The power of vulnerability - part 2 - ft. Rosemary Hepburn

Lorsque Théodore lui indiqua qu'il avait une fille, Rosemary ouvrit de grands yeux, surprise par sa déclaration. Alors ça, elle ne s'y était pas attendue. Elle ne s'était pas encore interrogée sur sa vie privée, parce que cela ne la regardait pas après tout, mais une chose était certaine : elle ne l'avait définitivement pas imaginé en père auprès d'une jeune fille. «Oh, je ne savais pas qui tu étais déjà père de famille, je vais vraiment commencer par croire que toutes les injonctions sur les femmes sans enfants à la trentaine vont finir par m'atteindre à voir tout le monde avoir des enfants autour de moi.» Elle plaisantait, mais il était vrai que ses parents lui avaient souvent mis la pression, notamment au sujet de sa vie professionnelle, prenant trop de place selon eux dans sa vie au détriment de sa vie amoureuse. Elle leur avait toujours répondu qu'elle ne pouvait pas magiquement trouver quelqu'un avec qui construire quelque chose, mais plus le temps avançait, moins ils étaient patients avec ses décisions, et plus il allait être temps pour elle de leur dire qu'elle faisait bien ce qu'elle voulait de sa vie. «Une vie ennuyeuse ? Je crois que ça existe que si tu te laisses enfermer à l'intérieur, parce que c'est à toi de trouver ton équilibre, je suis certaine que si on s'arrête un peu sur tes envies et ta situation actuelle, on arriverait à trouver un juste milieu. Ok, tu vas me dire 'plus facile à dire qu'à faire' mais... tu as tout le temps d'y penser, et ça t'aidera dans ta rééducation, à penser à l'après, à la vie à laquelle tu aspires vraiment, ça peut te motiver.» Elle lui adressa un grand sourire comme elle aimait en faire, pour sous-entendre qu'elle serait là pour l'épauler s'il le souhaitait, qu'il était évident que son avenir ne serait pas tout rose et au contraire semer d'embuches, mais la thérapeute ressentait une véritable envie de s'en sortir chez Théodore, une envie qui, elle le pensait, ne risquait pas de le quitter de sitôt. Rosemary elle-même ne savait pas encore quoi faire de sa vie ni quelle direction prendre, et pourtant, elle n'avait pas à se plaindre lorsqu'elle pensait à sa situation à elle. Théodore avait raison, elle se devait de vivre un peu, et il en était le meilleur exemple. « C'est vrai... j'ai pas envie de dire qu'en te voyant, je réalise que tout peut arriver, que c'est en te voyant que je réalise que j'ai de la chance d'être en bonne santé et ce genre de grandes phrases... parce que j'aurais l'impression d'être un de ces touristes qui partent à l'étranger et qui reviennent ensuite te dire que les locaux des pays pauvres 'ils ont rien mais ils te donnent tout' et qu'ils ont réalisé leur chance de vivre dans leur pays en voyant ceux des autres. Mais dans le fond ouais... ça aide à relativiser, c'est sûr.» Dit-il sur un ton sarcastique pour se moquer gentiment. «Ok ! Je vais réfléchir à une liste alors, c'est décidé... mais fais attention en te proposant de m'accompagner, parce que j'oublierai pas, et tu pourrais le regretter ensuite. Parce qu'un de mes objectifs serait de remonter sur scène pour chanter, et j'aurais sans doute besoin de quelqu'un pour assurer le show avec moi.» Lui indiqua-t-elle très sérieusement tandis que les idées commençaient déjà à jaillir dans son esprit qui ne se reposait jamais. Lorsque Theodore s’excusa pour son attitude lors de leur première rencontre, la jeune femme secoua vivement la tête. Elle n'y avait plus repensé, et c'était en quelque sorte déjà de l'histoire ancienne pour elle, et puis son interlocuteur n'avait été ni le premier, ni le dernier à se montrer réticent face à une séance de thérapie. Beaucoup de gens arrivaient avec des préjugés, et repartaient ensuite un peu différent, c'étaient ses petites victoires à elle. «Ne t'excuse pas ! J'en ai vu beaucoup des patients comme toi, qui arrivent de manière bougonne et qui au final se prêtent au jeu, j'ai l'habitude de les dompter, et puis tu ne savais pas qui j'étais quand tu m'as vu la première fois, j'aurais pu ne pas être la personne incroyable que je suis, donc tu as aussi pris un risque en me faisant confiance.» Évidemment, elle faisait dans l'exagération, l'ironie était presque devenue une seconde nature chez elle, mais en réalité, c'était également ce qu'elle pensait. Tous ses patients prenaient le risque de lui faire confiance, et de mettre leurs fêlures entre ses mains, c'était en quelque sorte un honneur pour elle, un honneur dont elle espérait être à la hauteur. «Et plus sérieusement, c'est vrai ce que je dis, je suis heureuse que tu m'aies fait confiance, et je ferais tout pour ne pas te décevoir, crois-moi.» Ajouta-t-elle sur un ton plus sérieux.

