I made my peace with a war of doubt so I tilt my head back underground (violette)

Rien que l’ascension de cette montagne, elle demandait énormément, à Woody. Son corps n’était plus le même qu’avant. Son corps n’était plus celui du redoutable cycliste qu’il avait un jour été. Son corps n’était plus celui du professeur de yoga, bien équilibré, bien balancé. Il n’y en avait plus, d’équilibre, dans la vie du physiothérapeute. Il y avait belle lurette qu’il ne s’était pas senti un esprit sain dans un corps sain. Aucun des deux, ni le corps ni l’esprit, ne s’alignaient. À plusieurs reprises, Woody mit son orgueil de côté pour prendre des pauses. Le Mont Roundback il l’avait pourtant monté tellement de fois, à vélo comme à la course. C’était un coup dans son égo. C’était encore plus difficile à encaisser alors qu’il la montait, cette montagne, aux côtés d’une personne qui l’avait connu dans cette ancienne vie, et qui était aujourd’hui confrontée à ce qu’il restait de lui. C’est-à-dire pas grand chose. Mais Woody, depuis l’accident, depuis le décès de sa mère, avait voulu se reprendre en main, pour de vrai. Il l’avait promis à son frère, Elias. Il aurait voulu le promettre à sa sœur Avery mais ils avaient été incapables de se rendre jusque-là dans le dialogue. Le yoga, ça avait toujours permis à Woody de se recentrer. Il avait longuement délaissé la pratique, dans les dernières années, incapable d’accepter la perte de mobilité quant à certains mouvements. Il s’y était remis, récemment, non sans peine, non sans honte et malaise. Violette, cette personne de son ancienne vie, l’élève devenue professeure, lui avait proposé des cours en privé. Elle avait bien perçu le mal-être de Woody, sans en saisir toutes les subtilités sans doute, elle qui avait quitté la ville alors qu’il semblait encore au sommet de sa forme - bien que la maladie avait déjà débuté ses ravages, à l’époque, sournoisement. Le duo arriva finalement au sommet de la montagne, leurs tapis de yoga dans le dos. « Rappelle-moi pourquoi j’ai accepté cette idée de monter jusqu’ici pour ensuite essayer de relaxer ? On aurait pu faire ça d’en bas. » Grogna-t-il. Il avait accepté parce que cette idée-là, c’est lui qui l’aurait eue, dix ans plus tôt. C’est lui qui aurait entraîné toute sa classe jusqu’au sommet. Mais son sommet, ce n’était plus le même sommet, il n’était plus cet homme-là.

Durant plusieurs cours, une chose n’avait pas échappé à ton regard affuté. La dextérité de cet ancien professeur dont tu suivais les cours avant de prendre le large, qui n’était plus celle d’avant. Tu n’étais personne pour lui demander comment cela se faisait, mais tu savait qu’il y avait une raison. Tu voulais juste l’aider, du mieux qu’il en était possible. Sauf que voilà…. Il arrivait parfois, ou à dire vrai, plutôt fréquemment, que tu ai des idées un peu merdiques et farfelues. Celle d’aujourd’hui en était une. Non mais franchement, qui a dit que c’était simple de monter 716 mètres ? Ha oui, toi ! En disant haut et fort, que l’air frais et pur de la montagne, allez vous faire le plus grand bien. Comment dire que là, lorsqu’il prenait des pauses, tu savourais ce moment de répit, pour reprendre ton souffle et contenance. Faisant comme si tu n’en bavais pas du tout. Non sérieusement, la prochaine fois, il fallait pas qu’il l’écoute, ou alors qu’il lui dise non, on va ailleurs. Vous étiez tous les deux à en avoir du mal à monter tout en haut, tout cela pour une vue, que tu savais que tu ne regretterais pas de voir, mais là sur le coup, c’était pas ce qui te passais en tête. Tu te maudissais un peu en fait et sans doute que Woody aussi le faisait. Il y avait une bonne chose dans tout cela, il n’y aurait pas besoin de faire des étirements, avant de commencer la séance de yoga, avec ton ancien professeur. Ce professeur qui t’avais rendu assidue, pour diverses raisons. Une fois en haut, les mains sur les hanches, tu le regardais en soufflant, de cette montée compliqué. « Hum, parce que j’ai dis que c’était une bonne idée ? Une histoire d’air pur et tout…. La prochaine fois s’il te plaît, ne m’écoute pas ! » Disais-tu en souriant. « Je propose quand même qu’on boive un café, histoire de reprendre un peu. On a bien mérité une pause salvatrice. » Mais avant tout, avant d’aller vers le food-truck, tu posais le sac à dos sur une table de pique-nique et approchais dangereusement du vide, observant cette vue sublime, qui vous avez été promise. L’impression de revivre été instantané. L’air s’engouffrait dans tes poumons et tu te retournais vers Woody, les bras écartés, le sourire aux lèvres. « Regarde, le jeu en valait le détour non ? »

