Quand on voit la Terre de l'espace, on oublie ses problèmes (Emilia)

Depuis l'accident, depuis ce fichu 19 mars, Livio avait l'impression de tomber indéfiniment dans le vide. Sa fille était née alors qu'il était plongé dans le coma. Il avait raté son premier souffle, son premier cri, ses premiers jours. Puis, comme si ses douleurs n'étaient déjà pas suffisantes, le couperet final était tombé. Après examen, les médecins lui avaient annoncé que sa moelle épinière avait été compressée à cause de l'accident, entraînant une absence de sensibilité et de motricité dans ses membres inférieurs. Depuis, il traînait sa carcasse, littéralement et métaphoriquement. Sans doute n'était-il pas encore totalement conscient de ce que sa vie allait devenir, même si le fauteuil roulant qui traînait dans le coin de la chambre en dévoilait quelques prémisses. Installé dans son lit, duquel il ne bougeait pas, bien trop épuisé, bien trop malmené par ses douleurs, Livio tentait de rassurer sa mère au téléphone. Ses parents n'avaient pas encore eu l'occasion d'avoir de la place dans l'avion, eux qui s'apprêtaient à venir en Australie au chevet de leur fils – et de leur petite-fille. Sa voix était fatiguée, mais il tentait de garder un ton assuré, gardant la face pour ses parents. Cela faisait à peine un jour et demi qu'il était réveillé mais il avait l'impression que tout s'enchaînait à mille à l'heure. Aura était retournée auprès de la petite, il n'avait pas encore vu Emilia, qui devait d'ailleurs passer aujourd'hui. Très vite, une silhouette se dessina dans l'encadrement de la porte. Emilia. « Je te laisse, Maman. Y a Emi. Oui... ok.... oui, je vous aime. » Et il raccrocha, posant le téléphone sur la table de chevet, tremblant face au manque de force. Puis il releva les yeux vers sa sœur, plus qu'ému. Il tendit simplement son bras valide pour l'inviter à venir vers lui, réclamant silencieusement un câlin. « Viens là, s'il te plaît. » Pour l'instant, il n'avait pas besoin de mots, il n'avait pas envie de parler, il avait juste envie de serrer dans ses bras sa petite soeur, pour lui montrer qu'il était là. Qu'il était toujours là.

Depuis ce fameux soir de l'accident, ta vie n'était plus du tout la même. Tu avais tenté de bloqué la moindre émotion qui pouvait t'envahir et te faire craquer, te faire lâcher tout et clairement ce n'était pas le moment pour toi de craquer. Livio avait eu cet accident impliquant également une de tes plus proches amies. Aura avait accouché plus tôt que prévu, accouchement auquel tu avais assisté ton frère étant toujours dans le coma, la naissance de ta nièce Milla avait apporté un peu de bonheur dans ta vie mais pourtant tu le savais que tu ne serais pas pleinement sereine tant que ton frère n'aura pas ouvert les yeux. T'avais rendu visite chaque jours à ton frère et t'avais lu son dossier et t'avais compris que ça n'allait pas être simple pour lui. T'avais bien sûr appelé tes parents pour les prévenir, t'avais attendu d'avoir des informations concrètes sur l'état de santé de Livio avant de le faire, et puis tu leur avais annoncé aussi la naissance de Milla. Tu étais devenue un robot presque qui agissais machinalement, travaillant, venant rendre visite à ton frère et Aura à chaque fois que tu le pouvais et vérifier à chaque fois l'état de santé de ton frère. Il avait fini par se réveiller mais t'avais pas pu aller le voir, t'as voulu lui laisser un peu de temps avec Aura, t'ira demain. Il était réveillé et t'étais soulagée d'avoir appris ça. Tu avais un poids en moins sur les épaules, mais il t'en restait bien trop à gérer. Tu arrives près de sa chambre et tu l'entends parler, tu entres et le vois au téléphone comprenant qu'il parlait à vos parents, ta mère te harcelait de messages pour savoir comme il allait, qu'ils faisaient tout pour arriver le plus rapidement possible. Ton visage était fatigué mais tu affiches un sourire soulagée de le voir vivant. Tu plonges aussitôt dans ses bras quand il te le demande et ressert du mieux que tu peux ton étreinte sur lui. Tu restes ainsi en silence, laissant des larmes, de soulagement, couler en silence alors que tu es contre lui. "J'ai eu si peur Livio..." Tu renifles légèrement en restant contre lui, redevenant quelques instants la petite soeur, la petite fille qui avait juste peur de perdre son grand frère. "Je suis pas prête à te perdre moi..."

