You can't regret what you don't decide || Elijah

Ce soir, Jonathan a rendez-vous avec son neveu Elijah. Ils leur arrivent parfois de se donner rendez-vous pour boire un verre ou encore un café. Son neveu, il s'en est beaucoup occupé suite au départ de son frère Isaac, le père d'Elijah. C'est peut-être stupide mais c'est comme si Jonathan se sentait responsable de ses neveux et de sa nièce suite au départ d'Isaac. Jonathan n'avait pas à s'occuper d'eux, surtout qu'il était lui-même seul avec trois jeunes enfants. Jonathan a toujours eu ce côté familial, il a toujours ressenti le devoir de s'occuper des gens autour de lui. Peut-être qu'il en a justement fait trop, qu'il s'en est toujours trop mis sur les épaules. C'est probablement le pire défaut de Jonathan...

Rendez-vous donné à 19 h chez Hendrix, Jonathan est bien à l'heure. Il entre à l'intérieur de l'établissement et s'installe à une table. Il profitera de cette rencontre avec son neveu pour essayer de lui faire comprendre certaines choses au sujet de sa mère qui s'en fait pour lui. Les parents s'en feront toujours pour leurs enfants même si ceux-ci sont adultes. Jonathan aussi s'en fait beaucoup pour ses fils. Ses fils n'habitent plus avec lui, son plus jeune a décidé de partir en appartement dernièrement. Jonathan n'était pas pour l'en empêcher. Ses fils font leur vie mais ils savent très bien qu'ils peuvent revenir à la maison n'importe quand. Jonathan sera toujours présent pour ses fils, le jour comme la nuit.  

18h30. Si j'vous dis que je suis encore en boxer sur mon lit, que j'suis absorbé par l'écran de ma switch et que j'ai rendez-vous dans trente minutes avec mon oncle et que je vais clairement être en retard, c'est bon pour vous ? Heureusement, j'suis un malin, j'ai mis une alarme sur mon réveil, au cas où j'oublierais. Et forcément, lorsque je vois la notification sur mon écran de téléphone, je sursaute. "Merdeee!" Ma voix a claquée dans le silence de ma chambre. Ni une ni deux, je sauvegarde ma partie d'Animal Crossing (aucun jugement s'il vous plait) et je me mets en action. J'passe sous la douche en trois minutes, j'enfile un jean, un hoodie noir, une paire de Vans et j'quitte l'appartement mon skate sous le bras. J'prends pas la peine de dire au revoir à Alexis, je sais pas trop si elle est là et de toute façon, en ce moment, c'est un peu l'ère polaire entre nous. La faute à .. non j'ai pas envie d'y penser. Pas maintenant.

Si je me débrouille bien, je serais à peu près à l'heure. J'arpente les rues à toute vitesse sur mon skate et finalement j'atteins le Hendrix avec seulement dix minutes de retard. Je rentre dans le bar à la recherche du mon oncle. Je sais que Tonton Jo est toujours ponctuel. Cet homme, c'est comme mon père. J'me suis souvent dit que j'aurais préféré que ce soit lui, mon père, plutôt que l'autre là. Je l'aperçois, j'lui adresse un signe de la main et m'approche de la table avec un grand sourire. J'lui donne un accolade ferme et remplie d'affection. J'm'assois à côté de lui. "Waa, désolé du retard Tonton, j'ai donné mon max pour ne pas être trop à la bourre." J'lui souris. "J'suis content d'te voir tiens, comment ça va?" C'était toujours agréable de passer du temps avec lui. Pour être honnête, c'est lui qui m'avait presque élevé, il avait été tellement présent lorsque mon père s'était barré.

Jonathan a trois fils et il considère ses neveu et sa nièce aussi comme ses enfants. Quand son frère a abandonné sa famille Jonathan s'est senti responsable de ceux-ci alors qu'il n'était pas obligé. Jonathan a toujours été un homme avec un grand coeur. Il a toujours fait passer le bonheur des siens avant son propre bonheur. Peut-être qu'il aurait dû penser un peu plus à lui mais il ne l'a jamais fait. Si les gens autour de lui ne sont pas heureux pourquoi est-ce qu'il pourrait être heureux? Jonathan est un être qui peut parfois être difficile à cerner, à comprendre. Jonathan ne comprendra jamais ce que son frère a fait. Il ne comprendra jamais comment un homme peut tromper sa femme et encore moins comment un homme peut abandonner ses enfants. Jonathan n'aurait jamais fait une telle chose. Sa femme était l'amour de sa vie, la preuve il n'a jamais refait sa vie même après toutes ces années.

