[nora] à la tienne

Depuis que tu as décidé de t’installer à Bowen, il fallait que tu trouves un travail. Tu ne pouvais pas te permettre de profiter de l’argent de tes parents car tu tiens trop à ton indépendance. Tu as, certes, ton activité sur Instagram mais cela ne t’aide pas suffisamment pour vivre convenablement. C’est ainsi que tu as été recrutée par April et Ally pour être serveuse dans leur boîte de nuit. En plus d’être un lieu inclusif, tes patronnes t’ont laissé la possibilité de travailler à mi-temps afin que tu puisses te concentrer sur ton projet d’éco-tourisme. Et pour ça, tu leur en es très reconnaissante. Ainsi, lorsqu’il s’agit de travailler chez Adam & Yves, tu as toujours de la motivation, et tu restes volontaire pour toute tâche.

La soirée bat à son plein, les client ont l’air heureux. Au bar, comme d’habitude, c’est la course, un verre par-ci, un verre par-là, rien ne s’arrête. Tu n’as jamais eu de formation de serveuse, tu as du tout apprendre sur le tas. Heureusement, lorsque la musique augmente, la majorité des personnes se précipitent sur la piste de danse, t’offrant un peu de calme. Une jeune femme s’approche de ton comptoir, tu relèves la commande, et tu la prépares devant elle. Avec la fatigue du rush, tu laisses glisser une goutte le long du verre. Tu hausses les épaules, c’est pas bien grave, tes patronnes ne t’en voudront absolument pour ça,. Lorsque tu t’apprêtes à donner le verre à la cliente, celle-ci te parle et te demande si tu as toujours voulu être serveuse. Tu lèves un sourcil, curieuse, jamais on t’avait posé cette question ici. De plus, elle ose dire que ce ne serait pas le cas. Mais de quel droit elle te juge ? Tu n’en reviens pas du culot de la jeune femme. « Pardon, c’est bien à moi que tu parles ? » ouais, tu préfères en être certaine, on sait jamais, c’est peut-être une mauvaise compréhension de la situation. Pourtant, son regard rivé sur toi ne te laisse aucun doute. « Qu’est-ce qui te fait dire que c’est pas un boulot de rêves ? Tu rencontres pleins de gens, tu profites de la soirée, et surtout tu as de l’alcool à volonté. » Tu as décidé de t’y prêter à son jeu, de prendre un ton un peu hautain, d’ironiser le moment. Certes, tout n’est pas vrai, il est rare que tu jouis totalement de la soirée, et l’alcool à volonté n’est qu’un mythe même si quelques shots gratuits te sont autorisés. « Tiens voilà, c’est pour toi. » dis-tu en lui tendant le verre. Tu t’apprêtes à te retourner, vaquer à d’autres activités laissant la jeune femme en plan comme ça. Mais autour du comptoir, c’est plutôt vide et tes collègues s’occupent déjà très bien des quelques clients qui restent. Tu décides donc de continuer la conversation, quitte à rien faire, autant discuter avec elle ? « Et pour ta gouverne, je suis serveuse ici le temps que mon projet se lance bien. Et toi ? Qu’est-ce que tu fais qui te permet de juger ? » bon, c’est sûr que tu n’allais pas être la plus agréable, tu as toujours dit tout ce que tu penses, tu essayes de te canaliser depuis que tu as des clients, mais là tes collègues sont loin pour t’entendre, tu te permets un peu plus de te lâcher.

