blast from the past (Nevaeh)

Le réveil aurait pu être plus doux pour Tommy. Encore une fois, il s’était couché à pas d’heure. Un coup de trop dans le nez. C’était donc une nouvelle matinée à se lever avec un terrible mal de crâne. Si seulement il avait pu prolonger ses heures de sommeil, la pilule serait mieux passée, mais son chien, réglé comme une horloge en avait décidé autrement. L’heure de la balade matinale avait sonné et le golden retriever ne s’était pas fait prier pour venir réveiller son maître avec des léchouilles. Le cuistot avait donc enfilé le premier short qu’il avait trouvé, un tee-shirt quelconque et ses lunettes de soleil pour s’affairer à sortir son chien. Il n’en menait pas large derrière le golden plein d’énergie. C’était presque lui qui était promené et non l’inverse à ce stade. Ils erraient tous les deux sur le chemin de la plage, Tommy encore à moitié somnolent, quand ils croisèrent au détour d’une rue une ancienne connaissance. Si c’était bien elle, il s’agissait alors de plus qu’une ancienne connaissance, mais avec son terrible mal de tête, impossible d’être sûr.  “Nev ?” Dit-il, encore peu sûre de lui. Voilà des années qu’il ne l’avait pas vu, il n’était donc pas très sûr de lui. “Nevaeh Rutkowski ?” Sa deuxième interrogation était déjà plus prononcée. L’Australien s'était même complètement arrêté, regrettant déjà son accoutrement du jour. Il s’inquiétait déjà de passer pour un fou s’il se trompait sur la personne.

C’était le matin et t’avais décidé que ça en était assez de squatter chez ton père, parce que ce n’était plus chez toi, c’était officiellement chez tes parents, enfin, chez ton père… Tu te disais que t’allais devoir te prendre un appart et tu ne savais pas trop vers qui ou quoi t’allais te tourner. T’avais pas trop d’économies donc l’achat d’une maison n’était pas dans les possibilités. T’étais allée dans les rues commerçantes pour acheter des trucs frais pour faire un petit-déjeuner digne de ce nom et aussi pour t’acheter le journal afin de scruter les petites annonces pour trouver un appart. Sac réutilisable sur l’épaule, journal à l’intérieur. T’entends ton surnom et tu fronces les sourcils en regardant autour de toi. Puis, t’entendais ton patronyme complet et cette fois, tu te retournais. Thomas O’Brian, ton cœur fait deux bonds. Tu replaces rapidement et maladroitement tes cheveux. « Hey, comment vas-tu? » que tu lui demandes avec un petit sourire. Tu vois son chien. « Et toi, qui es-tu? » Que tu demandes à la bête poilue d’un ton enfantin en t’agenouillant pour le caresser vigoureusement, ce que la bête semble apprécier.

Comment regretter instantanément sa dégaine du jour ? Croiser une ex petite amie par hasard dans la rue. Il n’était clairement pas présentable Tommy et il le regrettait déjà. En même temps, il devait juste promener son chien, rien de plus, il ne s’attendait pas à la croiser là. Voilà des années que leurs chemins s’étaient séparés, et même s’il s’était préparé à la revoir un jour, sa famille étant toujours en ville, ça lui était sorti de la tête à l’ancien pompier. “Ça va et toi ? Tu es en vacances en ce moment ?” C’est ce qui lui paraissait le plus logique à Tommy. Il connaissait ses envies d’ailleurs, c’était même la raison de leur séparation à l’époque. Il supposait donc qu’elle était simplement de passage pour rendre visite à ses proches. Le sourire du brun lui vint naturellement en voyant Nevaeh se pencher vers son chien. Il avait le don d’attirer l’attention sur lui par sa simple présence. “C’est Socks. Je l’ai recueilli il y a quelques années au refuge, après avoir arrêté mon bénévolat là-bas” Entre sa vie professionnelle et sa fille en route, à l’époque, il avait beaucoup moins de temps pour son activité bénévole, mais il n’avait pas su se résoudre à laisser cette boule de poil derrière lui. Le golden était devenue une présence nécessaire dans sa vie depuis le jour où il avait posé les yeux sur lui. “Attention, il ne va plus te lâcher après” Dit-il d’un ton rieur. Trop habitué aux caresses, le chien avait l’habitude de réclamer par lui-même par des petits coups de pattes. L’Australien profitait tout de même que l’attention de Nevaeh soit sur son chien pour tenter tant bien que mal de se recoiffer un minimum, histoire de ressembler à quelque chose.  

