We watch as our young hearts fade + Penelope

Ils étaient fusionnels à l’époque de leur rencontre, il y avait ce truc, cette attirance, plus que physique, cette reconnaissance, c’était difficile à expliquer, encore aujourd’hui quand Marcus y pensait ça lui collait des frissons. Penelope et lui étaient rapidement devenus inséparables, elle avait occulté toutes les autres, lui qui ne croyait pas forcément à l’amour, celui avec un grand A, il s’était pris une claque avec elle. A l’époque ils se tiraient vers le haut, quand l’un riait, l’autre suivait, quand l’un avec un coup de mou, l’autre lui remontait le moral, un seul sourire de la blonde suffisait à le désarmer et il était persuadé que la réciproque était vraie. On avait tenté de lui faire comprendre qu’il avait peut-être tout exagéré, que l’amour l’avait rendu aveugle, après le départ de Penny, ceux qui trouvaient leur couple parfaitement assorti avaient changé de discours, la faisant passer pour une fuyarde et lui pour un pauvre idiot. La vérité étant surtout que tout n’était pas tout rose, il y avait toujours une part d’ombres, s’ils s’étaient aimés, ça il ne voulait pas y renoncer, Marcus avait réalisé que celle qu’il aimait avait une part d’ombre qu’il n’avait jamais vraiment voulu voir, une faille, qui s’était agrandit au fur et à mesure du temps. Ce n'était peut-être de la faute de personne, c’était en elle. Et lui avait juste fait l’erreur de croire que leur amour suffirait, envers et contre tout. Aujourd’hui tout était différent, le temps avait fait son œuvre, grapillant sur la candeur, il avait fait de Marcus un homme blessé et dur, derrière le masque du barman sympa se cachait l’amertume, la peur, la douleur. Et ce soir s’il déteignait sur Penny, ce n’était plus son rire qui était contagieux, mais cette colère sourde qui emportait tout et qui leur ressemblait si peu. Finalement elle ne fut que de passa, elle avait fait ses ravages, comme une tempête, pour les laisser vides tous les deux, vides et tristes. Cette tempête avait été probablement nécessaire, après tant d’années de secrets et de silences, mais à présent, que leur restait-il ? Penny baissait les yeux, c’était comme si un poids trop lourd affaissait ses frêles épaules, alors qu’elle aurait dû se sentir soulagée de ne plus rien avoir à lui cacher. Maintenant qu’il savait, est-ce qu’elle culpabilisait davantage ? Il ne s’attendait pas à une réponse particulière de sa part, il savait ce qu’elle avait dû faire. Seule. Pour ce que ça vaut, je ne suis pas un père non plus. Mais si cet enfant avait été de lui ? Et si elle en avait voulu ? Et s’il n’y avait pas eu cet autre ? Trop de questions sans réponses, inutiles. Je suis désolé, Penny, que tu aies eu à traverser ça toute seule. C'est sûrement plus facile à dire, dix ans plus tard. Et ça n'enlève rien au fait que t'as tout gâché. Mais c'est le genre d'épreuve qu'une femme ne devrait pas vivre seule. Il desserrait son étreinte petit à petit, jusqu’à ce qu’elle s’en échappe, naturellement et lui retourna derrière son bar, tout aussi naturellement. Il laissa se dessiner un sourire las quand elle voulu payer pour le verre. C’est le genre de verre que je ne fais pas payer. Elle n’avait jamais rien payé dans ce bar, dès la première fois qu’elle était entrée, il avait toujours refusé son argent, ce soir ne ferait pas exception. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Qu’il hasarda en astiquant son bar, se sentant soudain terriblement seul alors qu’elle n’était toujours pas partie.

Sûrement que si Marcus était tombé amoureux d’une femme ayant un désir d’enfant il n’aurait pas dit non, même si ça ne faisait pas partie de ses rêves, il aurait probablement accepté, parce qu’après tout on tombe amoureux, on vit ensemble, on se marie éventuellement et on fait des enfants, la société nous conditionnait de cette façon alors il aurait sûrement suivi le mouvement et il n’en aurait pas été malheureux. Peut-être aurait-il été un bon père, on disant qu’il était sympa avec les enfants, mais il n’aurait alors pas eu le même train de vie, il aurait dû être plus raisonnable avec les heures passées dans son bar, il aurait dû faire attention à sa consommation d’alcool. En gros il se serait assagit, pour une vie de famille qui ne le faisait pas forcément rêver. En soi, quand il y pensait, sans penser à la douleur d’avoir perdu Penny, il ne détestait pas sa vie actuelle, au contraire. Le barman remarqua les regards hésitants de la blonde, ceux qui lui semblaient même craintifs, aurait-elle peur de lui à présent ? Maintenant qu’il lui avait dévoilé le pire de lui-même ? Quelque part ça le mettait sacrément en rogne, parce qu’elle l’avait trompé, elle lui avait caché sa grossesse, elle avait fui, le laissant misérable. S’il était cet homme en colère aujourd’hui, s’il abusait de l’alcool pour se sentir mieux, c’était entièrement de la faute de Penelope. Elle était responsable et pourtant c’était lui qui pardonnait et elle qui n’arrivait plus à le regarder dans les yeux, elle qui n’acceptait pas celui qu’il était devenu. Il n'ajouta rien de plus, ce soir il n’y aurait pas de tendresse, pas de fougue, pas de moment d’intimité volé au destin, ce soir c’était la fatalité qui gagnait contre les restes d’amour qu’il restait encore. Marcus n’avait pas envie de faire d’effort, et les mots de Penny n’aidèrent pas. Il se servit un nouveau verre alors qu’elle remontait son sac sur son épaule. Ne sois pas désolé, on les a signé ensemble ces papiers, il fallait bien que ça arrive tôt ou tard. En vérité il ne savait pas pourquoi elle était désolée et il s’en moquait à ce moment-là. Il la regarda s’éloigner jusqu’à ce qu’elle le retienne une dernière seconde, il releva à peine la tête, ses yeux la regardaient à travers ses cheveux fous qui lui barraient le visage. Il hocha la tête. La bouteille sera toujours là. Enfin, celle-ci pas sûr, mais il en gardait d’autres en réserve. Aurait-elle le cran de revenir ? L’avenir le leur dirait. Lorsque la porte se ferma le barbu baissa à nouveau la tête, lâcha un long soupire et attrapa son verre fébrilement, il le vida d’une traite, la gorgée lui brûla l’œsophage mais ce n’était rien comparé à la douleur qui envahissait tout son être. Il ferma les yeux pour tenter de se calmer puis fini envoyer valser tous les verres, les tasses à café et les soucoupes qui attendaient d’être rangé face à lui. FUCK !! Puis il se retourna et renversa toute l’étagère de pintes derrière lui, le verre se brisait avec fracas sur le sol mais ce n’était rien comparé à la tempête qui envahissait son être, c’était lui qui se brisait maintenant qu’il était seul.

Fin