Ce qui rassurait un peu Woody, à quelque part, c’était de voir les mains de Violette sur ses hanches, et son souffle court. Cette montagne elle n’était peut-être pas un challenge que pour lui, finalement. Cette montagne elle était certes bien plus difficile à monter qu’elle ne l’était auparavant, pour lui, mais il n’était pas non plus juste out of shape. La montée était complexe même pour des personnes qui ne souffraient pas d’une maladie comme la sienne. Ça le réconfortait, un peu, lui qui s’entêtait tellement à garder le dessus sur sa condition, même s’il finissait toujours par se dire que c’était une bataille perdue d’avance. Au moins, aujourd’hui, il pouvait être fier de s’être rendu au sommet du Mont Roundback. C’était une petite victoire et des petites victoires, ces temps-ci, il les prenait. Il les accueillait. C’était un peu tout ce qu’il lui restait d’espoir. « C’est ce que je fais de mieux, ne pas écouter les autres. C’est bête que cette fois-ci j’ai fait exception. » Il esquissa un faible sourire à son tour. En plus de ne plus avoir la mobilité et la dextérité d’autrefois, Woody n’avait plus non plus le sourire aussi facile, la joie de vivre à portée de mains. Violette lui proposa de prendre le temps de boire un café avant de débuter leur séance de yoga, question de récupérer un peu avant cet autre type d’effort. « Bonne idée. » La caféine aiderait également à atténuer ses symptômes de fatigue, qui le guetteraient sans doute davantage après une telle ascension. Le trentenaire suivit la blonde jusqu’au point de vue le plus dégagé du sommet. Il contempla la forêt qui s’étendait sous eux, et les champs à l’horizon. À leur gauche, le ciel se confondait à l’océan. Le Mont Rounback réunissait vraiment un peu de tous les paysages, et avec ces couleurs automnales, il y avait de quoi s’émerveiller. « Oui. C’est vraiment beau, ici. » Admit-il, la gorge nouée. Il était pas mal plus ému qu’anticipé. Peut-être le fait d’être si haut, si près des nuages et du ciel, si près de sa mère, peut-être, au-dessus d’eux. Peut-être le fait d’avoir réussi à repousser les limites de son corps et de s’être ramené jusqu’ici par lui-même, malgré la douleur, malgré la fatigue. Sûrement un peu de tout ça.

De retour dans cette ville si belle et chaleureuse, après environ six ans d'absence, tu t'étais rendu compte de ne jamais être allé jusqu'en haut du mont Roundback. Toi la native de Bowen. Il fallait dire qu'à l'époque, tu avais plus tendance à passer ton temps sur le plancher des vaches à profiter de la vie avec tes amies, ou à surfer sur les belles vagues de l'eau. La hauteur n'avait jamais été ta tasse de thé, cependant, se mettre au défi et ressentir de l'adrénaline, c'était ton truc. Et pour l'occasion, t'avais embarqué Woody, qui étrangement n'avait pas refusé l'invitation au cours privé, en haut de la montagne. Lui qui comme il le disait, n'écoutaient pas les autres. Peut-être avais-tu une assez bonne aura pour lui avoir fait venir. « Allez Monsieur l'ours, c'est pour la bonne cause que tu as dit oui ! » Tu n'avais pas pu t'empêcher cette petite taquinerie. Il faisait un peu ours grincheux des fois, mais tu sais que sa bonne humeur existe, tu l'avais vu il y a des années. Quoi qu'il en soit, autant lui que toi, vous n'en pouviez plus et puis, il y avait comme un manque de caféine dans tes veines. Avant toute chose, il t'a fallait voir cette vue, que l'on t'avait promis magnifique. C'était faux, c'était bien plus que cela. Tu n'avais pas les mots face à ce spectacle, face à ces lumières, qui au loin se reflétaient dans l'océan, face aux nuages qui engouffraient le sommet des montagnes. La voix qu'il avait, elle te faisait tilt. Levant les sourcils en sa direction, tu comprenais alors, qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas et voir une personne souffrir, tu n'aimais pas. T'avais tendance à vouloir aider tout le monde. Tu posais doucement une main sur son épaule, cherchant ses yeux. « Je ne sais pas ce qui rend ta voix si triste, mais si tu as besoin d'en parler, je suis là. » Même si t'étais pas celle à qui il avait envie de se confier, des fois, cela faisait du bien de le faire, avec n'importe qui. Vous rejoignez la table et tu partais commander deux cafés au food truck, avant de revenir t'asseoir, lui tendant sa boisson en souriant. « Voilà pour toi ! Je crois que je n'ai jamais eu une vu pareil pour un café. »

