[manwë] je vous invite à un petit aquatrip

Je vous assure que c'est bien de mon plein gré que je me retrouve dans la boutique de ce luthier. On ne m'a pas payé, personne ne demande quoique ce soit sur lui; je ne suis pas détective. L'endroit sent le neuf, un peu de changement? Je prends une grande respiration et surtout la dernière taffe de mon joint que je range soigneusement dans mon cendrier de poche. Ce serait dommage de lui porter du tort à cause d'un cadavre sur le seuil de sa porte. Je dégage la fumée qui m'entoure à l'aide de mes bras et pousse la porte, sonnette à l'appui pour annoncer une arrivée. "Et bien, vous avez eu un prix sur la javel ou quoi?" m'exclamais-je avant de me diriger vers les petits instruments qui sont rangés ici et là. "Vous allez bien?" lui demandais-je, un petit sourire aux lèvres en redressant mon minois vers lui. On se connait très rapidement. J'avais l'habitude de venir ici pour faire accorder mes guitares. J'ai même chopé mon ukulélé ici, un mec qui l'avait déposé et qui ne l'avait jamais récupéré. Un petit billet glissé gentiment et voilà qu'il était à moi. La légende raconte que le monsieur en question le cherche toujours. "Ca fait plaisir de la voir de nouveau ouverte." continuais-je. "Pourquoi même l'avoir fermé?" La curiosité est un mauvais défaut à ce qu'on dit.

Elle n’était pas sa première cliente depuis l’ouverture, mais peut-être… La troisième. Les jours peuvent paraitre longs dans un magasin quand personne ne vient vous voir, mais le brun avait amplement de quoi s’occuper. Les travaux s’étaient achevé, avec l’aide de la solaire Ivy, il avait pu donner un coup de jeune à cet endroit, sans en perdre son esprit d’origine. Quelque chose d’assez brut, mais cette femme avait apporté un style à cet endroit. Industriel, avait-elle dit, pour le luthier ce n’était qu’un mélange de bois et de métal. Il s’était même laissé convaincre pour deux cadres décoratifs qu’il trouvait franchement en surplus… Il parait que ça modernise, lui il trouvait que ça encombrait.

Il était assis derrière son comptoir, ses lunettes loupes sur le nez tandis qu’il soudait tranquillement quelques composant fragile d’une basse ; quand la cloche de l’entrée tinta. Il ne relève pas le nez, pourtant il devrait se méfier, il n’est pas l’homme le plus aimé de Bowen ces derniers temps, même s’il n’a jamais été populaire.

La remarque provenant de la jeune femme lui fit lever le regard en sa direction, il reconnaissait cette fois et savait à quel bout de femme il avait à faire. “ Bonjour à toi aussi. “ répondit-il avec humeur, il hausse les épaules à sa question, plus vraiment habitué à ce qu’on lui demande comment il se porte. “ Ouais, et toi ? “ Il retire ses lunettes, parce qu’à travers celle-ci la jeune femme à distance était bien floue. Il lâche un rire amusé à sa dernière question, bien qu’il comprit que curieusement, elle n’avait pas l’air au courant des ragots sur lui, ou même des articles sur son sujet et le meurtre de son père. Qui lit encore le journal ou écoute les infos à la radio de nos jours ? Pas les jeunes de toutes évidences. “ Recherché pour meurtre, les interrogatoires de police, un peu de vandalisme et donc des travaux… Enfin, la routine quoi. “

