wishing us beautiful moments, treasured memories, and all the blessings a heart can know (aisling)

31 décembre 2022

Depuis la mi-décembre, le château de glace (en réalité fait de verre) était ouvert à Bowen. C’était une magnifique sculpture, à laquelle Isaiah avait contribué, y passant environ un mois de travail. C’était un contrat assez généreux de la ville qui avait invité les artistes de la région à participer à l’oeuvre. Isaiah avait grandement hésité à accepter, parce qu’on lui avait d’abord présenté le projet comme un endroit qui ressemblerait tant à un château de glace qu’on le climatiserait à fond, pour donner l’impression d’être dans les grands froids. Il avait argumenté que les climatiseurs étaient très dommageables pour l’environnement. On lui avait donné raison et on l’avait assuré qu’on prendrait cette donnée en considération. Bullshit mais ça, Isaiah ne l’avait su qu’après avoir réalisé ses sculptures de verre - une des premières fois depuis fort longtemps qu’il délaissait le bois. À l’ouverture du château, Isaiah avait boudé l’événement, parce que dans les journaux et entre militants il avait rapidement appris le non-respect du retrait des climatiseurs dans le projet. Cependant, Siobhan avait tellement voulu y aller, non seulement pour voir les sculptures d’Isaiah mais aussi pour profiter des activités, qu’Isaiah avait flanché. Avec les deux filles, Harper dans le porte-bébé attaché à Isaiah, Aisling et lui s’étaient rendus en périphérie de la ville où était érigé le grand château. Ça avait quelque chose d'irréel, de voir ça, en plein milieu d’un grand terrain gazonné. Il avait beau l’avoir déjà vu pendant sa construction, sa réalisation, c’était encore plus impressionnant de le voir avec les visiteurs qui y fourmillaient. « Au moins ça attire le monde. C’aurait été encore plus une catastrophe si ça avait été un flop. » Ils auraient climatisé pendant un mois complet pour une poignée de visiteurs. « Quoique … c’est dérangeant de voir que les gens se foutent pas mal des répercussions environnementales. Mais bon, j’suis pas mieux qu’un autre aujourd’hui. » Après tout, ils étaient sur le point d’acheter leur passe familiale.

Isaiah avait accepté d'aller au château de "glace" pour les enfants. Et pourtant, il était quand même d'humeur ronchonne. Aisling esquissa un sourire en l'entendant. Après tout, d'habitude c'était plutôt elle, la rabat-joie des deux. Et elle savait bien ce que pouvait ressentir Isaiah dont les convictions étaient fermes et droites, et qui mettait toujours tout en œuvre pour être en accord avec elles. Alors qu'ils étaient au stand pour prendre les billets, le papa portait Harper tandis que la blonde tenait la main de Siobhan. La famille au complet. Elle était sûre que malgré les climatiseurs, ils pourraient passer un bon moment. De sa main de libre, elle ébouriffa les cheveux de son amoureux.

-Les gens aiment participer à ce qu'organise la ville, ce n'est pas comme si on habitait à Sydney et qu'on avait un immense choix d'activité.

Elle lui adressa un sourire taquin avant de pointer son regard sur les visiteurs devant eux.

-Puis, regarde, le nombre d'enfants. Si tu n'as pas pu dire non à Sio', qui le pourrait ?

Ce fut leur tour de récupérer leur passe, et ils purent entrer dans le grand château. Presque aussitôt, Siobhan lâcha sa main pour aller courir dans les galeries et voir de plus prés l'œuvre.

-Et moi aussi je voulais voir ton travail.

Elle tourna le regard vers sa deuxième fille qui semblait être dans une période de la journée plutôt calme. Elle attrapa sa petite main du bout de son doigt.

-Tu vois tout ça Harper, c'est Papa, Pa-pa, qui l'a fait.