Depuis, son réveil, Livio avait l'impression d'être dans un tourbillon. Tout s'enchaînait : les visites de médecin, les examens, de nouveau les visites de médecins, la vérification des constants.Il avait dû encaisser la naissance de sa fille – qu'il avait raté – et le diagnostic qui était tombé. Il comprenait désormais pourquoi il ne sentait plus le bas de son corps, pourquoi il n'arrivait pas à bouger. Et si pour lui, c'était difficile, il se disait aussi que son entourage avait vécu cela de l'extérieur, impuissant. Il savait qu'Emi avait été là, qu'elle avait été là pour assister Aura dans son accouchement, qu'elle avait été la première personne à rencontrer leur petite Milla. Il savait qu'il avait dû encaisser les appels téléphoniques et avoir les épaules nécessaires pour tout porter. Alors quand elle apparut dans l'encadrement de la porte, qu'il vit son visage si fatigué, il se sentit mal. Mal de lui avoir infligé cela. Ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait dans un lit de l'hôpital, à deux doigts de passer l'arme à gauche. Il avait espéré qu'elle n'ait plus à le voir ainsi, mais la vie en avait décidé autrement. Alors même si aujourd'hui, il avait juste envie de flancher, il se devait de tenir bon, de la rassurer. Quand elle vint vers lui et qu'elle plongea dans ses bras, il retint un gémissement de douleur et lui rendit plutôt une étreinte riche en émotions. En entendant ses mots, il sentit l'émotion le submerger et perler dans ses yeux si bleus. « Je t'ai dit que je comptais devenir le vieux frère chiant de 80 balais, je compte bien tenir ma promesse. » ça, il lui avait soufflé bien des années auparavant, pour lui montrer qu'il ne comptait pas refaire de bêtises, qu'il avait envie de croquer la vie à pleine dent. Il afficha un sourire dans l'espoir de la réconforter un peu, la relâchant doucement. Et plus sérieux, il murmura : « Je suis désolé que tu aies eu à vivre ça. A tout porter. Aura m'a tout dit. » Aura lui avait tout dit. Puis il reprit, encore plus ému : « Merci d'avoir été là pour elle. D'avoir été là pour l'arrivée de Milla. » De toute ses épreuves, c'était cela qui était le plus difficile : avoir raté la naissance de sa fille. Même s'il savait qu'elle avait été bien entourée...

Bien sûr que tu aimes tes deux frères énormément mais c'est vrai que Livio a toujours été celui de qui tu avais été le plus proche. Celui sur lequel tu as toujours pu compter, celui avec qui tu as pu faire les 400 coups, celui que tu as toujours pris comme modèle et ce malgré toute la souffrance qu'il a pu avoir il y a des années de cela. Il s'agit de la deuxième fois que tu le vois ainsi sur un lit d'hôpital et tu replonges sans le vouloir dans ces souvenirs que tu avais enfouie de ta mémoire. Le revoir ainsi te faisait mal, mais tu le savais que cette fois-ci il n'y était pas pour grand chose. Tu plonges alors, en larmes, dans ses bras ne faisant pas attention si tu lui fais mal ou non. Tu avais simplement besoin de son étreinte. Tu ris alors légèrement a travers tes larmes quand il te rappelle la promesse qu'il t'avait fait lors de son premier passage a l'hôpital. "T'as intérêt, parce que j'ai encore besoin de toi moi pour me remettre de mes futurs peines de coeur" Il le savait, tu lui répétais souvent qu'il était certainement la personne la plus importante a tes yeux, celui pour qui tu pourrais te sacrifier. Tu t'écartes légèrement de lui et attirr alors la chaise pour t'assoir a côté du lit lui tenant toujours la main, pas prête à le lâcher. Tu essuies de ta main libre tes larmes qui avaient coulés sur tes joues tout en ne le quittant pas du regard. "T'as pas a me remercier pour ça Livio..." Tu secoues la tête de droite a gauche en lui disant ça. "Je n'ai fait que mon rôle de soeur et de belle soeur..." Tu as agis le plus simplement possible, pensant avant tout a Aura, Livio, Leandro et la petite. "Je referai exactement la même chose si c'était à recommencer!" Même si tu ne souhaites pas du tout que ça arrive à nouveau. "Comment tu te sens toi? Sincèrement!" Tu lui demandais de te le dire avec sincérité, parce que tu le connaissais, tu savais qu'il pourrait contourner la vérité pour ne pas montrer réellement ce qu'il ressentait. "Pas de mensonges!"

