drugs may kill you but they will never break your heart. (percy)

drugs may kill you but they will never
break your heart

tw : alcool, drogues.

La fin de la journée, c’était le bon moment pour aller faire ses courses au terrain abandonné. L’âme égarée, Effy était venue traîner aussi après avoir pris contact avec l’un des dealers qu’elle connaissait bien. Ce terrain vague, peu accueillant aux yeux du commun des mortels, avait presque la saveur d’un chez-soi pour la jeune fille. Elle l’avait déjà hanté de nombreuses fois, de jour comme de nuit, guère effarouchée par la réputation du lieu, ni par les gens qui le fréquentaient. Y avait rien de bien méchant par ici, au final. Juste des esprits paumés. Ou bien ceux qui ne se posaient même pas la question. À cette heure-ci, pas mal de jeunes en âge d’être encore à l’école secondaire venaient ici, après les cours, quelques universitaires aussi. Si cet endroit paraissait glauque et insécurisant pour la norme, eux, ils se retrouvaient entre marginaux, comme on retrouve des amis à son bar favori. Les deals, ils se faisaient dans le centre-ville aussi, mais ici, entre les hautes herbes et les carcasses de voitures, il régnait une autre ambiance. Presque un esprit de communauté. Ils évoluaient en microcosme, comme un minuscule pays dont ils auraient établi les règles. Certains étaient seulement de passages, d’autres des résidents depuis des années, d’autres encore revenaient après une longue absence, comme ça avait été le cas pour l’Anglaise, qui avait déserté le terrain abandonné durant quelques mois, à une époque. Elle y faisait des apparitions beaucoup plus récurrentes ces derniers temps. Après avoir fait la bise à quelques connaissances, empoché un bon paxon de weed chez l’une, puis quelques pilules d’ecsta chez un autre, s’être posée pour fumer un peu de ses achats, et boire généreusement de sa fiole de vodka, Eff’ avait enfin levé l’ancre. Il faisait presque noir, maintenant, la luminosité dangereusement basse le long de la route même si les quelques derniers rayons de soleil n’avaient pas encore dis leur dernier mot, habillant le ciel de couleurs pastel au loin, virant progressivement vers le bleu nuit. Les yeux rougis par les substances, la tête un peu embrumée par les liqueurs, Effy marchait le long de la route, à distance raisonnable du bitume, mais levant le pouce quand elle entendait le ronronnement d’un véhicule s’approcher.

Les journées se faisaient de plus en plus longues, puisque le Wojna’s ne se remplissait pas beaucoup en ce début d’année. Tu avais un peu lâché du lest, prêt à te détacher un peu du bar pour prendre du temps pour toi. Entre tes entrevues avec Tahlia, ta randonnée avec Hugo, t’avais décidé que cette année, tu penserai à toi avant de penser au travail. Et c’est pas plus mal que ça arrive. Il ne fallait pas que tu sois à la limite du burn-out et que tu envoies tout balader. Ça serait dommage.

Aujourd’hui, t’en avais profiter pour faire une petite balade en moto. Ça faisait longtemps que tu n’avais pas pris du temps seul à seul avec toi-même sur ton deux roues. Et tu avais arpenter la ville ainsi, toute l’après-midi. Tu étais même aller un peu plus loin, histoire de ne pas rentrer plus tôt chez toi. Et au final, tu avais surement bien fait. Lorsque tu passais près d’un terrain vague que tu connaissais bien, tu voyais une jeune femme marcher en titubant sur la route. C’était un peu dangereux. Tu savais qui étaient les personnes qui venait par ici. Des camés, des sans-abris, des alcooliques et on en passe. Mais cette silhouette te rappelait vaguement quelqu’un. Une brune, le corps frêle, des vêtements que tu connaissais. Ça ne pouvait être qu’elle. « Effy ? » demandas-tu en t’arrêtant à son niveau. Tu enlevais la visière de ton casque pour qu’elle puisse t’entendre comme il faut avant de reprendre. « Qu’est-ce que tu fais ici ? Mais ça va pas, c’est hyper dangereux ! » dis-tu totalement inquiet pour la britannique. Tu connaissais bien la Shepperfield, étant ami avec son frère depuis des années. Tu avais pris soin d’elle, du mieux que tu pouvais, mais ça faisait longtemps que tu ne l’avais pas croisé dans la ville.