Devant l’air grognon d’Isaiah, Aisling ébouriffa ses cheveux de sa main libre. Il grimaça avant de finalement capituler face au bonheur de se retrouver en famille, et il envoya un sourire à sa petite amie. Elle marquait un point : les événements ne se démultipliaient pas à Bowen. Généralement, il y avait une ou deux activités marquantes par saison, alors forcément tous les habitants se rendaient à celles-ci, faute d’autres options. Même lorsqu’il y avait des événements dans les villes environnantes, les municipalités se parlaient sans doute entre elles pour ne pas les organiser sur les mêmes weekends. Au château de glace il y avait donc également des familles de Townsville, Proserpine ou Mackay, sans aucun doute. « Je sais bien. Tant mieux si ça peut offrir de beaux moments à ces gens. Le point positif que j’ai à leur donner, c’est que les billets ne sont pas vendus à des prix exorbitants. Je respecte ça. » De nos jours une activité familiale pouvait coûter des centaines de dollars. Les familles en situation précaire, par exemple monoparentales ou dont les parents sont au salaire minimum, ne pouvaient donc pas en profiter. Pour les riches, le plaisir ! Isaiah devait donc admettre que le prix plus que raisonnable du billet d’entrée était réconfortant. L’artiste regarda tous les enfants autour de lui, et il sourit. « Touché. » Ça réchauffait son coeur, assez sans doute pour faire fondre toutes les sculptures de glace à l’intérieur. Ils récupérèrent leur passe et pénétrèrent le spectaculaire château. Rapidement, Siobhan lâcha la main d’Aisling afin de courir vers les couloirs où les différentes sculptures étaient présentées, soit sur de petits présentoirs, soit carrément incrustées dans les murs. De petites plaques de bronze indiquaient le nom de l’artiste. La murale sur le mur à leur droite était signée Gartshore-Nairn et représentait un arbre à fleurs dont les feuilles et les pétales s’envolaient au vent, se confondant à des oiseaux en plein vol. La murale comportait beaucoup de reliefs afin de donner vie au paysage représenté. Isaiah sourit alors qu’Aisling la contemplait et la montrait à Harper. « Est-ce que tu veux toucher ? » Il approcha la petite du mur et la laissa tendre la main, déposant le bout de ses doigts contre un oiseau, caressant doucement ses ailes et le détail de chaque plume. « Je crois qu’elle l’aime bien. » Dit-il en regardant la blonde.

Aisling acquiesça la tête quand il parla du prix raisonnable des billets. C'était effectivement appréciable. Aisling et Isaiah n'avaient pas vraiment à se plaindre, ils pouvaient vivre sans se priver de rien, ou priver leurs enfants, même s'ils étaient loin d'être aisés. Il faut dire que pour tout ce qui était attrait à Siobhan, Perry avait tellement d'argent que ça réglait un peu la question.

-Peut-être que tu vas recevoir des tonnes de commandes après cet événement !

Elle eut un petit rire. Après tout si les talents d'Isaiah étaient visible pour toutes les personnes de la ville, et des villes alentours, il gagnerait peut-être en notoriété. Et c'était sans doute aussi, un peu le but de la mairie, et la raison pour laquelle ils avaient fait appel à des artisans locaux.

Ils se dirigèrent d'ailleurs rapidement vers le travail du Papa. La blonde le laissa faire découvrir son œuvre à leur fille, tandis qu'elle l'observait de plus loin, dans sa globalité. Il avait un talent indubitable, à ses yeux de non experte en tout cas. Ce n'était même pas sa plus grande spécialité, le verre. Elle sentit son cœur se gonfler de fierté alors que ses yeux parcouraient l'œuvre. Elle ne savait pas si c'était légitime ou non. Si ce n'était pas un peu trop cliché d'être la plus grande fan de son compagnon de vie. Les mots d'Isaiah l'arrachèrent de ses pensées et elle eut un léger rire.

-Qui pourrait ne pas aimer ? Elle est superbe.