Tu n’avais pas prévu croiser quelqu’un que tu connaissais aujourd’hui, mais tu devais l’avouer : il y avait de fortes chances pour que ça arrive. Après tout, tu étais native de Bowen et tu y avais passé la plus grande partie de ta vie. Après, que ce soit Tommy, tu ne t’en plaignais pas du tout. Ceci étant dit, vous vous étiez mutuellement brisés le cœur lorsque t’étais partie à l’autre bout du monde, suivant ton envie du moment. T’avais toujours été claire : tu ne resterais pas à Bowen toute ta vie. Puis, tu l’avais fait, ta vie. Maintenant, la vie te ramenait aux sources. « Ça va. » Tu déglutis lorsqu’il parle de vacances et tu envoies tes cheveux en arrière. « C’est pas tout à fait ça… » T’étais pas non plus certaine que t’étais prête à en parler. T’avais le tremollo dans la voix. Tes yeux s’embuent seuls, sans que tu aies le temps de placer un mot. Tu haussais les épaules finalement en esquissant un sourire et en passant une main sous tes yeux. T’es consciente que t’as l’air d’une cinglée qui pleure pour rien, mais t’es encore à vif des émotions du départ de ta mère. Tu détournes l’attention vers Socks avec un sourire et un petit reniflement. « C’est parfait. Il doit égayer ta vie. » que tu lui dis alors que la grosse bête se laisse bien caresser. Face à ses avertissements, tu conclus : « C’est parfait, ça va me permettre de te revoir. » Que tu lui dis avec un léger sourire aux lèvres. « Tu fais quoi ces temps-ci? » Curieuse, Nevaeh Rutkowski qui ne remarquait même pas que son ex tentait de se recoiffer.

Revoir Nevaeh, c’était presque comme un électrochoc. Une piqûre de rappel pour le gamin qu’il fut il y a des années de cela. C’est fou de voir à quel point ses priorités de l'époque n’étaient pas du tout les mêmes et surtout, de voir le bout de chemin traversé depuis. Elle lui rappelait ça Neveah, l’insouciance de la jeunesse, le premier amour fort et sincère. Derrière ses lunettes de soleil, il avait toujours le loisir d’observer ses traits, sans paraître pour un étrange personnage. Elle ne semblait pas très à l’aise quant aux raisons de sa présence ici. Tommy se contenta donc d’hocher la tête. Il n’avait pas envie d’insister sur un sujet qu’elle n’avait clairement pas envie d’aborder. Et puis le chien à ses côtés était une distraction suffisante. Il l’a toujours été. Cette petite boule d’amour et de joie de vivre. “Oui, je ne sais pas ce que je ferais sans lui” Sur ces mots, l’Australien donnait une petite caresse énergique au golden. S’il ne l’avait pas, peut-être, aurait-il sombré. C’est le chien qui comme aujourd’hui lui donnait une raison de se lever le matin, d’aller faire du sport, d’aller faire des courses, et même de ranger l’appartement un minimum. Relevant le regard vers Nevaeh, Tommy afficha un large sourire quand elle parla de se revoir. Il était tout de même curieux de savoir pour combien de temps, elle serait à Bowen, mais il se retint de retourner sur ce sujet de conversation. “Je suis cuisinier au Wojna’s en ce moment. C’est un bar à tapas en ville, t’es déjà allée ?”Quand ils s’étaient quittés, elle avait ses envies d’ailleurs, lui son rêve de devenir pompier. Tommy, il en était bien loin de son rêve aujourd’hui. Heureusement pour lui, la cuisine avait toujours fait partie intégrante de sa vie depuis gamin. “T’as un peu de temps ? J’allais prendre un café à emporter et aller promener la bête sur la plage si ça te dit de te joindre à nous” Elle n’avait peut-être pas le temps pour ça, mais il tentait quand même Tommy, ce serait toujours plus agréable pour discuter que de rester au beau milieu de la route. “Tu pourras me raconter tes histoires de voyage comme ça” Dit-il en lui affichant un grand sourire.