Quelques minutes après son arrivée, voilà que son neveu arrive enfin à leur rendez-vous en s'excusant de son retard. Ce n'est pas la première fois qu'Elijah arrive en regard, Jonathan est habitué. Aller prendre un verre avec son oncle ce n'est probablement pas l'activité la plus excitante pour quelqu'un de l'âge d'Elijah. Voir son neveu de temps en temps est plaisant parce qu'il s'entend bien avec lui malgré leurs caractères très différents. Jonathan a toujours été là pour le remettre à sa place lorsqu'il dérape un peu trop. Il n'est pas son père mais il a longtemps été une sorte de figure paternelle pour lui.
JONATHAN : "Ça va bien et toi? Tu étais encore avec une belle fille?"
Dit-il en souriant.
JONATHAN : "Prends ce que tu veux, je te l'offre."  

La famille. Vaste sujet qui pourtant me tenait terriblement à coeur. J'avais connu l'abandon paternel, qui avait sans que je m'en rende compte vraiment, laisser une vraie marque dans mon esprit. Le fiasco qu'avait été le mariage de mes parents me restait en tête et peut-être était-ce cet évènement qui me poussait aujourd'hui à rejeter en bloc tout ce qui pouvait s'apparenter à de l'engagement. Ma situation actuelle, à quelques années de la trentaine, n'avait rien de glorieux. Un petit boulot que je manquais souvent, pas d'étude, pas de compagne, rien. Juste un grand gamin incapable de faire des choix.

Pourtant, j'avais eu Jonathan comme repère, tout au long de ma vie. Je le considérais comme mon père, je le savais très poche de ma mère, c'est comme si, il avait endossé les responsabilités de mon père, comme ça, par simple gentillesse. Je m'étais installé à la table de mon oncle et m'était excusé pour le retard. Je rigolais à sa réponse tout en secouant la tête. "Tonton, faut que t'arrête de croire que je suis un coureur de jupons! J'suis jamais avec une belle fille." Je souris, et continuais pour répondre à sa question "Ca va oui, la journée à la station service était calme aujourd'hui." Une bonne manière de montrer à Jonathan que j'étais allé travailler. Histoire de gagner des points. Il m'offrit un verre, je souris. "Alors c'est moi qui t'offrira le prochain. J'vais prendre une bonne bière je crois. T'as déjà commandé pour toi?" Je regardais un peu autour de moi, le bar grouillait de monde. J'étais agité, comme bien souvent, aucun médecin ne m'avait jamais diagnostiqué hyper-actif, pourtant, j'en avais tous les signes. "T'as eu des nouvelles de ma mère ces derniers temps? Ca fait une éternité que j'suis pas allé la voir!" La famille .. toujours la famille.

Elijah aurait beaucoup de potentiel s'il mettrait les efforts pour faire des études. Malheureusement, il n'a pas fait d'étude et c'est probablement ce qui inquiète plus sa mère. Il est encore jeune, il pourrait entreprendre des études, il pourrait probablement avoir un meilleur avenir. Jonathan lui a déjà parlé à ce sujet il y a quelques années et cela n'a rien donné. Jonathan ne le dérange plus avec cela parce qu'il sait que si Elijah se tanne qu'il ne voudra plus le voir. Elijah sait ce que son oncle en pense.

Jamais avec une belle fille, est-ce une manière de dire à Jonathan qu'il préfère les hommes? Si tel est le cas alors tant mieux pour lui. Peut-être aussi qu'Elijah a une nouvelle orientation sexuelle à la mode du jour. Il y a tellement d'orientation que Jonathan n'y comprend plus rien et ne cherche pas non plus à comprendre parce qu'au final il n'en a rien à foutre de ce que les gens aiment. Dans son jeune temps, il y avait trois orientations, soit tu aimes les femmes, soit tu aimes les hommes, soit tu aimes les deux. Aujourd'hui, c'est beaucoup trop compliqué pour rien.
JONATHAN : "Dommage, un beau garçon comme toi, les femmes ne savent pas ce qu'elles manquent."  
Son neveu n'a peut-être pas d'étude mais au moins il travaiile. Est-ce qu'il travaille toujours? Elijah n'en sait rien.
JONATHAN : "Pas de voleur d'essence aujourd'hui?"
Parce que dieu sait que depuis un moment le vol d'essence se fait fréquent étant donné le prix de celui-ci. Le coût de la vie augmente beaucoup trop. Tout coûte cher aujourd'hui.
JONATHAN : "Non, je t'attendais avant de commander quelque chose."
Après le choix d'Elijah, Jonathan passe la commande à un serveur qui passe près d'eux.
JONATHAN : "Oui, justement je l'ai vue hier. Elle est venue avec moi pour le choix des tuiles de céramique pour la cuisine. Ton ami Elias vient d'ailleurs la poser la semaine prochaine. Nous avons mangé ensemble et nous avons passé la soirée ensemble. Elle m'a d'ailleurs parlé de toi. Tu sais Elijah, ta mère se fait beaucoup de souci pour toi. Tu devrais l'appeler et passer du temps avec elle plus souvent."
 