Siobhan arriva dans les jambes de sa mère en courant, et Aisling indiqua à sa plus grande fille qu'il s'agissait d'une sculpture d'Isaiah. Elle s'égosilla alors, admirative, avant de le supplier de pouvoir la toucher.

-Je ne sais pas si c'est une bonne idée qu'on y touche tous... Sinon tout le monde va le faire...

Et Aisling s'inquiétait clairement de l'intégrité de la sculpture avec autant d'enfants dans les parages.

Évidemment, même s’il n’était pas un adepte du capitalisme et qu’il aurait bien tout rasé ça pour recommencer à zéro, Isaiah avait tout de même songé à la visibilité que cet événement lui apportait. Comme tout le monde, il fallait qu’il vive, et pour faire face à l’inflation il lui fallait que les commandes rentrent. Certes, Aisling faisait un bon salaire comme chercheure, mais pour que leur petite famille puisse ne manquer de rien et sans que les parents le vivent comme un stress, il fallait qu’Isaiah participe au revenu du ménage. Ce serait donc excellent s’il faisait un peu parler de lui en tant qu’ébéniste. « Dommage, j’ai oublié mes cartes d’affaires. » Souffla-t-il à la blague. Il n’avait pas de cartes d’affaires. Il n’était pas très doué niveau marketing de sa petite entreprise qui se limitait à … lui. Il était doué dans l’art, dans la précision, dans le travail du bois, mais pas pour se vendre. Heureusement qu’il se faisait connaître d’une autre manière, en étant simplement très sociable et profitant ainsi du bouche-à-oreille entre ses proches. La petite famille se dirigea vers le mur où la sculpture murale d’Isaiah était exposée. Harper regardait avec ses grands yeux impressionnés, ce qui forcément faisait plaisir au papa. « Merci Lingling. » Répondit-il à sa conjointe lorsque celle-ci qualifia sa murale de superbe. Le petit surnom d’autrefois, c’était cadeau. Siobhan arriva en courant vers eux et Aisling s’occupa de lui décrire ce qui se trouvait devant ses yeux. La petite voulait toucher, comme Isaiah venait de laisser faire Harper. L’ébéniste haussa les épaules avec un sourire. « C’est pas grave, elle n’est pas faite de vraie glace, elle va pas fondre … » Il tourna la tête vers Aisling. « Et puis je n’ai aucune idée de ce qu’ils en feront après l’événement, pour être bien honnête, alors aussi bien lui faire honneur tout de suite en mettant plein de petites mains dessus … Elle se retrouvera peut-être complètement seule dans un entrepôt de la ville, après. » Compléta-t-il avec une pointe de tristesse dans la voix. Tout le travail de tous ces artistes et peut-être que ce serait aussi vite oublié. C’était généralement comme ça.

Aisling ne put s'empêcher de rire quand elle imagina Isaiah distribuer des cartes de visites à toutes les personnes venues voir les statues de verre. Ce rôle de commercial ne lui allait tellement pas. C'était pour ça que le fait que son nom soit sur la sculpture était vraiment une bonne chose. Au moins les gens l'auraient en tête, ils pourraient s'en souvenir s'ils croisaient Isaiah, ou s'ils avaient un jour un petit flyer sous le nez. Il faudrait qu'elle essaye de faire ça pour lui, elle savait qu'il n'y avait aucune chance qu'il s'y mette de lui-même.

-Il faudra y penser pour une prochaine fois.

Elle le regarde avec un sourire taquin. Il refuserait sûrement, mais il fallait être parfois un peu têtu. Elle était elle-même très têtue, c'est vrai.

Elle eut un tout autre sourire lorsqu'il l'appela par son vieux surnom. Elle se sentit rougir, sans vraiment savoir pourquoi. C'était comme une sensation venue d'une autre époque. Quelque chose de doux et d'intime.

-De rien, ce n'est que l'absolu vérité.