Monsieur l’ours, ce n’était pas la première fois que Violette se permettait ce petit surnom à l’égard de Woody, depuis son retour en ville. Depuis qu’ils avaient repris contact via les cours de yoga qu’elle donnait, maintenant. C’est que le physiothérapeute était pas mal plus bougon que lorsqu’elle avait quitté la ville il y avait de cela un peu plus de six ans si ses souvenirs étaient bons. Il esquissa un sourire, lui jetant quand même un regard faussement offusqué, du coin de l’œil. « Quelle bonne cause ? » À ce qu’il sache, ils n’avaient pas monté cette montagne pour le Club des petits-déjeuners. Tous les deux se rendirent, au même rythme, jusqu’au point de vue franchement spectaculaire qui se trouvait à deux pas de la terrasse improvisée du food truck. C’était à couper le souffle, c’est d’ailleurs ce qui arriva à Woody, il avait l’impression que sa gorge s’était resserrée au point qu’il n’arrive plus à y faire rentrer de l’air. Il n’y avait de la place que pour la tristesse, pour la nostalgie et pour le regret. Pour la culpabilité, aussi. Il ne méritait pas d’assister à un tel spectacle de couleurs et de lumière, alors que sa mère était décédée par sa faute, et alors que Charlie était seule parce qu’il n’était pas digne d’elle. Voyant bien que le trentenaire était dans tous ses états, Violette posa une main sur son épaule. Il baissa les yeux vers elle, tournant la tête de son côté. « Merci. Mais ça va. » Il lui mentait à elle mais il se mentait surtout à lui-même et ça, il fallait absolument que ça cesse. Il resta pensif un moment, avant qu’ils ne se dirigent vers les tables à pique-nique. Woody surveilla leurs effets personnels pendant que Violette allait leur commander deux cafés. « Merci. » Dit-il en attrapant la boisson chaude. Tous les deux prirent place du même côté de la table à pique-nique, afin de faire face à la vue. « Clairement, c’est dans mon top aussi. » Admit-il avant de porter le café à ses lèvres. Il redéposa le gobelet devant lui et se passa les mains sur les cuisses, nerveusement, avant de déclarer : « C’est pas vrai, que ça va. Je pense que je me sens mal d’être ici, devant tout ça, alors que j’ai fait beaucoup de mal autour de moi dernièrement. » S’il voulait guérir, Woody, il fallait qu’il arrête de tout garder en-dedans, de laisser pourrir le mal dans son être.

Tu as toujours été du genre à faire quelques petites taquineries, mais seulement quand tu te sentais un minimum à l’aise avec la personne. Et puis, cela n’avait jamais rien de méchant de ta part. Pour voir une once de méchanceté en toi, il fallait poussé le couvercle bien loin. Néanmoins, sous tout ces airs d’homme bougon, aujourd’hui, tu avais réussi un premier grand pas, le faire sourire. « Hum…. Peut-être pour ce sourire ! » Lançais-tu, en passant devant lui, avec la hâte de découvrir une vue des plus éblouissante. Woody, il était un peu une énigme à tes yeux, du genre que t’avais envie de comprendre. Lui qui avait cette joie de vivre qui ressortait tant avant, voilà que voir un sourire aujourd’hui, était déjà une bonne chose. La montée pénible, aura finalement eu un léger effet bénéfique. Léger et de courte durée, car malgré un tableau que même un peintre aurait du mal à reproduire, il semblait à nouveau se renfermer, dans cette tristesse, qui sortait quasiment de ses pores. Tu te sentais un peu mal dans le fond, parce que c’était toi qui avait eu l’idée de faire le cours en haut d’une montagne, mais tu n’avais pas pensé que cela le plongerait dans ses démons. Parce oui, il se battait face à des démons. Tu connaissais trop le regard d’une personne se débattant contre ses pensées sombres. L’ayant vécu aussi et te battant encore certaines nuits contre eux. Ils sont coriaces, ils ont la peau dure. T’essaye de lui montrer que si jamais il en avait besoin, tu étais là, avant de le laisser surveiller les affaires, le temps d’aller prendre deux bons café, pour les savourer dans cet endroit magique. Vous ne pouviez que savourer cette vue, il en était difficile d’en faire autrement. « Il faudrait être compliqué pour qu’elle n’en fasse pas partie. » Bien que le vent donnant cette sensation de liberté faisait un bien fou, il donnait un peu froid aussi. T’ouvrais le sac et enfilais une veste coupe-vent, remarquant par le même temps, qu’il avait l’air un peu nerveux. Ne disant rien, ne voulant pas le précipiter, tu le laissais faire à son rythme. Mais tu l’avais bien remarqué. « Écoute, je ne sais pas ce que tu as vécu Woody, ni ce qui te ronge clairement…. Mais…. Toi aussi tu as le droit, d’être dans de beau coin, de te sentir bien. Tout comme tu as le droit de te sentir triste, c’est normal. » Le silence revenait un instant, le temps de te brûler avec le café, quelle bonne idée tiens. Tu étais un peu nerveuse, de vouloir trouver les bon mots, parce que tu te revoyait un peu dans sa détresse. « Le premier pas pour s’en sortir est toujours le plus difficile, mais une fois que tu l’auras fait, tout suivra derrière. Ce sera moins dur…. »