Jonathan avait toujours veillé sur moi, et par extension sur mon frère, ma soeur, mais surtout ma mère. Il avait été tellement présent durant toutes ces années que je le considérais comme un père et il avait d'ailleurs les mêmes inquiétudes pour moi qu'un véritable paternel. Il suivait de près mon travail et déplorait, tout autant que ma mère, que je n'ai pas fais d'études. Mais rester assis toute la journée à apprendre quelque chose, ça ne me faisait pas rêver. Du tout. Je souris aux mots de mon oncle. Moi aussi j'aurais voulu avoir du succès avec les filles. Bien que ces derniers jours j''avais brillé par deux exploits que j'essayais maintenant de bien enfouir en moi. Partager par la honte d'avoir embrassé ma colocataire et le désarroi d'avoir replongé avec Primrose. Mais mon oncle n'était pas obligé de savoir tout ça. Je restais perplexe face à ses mots. "J'pense pas être si incroyable que ça. J'suis un Bishop, alors c'est sûr que j'ai la classe tu vois mais .. bref. Et toi tonton, t'as eu des histoires récemment?" Bah ouais, c'était un Bishop lui aussi, et c'était un homme plutôt classe. Malheureusement, il avait perdu la femme de sa vie et j'crois qu'il s'en était jamais remis. Je secouais la tête à sa question sur mon travail. "Nan, ça arrive de plus en plus en ce moment, mais là, c'était super calme. J'me suis même un peu ennuyé." En même temps, il fallait que ça soit tout le temps en mouvement pour que je ne m'ennuie pas. Pas facile tous les jours. Finalement, Jonathan commanda et on parla de ma mère. Et ça ne loupa pas, elle s'inquiétais pour moi. Mais ils avaient aussi passé la soirée ensemble, Jonathan et ma mère étaient très proches mais je préférais ne pas trop les imaginer ensemble. "Ah c'est cool si Elias vient faire ça , tu vas voir, il est super doué." Bah oui, mon meilleur potes était bien plus doué que moi pour beaucoup de choses même si, en terme de connerie, on était définitivement à égalité. "Maman a passé sa vie à se faire du soucis pour moi." Je souriais, un peu nostalgique. "Je l'appellerai c'est promis. Mais c'est bien que toi tu sois là pour elle. J'pense que ça lui fait du bien de parler avec un vrai adulte tu vois." Je souris, c'est vrai que je n'étais pas des plus matures qui existe et ma mère avait trouvé chez Jonathan l'oreille attentive dont elle avait manqué toute sa vie.

Ses neveux et sa nièce sont comme ses enfants. Jonathan a toujours été proche d'eux, en particulier d'Elijah avec qui il a toujours eu un lien spécial. Peut-être aussi qu'ils ont ce lien parce qu'Elijah est celui qui a donné le plus de fil à retordre  à sa mère. Elijah a un caractère qui ressemble énormément à celui de son père. Il ne peut pas le nier parce qu'il le sait très bien... c'est peut-être pour ça aussi qu'il ne veut pas faire sa vie avec une femme. Il a peut-être peur au fond de lui d'agir comme l'a fait son père avec sa mère. Jonathan ne sait pas ce qui se passe dans la tête de son neveu. Parfois, il aimerait ça pouvoir y avoir accès pour peut-être pouvoir le comprendre un peu plus par la suite.

Jonathan n'a jamais eu d'histoire depuis la mort de sa femme. Il n'a jamais eu cette envie de refaire sa vie, il n'a jamais ressenti de désir sexuel en 22 ans. C'est comme si la mort de sa femme lui avait enlevé tout ça. Certaines personnes lui diront qu'il est fou, que ce n'est pas normal de ne plus avoir de libido... Jonathan ne se sent pas pour autant anormal. En 22 ans, il n'aurait pas eu le temps d'avoir une autre femme dans sa vie. Il était seul pour s'occuper de ses trois garçons. Ces 22 dernières années, il les a consacrées à 100 % à ses fils. Il vivait uniquement pour ses fils et vivra toujours pour ses fils même si aujourd'hui ils sont tous les trois majeurs. Un enfant, peu importe son âge, aura toujours besoin de ses parents et comme ses fils n'ont que lui dans la vie alors il veut être présent à 200 %.
JONATHAN : "Ça ne m'intéresse pas."

Le coût de la vie augmente tellement qu'il y a de plus en plus de vols. Les gens volent de l'essence, les gens cachent des morceaux de viande sous leurs manteaux lorsqu'ils vont à l'épicerie, etc. La vie n'est pas facile, bientôt il n'y aura plus de classe moyenne... bientôt il y aura que les riches et les pauvres. C'est une triste réalité...
JONATHAN : "Ok, mais tu aimes ton travail, non? Je suis certain qu'il y a plein de choses que tu puisses faire à la station service. Je ne sais pas, faire un peu d'ordre, épousseter."
Cela dit, ce n'est pas grave si une journée il y a moins de choses à faire. Ça lui permettrait de réfléchir au futur, réfléchir à sa vie et peut-être même prendre de bonnes décisions.