Et puis, il était certain que si elle avait menti pour lui faire plaisir, il la connaissait assez pour le deviner tout de suite.

Siobhan la tira un peu de ses souvenirs et Isaiah l'incita à aller toucher la statut. Elle ne pouvait plus s'y opposer maintenant.

-Bon, vas-y doucement alors.

Et elle laissa sa fille aller admirer de plus prés l'œuvre, posant ses doigts dessus avec fascination.

Elle haussa les épaules alors qu'il finissait en disant tristement qu'il serait peut-être reléguée dans un coin, sans importance. Puis elle secoua doucement la tête.

-Si c'est vraiment ce qui va se passer, on a qu'à demander à la récupérer. Je suis sûre qu'on lui trouvera une place à la maison. Ou peut-être qu'elle plaira à quelqu'un qui voudra l'acheter. Elle ne mérite pas finir loin des yeux !

Il est vrai que sans l’inscription à côté de son oeuvre, personne n’aurait su que c’était son travail. Premièrement parce qu’il n’était pas reconnu pour son travail du verre mais bien du bois, deuxièmement parce qu’il n’aurait certainement pas passé tout son mois de décembre planté à côté de la murale, se présentant comme l’artiste à tous ceux et celles qui s’arrêteraient devant. Il ne faisait pas dans la vantardise, Isaiah, même s’il était plutôt fier du résultat final, il préférait rester bien humble, un peu plus dans l’ombre. Il faisait ça par passion plus que pour un besoin de reconnaissance ou de succès. Le jeune homme tourna une tête surprise vers Aisling alors qu’elle sembla proposer que pour une prochaine fois, il les ait, ses cartes d’affaires. Il rit. « Hors de question. » Il savait que ça partait d’une bonne intention et qu’elle aurait même pris soin de les confectionner elle-même, ses cartes d’affaires. Aisling avait pas mal plus de talent pour ça que lui. Mais il ne se voyait tout simplement pas s’introduire dans des conversations en tendant des cartes d’affaires. Même quand on lui en demandait, il préférait juste donner son numéro de téléphone ou carrément son adresse, directement - ce qui ne faisait pas toujours l’affaire d’Aisling qui ne souhaitait pas forcément avoir la visite de potentiels clients errants devant leur demeure. À la suite du compliment de la blonde, Isaiah trouva sa main pour la serrer un instant, avant de retourner vers la murale avec Harper qui y touchait du bout de ses doigts. Évidemment, Siobhan voulait faire la même chose, et il n’eut pas le coeur de refuser contrairement à Aisling. D’ailleurs, Isaiah lui adressa une mimique désolée, puisqu’elle devait capituler à cause de lui. « Tu crois qu’il y aurait moyen d’aménager ça dans le jardin ? Entourée de haies et avec des plantes grimpantes peut-être pour la recouvrir juste un peu ? Qu’est-ce que t’en penses ? » Demanda-t-il en se reculant, pour essayer d’imaginer la chose. Cette murale représentait la nature, il était évident pour lui que c’est là où elle devait être.

A sa réponse, assez prévisible, Aisling le regarda avec un sourire en coin. Celui qui signifiait bien que, de toute façon, elle ferait ce qu'elle voudrait. Si elle voulait confectionner des cartes de visite et les distribuer elle-même... Ah, qu'il ne la mette pas au défi de le faire, il perdrait assurément ! Certes, elle avait d'autres chose à penser avec ses deux filles, surtout avec Harper en bas-âge, mais cela resterait solidement dans un coin de sa tête.

-Très bien.

Ces mots ne signifiaient rien, enfin, ne l'engageaient à rien, et ça, Isaiah la connaissait assez bien pour le deviner.