Malgré la douleur, il resserra son étreinte autour de sa sœur, tout simplement parce que c'était plus important que les souffrances corporelles. Cela apaisait son cœur, ses peurs, ses doutes. Et il devait montrer qu'il était là. Il devait la réconforter, comme elle, elle le réconfortait en étant là. D'ailleurs, il lui souffla cette promesse qu'il avait faite, il y avait bien des années, quand l'ado de 15 ans qu'il était, mal dans sa peau, avait lancé l'alerte sur son mal-être. Il avait appris à tenir bon, à garder la tête haute, à avancer pour sa famille, pour Emi qui attendait tant de lui. Et ce n'était pas ce fichu accident qui allait lui enlever cela. « Et pour leur casser la gueule. » ajouta-t-il en tentant d'alléger l’atmosphère, comme elle le faisait. Il relâcha sa sœur, qui prit place sur le siège à côté de son lit, gardant sa main dans la sienne. Il ne voulait pas la lâcher non plus. Le regard posé sur elle, il la remercia. Il la remercia d'être là, pas que pour lui, mais pour Aura, pour Leandro, pour Milla. C'était normal, disait-elle. C'était son rôle. Livio aurait fait la même si Emi avait été dans le même cas, mais il avait besoin d'exprimer sa gratitude. « Je tenais à te le dire quand même. Je n'aurai pas supporté qu'elle ait à vivre tout ça, toute seule. » Même si Livio n'avait pas été là, Milla était au moins arrivée en étant accompagnée, en étant aimée dès les premières secondes. Et cela rassurait Livio. Par contre, quand elle lui demanda comment il allait, il faillit répondre un simple ça va par réflexe. Mais le regard d'Emi recherchait sa sincérité. Et cette fois, Livio n'avait pas envie de se battre avec le paraître. Il déglutit difficilement, secouant la tête : « J'en sais rien, Emi. J'ai comme l'impression d'être dans un cauchemar, à me demander quand je vais me réveiller. » Ses yeux s'humidifièrent, détournant un instant le regard vers ses jambes. Jambes qui ne lui obéissaient plus et vers qui il fit un signe de la tête. « Et elles, là, je ne les sens plus. Et ça me fout la trouille, Emi. » Il regarda de nouveau sa sœur. « Les médecins ne me disent pas grand chose, parce qu'ils disent qu'il faut attendre. Mais toi qui t'y connais un peu, tu... tu crois qu'il y a des chances que je remarche un jour ? » A cet instant, on sentait toutes la vulnérabilité dans la voix de Livio. Sans doute, Emi n'était pas plus avancée que lui sur le sujet. Mais il voulait qu'on soit honnête avec lui, il voulait qu'on lui dise s'il allait devoir se battre de plus belle.

Malgré la peur, la douleur que tu as eu à l'idée de possiblement le perdre, le voir réveillée aujourd'hui t'avais tellement rassuré. Rassuré au point que tu ne peux même pas t'empêcher de rire légèrement quand il te rappelle une promesse faites des années plus tôt et que tu lui rajoutes par la même occasion qu'il devait encore être présent pour soigner tes peines de coeur. "Surtout pour leur péter les jambes!" Dis-tu avec un peu plus de légèreté alors que tu attires la chaise non loin du lit pour pouvoir t'assoir dessus et rester ainsi proche lui, gardant ta main dans la sienne, simplement pas prête à le lâcher de peur qu'il ne disparaisse. Ton frère était ton pilier dans ta vie, il l'a toujours été malgré des petits passages à vides lors de vos adolescences respectives, il était ton meilleur ami dans cette ville loin de votre pays natal et t'avais simplement besoin de lui. "Je l'aurai pas lâcher Livio tu le sais bien.." Tu fais un petit sourire à ton frère, voulant le rassurer sur le fait que c'était simplement normal pour toi d'avoir été présente pour Aura et la naissance de la petite. "Et je ne compte pas la lâcher non plus encore aujourd'hui... Tu le sais que Aura c'est devenu ma soeur le jour où tu l'as inclus dans nos vies et tu le sais que la famille passe avant tout..." T'avais pas eu de soeur dans ta famille mais avoir Aura comme belle soeur rendait les choses tellement plus simple tellement elle était pleine de douceur pour ton frère mais aussi pour toi. Ta main caressait délicatement la sienne alors que tu lui demandes comment il allait et tu ne voulais pas la version édulcorée, tu voulais la sincérité sur comment il se sentait. Tu l'écoutes alors, le regardant toujours sentant ton regard s'humidifié à nouveau au fur et à mesures qu'il te dit comment il se sent. Tu le sais que ses jambes sont sa principales préoccupations, et elles le sont aussi pour toi. Tu relèves les yeux vers lui mais tu ne savais pas trop quoi dire, tu ne voulais pas lui mentir, mais tu ne voulais pas non plus lui dire que t'en savais trop rien. "On doit attendre de voir oui si ce nerf pincé dans ta colonne est rompu ou pas... Pour ça il faut qu'on attende encore quelques jours que les contusions dégonflent..." Tu gardes ta main dans la sienne. "En tout cas Livio, sache que je te lâcherai pas et je serai là ok.." Tu le savais que tu risquais de t'oublier dans tout cas mais tu n'avais qu'un objectif dans ta vie, aider ton frère.