Pourquoi payer un étranger quand on peut payer une personne que nous connaissons? Jonathan sait qu'Elias est habile de ses mains. Il a toujours été ainsi. C'est une bonne chose d'être débrouillard dans la vie. Jonathan est heureux de pouvoir engager l'ami de son neveu. D'ailleurs, si celui-ci avait eu cette même habileté avec ses mains, cette même passion, ils auraient très bien pu de créer une compagnie de construction tous les deux. Ils auraient pu faire de très belles choses dans la vie et probablement que son ex-belle-soeur se serait moins inquiétée pour lui.

JONATHAN : "C'est normal, c'est ta mère Elijah. Ta mère veut ce qu'il y a de meilleur pour toi."
Un parent s'en fera toujours pour son enfant. Malheureusement, un parent ne peut pas choisir le chemin que prendra son enfant. Un parent peut avoir des rêves pour son enfant mais un enfant choisira lui-même ce qu'il aime, ce qu'il veut faire de sa vie. Les enfants font leurs choix, prennent les chemins qu'ils veulent même si ce ne sont pas les meilleurs chemins. Un parent peut guider son enfant, le consoler et l'aider lorsqu'il tombe mais c'est tout. Il faut avoir des enfants pour comprendre.
JONATHAN : "Je suis seul, ta mère est seule et nos enfants ont environ le même âge alors nous vivons un peu la même chose tous les deux. Nous avons les mêmes inquiétudes. Tout comme toi, ton frère et sa soeur, ta mère pourra toujours compter sur moi."
Dit-il alors que le serveur arrive avec les boissons. Jonathan le remercie.
 

Je n'avais pas été un gamin facile. Surtout à l'époque où mon père était encore à la maison. J'avais souvent été assez insolent, pénible voire même casse-couille. Quand mon père était parti de la maison, j'avais longtemps imaginé que c'était parce qu'il en avait marre de moi et qu'il avait préféré partir. Mais non, avec le temps, j'avais appris la vérité. Une cruelle histoire de tromperie. Ma mère s'était retrouvée seule avec trois jeunes enfants sur le dos. Je m'étais un peu calmé à cette période de ma vie mais je n'avais jamais atteint le stade du petit ange. Loin de là. J'avais, durant mon adolescence, enchaîné les conneries avec Elias et puis alors que j'avais enfin trouver de quoi canaliser mon énergie, le skate, je m'étais méchamment blessé. J'avais tout envoyé valsé et j'avais gardé cette âme de gamin qui désespérait tant ma mère. Tonton Jojo aussi était passé par des sacrées épreuves et tout comme ma mère, il n'avait jamais refait sa vie. Je trouvais ça triste en un sens, mais Jonathan avait été le repère de ses fils, et des enfants d'Isaac. Ca faisait beaucoup pour les épaules d'un seul homme et pourtant, il avait endossé ces responsabilités avec la plus grande des classes. Je ne m'attardais pas sur les histoires amoureuses de mon oncle, il n'y avait rien à dire de particulier. En revanche, il s'intéressa davantage à mon boulot. J'avais eu le malheur de lui dire que je m'ennuyais. "Si j'ai des trucs à faire, mais faire de rayonnages ou du rangement, c'est pas passionnant. Moi c'que j'aime, c'est quand il y a des clients, qu'il y a de la vie, tu vois?" Bon il faut dire que je n'étais pas un gros acharné du travail et je faisais le strict minimum. La plupart du temps, je faisais des figures de skates devant la boutique en attendant que quelque chose se passe.

On en vint à parler de ma mère. Je haussais les épaules. "Ouais je sais, mais j'suis pas un cas si désespéré que ça .. si ?" Oh merde, mon oncle me renvoyait à ma situation. La trentaine sans rien de sérieux. "Bon, c'est promis, j'irais la voir pour la rassurer, d'accord?" Je sais pas trop ce que j'allais bien pouvoir lui dire mais au moins je ferais l'effort d'aller passer du temps avec elle. Jonathan avait toujours été là pour ma mère aussi et je crois qu'elle se serait effondrée s'il n'avait pas été là. "J'suis content que tu sois dans sa vie. Et qu'tu sois dans la mienne aussi." J'avais dis ça, un peu songeur. Nos commandes arrivèrent et je levais mon verre pour trinquer. "A la tienne Tonton, et à l'éternelle inquiétude de ma mère et de toi !" Je souris et bu une gorgée de bière bien fraiche.