Isaiah lui manquait presque, quand il ne lui tenait pas la main. Même si elle n'en laissait rien voir, le partager avec les filles n'était pas forcément facile. Aisling n'avait jamais été très douée en partage, il faut dire. Mais elle n'avait jamais eu besoin de partager un homme non plus, puisqu'elle ne les voyait qu'une nuit. Il était différent, il avait fait basculer son monde, ses certitudes, ses envies. Il l'avait changé. Elle qui s'était promis de ne jamais changer pour qui que ce soit. Mais elle aimait celle qu'elle était devenue. Parce qu'elle aimait leur monde. Leur bulle. Et elle avait l'impression ne pas réussir à s'y réfugier assez, ou plutôt, ne pas réussir à en profiter assez, en ce moment.

Elle eut un sourire amusée alors qu'il lui exposait déjà son idée pour la sculpture. Il était évident que dés qu'elle lui laissait un peu de leste... ça finissait comme ça. Elle hocha doucement la tête.

-Bien sûr. Il faudrait juste qu'un trouve un moyen de bien la fixer au sol, qu'elle ne tombe pas. Et pour les plantes grimpantes... Si tu t'improvises jardinier, très bien, parce que je te préviens, ça pousse très vite !

Ils n'auraient jamais fini d'aménager leur foyer, avec toutes les idées d'Isaiah, que ce soit pour l'intérieur ou pour l'extérieur... Mais c'était ça de vivre avec un artiste, n'est-ce pas ?

-Mais qu'est-ce qu'en pense les filles ? Est-ce qu'on veut ça dans le jardin ?

Bon évidemment, elle avait plus de chances d'avoir une réponse de Siobhan que de Harper.

Oh, Isaiah savait qu’Aisling était capable de bien des choses. Et il savait aussi qu’elle n’avait nullement besoin de passer par lui pour faire approuver n’importe quelle idée. Il ne le voulait pas, non plus. Il aimait cette liberté, cette fougue qu’elle avait. Cependant, s’il était question de sa propre business, peut-être qu’il serait moins ravi de savoir que des cartes d’affaires avec son nom circulaient en ville. Ça ne lui ressemblait tellement pas. Ce n’était pas son modèle d’affaires - quel, modèle d’affaires ? Il envoya donc un regard suspicieux à son amoureuse, un petit sourire au coin des lèvres malgré tout. Pour le moment il se concentrerait sur le dévoilement de sa murale, que Harper adorait toucher du bout de ses petits doigts. Isaiah, lui, adorait voir l’émerveillement de sa fille. Elle était trop jeune pour apprécier tout le travail derrière, mais rien que de la voir ouvrir ses grands yeux face à l'œuvre, c’était suffisant pour lui. De toute façon, comme le proposait Aisling, cette murale pourrait rester auprès d’eux si jamais la ville décidait de la renvoyer à l’entrepôt, cachée des autres. Eux pourraient la récupérer, et déjà Isaiah débordait d’idées pour son emplacement. « Ça peut s’arranger. Et pour les plantes grimpantes … je suivrai les conseils de mon amoureuse ? » Dit-il avec un sourire. Il n’allait pas la mettre en charge de l’entretien, quand même, mais d’avoir quelques informations aidantes, ça pourrait le guider. D’entre les deux elle était certainement celle qui s’y connaissait le plus en plante, même si Isaiah adorait la verdure et adorait avoir tout plein d’espèces vertes dans la maison. Lui y allait au feeling, ce qui n’était pas toujours idéal pour les plantes capricieuses. « Hein Sio’, qu’est-ce que t’en penses, d’un jardin où on retrouverait, cachés dans les haies et les arbres, des objets étonnants ou des sculptures surprenantes ? » Ça y est, il n’était plus question que d’une seule murale mais bien d’un monde féérique tout entier. Isaiah se permettait encore de rêver en grand, de rêver tout court.

Aisling rit quand Isaiah décréta s'en remettre à elle pour l'entretien des plantes. Elle le regarda avec un sourire.

-Marché conclu alors.