"Ca va, j't'en remercie." répondis-je par politesse. J'effleure des doigts les instruments exposés, hochant la tête comme pour les valider. Je n'ai pas besoin de guitares et compagnie, cette panoplie étant toujours disponible à la maison familiale. Cependant, je m'arrête net à l'entente de sa situation. Je fronce les sourcils. Un bug. Un regard à gauche histoire de mieux analyser ses dires, un vers le haut pour prolonger ma réflexion et un autre vers la droite pour prendre réellement en compte la dureté de ses propos. L'analyse étant au bout de son chargement, je lui réponds. "Ah ouais. Chaud." dans le plus grand des calmes, accompagné d'un "Et... Tu as vraiment fait ce crime?". Bon, généralement, on ne répondrait pas "Ha oui oui, clairement mais bon, c'est la vie.", d'autant plus qu'il pourrait croire que je suis dorénavant de la police. Ayant un parcours professionnel chaotique, il ne serait pas étonnant que je me retrouve dans des sentiers qui me sont complètement inconnus. "Dans tous les cas, je crois qu'on a un point commun. Les tracas de la vie qui nous foutent dans des situations improbables. Courage mon frère." Des fois je me surprends à employer des mots qui ne sont même pas dans mes habitudes. Pas besoin des autres pour mettre du piquant dans ma vie, je me suffis amplement. "Et ton vandalisme, c'était quoi? ACAB sur le poste de police? Ou d'autres graffitis ou tu as volé un panneau alors que tu étais bourré? Ou mieux! La grosse mangue de Bowen!" intéressée dans les mauvaises choses apparemment.

Ça l’amuse un peu ses regards, ça l’étonne toujours de constater que finalement, les plus jeunes de la ville ne semblent pas toujours au courant de cette affaire de meurtre à Bowen. Pourtant, les médias en ont beaucoup parlé en ville, ou alors… Les gens ne font pas le lien avec lui physiquement ou encore mieux… Auraient-ils déjà oublié ? Il n’attend que ça, le brun, que les gens oublient cette histoire, qu’il redevienne monsieur tout le monde, ou tout au plus, le luthier bizarre de Western District.

“ Comme ça t’arrange de croire, apparemment c’est ce que font les gens. “ Répond-il face à la question déjà tant posée. Est-ce qu’il a tué son père, son propre père ? Oui. Est-ce qu’il regrette ? Non. Mais il n’avait aucune envie non plus de pourrir en prison. Alors, il continue de mentir, de se dire innocent ou de s’amuser avec ironie de ceux qui posent la question. Comme s’il allait dire autre chose que non. Il mentait à sa famille, à ses amis les plus proches. Pour leur bien, parce qu’ils ont envie de croire en son innocence, il ment, c’est comme ça, c’est sa vie désormais.

Il arque un sourcil avant de lâcher un rire grivois. “ Un conseil... Ne cherche pas trop de points communs avec moi, ma sœur. “ Il balance légèrement la tête de droite à gauche, il ne pensait pas seulement sourire aujourd’hui, alors c’était toujours ça se prit pour essayer de renouer avec son humanité. “ Qu’est-ce que je ferais de cette fichue mangue, hm ? “ Bon, il est vrai qu’il avait participé à la fête de la mangue et comme pour célébrer la victoire de son équipe, il avait dézingué son père et disparu pendant plusieurs mois. Sans doute le meilleur été de sa vie, quand on y pense. “ Pourquoi ça t’intéresse tout ça ? Tu t’ennuie au point de venir voir de plus près le monstre de Bowen, un pari stupide avec des amis ou quelqu’un t’as demandé de te renseigner peut-être ? “ Un peu à lui de poser des questions, non ? Il n’était pas agressif, simplement curieux, presque joueur, il faut dire que l’insolence et la provocation, c’est depuis toujours son terrain de jeu.

Man’ connait la jeune femme depuis longtemps, c’est une bonne cliente, mais il ne peut pas dire qu’ils sont amis. Les amis, c’est quelque chose de rare et les nouvelles amitiés lui semblent totalement exclues… Ouais… Malgré tout, il avait bien profité avant que tout ne se gâte pour lui, les gens avaient commencé à l’apprécier, à le trouver humain, c’était sans doute pour ça qu’ils étaient déçus même s’il était officiellement innocenté.