Avec Tommy, c’était simple. Il avait hoché la tête simplement et il comprenait. Enfin, pour toi, il ne savait pas mais il comprenait et cela te suffisait. « Je comprends totalement. C’est quelque chose qui me manque beaucoup. » Que tu admets en partageant l’attention du canin avec son maître. Il te dit qu’il est cuisinier au Wojna’s et tu fronces les sourcils, tu ne connais pas vraiment. « J’ai entendu le nom à cause de Woody, Avery ou Elias, mais non, je n’y suis jamais allée. C’est bien comme endroit? » que tu lui demandes, curieuse. Il te demande si tu as un peu de temps, tu hoches la tête positivement. « J’ai tout le temps du monde. » Que tu lui dis avec un grand sourire. Puis, la caféine… Ça se refuse vraiment? Tu ris doucement alors qu’il te demande des histoires de voyage. « Ouf! Qu’est-ce que tu as envie d’entendre? Les fabuleuses correspondances de Nevaeh ? Les faits amusants de chacun des endroits que j’ai visité? » que tu lui demandes en te relevant, prête à te diriger vers le café. « Mais toi, t'as monté le menu du Wojna's ? T’as quelqu’un en dehors de Socks, des enfants peut-être ? Tu en voulais si ma mémoire m’est fidèle… » Tu ne savais pas que tu avais mis le pied sur une mine.

Le golden, bien avant l’accident, il avait été son compagnon de tous les jours. On ne pouvait pas les décrocher tous les deux. Alors depuis qu’il avait perdu sa fille, il s’était avéré encore plus vital pour Tommy. Sans lui, il ne se lèverait pas le matin et il n’aurait pas de réconfort certains soirs quand la douleur se fait trop présente. Il ne se verrait pas vivre sans lui, bien que lui aussi commençait à vieillir. “Oui, c’est bien, c’est un petit bar à rhum avec tapas, c’est parfait pour les petites soirées tranquilles” Dit-il avec entrain. Sa vision était sûrement un peu biaisée puisqu’il y travaillait, mais autant faire de la pub. Il proposa ensuite de se balader ensemble et de partager un café. Un sourire s’afficha sur son visage lorsqu’elle accepta. Ça lui changerait un peu d’avoir de la compagnie. De plus, il était curieux de discuter avec elle et d’échanger sur ces années à l’étranger. “Un peu de tout ! T’as fait quoi ? T’es allée où ? Si t’as rencontré des personnes connues, un peu de tout quoi” Répondit-il en souriant. Sa vie devait être beaucoup plus palpitante que celle du petit cuistot de Bowen qu’il était. Sur le chemin du café, elle lui posa à son tour une question sur sa vie. Le cœur de Tommy manqua un battement. Il devrait être habitué depuis le temps, mais il espérait toujours éviter les questions sur la famille. “Hum… Non” C’est tout ce qui lui vient sur le coup. Il serra légèrement la mâchoire en repensant à Amélia avant de s'éclaircir la gorge. “Je suis divorcé depuis deux ans en fait” C’est tout ce qu’il était capable de sortir. Parler du divorce, ça avait le don de dissuader les gens de poser trop de questions en règle général. C’était plus simple pour lui de parler de ça que de sortir de but en blanc qu’il a perdu son enfant. Surtout à quelqu’un qu’il n’a pas vu depuis des années.