C’est bien une première fois qu’une cliente soit autant curieuse sur ta situation En général, les autres viennent, te demandent un verre et repartent aussi vite qu’ils sont apparus. Pour les plus courageux qui restent avec toi, c’est uniquement pour boire des shots en ta compagnie ou te proposer de les rejoindre, mais jamais sur ta situation et ce que tu aimerais faire. Tu hausses une nouvelle fois les épaules avant de lui répondre. « J’l’aime bien ce taff. » Il n’y a pas de raisons de ne pas l’apprécier, tes patronnes sont sympas, il y a plutôt une bonne ambiance, et on te laisse tranquille. De toute façon, tu ne supporterais pas d’avoir un manager qui surveille tous tes faits et gestes, et qui tente de te contrôler. « Je travaille sur un projet d’éco-tourisme, ici, à Bowen. » Tu n’as jamais hésité à dire tes plans à qui veut l’entendre. Et puis, il t'est impossible de le cacher : il suffit que la personne fasse une recherche sur Instagram, tombe sur ton profil, et voilà qu'elle a accès à toutes les informations qu’elle souhaite. Tu as donc toujours été transparente, que ce soit en face des gens ou sur Internet. Mais ce n’est pas le cas de la jeune femme qui est venue te parler sans se présenter, ce qui est plutôt normal, aucun client ne se présente quand il commande à boire. Comme elle souhaitait discuter, tu lui as donc naturellement demandé ce qu’elle faisait. Et surprise, elle fait rien. Tu lèves une nouvelle fois ton sourcil. Donc elle est sans activité et elle te permet de te juger ? Bon, ok, pourquoi pas, tu ne la jugeras pas à ton tour. « Ah. Et rien te plaît ? T’as des envies de faire un truc ? » Tu espères qu’elle ait des projets, un objectif auquel elle y tient. De ton expérience, c’est quand tu n’as plus de motivation que tu commences à sombrer. Et partir, bouger, faire une activité t’a aidé à te sentir à nouveau bien. Certes, tu ne la connais pas, mais si tu peux l’aider d’une quelconque manière ou d’une autre, tu le feras. Tu ne souhaites à personne ce que tu as vécu. En tout cas, ce dont tu es certaine, c’est qu’elle ne sera jamais serveuse. Enfin, elle te fait bien ressentir que ce métier ne lui tente absolument pas. « Je travaille à mi-temps ici, je suis généralement là que le jeudi, vendredi, samedi.» Oui, tu es évidemment présente pendant les moments où il y a le plus de monde, et c’est normal. D’un autre côté ça te laisse la semaine pour travailler. De temps en temps, tu es appelé en semaine, mais ça reste anecdotique. « Le salaire, c'est ce qu'il me faut. Et puis, je bois pas tant que ça, donc ça va aussi sur ce côté.» Tu bois, c'est vrai, mais jamais dans les excès, tu restes toujours apte à faire ton travail. Enfin, du moins, ça sera pas l'alcool qui te pénalisera. Peut-être le joint, cependant, tu ne le diras pas de suite à ton interlocutrice. «Et puis, ici, le staff est plutôt cool, j’appellerai pas ça un enfer. » Tu marques un moment de pause, ça fait pas longtemps que tu es là, c’est peut-être pour ça que tu ne vois que le positif. Pourtant, ton intuition te dit que ça va continuer à te plaire encore un petit temps. « Je suis là depuis quelques mois. Et toi ? Tu es de passage à Bowen ? Je crois pas t’avoir déjà vu ici. » C’est vrai, tu commences à repérer quelques clients, mais la jeune femme ne te dit rien du tout, son visage est nouveau pour toi.

Décidément, cette cliente n’est pas commune. Ici, il est déjà rare qu’on te demande si tu aimes bien ton job, et encore moins si tu as d’autres projets et de s’intéresser à ceux-ci ! Enfin, vis à vis de tes clients car tes patronnes sont déjà au courant de ce qui se passe dans ta tête, et font en sorte qu’être serveuse et monter un tel projet puissent être concordants et tu en es absolument reconnaissante. Tu es aussi heureuse de voir que tes idées puissent intéresser des personnes, ou plutôt les questionner. C’est vrai, il est rare malheureusement d’entendre parler d’éco-tourisme et tu souhaites à tout prix que cela change. C’est pourquoi tu ne refuses jamais de répondre à n’importe qui et dans n’importe quelles circonstances. « Ouais, ça peut être ça par exemple. J’ai pas encore tout très bien fixée dans ma tête, j’y réfléchis, c’est encore au stade de projet mais c’est envisageable. L’idée serait de proposer aux personnes une autre méthode de tourisme, de voyage, et d’ouverture à d’autres cultures. Une méthode plus responsable de l’environnement. Adios les avions, si tu veux. Et puis aussi d’aider les autres métiers du milieu à intégrer l’écologie dans leur problématique. » Tu lui adresses un sourire avant de hausser les épaules « On verra bien quoi » C’est à ton tour d’écouter les projets de ton interlocutrice, elle te semblait assez désorientée, et tu avais comme une sensation de te retrouver avant. Celle qui ne savait pas ce qu’elle voulait faire. Celle qui a mis du temps à comprendre que la voix royale de papa et maman n’est pas l’idéal. Savoir qu’elle continue à écrire des scenarios te fait sourire, elle n’a pas encore perdu totalement espoir, et c’est chouette ça. « Ah c’est cool ça ! Quel genre de scenar ? Fantaisy ? Thriller ? Romance ? T’en as déjà réalisé quelques uns ? » Peut-être que c’est toi qui vas finir par saouler la cliente, toujours à vouloir poser trop de questions, toujours à être curieuse.. « J’sais pas ce que t’écris mais lâche pas si c’est ça qui te fait vibrer, on sait jamais. » ou à être trop positive. Tu crois à l’alignement des planètes, que tout le monde trouvera la bonne place, celle qui te fait dire que tu es né pour ça. Alors si pour elle c’est être scénariste, elle le sera. Enfin, c’est ce que tu penses fortement. En tout cas, tu espères que ses histoires soient aussi hautes en couleur que son répondant qui te fait, finalement, lâcher un sourire. Mais tu ne te laisses pas faire, et encore une fois, tu rentres dans son jeu. « Je peux déjà me permettre d’être plus matérialiste qu’une personne qui fait rien. », petit regard, petit sourire. Bon voilà, ça s’est dit, passons à la suite. Et puis, de toute façon, si tu veux devenir un peu plus matérialiste, tu peux essayer de te tourner vers des marques avec ton influence sur Instagram, mais ça, tu ne souhaites pas lui dire de suite, préférant rester une nouvelle fois dans l’anonymat et passer pour la petite serveuse du coin. Justement, la jeune brune a déjà expérimenté ce métier, tu comprends mieux ses précédentes réflexions. Tout en l’écoutant, tu regardes tes collègues pour t’assurer que tu ne sois pas entrain de rater un rush. Ce n’est pas le cas, tout va bien. De toute façon, ce n’est pas la plus grosse soirée du bar ce soir, c’est plutôt calme. Il est vrai que le début est toujours difficile car tout le monde veut un verre pour se mettre dans l’ambiance mais une fois que tout le monde est servi, ça va. Tu en profites donc pour sortir une bouteille, un verre et tu te sers à boire aussi. « Rebienvenue ici alors et bienvenue dans un des clubs qui bougent le plus de la ville. » dis-tu en riant bien fort. Tu lui sers un deuxième verre par la suite, exactement la même chose qu’elle avait commandé, comme ça pas d’erreur. « Trinquons donc à ta nouvelle vie » Tu lèves ton verre, en attendant sa réponse, espérant qu’elle soit positif. « Allez, celui-ci, il est pur moi, pour que tu profites de ta vie de vagabonde. » Tu sais de quoi tu parles, c’est en étant vagabonde que tu t’es trouvée, que tu as su ce qui te plaisait, et tu lui souhaites la même. Décidément, cette cliente n’est pas commune, et cette conversation aussi, tout autant lunaire qu’elle, alternant petite attaque, confidence, et rire.