Elijah n'était pas un enfant facile. Il en a fait voir de toutes les couleurs à ses parents. Jonathan en sait quelque chose puisqu'il était quand même présent, son frère lui racontait tout et lorsqu'il est parti c'est son ex-belle-soeur qui lui faisait part des conneries de son neveu. C'est certain qu'il est préférable d'avoir un enfant sage mais malheureusement ce ne sont pas tous les enfants qui sont sages. L'important est que ces enfants turbulents se calment en vieillissant parce que faire des conneries une fois adulte pour apporter énormément de problèmes. Faire des conneries une fois adulte peut apporter des problèmes avec la justice et ça ce n'est pas drôle. Jonathan espère ne jamais avoir à faire face à la justice avec ses fils. Il espère que ses fils sont assez intelligents pour ne pas commettre de crime.

Il est vrai que son neveu aime quand ça bouge, quand il y a de l'action. Il a toujours été ainsi. Il s'ennuie lorsque c'est calme, lorsque c'est silencieux. Peut-être qu'il n'a pas choisi un travail qui lui convient. Travailler dans une station service c'est souvent synonyme de travail solo, de travail tranquille. Peut-être qu'il aurait été mieux avec un travail dans une boutique plus achalandée ou encore dans un restaurant.
JONATHAN : "Tu n'as pas pensé à changer de travail? Je ne sais pas, travailler dans une boutique populaire ou encore dans un restaurant? Tu ne t'ennuierais pas là-bas."
Une chose est certaine, il ne pourrait pas être comptable. Il ne serait pas capable de travailler uniquement avec des chiffres toute la journée.

JONATHAN : "Ce n'est pas ce que je dis. Ta mère et moi pensons uniquement que tu pourrais faire beaucoup de belles choses dans la vie si tu t'en donnais la chance. Tu es encore jeune mais peut-être que dans quelques années tu vas regretter d'avoir fait ces choix de vie."
Jeune, il n'est plus si jeune Elijah puisqu'il approche grandement de ses 30 ans.
JONATHAN : "Merci"
Dit-il pour le remercier qu'il lui promette d'aller voir sa mère.
JONATHAN : "Tu es comme mon fils, je sais que je t'ai déjà fait la morale mais ça toujours été pour ton bien."
Être dans la vie d'Elijah, de son frère, de sa soeur et de sa mère est quelque chose d'important pour Jonathan. Jonathan a toujours aimé se sentir utile. Il a toujours voulu aider les gens autour de lui malgré que lui-même avait mille et un problèmes.

Trinquant avec son neveu, Jonathan ne peut s'empêcher de sourire. Il a toujours le don pour sortir quelque chose de rigolo parfois. Il est vif d'esprit, il trouve toujours le moyen de tourner les moments sérieux en moments légers et comiques. C'est probablement l'une de ses plus grandes qualités.
JONATHAN : "Es-tu heureux? Fier de qui tu es?"
C'est une question qu'on ne pose pas assez souvent dans la vie.

 

Je ne sais pas si mes parents ont loupé quelques choses avec moi mais j'étais définitivement très différent de ma soeur et de mon frère. Je m'étais toujours comparé à mon grand frère, mon père avait pris un malin plaisir à me dire que j'étais toujours "moins quelque chose.." que mon frère. C'est peut-être pour ça que j'étais ainsi aujourd'hui. On m'avait toujours enfermé dans une case de cancre et de gamin difficile. J'étais exactement là où mon père m'avait placé. Mais c'était davantage ma mère et Jonathan qui avait du me gérer, puisque mon père nous avait lâchement abandonné. Aujourd'hui, c'était surtout Tonton Jojo qui suivait mon travail et qui s'assurait que j'y étais bien. Il tentait souvent de me convaincre de faire autre chose. Mais malheureusement, cela tombait dans l'oreille d'un sourd .. et le sourd, c'était moi. Je haussais les épaules à sa question. "Dans un restaurant ? Quelle horreur! Tu dois être super ponctuel, tu peux pas manquer un service, faut courir partout et se souvenir de la carte." Je secouais la tête. "Non non non, beaucoup trop pour moi". Au moins, je ne cherchais pas à mentir. J'étais bien moi, dans cette station service. Le patron était sympa, je crois même qu'il m'employait plus par pitié que par nécessité. Jonathan me faisait une petite leçon. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Il avait toujours voulu le meilleur pour nous. "Mais j'aime ma vie maintenant tu sais! J'ai un travail, j'suis en coloc avec une super fille, bon en ce moment c'est un peu tendu mais ça va s'arranger. Et puis j'ai des potes, j'fais la fête. C'est ça la vie!" Pas sûr qu'il voit les choses comme moi. J'acquiesce à ces mots. "Je sais Tonton, que tu fais ton rabat-joie pour mon bien." Je souris. Même si on parle sérieusement, je ne peux m'empêcher de faire le clown. C'est dans ma nature. Ca peut-être épuisant pour les autres mais moi j'me porte bien. Jonathan finit par me demander si je me sens heureux et fier. Je prends le temps d'y réfléchir. "Oui je crois, fier je sais pas, c'est un peu prétentieux j'trouve. Par contre, heureux, oui ça c'est certains! Et toi, t'es heureux et fier de toi?" Bah oui, il n'y avait aucune raison que cet interrogatoire ne concerne que moi. Je souris avant de prendre une gorgée de bière fraiche et d'attendre la réponse de mon oncle.