Tu te voyais bien avec un chat, suffisamment indépendant pour vivre seul mais toujours ravi d’avoir une présence réconfortante occasionnelle. Mais un chien… Un chien s’ennuierait à mourir avec tes routines d’expatriée. Il t’expliquait que c’était un petit bar à rhum avec des tapas, parfait pour les petites soirées tranquilles. Tu hochais la tête avec un sourire. « Ça donne envie d’y aller! Tu me ferais des tapas spéciaux? » que tu lui demandes avec un sourire enjôleur. « Et ton rhum préféré, évidemment. » Parce que tu te doutais qu’il devait bien avoir eu droit à des dégustations. Il te questionnait sur les voyages et tu avais tellement à dire. « Ahem… J’ai fait du journalisme politique sans remous les premières années parce que c’était pas super bien vu en Thaïlande. J’ai bouffé des trucs que j’pensais JA-MAIS manger de ma vie, Tommy. » que tu commences en riant et en grimaçant presque. « Des poissons ballons, t’as déjà vu? Tu savais qu’il y a une partie qui se mange là-dedans? Après, je t’épargne les détails parce que c’était pas très beau les trois jours qui ont suivi. » que tu admets, les yeux pétillants. Puis tu passes mentalement à un autre voyage. « Puis en Bulgarie, j’ai couvert des événements musicaux et ça, c’était franchement moins ma tasse de thé… parce que la musique là-bas… c’est plus ou moins dans mes valeurs. » Que tu lui dis. « Après, j’avais un peu plus d’ancienneté donc j’ai pu aller en Argentine et j’ai appris à danser le tango argentin! Et tu me connais, j’ai deux pieds gauches… J’me suis pas trop fait honneur. » Tu ris doucement. « Après, il y a eu le Brésil, la France et l’Angleterre, mais je ne veux pas t’ennuyer. » que tu conclus rapidement avec un sourire. Il n’avait pas d’enfant qu’il te disait et tu le croyais. T’allais dire que c’était dommage, mais il te déclarait qu’il était divorcé. « Je suis désolée, Tommy. Je ne savais pas. » Que tu avouais doucement. « Tu tiens le coup? » que tu lui demandes directement. Deux ans, ça pouvait être long comme ça pouvait être court… Tu le savais, pour le coup. C’était le temps que t’avais passé avec ton amant… Amant maintenant décédé. Puis, tu avais une pensée toute douce pour ta maman qui avait elle aussi quitté ce monde. « C’est pas facile de laisser tout derrière. » Que tu lui confies ouvertement alors que vous étiez maintenant devant le café. Il pouvait penser que tu parlais de tes merveilleux voyages, mais c’était bien plus que ça. Tu lui ouvrais la porte pour le laisser passer avec Socks. Tu commandais avec un sourire : « Un latte avec du lait d’avoine, s’il-vous-plaît. »