D'ailleurs, même si Isaiah était bien plus manuel qu'elle, et adorait passer du temps dans le jardin, elle pourrait fait un effort elle aussi. Prendre la responsabilité de quelques plantes du jardin et s'obliger, ainsi, à faire un peu d'exercice. C'est vrai qu'elle en manquait, elle avait toujours beaucoup compté sur le sport de chambre. Mais sa vie ne ressemblait plus tellement à ce qu'elle était avant, et c'était peut-être une stratégie à revoir pour s'entretenir elle-même.

Alors qu'il prenait Siobhan à partie, sûrement certain qu'elle l'encouragerait dans son idée, la blonde arqua un sourcil. Des objets étonnants ? Mais qu'est-ce qu'il avait vraiment en tête pour leur jardin ? Est-ce qu'il fallait qu'elle commence à s'inquiéter et lui mette les "oh la" ? Mais Siobhan avait des étoiles dans les yeux.

-Tu vas faire des petits animaux ? Ce serait cool ! J'en veux plein ! Je peux en avoir pour ma chambre aussi ?

Aisling aurait bien soupiré, mais sa fille était bien trop mignonne pour ça. Elle se contenta de secouer doucement la tête avant de regarder son amoureux avec un sourire en coin.

-Pourquoi pas un Koala par exemple ?

D’un hochement de tête, Isaiah scella cette entente qu’Aisling et lui venaient de prendre. Elle le guiderait à propos des plantes grimpante et lui, il exécuterait le projet. Il se doutait que ça n’empêcherait pas la blonde de venir mettre la main à la pâte, cela dit, et ça lui ferait plus que plaisir qu’elle s’investisse dans le projet. Si elle en avait envie seulement. Il la savait déjà bien occupée avec sa thèse, il n’allait pas non plus lui rajouter l’entretien d’un immense jardin féérique. Lui-même se rajoutait quand même un gros morceau à sa vie déjà bien remplie, entre son rôle de papa, de conjoint, l’ébénisterie, la sculpture, la musique, l’écriture de son premier livre pour enfant, son bénévolat, son engagement social … Il n’aurait bientôt plus le temps de dormir ! En voyant les yeux brillants de Siobhan face à son idée de jardin mythique, Isaiah ne se posait pas davantage de questions, toutefois. Il y avait maintenant vingt-huit heures dans une journée. « Bien sûr que tu pourras en avoir dans ta chambre ! Tu pourras même me dire quels animaux seront autorisés à y rentrer, et où … » Il esquissa un sourire, regardant ensuite Aisling qui secouait doucement la tête, avant de proposer un koala. « Bien sûr ! Un koala, perché sur la lampe sur pied ! » S’exclama-t-il en regardant Siobhan à nouveau, la bouche en forme de o, de surprise et d’excitation. Il continua un moment à rêvasser avec la petite, de ce monde imaginaire auquel ils donneraient vie, avant de revenir vers Aisling et de passer un bras autour d’elle pour la ramener contre lui. « Tu ne m’en veux pas trop de nous avoir embarqués dans ce projet ? » Il était un peu trop tard !

Les filles -elle était certaine que Harper y compris- avaient compris à quel point c'était facile de faire craquer Isaiah. Pas qu'il dise oui à tout et n'importe quoi, mais quand ça concernait certaines choses... Il n'y avait pas besoin de beaucoup insister ! A voir le regard de son conjoint, Siobhan allait pouvoir acquérir un nombre illimité de bestioles dans la matière de son choix. Bon, il faut dire que ça serait toujours moins contraignant qu'un vrai animal à la maison.

-Oui ! Un koala ! Et puis un éléphant ou une girafe, un chat, euh...

Et la conversation continua un petit moment comme ça. Ils semblaient tous si enthousiastes. Et même si Harper ne comprenait rien, elle aussi riait en voyant son papa passionné. Finalement, Aisling posa tendrement sa main dans les cheveux de sa fille, qu'elle ébouriffa doucement.

