a drop in the ocean (tahlia)

Les fêtes sont passées. Cela faisait deux ans que je ne les avais pas passées avec ma famille, et cela m’a fait un bien fou. Retrouver mon cocon familiale, et qui plus est pour la première fois aux côtés de Concho, qui se remet doucement de son accident, avait été doux. D’ailleurs, c’est le sentiment qui m’anime en ce début d’année. Une sérénité bienvenue. Cela fait presque bizarre d’avoir à l’horizon cette mer d’huile, sans vagues, paisible, devant soi. En particulier après le raz de marée qui avait traverser notre fin d’année.
Assise dans le sable, un pantalon ample que j’ai ramené d’un voyage au Népal et un haut fluide en lin sur le dos, je me laisse bercer par les murmures doux du ressac. Horseshoe’s bay, au début de la matinée, n’est pas très peuplée. Après une ballade sur le front de mer, j’ai envoyé un sms à mon amie Tahlia pour qu’elle me rejoigne, histoire de partager un moment avec moi. Peut-être irions nous, plus tard, prendre un café…ou bien, n’importe quelle autre boisson que j’ai le droit de boire, maintenant que je suis enceinte. J’ai encore du mal à me faire à ça, à savoir ce que je peux ou ne peux pas ingurgiter pour le bien de mon bébé. Neuf semaines, ça veut dire que je commence mon troisième mois et ça me fait tout drôle. En dehors de ma soeur Polly, Tahlia a été une des première à qui j’ai confié ma grossesse. Conchobáhr lui-même n’était pas encore au courant à ce moment-là. C’était le lendemain de l’accident, Concho se trouvait encore dans le coma et quand Tahlia était venue le voir à l’hôpital, j’avais fondu en larmes dans ses bras et lui avait tout raconté. Depuis, un lien impalpable semblait nous rapprocher, j’avais le sentiment de pouvoir le reposer sur elle et son expérience de jeune maman, ce qui n’était pas peu de chose quand on se trouve dans une période de chamboulement comme celle-ci.
En attendant mon amie, je sors mon smartphone et capture le paysage en face de moi. Un paysage que je connais par coeur et qui m’a vue grandir et qui m’apporte une agréable sérénité aujourd’hui. Je ne sais pas pourquoi j’éprouve ce besoin d’immortaliser ce moment, comme s’il me fallait un souvenir de cet instant paisible. Au bout de quelques minute, je vois la silhouette de la colloc de Conchobàhr au loin. Un sourire se dessine sur mon visage quand elle approche. « Tahl ! Ca me fait plaisir de te voir ! »

@tahlia wates

En recevant le sms de Pippa, ce matin, lui proposant de la rejoindre à la plage, Tahlia n'avait pas hésité un instant. Leur amitié était toute récente et c'était d'ailleurs étonnant en y regardant de plus près. Elles avaient le même âge, étaient toutes les deux nées à Bowen, avaient côtoyé de près Juliann. Mais il avait fallu attendre que Pippa se mette en couple avec Concho, que le jeune homme ait cet accident et que ce bébé prenne place dans le ventre et la vie du jeune couple pour que Tahlia et Pippa échangent autre chose que des banalités. La brune avait rapidement deviné la grossesse de Pippa. Alors que Concho était à l'hôpital, elles avaient passé de longues minutes, de longues heures ensemble et il y avait des signes qui avaient alerté Tahlia.Elle était passée par là, elle aussi. Elle espérait repasser par là, aussi, mais c'était une toute autre histoire. Alors, pour l'instant, elle vivait le bonheur par procuration, au travers des grossesses de ses amies. Après avoir déposé Thaïs chez la nounou, la brune prit la direction de la plage à pied. Elle ne mit pas longtemps à apercevoir la silhouette de la blonde, la plage étant encore bien vide à cette heure-ci. Arrivée à sa hauteur, elle lui rendit son sourire : "ça me fait plaisir aussi ! Ton sms tombait à point ! Tu m'as sauvée d'une matinée à traiter des papiers." Le côté un peu trop bordélique de Tahlia, qui attendait toujours le dernier moment pour tout remettre au clair. Elle s'installa à ses côtés. "Comment tu vas ? Enfin, comment vous allez ?" demanda-t-elle avec un petit sourire complice.