Jonathan, comme n’importe qui, veut ce qu’il y a de meilleur pour les gens qu’il aime. Elijah aurait pu faire de bien belles choses s’il s’en était donné la chance. Sa mère aurait voulu qu’il fasse quelque chose de mieux de sa vie malheureusement elle ne peut pas choisir pour lui. Au final, l’important est qu’Elijah soit heureux dans son travail et dans sa vie. Il semble aimer son travail malgré qu’il semble s’ennuyer parfois à la station service. Nous ne faisons pas tout ce que nous voulons dans la vie, nous avons des devoirs, des responsabilités lorsque nous sommes adultes.
JONATHAN : « Tu viens de me dire que tu aimes lorsque ça bouge, lorsqu’il y a des clients. »
Au final Jonathan en conclut que son neveu aime lorsqu’il y a de l’action mais pas de l’action constante.

Un jour Elijah comprendra que la vie ce n’est pas juste ce qu’il pense. La vie ce n’est pas faire la fête plusieurs fois par semaine comme il semble le penser. Peut-être aussi qu’Elijah sera un adolescent toute la vie comme certaines personnes. Peut-être qu’il sera pathétique comme ces hommes et ces femmes de 40 ans qui font la fête dans les clubs.
JONATHAN : « Bon bien tant mieux si tu es bien dans ce que tu fais. »
Voilà le plus important au final.

Est-ce qu’il est heureux et fier? C’est quelque chose qu’il ne lui a jamais demandé. On demande rarement une telle chose aux gens alors que nous devrions le faire. Se faire poser une telle question porte souvent à réflexion. Est-ce que les savent s’ils sont tellement heureux? Jonathan croit que peu de gens sauraient répondre automatiquement. Le bonheur diffère pour chacun.
JONATHAN : « Tu vois, moi je te dirais que c’est le contraire. Je suis fier de moi, fier d’avoir réussi à élever mes fils tout seul. Ça n’a pas toujours été facile, loin de là même. Puis heureux, je ne sais pas. C’est difficile d’affirmer si oui ou non je suis réellement heureux. Je pensais plutôt que j’ai appris à me contenter de ce que j’ai, de la vie que j’ai depuis 22 ans. Je me dis que sa pourrait être mieux mais je me dis aussi que ça pourrait être pire, tu comprends? »
Il ne sait pas s’il est vraiment heureux au fond de lui. Il a appris avec le temps à accepter sa situation mais est-ce que ça le rend heureux pour autant? Absolument pas! Il ne s’imaginait pas il y a 25 ans que sa vie serait comme ça. Il pensait que sa femme serait toujours en vie et qu’ils mèneraient une belle petite vie tranquille tous les deux. Malheureusement, ce n’est pas ce que le destin avait de prévu pour lui. Aujourd’hui, il est veuf et se tourne les pouces chez lui depuis que ses fils n’habitent plus à la maison et qu’ils font leur vie chacun de leur côté. Il est normal que ses fils fassent leur vie à l’âge qu’ils sont rendus… mais Jonathan avoue qu’il aurait voulu que ses fils restent petits. Il se serait au moins senti utile pour quelque chose. Si seulement l’un de ses fils pourrait lui donner un petit-enfant, il saurait comment s’occuper. Malheureusement, il ne pense pas qu’il sera grand-père un jour.
 

Ma mère m'avait longtemps poussé à faire des études. Mais à la sortie du lycée, une fois le diplôme de base en poche, j'avais décidé de ne rien faire du tout. J'avais surtout la flemme de me lancer dans des études, rester assis sur les bancs de la fac, devoir apprendre des trucs, j'en avais vraiment pas envie. A partir du moment où j'avais lâché le skate professionnel après ma blessure, quand j'avais 15 ans, j'avais décidé d'opter toujours pour la solution de facilité. Pas d'engagement, pas de contrainte. Ma mère avait accepté que j'abandonne l'aspect professionnel du skate mais elle n'avait pas forcément signé pour que j'envoie tout le reste valser. Elle avait été un peu déçue, mais elle voyait aussi qu'aujourd'hui, je m'en sortais. Je ne ferais jamais fortune, c'était certain, mais j'me drivais d'une manière qui me convenait et j'étais heureux comme ça. Je souris au parole de mon oncle. "Tu sais bien que j'suis un paradoxe à moi tout seul." C'est vrai qu'il fallait que ça bouge, mais pas que ce soit contraignant. J'voulais bouger à ma manière. Travailler dans un restaurant, c'était trop de stress, trop de pression et je ne savais pas travailler dans cet environnement. Mon patron actuel me faisait confiance, il m'en demandait pas trop, et ça m'allait parfaitement.