Et un point pour la cliente. C’est vrai que l’Australie est une île excentrée du monde, proche d’autres îles, et que la plupart des étrangers viennent en avion, et c’est compliqué d’arrêter ce moyen de transport. « Je privilège plus le tourisme local, de personnes qui viennent directement d’Australie on va dire. » tu marques un temps de pause avant de continuer « Ou j’essaye au moins de proposer aux gens qui viennent en avion des activités responsables et pas faire du jet à tout va sur la baie, préférer embarquer sur un voilier par exemple. » Dans un monde idéale pour toi, tout le monde arrêterait l’avion, tout le monde devient zéro déchet, tout le monde réduit son empreinte carbone. Mais tu sais très bien que c’est impossible, même pour toi, tu n’es pas irréprochable, il y a des choses dont on ne peut pas se passer. Cependant, si tu peux essayer de proposer des solutions facilement d’accès, tu le fais sans hésiter d’où la création de ton entreprise. « Que ce ne soit plus au stade idée, que je concrétise les choses. J’ai déjà quelques contacts qui sont intéressés par l’idée, faut se lancer totalement maintenant. » et un petit clin d’œil, une sorte de phrase à double sens pour l’inciter à se lancer plus concrètement dans ses projets de scenarios. Justement, tu t’y intéresses, et tu écoutes ses idées. La mafia ? C’est sympas ça, ça pourrait plaire, enfin, ça plaît toujours, c’est une valeur sûre. « Tu m’as l’air d’une personne fun, je suis sûre que c’est drôle. » tu lances un petit rire avant de continuer « T’as déjà essayé de tourner des films ? Même plus jeune ? » Tu es admirative par la quantité de scenarios déjà imaginé, une trentaine ! Cette cliente regorge de créativité, ça t’épate ! Tu l’imagines la nuit, dans son lit, à défiler toutes les idées dans sa tête, ça doit l’inspirer pour ses rêves. « Wow, bravo pour ça ! Tu penses les présenter un jour à des réalisateurs ou je ne sais quoi ? Je sais pas comment ça fonctionne dans le cinéma. » C’est sûr, elle va finir par partir en courant avec toutes tes questions mais ça t’intrigue, tu aimerais bien lire un jour un de ses scripts. Mais pour l’instant tu viens de gagner un point contre elle. Un vrai match de boxe cette conversation. Ça t’amuse. Tu acquiesces à sa phrase, oui, heureusement que certaines associations existent pour aider les plus démunis ou tout simplement éviter la surproduction d’objets et polluer encore plus. « Finalement toi aussi tu vas à contre-sens du capitalisme. » lui fais-tu la remarque avant de trinquer à son nouveau départ même si la cliente ne semble pas spécialement enthousiaste. Tu fronces les sourcils, tu ne comprends pas trop, mais cette fois-ci tu restes en retrait, préférant sourire en retour de son merci. Ça t’arrive d’offrir des verres, pas tout le temps sinon tu serais virée, mais de temps en temps tu aimes faire plaisir aux autres. Avant d’accepter sa proposition de sortir, tu regardes tes collègues, tu leur désignes ton briquet et machinalement ils répondent tous en hochant la tête pour montrer leur accord. De toute façon, il n’y a pas grand monde, tu as le droit de profiter. « Let’s go » adresses-tu à ta cliente, l’entraînant à l’arrière du bâtiment, là où tu peux prendre des pauses. Une fois dehors, tu t’assois sur le banc et commences à rouler la tienne. Tu lui montres ta petite boîte où tu conserves ta marijuana. « Tu en veux ? Ça sera une petite dose, je suis de service ce soir même si c’est calme. » de toute façon, tu as déjà vu quelques collègues bien boire pendant leur fin de service, un petit joint, ça ferait pas de mal tant que tu restes consciente de ce que tu fais, non ?