Son nouveau boulot, il aimait bien en parler Tommy. C’était sûrement la seule partie de sa vie qui ne déconnait pas ces temps-ci. Il n’aidait pas non plus à sa consommation d’alcool, surtout avec les afterworks quasi-journaliers avec les collègues, mais c’était une source de joie pour lui. “Quand tu veux oui, on se fera une dégustation un de ces jours” Dit-il avant un grand sourire sur le visage. Cuisiner pour son entourage, c’était un plaisir pour Tommy, et ce, depuis bien longtemps. Ça permettait à la fois de faire plaisir aux autres et de passer un bon moment. Une parfaite combinaison en somme. Après avoir parlé de son propre métier, il était curieux d’en savoir plus sur les voyages de Nevaeh. Le brun ne put s'empêcher de rire en entendant ses récits. Il en était même envieux, lui qui avait surtout voyagé en Irlande, sur les terres de sa famille. Les expériences culinaires de là-bas étaient beaucoup moins farfelues que celles qu’avait eues Nev, c’est certain. “Au moins, tu as expérimenté ! T’as mangé des scorpions et des insectes aussi ?” Demanda-t-il en riant. Ça ne paraissait pas si appétissant comme ça, mais lui, ça le rendait curieux. Alors que Nevaeh enchaînait dans ses récits, on pouvait lire l’envie dans les yeux du cuistot. Il ne regrettait rien de ses choix de vie, mais il ne pouvait s’empêcher d’être un peu envieux de toutes ces expériences. “Ça donne envie tout ça ! Et ne t’inquiètes pas, tu ne m'ennuies pas du tout” Il avait un sourire bienveillant sur le visage, content d’en apprendre plus sur ces années passées. “Tu as préféré quel pays du coup ? Et surtout, lequel était le plus intéressant pour le travail ?” Il la savait passionné, ça lui ferait plaisir au brun de savoir qu’elle a réussi à s’épanouir dans sa branche. Il préférait largement parler de ses voyages plutôt que de sa vie à lui. Les dernières n’avaient pas été joyeuses, elles arrivaient presque à effacer tout le bonheur que sa vie de famille lui avait apporté. Il grimaça légèrement en évoquant le sujet du divorce. “Ça va, oui”  Son petit sourire forcé pouvait prouver le contraire, mais il n’avait pas vraiment envie de s'étaler sur le sujet en général. Il hocha doucement la tête avant de relever le regard vers elle, curieux à son tour. “C’est jamais évident non… Il t’est arrivé quelque chose de similaire ?” Elle n’aurait peut-être pas envie d’en parler tout comme lui, mais il se devait au moins de poser la question. Ils entraient alors dans le café. Il la laissa commander en première avant de demander un grand café bien classique pour lui. Il se chargea ensuite de régler les deux commandes. En attendant d’être servi, il se tournait vers elle avec un grand sourire. “C’est tes frères et ta sœur qui doivent être contents de ta présence ici”  La famille Rutkowski, il les connaissait un peu. En étant sorti avec Nevaeh plusieurs années, il ne pouvait que s’en souvenir.

Il te proposait une dégustation un de ces jours. « Donne-moi une date et une heure et j’serai là. » Que tu lui confirmes en lui retournant son sourire. Il te questionnait par la suite sur ce que tu avais mangé. « Sacrilège, non! J’voulais rester vivante! » que tu dis en grimaçant. « J’avoue que j’suis un peu craintive aux trucs… très peu conventionnels, on va dire. » Parce que de la pieuvre, tu ne t’y opposais pas. Il y avait bien des choses pour lesquelles tu ne t’opposais pas, mais les insectes et les scorpions : très peu pour toi. Il te disait que finalement, tout ça lui donnait envie et tu lui faisais un sourire. « T’as pas envie de voyager un peu pour j’sais pas, ouvrir un resto ou juste découvrir différents plats? » que tu lui demandes, curieuse. À sa question, tu prenais une profonde inspiration et tu réfléchissais. « La réalité c’est que chaque endroit m’a apporté quelque chose. » Que tu confies, sans doute une réponse clichée mais ô combien réelle. « J’ai adoré la Thaïlande parce que ça m’a dépaysée, mais l’Argentine m’a beaucoup plu… Et l’Angleterre aussi. » Que tu rajoutes. Définitivement, une seule réponse n’était pas assez pour toi, Nevaeh. « Désolée. » que tu dis doucement, les joues rosies par la gêne. « Pour le travail, je dirais que j’ai moins aimé la censure de la Thaïlande et le goût insipide de la Bulgarie, mais sinon j’ai vraiment aimé tout le reste. » Que tu lui confies. Tu lui dis que ce n'est pas facile de laisser tout derrière et t’en sais quelque chose. Tu baisses le regard, un peu gênée. « Heum… Juste avant que je quitte l’Angleterre, la personne que je voyais là-bas est décédée soudainement. » Tu aurais pu le cacher, mais tu ne voyais pas l’intérêt de le faire. « Merci. » Que tu dis pour le café juste avant qu’il ne te lance une flèche en plein cœur. Tu déglutissais puis tu prenais ton café qui arrivait quelques instants plus tard. « Oui et non. » Que tu admets. Tu prends une gorgée, gorgée qui devait te servir de courage. Tu ressortais du café en tenant la porte à Tommy. « La raison pour laquelle j’suis revenue, c’est que ma mère est décédée récemment, peu après le départ d’Andy. » Tes yeux s’embuent presque naturellement. Naturellement depuis quelques temps… Ces deux décès rapprochés te font bien du mal et t’es pas très douée avec les deuils. Enfin, pas ceux-là.