Le vrombissement d’un moteur bruyant s’approcha, alors qu’Effy faisait lentement volte-face avant qu’il ne la dépasse. À la place, le bruit s’apaisa petit à petit en arrivant à sa hauteur, alors qu’une moto se rapprochait du bord de la route pour la rejoindre. Elle transperça la vitre fumée d’un casque de son regard azur, un sourcil haussé, se demandant qui se proposait comme taxi providentiel avant même qu’elle ne lève le pouce. Elle aurait dû s’attendre à ce que le conducteur soit Percy, prêt à lui passer un savon. Elle reconnaissait ce ton, bien trop autoritaire à son goût, celui qu’on reconnaissait chez les grands frères. La jolie brune n’avait beau avoir aucun lien de parenté avec l’Anglais, il la connaissait depuis l’enfance, et elle le considérait presque légitime de l’apostropher de la sorte. Son frère et lui avaient passé tellement de temps ensemble à l’époque où ils vivaient encore tous trois à Bristol, qu’il était de la famille. « Tu vas me ramener dans le centre ou tu t’arrêtes juste pour m’engueuler ? » le coupa presque la brunette, le ton insolent, même si une lueur amusée brillait dans ses iris au bleu infini. Si Percy se permettait de lui faire des remontrances comme à une gamine mal élevée, il en allait de même dans l’autre sens : la jeune fille n’avait aucun scrupule à le remballer comme elle l’aurait fait avec Zach. L’air blasé, autant que défoncé, Effy n’avait toutefois pas de mal à fixer le garçon, attendant une réponse, son visage marqué de ces traits d’une impertinence moqueuse. Il allait être fâché. Mais Eff’ avait passé le stade de s’en inquiéter. Enfin, si ça avait même un jour été le cas.

Une fois arrivé à hauteur de la silhouette que tu avais vu plus tôt, tu enlevais ton casque pour pouvoir lui parler. C’était bien elle, Effy, la petite soeur de ton pote Zach. Tu avais promis à ce dernier d’essayer de veiller sur elle, ça avait marché pendant un temps mais maintenant, d’après ce que tu voyais, tu avais foiré ta mission. Elle titubait sur le bord de la route à faire du stop dans un endroit peut fréquentable. Tu posais la moto sur le côté, en prenant soin de mettre le cale-pieds, avant de reporter ton attention sur l’anglaise. « Premio, j’m’arrête pour t’engueuler, ouais » dis-tu en posant ton casque sur la selle de la moto. Tu reprenais ton regard sur elle, les sourcils froncés. « J’croyais que t’avais fini avec ses conneries, il t’arrive quoi là ? » demandas-tu à la brune, le ton de la voix un peu inquiet. Elle était comme une soeur pour toi, la soeur que tu n’avais jamais eu en fait, toi qui était entouré de petits frères. C’est donc pour ça que tu t’inquiétais tant pour la jeune Shepperfield. « Deuxio, oui j’vais te ramener dans le centre, chez moi » soufflas-tu en allant chercher un deuxième casque dans le coffre de la moto. Tu lui mettais sur la tête avant de mettre le tien pour repartir dans le centre de la ville. Et évidemment, tu n’allais pas la laisser aller n’importe où, puisque tu comptais bien la ramener chez toi pour discuter et qu’elle soit un peu plus sobre avant de la lâcher dans la jungle de Bowen.

Avant de réajuster son sac sur l’épaule, elle prit soin de voler une dernière gorgée de vodka à sa fiole, pour ensuite enfourcher la moto, parée d’un petit sourire amusé, l’Anglais lui mettant le casque de moto comme à une enfant turbulente. Provocatrice, voilà ce qu’elle était. Tellement bercée des poisons dans lesquels elle se baignait, Effy n’avait plus envie d’afficher un air morose, plus le temps de s’inquiéter des choses. Et elle affichait une telle insolence muette mais bien palpable, qu’elle n’aurait même pas été surprise que Percy la jette de sa moto. C’était peut-être ça le but, d’ailleurs. S’en foutre de tout et de tout le monde jusqu’à ce qu’on s’en fiche d’elle aussi. « Okay, daddy. » soupira-t-elle, yeux au ciel dans une révérence cynique, sans pour autant se départir de son air guilleret. Elle avait l’air de se foutre de la gueule du monde, en vérité, quelque part, elle était probablement heureuse que Percy ait croisé son chemin. S’accrochant à la taille du garçon, elle laissa le vrombissement apaisant du véhicule emmener son esprit ailleurs, jouer avec le vent qui claquait contre leurs vêtements. Après ce trajet qui lui parut court, alors que sa tête était pour une fois vide de pensées tourmentées, elle parvint à mettre le pied à terre et se retrouver sur ses deux jambes sans trop de mal. Elle aurait bien décidé de tracer sa route à elle à partir de ce moment, mais elle se doutait que Percy n’allait pas la laisser s’échapper aussi facilement. Aussi attendit-elle, quêtant sa réaction quant à la suite des choses, l’expression aussi décontractée que si elle l’attendait pour aller boire un café.