"Ouais, non, je ne toucherai pas trop aux jambes. La gueule, c'est suffisant." Pas sûr que le contexte était bien approprié. Même si c'était dit avec légèreté, Livio avait actuellement un rapport particulier avec ses propres jambes, tant et si bien qu'il ne souhaiterait aucunement cela, même à son pire ennemi. Puis ils vinrent à parler de la naissance de sa fille, du fait qu'Emi avait été là pour Aura, alors que Livio manquait totalement cet événement de leur vie commune. D'un côté, cela lui faisait horriblement mal d'avoir raté cela, de l'autre, il était soulagé de savoir que sa femme n'avait pas été seule. Il hocha doucement la tête quand Emi affirma que la jeune Luciano était devenue sa soeur et que la famille passait avant tout. Chez les italiens, la famille, c'était sacré. Mais Livio avait tenu à dire ce qu'il avait sur le coeur, à la remercier chaudement pour ce soutien qu'elle leur avait amené. Milla était arrivée dans l'amour et la joie, malgré tout. Puisqu'il en venait à dire ce qu'il avait sur le coeur, il continua en évoquant ce qu'il ressentait à cet instant. Et puisque c'était Emi en face de lui, qu'elle était dans le domaine médical et qu'elle était sa soeur, il savait qu'avec elle, il pourrait avoir plus d'informations. Des informations que les médecins refusaient de lui dire. Est-ce qu'il allait un jour remarcher ? Emilia ne lui apporta rien de nouveau finalement. Il fallait attendre. Encore et encore. "Si c'est rompu, il n'y aura plus aucune chance de rétablissement, c'est ça ?" demanda-t-il, les yeux dans le vague. Il déglutit difficilement, finissant par ajouter : "Je ne sais pas ce que je deviendrai si ça venait à être cela... Je me vois pas finir ma vie comme cela." C'était le choc et le déni qui lui faisaient dire cela. Etre prisonnier de son propre corps, alors qu'il était un esprit libre et fougueux, serait le pire destin pour lui. Mais Emi lui assura qu'elle serait là, dans tous les cas. "Merci, Emi. Mais tu sais, je vais m'accrocher." Jusqu'à ce qu'il sache ce qu'il en était, du moins. Mais il voulait lui montrer qu'il avait les épaules et l'envie de se battre. Qu'elle pouvait se rassurer.

Ton coeur s'emballant lors de la vision de ton frère ainsi ne t'aidait pas forcément à réfléchir correctement, c'est pourquoi parler de péter les jambes de tes futurs mecs qui t'auront une nouvelle fois briser le coeur n'était pas la meilleure des idées. "Ouais leur gueules trop belles là qu'ils auront" Tu fais un petit sourire réconfortant à ton frère venant t'installer sur cette chaise près de lui n'osant pas lâcher sa main. Ton frère ce pilier dans ta vie, cette image de lui dans ce lit d'hôpital te faisait forcément très mal, trop mal mais tu ne voulais pas lui montrer parce que tu voulais être positive pour vous deux, sachant très bien que pour l'instant son moral à lui n'était pas au top de sa forme. Il faut dire, avoir loupé la naissance de sa fille, tu le savais, lui avait mis le moral à plat. Tu lui dis qu'il n'a pas de raison de te remercier, tu l'as fait naturellement parce que Aura c'était ta soeur et tu pouvais pas la laisser accoucher seule. Dans ta vie tu as une priorité, et il s'agit de ta famille, tu feras toujours passer ta famille même avant toi, tu le sais que ce n'est pas vraiment positif de faire ça, mais tu es comme ça, te laissant toi au second plan pour que tes proches eux se sentent bien. La preuve en ce moment, tu le sais que ton cerveau s'est déjà mis en route pour faire de ton frère ta priorité et que tu feras tout pour l'aider. Comme tu voulais savoir comment il allait réellement tu ne voulais pas qu'il te mente surtout, parce que tu pouvais endurer ce qu'il ressentait vraiment. Tu pensais sincèrement être la personne la plus à même de l'aider dans cette situation. Tu n'as pas vraiment besoin de répondre à sa question concernant les chances qu'il avait si le nerf était rompu. "On fera tout pour trouver une solution Livio tu sais si c'est le cas... On lâchera rien!" T'essayes clairement de lui donner de la force et du courage pour qu'il ne lâche rien et qu'il garde foi et espoir. Toi tu lui dis que tu seras toujours là en tout cas, tu voulais qu'il le saches même s'il s'en doutait déjà. "Y a intérêt que tu t'accroches" Tu hoches la tête en lui faisant un petit sourire "Sinon je me gênerais pas de te foutre un coup de pied au cul crois moi pour ça!" Tu ris légèrement, voulant lui changer un peu les idées.