Je savais bien que je ne prenais pas la direction que Jonathan ou ma mère aurait voulu pour moi. Je ne regardais pas vers le futur, je vivais ma vie au jour le jour, et on verra pour la reste. Je hochais la tête à ses paroles. Rien de plus à rajouter. J'étais heureux, à ma façon. Sans ambition, juste le minimum.

J'écoutais avec intention la réponse de Jonathan. Il réfléchissait à l'inverse de moi. Lui était fier de ce qu'il avait accompli. Et il avait raison, il pouvait. Il avait toujours été droit dans ses bottes, il s'était occupé à la perfection de ses fils mais aussi de sa nièce et de ses neveux. Il était le genre de gars qu'on ne peut pas mettre à défaut, le gars toujours droit, toujours présent. Quant à son bonheur, c'était plus délicat. Il ne s'estimait pas heureux. Il avait tellement subit une perte tragique dans sa vie qu'il était difficile de se considérer comme heureux. Je comprenais. Je hochais la tête. "C'est vrai qu'tu peux être fier Tonton. Avec ma soeur et mon frère, on t'es vraiment reconnaissant pour tout ce que tu as fais pour nous. On t'le dit pas assez souvent, mais voilà, là c'est dit." Je souris. Je ne sais pas ce qu'on serait devenu sans sa présence dans nos vies. Ma mère aurait sûrement galéré, comme jamais. On était dans les confidences, on discutait d'une manière assez sérieuse, alors j'en profitais pour parler de mon père. C'était surtout que cette pensée m'avait traversé l'esprit et qu'elle était sortie, sans trop que je réfléchisse. "J'me d'mande parfois, si les choses auraient été différente si mon père n'était pas parti." J'buvais une gorgée de bière, un brin mélancolique.

Il est important qu'Elijah aime ce qu'il fait. Il aurait été bien qu'il continue à aller un peu plus longtemps à l'école mais il n'en avait pas envie. Sa mère n'était pas pour lui tordre un bras. Tous les parents ont des rêves pour leurs enfants mais les parents savent tous que leurs rêves ne sont pas nécessairement les rêves de leurs enfants. Jonathan avait des rêves pour ses fils mais il a vite compris que ses garçons en avaient d'autres. Il espère que ses enfants sont heureux malgré tout.
JONATHAN : "Tu aimes ce que tu fais, c'est le plus important. Ta mère veut juste que tu sois heureux."
Comme n'importe quel parent, elle veut le bonheur d'Elijah. Jonathan ne cessera jamais de le dire à son neveu. Il est parfois nécessairement de lui répéter pour qu'il s'en rappelle. Peut-être que Jonathan est fatiguant mais il tient à lui répéter.

Jonathan a fait de son mieux après le décès prématuré de sa femme. Ça n'a pas toujours été facile mais il est fier de tout ce qu'il a fait. Il s'est donné à 200 % pour que ses fils ne manquent de rien. Il était important pour lui que ses fils aient une vie "normale" malgré l'absence d'une mère. Il s'en est quand même relativement bien sorti. Il y a des pères qui auraient refait leur vie dans le but d'avoir une mère de remplacement pour leurs enfants. Jonathan ne pouvait pas refaire sa vie. Il n'en avait pas envie et même aujourd'hui refaire sa vie est quelque chose qui lui dit rien. Il ne pense plus avoir l'âge pour refaire sa vie même si son fils le plus jeune lui a déjà dit il y a deux ou trois ans qu'il pouvait refaire sa vie, qu'il a assez pensé à eux, qu'il peut penser à lui maintenant.
JONATHAN : "C'est gentil."
C'est toujours touchant de savoir que nous avons eu un impact positif dans la vie de quelqu'un, de savoir que certaines personnes sont reconnaissant envers nous.

C'est évident que les choses auraient été différentes si mon frère n'aurait pas agi comme un con. Les choses auraient été différentes mais est-ce que les choses auraient été mieux ou pires? Personne ne le saura. Ça ne sert à rien d'y réfléchir parce que nous n'aurons jamais de réponse. Jonathan aussi se pose souvent la question.
JONATHAN : "Il est évident que tout serait différent mais pour le mieux ou pour le pire? Ça nous ne le saurons jamais malheureusement."
Il regarde son neveu.
JONATHAN : Et si un jour ton père revient, qu'est-ce que tu ferais? Tu voudrais le revoir ou non?"
 