Cette rencontre avec Nevaeh était inattendue, mais ça lui faisait plaisir au cuistot. Comme un souffle du passé qui lui réchauffait un peu le cœur. Il arrivait à rester léger dans la conversation, parlant des voyages de la brune. Il arrivait même à rire de bon cœur alors qu’elle évoquait ce qu’elle avait pu manger ou non lors de ses périples. Il écoutait, légèrement envieux Tommy, il aurait voulu connaître un peu de tout ça. L’excitation du voyage et de la découverte. Il n’en était malheureusement pas incapable, et ce, pour une très bonne raison qu’il connaissait bien. “J’y ai songé parfois, mais toute ma famille est ici. Tu sais combien je suis attaché à ça.” Il aurait le mal du pays bien trop vite Tommy. Sa famille, c'est son joyau, la raison qui fait qu’il est encore debout aujourd’hui. Il pourrait s’imaginer vivre dans n’importe quelle ville au fond. Il lui fallait simplement ses proches autour de lui. Alors tout ce qu’il pouvait faire présentement, c’est vivre un peu à travers les histoires de Nevaeh. Elle avait vu tellement de choses, il en était presque fasciné l’Australien. Il hochait la tête à chaque fin de phrase, complètement pris par cette discussion, juste avant qu’elle ne s’excuse. Un sourire se dessina alors sur le visage du cuistot qui la laissait enchaîner sur le travail. “Toutes ces expériences… Ta tête doit être remplie de plein d'anecdotes fascinantes et de souvenirs mémorables.” Il disait ça sur un ton rêveur. On pouvait sentir la passion dans ses paroles, de quoi éblouir le petit australien qu’il était. Lui qui avait très peu voyagé dans sa vie. C’est peut-être ce qu’il aurait dû faire après la mort de sa fille. Partir loin, fuir cette ville et ses souvenirs. Sauf qu’il n’aurait pas apprécié comme Nevaeh avait été capable de le faire. Il faut que les bonnes motivations soient là. À son tour, elle venait à lui confier la perte d’un être cher. Un sourire de compassion se glissa sur le visage du brun.“Tu le voyais depuis longtemps ?” Demanda-t-il en réglant les deux cafés. “Si ce n’est pas trop indiscret, bien sûr.” Ajouta-t-il comme pour se rattraper. Il se sentait soudain gêné, ayant l’impression de dépasser une limite. Innocemment, il évoqua ensuite sa famille. Un sujet qu’il pensait anodin, mais la réponse de Nevaeh le prit de court. “Je suis désolé Nev’, je ne savais pas.” Murmura-t-il doucement en posant un regard sur elle. Ce n’était pas le regard typique de compassion, plus celui d’un homme qui comprenait la douleur de perdre un membre de sa famille. Instinctivement, il plaça sa main contre le dos de Nevaeh, comme pour essayer de la réconforter silencieusement.“Si tu as besoin de quelqu’un pour discuter, je suis là si besoin.” Il était loin d’être le meilleur pour s’ouvrir, mais écouter, ça, il était capable de faire.