-Tu auras tout le temps d'y réfléchir, d'accord ? On va poursuivre la visite, il n'y a pas que les sculptures d'Isaiah à voir.

Elle leva les yeux vers son amoureux alors qu'il l'attrapait par la taille. Ses yeux bleus dans les siens, elle eut un petit sourire en coin et vint lui susurrer à l'oreille.

-Fais attention quand tu fais ça, tu me donnes envie de te sauter dessus.

Elle déposa un baiser dans son cou avec un regard fripon avant de poser tendrement la tête sur son épaule.

-Non je ne t'en veux pas, Siobhan a l'air heureuse. Et en vrai, ça me plaît de faire un peu de déco ensemble. Je ne veux juste pas que tu te fatigues trop.

Il était assez inattendu de retrouver la blonde dans le rôle de "l'épouse attentionnée". Les choses avaient évolué avec le temps, drastiquement depuis qu'elle était avec Isaiah à vrai dire. Evidemment, elle ne deviendrait jamais la femme douce que sa mère était, parce qu'elles étaient intrinsèquement différentes. Mais elle avait plus d'égards pour Isaiah qu'elle n'en aurait jamais pour quiconque. Parce qu'elle aussi, elle était un peu le centre de son univers après tout, non ?

-Alors, qu'est-ce que tes collègues ont fait de beau ? Tu as pu les voir en avant-première toi ?

C’est vrai qu’Isaiah était du genre à dire oui à beaucoup de choses … Ce ne serait pas le cas lorsque Harper lui demandait d’avoir un téléphone portable lorsqu’elle aurait douze ans, cependant ! Mais pour des bonheurs purs et innocents comme l’envie d’avoir des animaux sculptés dans sa chambre, Isaiah n’allait quand même pas briser les projets de Siobhan. En plus, ce pourrait être éducatif, à travers tout ça. Ils trouveraient sans doute le moyen, Aisling et lui, de lui glisser quelques informations intéressantes à propos de cette faune qui envahirait sa chambre. Ils étaient en train de lister tous les animaux possibles, allant de ceux de la savane à ceux de la ferme, quand Aisling s’approcha d’eux et posa une main sur les cheveux blonds de sa fille, les ébouriffant au passage. Isaiah se redressa, tout souriant. « C’est vrai, il y a tout plein d’autres artistes qui ont fait de magnifiques sculptures. Ils ont fait tout un tas d’animaux, eux aussi, tu veux les découvrir ? » Isaiah se souvenait avoir vu un grand aigle sculpté sur une grande surface de verre. Il en avait été grandement impressionné et il espérait qu’ils le croiseraient pendant leur visite. Siobhan prit les devants dans le couloir et l’ébéniste en profita pour revenir auprès de sa copine, s’excusant d’avance pour tous ces projets qui prenaient vie. Il rit doucement en entendant le murmure d’Aisling dans son oreille. « Avec toutes les familles ici !? Là, on risquerait pas mal plus de réprimandes qu’au parc de la Big Mango … » Lâcha-t-il avec un sourire amusé, espiègle. Posant sa tête sur l’épaule du brun, la jeune femme affirma qu’elle ne lui en voulait pas pour son enthousiasme. « Ça ne me fatigue jamais de faire des choses pour les filles. J’adore voir leur émerveillement. Voir la vie à travers leur regard. Ça redonne espoir. » Il sourit en posant les yeux sur Harper qui regardait partout autour d’elle. « Je n’ai pas tout vu, j’aurai la surprise en même temps que vous pour certaines salles. Mais pour ce que j’ai pu voir … Il y a vraiment du talent dans la région. Je suis content que ce soit enfin mis de l’avant. » Pas que pour lui, mais bien pour tous ces artistes qui trop souvent, restaient dans l’ombre.