Jonathan, il a ce côté protecteur, paternel. Je l'adore mais il a souvent aussi endossé le rôle du père, qui essaye de convaincre, sans jamais forcer. Mais j'sentais bien qu'il était un peu inquiet, tout comme ma mère, d'me voir à l'aube de mes trente ans à me comporter encore comme un gamin. Mais en même temps, ma mère passerait sa vie à s'inquiéter pour nous, pour tout, et je sais que par extension, Jonathan agirait de la même façon. Je souris à ses mots tout en buvant une gorgée de bière. "J'suis heureux, vous en faites par pour moi."

Après m'avoir fait un petit peu la leçon sur ma vie actuelle et sur mon manque cruelle de motivation, on était passé à une conversation plus mature, une réflexion sur ce que Jonathan avait apporté à nos vies, que ce soit celle de ses fils bien sûr, mais aussi des enfants d'Isaac, nous. Et il avait eu un impact, fort. Sa présence, quasi quotidienne dans nos vies nous avaient fait un bien fou. Il avait, en quelques sortes, assumé les responsabilités de son grand frère. J'en viens à en parler de lui. Mon père. Isaac. J'l'avais pas vu depuis mes dix ans. Il avait disparu, claqué la porte un jour et n'était plus jamais revenu. Ca avait un choc, c'est certain. J'écoutais Jonathan et je haussais les épaules. "J'sais pas trop, peut-être que si on avait grandit avec un père, ça aurait été mieux. Mais entre ma mère et lui, ça matchait plus." J'comptais pas les fois où on avait entendu nos parents s'engueuler. Mon aversion et la peur de l'engagement venaient certainement de ces instants. J'voulais pas vivre ça, j'voulais pas m'enchaîner à quelqu'un. C'est pour cette raison que j'avais tout envoyé valser lorsque j'avais quitté Primrose. Après quatre ans de relation, j'avais pas voulu aller plus loin. De peur de tout détruire. Je réfléchissais à la question de mon oncle. J'avais jamais envisagé que mon père revienne un jour dans nos vies. "J'sais pas, j'crois qu'en fait, il serait comme un inconnu pour moi. J'pourrais le revoir peut-être, mais j'pense que j'le considérerais jamais comme mon père, tu vois." C'était un peu triste de réaliser que je n'aurais jamais de papa. Plus jamais. J'regardais Jonathan. "Et toi, tu voudrais le revoir s'il revenait?" Je ne savais pas trop comment se positionnait Jo face à son frère, lâche et irresponsable.

Jonathan s’en est toujours fait pour tout le monde autour de lui. Les enfants de son frère et ses propres enfants n’ont pas eu une enfance facile et ce même si Jonathan a essayé du mieux qu’il peut de rendre leur vie normale en compagnie de l’ex-femme de son frère. Nous pourrions croire qu’il s’est déjà passé quelque chose entre Jonathan et son ex-belle-sœur, mais ce n’est pas le cas. Il ne s’est passé entre eux et ce n’est pas parce qu’elle n’est pas une belle femme parce qu’elle est une très jolie femme. Ça aurait été étrange… mais peut-être qu’ils auraient pu former une belle famille tous les huit ensemble. Peut-être que la vie de tous les huit aurait été différente. On ne pourra jamais le savoir malheureusement.

Jonathan prend une gorgée de sa boisson avant que son neveu et lui entreprennent une conversation plus sérieuse. Jonathan n’a pas souvenir qu’ils aient déjà échangé sur ce sujet, c’est une première pour eux. C’est une évidente que les choses seraient différentes si Isaac était resté dans leur vie. Isaac a pris une décision qu’un jour ou l’autre il regrettera. Jonathan ne peut pas concevoir qu’un père puisse abandonner ses enfants comme ça du jour au lendemain. Peut-être que ça n’allait pas bien entre sa femme et lui comme le dit Elijah, mais ce n’est pas une raison pour abandonner ses enfants comme ça.
JONATHAN : « Ce n’est pas une raison pour avoir pris la fuite comme ça. »
Que s’est-il réellement passé dans la tête de son frère pour agir de cette façon? Jonathan ne comprendra jamais… en fait, il n’a jamais compris son frère tellement qu’il est différent de lui.
JONATHAN : « C’est mon frère, j’ai juste un frère alors je pense que oui je voudrais le revoir. Je voudrais comprendre ce qui s’est passé dans sa tête pour qu’il fasse ce qu’il a fait. Probablement que je ne comprendrai jamais le pourquoi du comment puisque nous ne nous sommes jamais compris tous les deux mais j’aimerais le savoir quand même. Je voudrais savoir pourquoi il vous a fait ça, pourquoi il a fait ça à ta mère. »
Jonathan pourrait lui dire que sa mère est extraordinaire, mais ça il le gardera pour lui.