« Ou ne faire qu’un trip de quelques semaines, quelques mois? Faire du bénévolat ou un voyage humanitaire, même? » que tu lui suggères avec un sourire, prête à le convaincre de troquer son quotidien contre plus d’aventures. Il se montrait rêveur, alors que toi tu lui racontes ta vie comme si rien n’était. « Absolument! Je t’ai dit que j’ai déjà sauté à la corde mais enflammée? J’te jure que j’ai eu peur pour mes mini shorts! » Que tu lui dis en riant doucement. Puis, il te posait des questions plus personnelles et ton petit cœur avait un peu mal. « Deux ans. » Que tu disais avec douceur, une douce mélancolie au visage. Puis, il parle de ta mère. Deux sujets difficiles. « Je sais, sinon tu ne l’aurais même pas évoqué. » que tu lui dis, la voix basse. Sa main te créait une chaleur et malgré toi, tes yeux s’embuaient légèrement. « T’sais, ils disent que les parents doivent partir avant les enfants, que c’est dans la suite normale et logique des choses… mais ça fait mal quand même quand ça arrive. » Que tu dis sans même penser que Tommy vit la situation inverse. Tu passes ton doigt sous tes yeux, puis tu te mets à rire en réalisant le côté pathétique de la situation. « J’suis désolée, je ne veux vraiment pas t’embêter avec ça. Moi j’arrive de voyage et j’te dis : mon ex est parti et ma mère aussi. » Tu ris de l’absurdité de la situation et tu sors un mouchoir de ton sac à main pour essuyer tes larmes. Tu parlais comme un moulin tourne parce que t’étais comme ça quand t’étais nerveuse, tes paroles défilaient si rapidement. « C’est gentil pour l’écoute mais sincèrement… j’ai pas grand-chose à dire. Y’a pas grand-chose à dire. » Que tu rectifies en haussant les épaules et encore une fois, les larmes te montent aux yeux parce que la réalité, c’est que t’en as tellement gardé à l’intérieur que oui : il y a des choses à dire, mais les diras-tu ? Ça c’était une toute autre question.

Peut-être qu’elle avait raison Nevaeh. Peut-être qu’un petit voyage de quelques semaines lui ferait du bien au cuistot. Il se contenta donc de hocher la tête, pensif sur cette idée. Pour partir, encore faudrait-il y avoir le cœur. Ce serait dommage de ne pas en profiter parce qu’il est trop pris dans ses propres tourments. Pour l’heure, les anecdotes de voyage de Nevaeh le fascinaient. “Attends, quoi ? Une corde enflammée ? Mais quelle idée.” Dit-il en riant. Il était loin d’être contre les sensations fortes, mais là, c’était sûrement un peu trop pour lui. La conversation vira légèrement sur un ton plus sérieux lorsqu’elle évoqua deux décès récents dans son entourage. Il ne savait pas trop comment réagir le brun, trop habitué personnellement aux regards de pitié qu’on pouvait lui sortir, il voulait absolument éviter ça avec elle. “Un décès, c’est toujours compliqué à vivre, dans un sens ou dans l’autre. Qu’on y soit préparé ou non.” Un voile de tristesse s’était placé dans ses yeux. Pour quelqu’un qui mettait un point d’honneur à éviter de parler de deuil pour ne pas trop y penser, il avait le chic pour se mettre dans des conversations qui tournaient autour de ça. Dès lors que Nevaeh commença à s’excuser, il hocha négativement de la tête. “Ne t’excuse pas pour ça, parfois ça fait du bien d’en parler.” Il avait mis un peu d’intensité sur le mot parfois. Simplement parce que sa stratégie à lui, c’était de ne jamais en parler. C’est plus simple de conseiller aux autres de le faire que de l’appliquer à soi-même visiblement. Malgré tout, il était prêt à l’écouter si besoin, même si elle ajoutait assez vite qu’il n’y avait pas grand-chose à ajouter. “Tu parles à un mec qui n’arrive même pas à mettre un pied dans un cimetière alors crois moi, je comprends” Il n’allait pas être insistant, sachant très bien qu’il se braque lui-même dès qu’on le force à parler. Il n’avait pas envie d’infliger ça à Nevaeh.