Siobhan sautillait, hochait la tête de haut en bas, enthousiaste à l'idée de découvrir d'autres animaux. C'était une passion qui animait souvent les enfants. Il faut croire que celle-ci n'avait jamais quitté Aisling. Mais elle était contente que ses filles s'intéressent aussi, peut-être que ça ne durerait pas, mais elle trouvait ça enrichissant, de s'intéresser à La Vie. Bon, il faudrait qu'elle se prépare au moment où elles réclameraient de vrais animaux, ce serait une autre paire de manche.

-Allons-y !

Se retrouvant contre son amoureux, elle rit quand il lui signala qu'ils risquaient bien des problèmes s'ils se sautaient dessus devant tout le monde. Evidemment, en réalité, Aisling n'aurait pas un comportement aussi déplacé ici. Elle resta silencieuse un instant alors qu'il argumentait n'être jamais fatigué de travailler pour les petites, et qu'elles lui redonnaient espoir. C'était assez rassurant, pour la blonde, qui avait vu le doute d'Isaiah au début de sa grossesse -enfin, quand il ne savait pas, pour sa grossesse. Même si elle savait que les choses avaient été balayées au moment où elle avait fini par lui avouer les choses, et d'autant plus au moment de la naissance d'Harper, elle ne crachait pas la démonstration de ses sentiments et de ses convictions. Elle serra tendrement sa main dans la sienne.

-Tu dis ça, mais travailler ça fatigue quand même, peu importe pour qui c'est.

Elle glissa son regard bleu dans le sien.

-Alors fais attention.

Aislign sourit et acquiesça d'un signe de tête alors qu'Isaiah ventait le mérite de ses homologues artisans. Elle aussi était contente que la profession de son cher et tendre soit mise en avant. Et que ça puisse faire une animation pour tous, malgré la climatisation. Ils continuèrent d'avancer ensemble, Aisling jouant avec Harper, la faisant gesticuler dans le porte-bébé.

-Hâte de découvrir ce que savent faire les collègues de papa ? Oui ?

C’était tout ce qu’il manquait dans leur chez-soi, un animal de compagnie. Isaiah ne serait pas contre la présence d’un chat ou d’un chien, ou les deux, ou un peu plus que tout ça. Il aimait énormément les animaux et il savait bien sûr qu’Aisling aussi, encore plus même. Il se souvenait qu’elle avait un gros chien de berger, un gros toutou blanc, avant qu’elle ne quitte pour l’Australie. Elle lui en parlait souvent et même si ce chien n’était plus de ce monde aujourd’hui, dix ans plus tard, il savait que ce toutou continuait de manquer à Aisling. Si les filles commençaient à réclamer un animal, ni Aisling ni Isaiah ne seraient capables de résister longtemps. Ils en voudraient un autant qu’elles. C’était à se demander pourquoi le pas n’avait pas déjà été franchi.

La blonde s’inquiétait de la quantité de travail que réalisait Isaiah, et du surplus qu’il était en train de se mettre en plus avec les projets pour les filles. Lui ne le voyait pas de cet oeil-là, lui se voyait infatigable lorsqu’il était question de ses passions. Mais Aisling avait raison, le surmenage, c’était pour tout le monde. « Je vais faire attention. Promis. Si je vois que tout ça c’est trop, je couperai à quelque part. » Il ignorait où il couperait, c’était là tout le problème. Isaiah se mettait peut-être une pression inconsciente, de mener à terme tout ce qu’il entreprenait. Pour le moment il n’en fut pas davantage perturbé, souriant alors que Harper répondait aux questions de sa mère avec de petits cris de joie et des rires. Ils passèrent devant la petite salle de projection de courts-métrages. Il consulta l’horaire. « Il y a un petit film animé de Noël dans cinq minutes. Ça vous dit ? » Proposa-t-il. Cela ferait une petite pause aux filles, aussi. Il ne doutait pas qu’elles appréciaient l’art sur les murs, mais ce serait peut-être un divertissement plus de leur âge.