T’avais promis à son frère de prendre soin d’elle, quand il avait appris que tu serais à Bowen et que tu t’installais définitivement là-bas. Effy était du genre à virevolter dans tous les sens du terme. Tu connaissais sa passion pour les drogues et la fête et tu faisais tout ce que tu pouvais pour l’aider à se sortir de là mais des fois tu te demandais si elle avait envie de se sortir de ça. « Arrête d’être aussi cynique » dis-tu en levant les yeux au ciel. Tu lui filais un casque qui avait dans ton coffre de moto et tu l’invitais à monter sur cette dernière. La jeune femme s’exécutais et vous voilà entrain de vous diriger dans le centre de Bowen. Tu pris la route jusqu’à chez toi, au moins tu savais que là-bas elle ne pourrait pas faire de connerie et qu’il n’y aurait pas de tentation. En l’espace de 20 minutes, vous vous trouvez devant chez toi. Tu arrêtais la moto, tu attendais qu’elle descende pour faire de même et garer ton engin dans le garage. Tu enlevais ton casque, tu récupérais le sien que tu mettais avec la moto et vous rentriez dans la maison. « T’as faim, soif ? » demandas-tu à la jeune femme.

« Life is cynical. » rétorqua la brunette dans un haussement d'épaules nonchalant, comme si c'était la vie, le problème. Enfin, à ses yeux, ça l'était. Clairement, le héros du jour n'était pas d'humeur à jouer au plus malin aujourd'hui, mais Effy n'en démordait pas, répondant du tac au tac comme elle en avait l'habitude, sans s'embarrasser d'une attitude facile à vivre. Une fois arrivés à destination, la jeune fille descendit de la moto, son équilibre heureusement encore trop peu compromis par les substances illicites que pour qu'elle se ramasse sur le béton. Elle avait juste l'air un peu arrogant, affichant cette nonchalance non dissimulée, et sans doute son mépris pour les êtres humains en général ces derniers temps. Elle secoua la tête pour répondre par la négative quand il lui demanda si elle avait faim, et sortit sa flasque de vodka qu'elle leva vers le ciel pour répondre à la question de la soif, signifiant par ce geste qu'elle avait tout ce qu'il lui fallait en termes de boisson. Il allait encore l'engueuler, sûrement. Pour tout dire, Percy avait la patience d'un saint, sur ce coup-là. Car l'Anglaise n'avait aucune intention de redescendre de son nuage aujourd'hui. Ni d'arrêter de narguer le monde entier. « Va pas faire un compte-rendu à Zach après, hein, il va encore me péter une durite. » rappela-t-elle en amenant son frère, ami d'enfance de Percy, dans la conversation. Toujours avec ce flegme qui la caractérisait, ses prunelles azurées ses baladant avec l'insouciance d'une petite fille sur les meubles qui habillaient la maison, ses doigts fins venant soulever un livre, soupeser un bibelot, comme si elle était dans un musée. Et sans la moindre trace d'embarras.