J’en suis encore au point où je prends mes marques, où je me lève le matin et me rappelle soudain qu’un petit être grandit dans mon ventre. Rien n’est perceptible encore, à peine un petit bump au niveau de mon ventre. Je me sens peut-être plus fatiguée qu’à l’accoutumée, et il m’arrive d’avoir quelques nausées, mais rien de réellement significatif. Pourtant, mon enfant est bel et bien là. Je ne réalise pas encore bien ce que cela signifie, ni ce que cela impliquera dans ma vie future, et je dois avouer que cela me rassure d’avoir autour de moi des femmes déjà mamans, comme Tahlia. Je souris à mon amie quand elle approche, puis ris à son commentaire. « Je suis heureuse de t’avoir sauvée d’une matinée mortellement ennuyeuse alors ! » je réplique en ricanant joyeusement. J’ai horreur de la paperasse, je peux donc parfaitement comprendre qu’on ai envie d’y échapper, pour moi aussi toutes les occasions sont bonnes pour s’extraire de ce type d’activité. Mon regard accroche celui, complice, de Tahlia quand cette dernière me demande comment nous allons, moi…et mon bébé. C’est étrange de se dire qu’on est deux maintenant, et que cet être fera toujours partie de moi, quoiqu’il se passe. Même quand il aura 18 ans et qu’on le conduira Concho et moi à son appart étudiant. Mon dieu, cette simple idée me donne le vertige. « On va bien, c’est…encore difficile de d’imaginer que d’ici, quoi…? sept mois ? j’aurais le bébé de Concho dans les bras, et en même temps, ça me semble la chose la plus naturelle du monde. » Je m’arrête un instant, le regard tourner vers l’horizon, rêveur. « C’est dingue ce paradoxe. J’ai l’impression que ça arrive à un moment de ma vie où tout est aligné, où je suis prête et d’un autre côté…ça fait drôle »

Effectivement, elle l'avait sauvée d'une matinée mortellement ennuyeuse et son rire lui montrait à quel point elle lui était redevable.Mais surtout, c'était aussi l'occasion de passer un peu de temps avec Pippa, de parler de sa grossesse, de la maternité et de tout ce qui en découlait. Quand elle avait appris la grossesse de Pippa, à un moment plus que sombre pour le couple que la blonde formait avec Concho, Tahlia avait vu une note d'espoir. C'était le petit signe de la vie qui disait que même dans les moments les plus obscurs, il y avait toujours de quoi se relever. Elle était si heureuse pour Concho. Concho qui allait pouvoir vivre une vraie grossesse avec une femme qu'il aimait, qu'il pourrait soutenir au quotidien. Elle écouta Pippa avec attention, esquissant un sourire attendri en entendant ses mots. « Quand on trouve la bonne personne, tout semble plus naturel. » Et ils s'étaient bien trouvés, tous les deux. Ils avaient mis du temps pour construire quelque chose, mais maintenant, c'était solide et durable. Elle les voyait finir leur vie ensemble. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas vu Concho aussi heureux. Et c'était ce qui comptait le plus pour Tahlia. La brune regarda son amie alors qu'elle lui avouait ce paradoxe d'être à la fois prête et que ce soit si étrange à la fois. « C'est normal, Pippa. Je veux dire, pour toi, c'est l'inconnu tout ça. Je ressentais la même chose quand je suis tombée enceinte de Thaïs. Pourtant, ce n'était pas prévu, on n'en était pas là avec Carter, mais quand je l'ai su, je ne sais pas, c'était la pièce manquante au puzzle. J'avais l'impression de voir ma vie se stabiliser enfin...et en parallèle, j'étais apeurée. J'avais peur de ne pas savoir m'y prendre, de ne pas être une bonne maman, de flipper pour la moindre chose. Mais c'est normal. » la rassura-t-elle. « Je te dis ça, mais maintenant que Thaïs est là, j'ai toujours le même sentiment. Faut pas oublier de se dire qu'on apprend aussi à être parent. Eux, ils grandissent, mais nous aussi. Il faut apprendre à être tolérant envers nous-même. » Elle marqua un temps d'arrêt et dit : « Je sais que vous allez faire de supers parents, tous les deux. Pour Concho, je le sais déjà parce que je le vois faire au quotidien avec Lara et Maxwell. Mais je sais que ce sera aussi le cas pour toi. »