@Theodore Kelly 

Theodore pensait avoir déjà évoqué Jenny après de Rosemary, mais voir sa surprise d’apprendre qu’il était papa indiquait le contraire. Il lui adresse un petit sourire, il faut dire que lui non plus, ne s’était pas imaginé père un jour. Il l’avait appris sur le tard, trop tard presque. Elle avait dû perdre sa mère pour qu’ils apprennent l’existence de l’un et de l’autre. “ Oh tu sais, ce n’est définitivement pas une obligation. J’ignorais que j’avais une fille jusqu’à il y a un peu plus de deux ans, c’est pour elle que j’ai quitté Vegas, pour vivre dans un endroit plus sain. Elle a déjà seize ans… “ Il avait échappé aux couches, mais certainement pas à la crise d’adolescence. Il n’avait pas souhaité être père, alors s’il n’y avait pas eut Jenny, il serait encore à Vegas à brûler sa vie d’adulte comme il l’entend. Peut-être ne serait-il pas en fauteuil roulant à l’heure actuelle… Mais il préfère ne pas y penser, c’était beaucoup trop cruel comme supposition.

“ J’ai du mal à penser à cette vie d’après… Enfin… La vie de maintenant. A faire le deuil de la vie d’avant, c’est ça qu’on dit ? “ C’est qu’il s’était un peu documenté sur la question, faire des recherches ça l’aidait assez, mais pas complètement. Elle était là pour l’y aider, mais c’était difficile pour lui de l’accepter pleinement. Pourtant, Rosemary est le genre de personne à qui l’on a envie de donner son entière confiance. “ T’aurais le droit de le dire… De dire que t’es heureuse d’pas être à ma place. “ Le contraire, il n’y croirait pas de toutes manières.  Il lui adresse un sourire rassurant, il n’a pas envie de jouer la carte de la pitié en lui disant de profiter de sa vie parce qu’il ne pouvait plus le faire. Elle n’était pas responsable de son bonheur, de ses rêves brisés au vol.

“ Je t’accompagnerais si j’en suis en capacité de le faire ! “ Précise-t-il amusé lorsqu’elle semble vouloir le prendre à son propre piège ! Et comme il ne se sentait plus capable de grand chose, il estimait qu’il ne risquait pas grand chose en s’engageant de la sorte. “ J’ignorais que tu chantais, je serais ravi de t’entendre. Je ne te serais pas d’une grande aide en la matière. “ Il mentait, il chantait très bien et savait même pratiquer de quelques instruments. Il ne s’imaginait pas surfer sur cette facette artistique, il ne s’imaginait pas en musicien au destin tragique qui se réfugie dans cet art, il ne s’imaginait pas en grand chose, pour tout dire. Il était persuadé qu’elle brillerait mieux sans lui.

Il plonge son regard dans celui de la thérapeute “ Je vais essayer de ne pas te décevoir aussi… J’veux dire… De m’accrocher. “ Et ça, c’était pas des paroles en l’air. Il n’avait dit ça à personne d’autre, parce qu’il n’avait avoué à personne à quel point c’était difficile pour lui, de vivre comme ça, d’envisager juste… De vivre ainsi. Parce qu’il se disait que lorsque Jenny n’aurait plus besoin de lui, il n’aura plus besoin de se forcer à vivre comme ça, à vivre tout simplement. “ J’promets pas que je ne serais plus jamais bougon, mais je ferais de mon mieux. “ Qu’il ajoute avec une pointe d’humour. “ T’es une belle personne qu’il me fait plaisir d’apprendre à connaitre, sincérement. “ C’était le genre de personne gentille qu’il aurait aimé avoir dans sa vie bien avant, parce qu’il avait toujours manqué de ça le Theodore, de personne sincèrement douce et bienveillante. Il avait toujours eu tendance à s’isoler, à ne pas faire confiance, à même parfois mal se comporter… Le fameux mordre avant d’être mordu. “ Et tu me dois une démonstration de chant, je ne l’oublierais pas ! “ Il bu encore une gorgée de soda, plus capable d’avaler de sa pizza, il avait déjà fourni un bel effort. Que d’efforts en une journée, grâce à cette étonnante jeune femme.

@Rosemary Hepburn