Un haussement d'épaules. "Bon ben à choisir, j'ai pas envie de croire ce qui se dit. Et de toute façon, qu'est-ce que ça peut me faire, hein?" Une rhétorique évidemment. Je ne suis absolument personne pour juger les actes d'autrui et encore moins quelqu'un pour le condamner. Mais je tente tout de même de faire la conversation, d'alléger les infos qu'il m'a apprises. "Ben, je ne sais pas. La revendre à bon prix ou alors la détruire comme le Grinch avec les sapins de Noël." Mais était-il à ce point aigri pour faire ce genre de choses? J'avance d'autres possibilités mais il me calme rapidement. Mes sourcils se relèvent, presque choquée mais cependant mérité. "Ha non non. Déjà je n'aurais jamais eu l'idée de faire un pari à ce sujet et Dieu sait que j'en ai des stupides, ensuite, j'avoue que c'est de la curiosité mal placée, pardonne moi. C'est juste que généralement ça fait de bonnes histoires et de petites anecdotes sympas à raconter." Si je devais faire ma propre défense dans un tribunal, on sait tous où je terminerais avec un tel argumentaire. "Mais ok, oublions. Je ne voulais pas t'offenser." Du moins est-ce comme ça que je l'interprétais. Après quelle idée aussi avais-je eu de poser des questions sur des sujets qui peuvent être sensibles aussi? Je ne fais que remuer le couteau dans la plaie en soi. Un vrai assassin. Qu'on me pardonne pour ce peu d'humanité que je peux avoir parfois. "Enfin bref, tu n'aurais pas de violon par hasard? De base c'est pour ça que je suis là. Je cherche aussi un luth, ou mieux, un oud." Je reprends ma marche jusqu'à arriver devant lui, me penchant légèrement pour voir ce qu'il bricolait avant que je débarque.

Elle choisissait donc de croire en son innocence, c'étaient des mots bien rares. Lui sait bien qu’il est coupable, mais étrangement, la croyance positive des autres en lui, ça l’aidait à garder un semblant d’humanité. C’est si simple, de devenir le monstre que l’on dit de lui, de leur donner raison, de ne plus faire le moindre effort pour sourire.

Il lâche à nouveau un rire lorsqu’elle le compare au Grinch qui pourrait détruire la mangue de la ville. Man’ n’était pas ce qu’il était pour le plaisir, non… Il le faisait par nécessité. Et parfois, évacuer sa colère est nécessaire aussi. “ Je me note ça pour plus tard. “ Une pointe d’humour ne fait jamais de mal, si ? Malgré tout, il questionne la jeune femme sur ses intentions, c’est qu’il en a croisé des curieux depuis son retour en ville. Certains ont même voulu en découdre avec lui, il mentirait s’il disait se sentir en parfaite sécurité, mais ce sentiment, il le connait depuis tout petit… C’est comme un doux souvenir d’enfance.

Il acquiesce doucement pour accepter les excuses de sa cliente. Il la connait assez pour savoir qu’elle est d’une nature sincère, tout le monde est capable de manipulation, mais qu’aurait-elle a y gagner ? “ Un oud, beaucoup plus exotique que le violon… Tout a été détruit et volé ici pendant mon absence, je suis en train de refaire le stock. “ Il suivit le regard de la jeune femme en direction des pièces qu’il était en train de restaurer avant qu’elle n’arrive. Le cœur d’une basse, il doute que ça l’intéresse. “ Tu veux que je te commande quelque chose ou que je te le crée si tu n’es pas trop pressée ? Comme tu peux le constater, je ne croule pas sous la clientèle. “ Il avait du temps, pour un nouveau défi? Tant que sa vue résiste, fabriquer des instrument c’est bien ce qui le tient en vie.

Ses yeux verts détaillent le visage de la brune, elle était jeune, beaucoup trop jeune pour lui, mais il pouvait tout de même la trouver belle, ce n’était pas interdit. “ J’ai quelques violons dans la vitrine, je peux l’ouvrir si tu veux en essayer un. “ Les instruments précieux sont naturellement protégés, les violons avant tout pour tout dire. Aussi car en cas de pépin, ils sont plus capricieux à réparer qu’une guitare. C’est l’un de bon côté de son métier, la possibilité d’écouter jouer les meilleurs musiciens de la ville, mais parfois malheureusement aussi les pires… Lui, est un peu touche à tout, mais il ne joue devant personne, il teste les instruments, il reste à sa place… Dans l’ombre.