Tu levais les yeux au ciel quand Effy te répondait que la vie était elle-même cynique. C’est elle qui la voyait comme ça, pas toi. Elle avait ce don de voir tout du mauvais côté, de ne jamais être heureuse. Alors que tu savais qu’elle le méritait, qu’au fond d’elle, c’était une femme aimante et qu’elle serait heureuse si elle se donnait un peu plus de mal. Tu lui proposais quelque chose à manger ou à boire une fois que vous étiez arrivé chez toi. Elle levait sa flasque pour te montrer qu’elle n’avait besoin de rien. « C’est sûr que ça, ça va t’aider » soufflas-tu de manière ironique. De ton côté, tu commençais à allumer la machine à café pour t’en faire un. « Alors j’ferai un compte rendu à Zach si j’ai envie et puis, pourquoi tu te mets dans cet état-là, hein ? » demandas-tu simplement à la brune. Tu faisais ton café, puis tu t’installais autour de l’ilot de ta cuisine en regardant l’anglaise. Elle méritait tellement d’avoir une belle vie, tu le savais. Effy, tu la considérais comme ta petite soeur, t’avait envie de l’aider autant que tu pouvais, mais tu ne pouvais pas l’aider si elle n’en avait pas envie, ça c’est sûr.

Malgré l'ironie de Percy, la jeune femme hocha la tête avec un sérieux non feint, malgré la pointe de sarcasme désabusé dans sa voix. « Jusqu'ici, ça l'a fait, ouais. » répliqua-t-elle tout en continuant son petit tour du propriétaire, d'un pas distrait. Elle rejoignit néanmoins l'Anglais dans la cuisine peu après, alors qu'il lançait du café, prenant place face à lui autour de l'îlot central. D'abord, la jolie brune fronça les sourcils, presque contrariée - si elle avait eu l'esprit assez affûté en ce moment pour l'être - quand il lui répondit qu'il dirait bien ce qu'il voudrait à l'aîné des Shepperfield. Ils en avaient pas marre, ces deux-là, à toujours se comporter avec elle comme si elle était un cas désespéré, incapable de survivre par elle-même ? La brunette baissa néanmoins son regard clair quand Percy lui demanda pourquoi elle faisait ça. Silence. Elle releva le bleu impénétrable de ses iris vers lui. Prise d'un élan de douceur inopiné, sans qu'on sache trop pourquoi - peut-être parce que Percy avait toujours beaucoup compté pour elle, presque autant que son frère -, la jeune Britannique saisit soudain les mains de son ange-gardien entre les siennes. « Est-ce que toi et l'abruti qui me sert de frère, vous allez un jour arrêter de me prendre pour un oisillon tombé du nid ? » Elle avait prononcé ces mots d'un ton aussi franc qu'ouvert, aucune impertinence ni sarcasme ne venant plus s'y glisser. Le seul bleu océan de ses yeux aussi profonds que ces derniers, tout à coup focalisés sur Percy, cillant à peine, témoignait de la sincérité de sa question. Elle enchaîna toutefois avant qu'il ne puisse répondre. « Je suis déjà arrivée jusque-là, je pense que j'mérite quand même un peu de crédit. » Si objectivement, quand elle le voulait bien, la jeune fille pouvait comprendre l'inquiétude de son frère, et de celui de substitution, elle tenait quand même à pointer du doigt le fait qu'elle s'en était sortie jusqu'ici. Miraculeusement peut-être, elle avait atteint les vingt-six ans déjà. Et si elle était bien loin d'être un modèle de vertu, elle aurait aimé qu'on reconnaisse qu'elle savait faire autre chose que des conneries. Et se maintenir en vie, par la même occasion. Bien qu'elle puisse admettre qu'elle n'avait pas toujours œuvré en ce sens.

Tu soufflais bruyamment à la réponse d’Effy. « Vachement bien, ouais » dis-tu simplement avant de te faire couler un café. Elle était comme ta petite soeur, tu voulais prendre soin d’elle, l’aider. Peut-être parce que tu fais la même chose avec Kay, qu’ils ont quasiment le même âge et qu’elle te le rappelle un peu. Tu levais les yeux au ciel et tu récupérais ton café. Avant d’en boire une gorgée, en soufflant dessus, tu lui répondais. « Peut-être quand tu arrêteras d’agir comme un petit oisillon tombé du nid, Zach et moi on arrêtera de te surprotéger, hein » dis-tu en mettant la tasse de café à tes lèvres. Tu t’étais assis devant le comptoir de la cuisine, laissant la britannique se mettre où elle voulait et tu la scrutais. Chacun de ses mouvements étaient analysés. T’avais trop peur qu’il lui arrive quelque chose, c’est bien pour ça que tu l’avais récupéré de ce terrain abandonné un peu plus tôt. « T’aurai pu mieux t’en sortir » dis-tu en insistant sur le milieu de ta phrase.