ni d'embarras de politesse. Elle n'en était clairement plus à ça près. Elle avait placé ses doigts sur la main bien placée de Jules, et la fit glisser de quelques centimètres plus haut. Provocatrice, effrontée, pas une once d'hésitation dans ses iris océan. Ce soir, elle en avait plus rien à faire. Si son collègue voulait la prendre sur les bureaux de la rédaction, alors elle ne dirait pas non, et elle le ferait savoir clairement. Tout était mieux que ce vide brûlant qui lui déchirait la poitrine.