Un petit sourire amusé, un regard étincelant, je baisse la tête jusqu'à me rapprocher petit à petit du comptoir. "Tu veux que je tente de te trouver des petites pépites à retaper sur des sites d'occasion ou même dans des vide-greniers et compagnie? A moins que tu ne le fasses déjà?" lui proposais-je dans un premier temps. "Et je ne suis pas pressée. Je serais vraiment partante pour un oud. C'est ma lubie du moment." J'hausse les épaules. "Tu veux te faire petit ou tu veux que je tente de faire la promotion de l'endroit?" Et voilà que maintenant je me prends pour une influenceuse. Et moi qui déteste les réseaux. A chaque fois que je tente de faire un profil que je dois alimenter, je ne parviens pas à être régulière. C'est comme si... Comme si ça me faisait chier et pourtant pour se faire connaître, à notre époque, c'est la meilleure des manières. Quelle vie! "Je veux bien oui s'il te plaît. Par contre est-ce que tu sais t'en servir? J'ai juste besoin de comprendre comment faire frotter l'archer correctement sur les cordes si ça ne te dérange pas." Je me décolle du comptoir pour me diriger vers la vitrine et les regarder. "L'électrique là, c'est possible? Par chance ça cachera mes fausses notes." lui demandais-je en me tournant dans sa direction.

Il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle lui propose son aide, aussi bien pour refaire le stock que pour se faire de la publicité. Déjà avant cette histoire de meurtre, on ne lui proposait pas souvent son aide, d’ailleurs, sa recherche d’apprenti était restée sans preneur pendant des mois. Il ne se faisait plus d’illusion, son magasin mourra avec lui. “ Je crois que ces derniers temps n’est pas la publicité qui me manque… “ Tout le monde connait cet endroit, comme étant le magasin tenu par le monstre de Bowen. Man’ ne sait pas accepter l’aide d’autrui, cela lui a toujours été forcé ou déguisé…

“ Mais… C’est charmant de ta part de… Proposer. “ Il ne savait pas vraiment s’exprimer sur ce genre de chose, s’il sait bien répondre aux coups durs, pour les coups de pouce, c’est une autre paire de manches.

Le brun pousse avec précaution les pièces qu’il était en train de restaurer pour sortir un catalogue particulièrement épais pour chercher la page correspondant aux instruments arabes tandis qu’elle observe les violons. Il lève le regard intrigué alors qu’elle déclare ne pas savoir en jouer. “ Si tu veux. Je ferai de mon mieux, je ne suis pas très bon pédagogue. “ Quand on est un loup solitaire, la transmission du savoir n’est pas la principale qualité de l’individu.

Il abandonne son catalogue pour approcher lui aussi la vitrine, il sort de sa poche la clé qui lui permet d’ouvrir la vitrine et s’emparer de l’instrument convoité. Ses yeux verts se posent un instant sur la brune, c’est une mauvaise habitude qu’il a, de jauger avant de confier un instrument. “ Bon alors c’est parti… Tu… Tu gardes le dos droit, monte un peu ton épaule, pas trop. Pose-le, pas trop devant. Voilà, à 45 degrés, c’est mieux. Tu garde le poignet dans l’alignement de ton bras, mais pas trop collé au corps… “ Il évite de la toucher, ça pourrait être mal interpréter, il a assez d’emmerdements comme ça pour le moment. “ Le violon c’est un jeu très symétrique avec le corps, il faut le manier avec la souplesse des articulations sans jamais forcer. “ Il pense un bref instant à la manière de se mouvoir de Saoirse. La joueuse talentueuse qu’il avait hébergé quelque temps avant cette histoire, elle aussi, il l’avait perdue de vue avec tous ces problèmes. Ah… Il avait fait son choix entre les êtres aimés ou rendre justice.

Il tendit l’archet à la jeune femme après avoir faiblement secoué la tête et montré comment positionner ses doigts sur celui-ci pour le tenir en main. “Fais attention de ne pas toucher la mèche, ton petit doigt au-dessus de la baguette, c’est lui qui assure l’équilibre… Ça demande de l’entrainement. “ Les jeunes ont surtout les pouces toniques avec leurs smartphone, mais ici, c’est l’auriculaire qui fait le boulot. “ Tu le pose doucement sur les cordes et tu essaie de jouer en mettant le moins de poids possible sur la baguette, tu le fais glisser doucement, d’avant en arrière… “ Il s’apprête bien à souffrir un peu des oreilles, mais c’était son métier…