Il ne comprenait pas trop, Woody, pourquoi Violette aurait voulu se donner comme mission de le faire sourire, aujourd’hui. Et surtout, si elle faisait de lui une bonne cause, il aurait été préférable qu’elle sache d’avance qu’il était plutôt une cause perdue. Puis, Woody, il n’avait jamais trop aimé la pitié ou la charité, quand il lisait la compassion dans les yeux des autres ça le faisait juste sentir diminué, inutile, émasculé. Il ne voulait être la bonne cause de personne. Cependant il comprenait les intentions de Violette, alors il ne chercha pas la merde cette fois, en jetant un froid entre eux. Il la suivit plutôt, silencieusement, jusqu’au point de vue à couper le souffle. Des nuages il y en avait devant eux mais il y en avait encore plus dans le regard de l’homme, qui se voilait de tristesse et de regrets. Il aurait aimé que sa mère soit là. Il aurait aimé que Charlie soit là. Mais il les avait toutes les deux perdues, pas de la même manière, mais dans les deux cas par sa faute. Et s’il n’était pas trop tard avec Charlie, Woody restait cependant campé sur sa position : il ne pourrait pas être en couple, encore moins fiancé, avec qui que ce soit, tant qu’il n’apprenait pas à s’aimer lui-même. À s’aimer avec sa maladie, puisqu’elle faisait maintenant partie intégrante de lui. Sans la laisser le définir, il fallait quand même qu’il accepte l’inévitable. Ayant fait marche-arrière jusqu’au foodtruck, Violette et Woody étaient désormais assis à une table à pique-nique, tous les deux du même côté afin de profiter du paysage. C’est là que le trentenaire s’ouvrit, rien qu’un peu, une craque pour laisser entrer la lumière. « Ce n’est pas tout le monde qui serait d’accord avec ce que tu viens de dire … » À commencer par sa soeur Avery, qui lui en voulait si fort d’avoir tué leur mère, même si c’était un accident. Un accident qu’il aurait pu éviter s’il avait été moins borné, moins orgueilleux. Violette, après un court silence, continua en parlant du premier pas, le plus difficile. Woody inspira profondément, puis expira. « Et quand on a l’a fait au moins vingt fois, le premier pas, et qu’à chaque fois on en fait dix derrière ensuite ? » Il secoua doucement la tête de gauche à droite. « J’ai promis à mon frère que cette fois j’arrêtais mes conneries. Que j’arrêtais d’me foutre la tête dans le sable. C’est pour ça que j’ai repris le yoga même si, t’as pu le remarquer, j’suis pas en forme comme avant. Peu importe, il faut que ça fonctionne. Il faut que je me retrouve. » Il osa la regarder une fraction de seconde, avant de laisser son regard fuir à nouveau.

Tu n’avais aucune idée de ce qu’il avait pu vivre comme horreur, pour s’en retrouver aussi fermé maintenant. Pour sûr, il ne devait rien y avoir de drôle là-dessous…. « Ouais, je sais bien…. On peut pas toujours être d’accord avec tout le monde, ce serait ennuyant, non ? Mais je pense qu’on a tous le droit à une seconde chance. » D’autant plus si comme il paraissait le dire, certaines personnes le faisaient culpabiliser, d’une manière ou d’une autre, lui faisant croire qu’il n’avait pas le droit de se sentir bien. Évidemment, tu ne jugeais en aucun cas et personne, car tu ne savais rien de ces histoires, il n’en restait pas moins que c’était triste. De dire à une personne qu’elle n’avait le droit de se sentir vivant, heureux…. Vous n’êtes que des humains, n’ayant aucun droit sur la vie ou la mort des autres. Voilà tout. Après, tu sais que parfois, la rancune peut faire des siennes. La tienne par exemple, avait fait quelques ravages. T’enfermant dans de longs silences, dans des journées sans fins, restant grippée dans tes humeurs aigris à souhait. Refusant l’aide qu’on te tendait, t’engouffrant toujours plus dans cette merde, d’où il était si dur de sortir. Toi aussi, t’étais passé par la phase ‘je marche et je recule encore plus’, comment t’en étais sorti ? Honnêtement, tu ne savais plus, mais aujourd’hui, tu sais qu’il vaut mieux être accompagné dans ce genre d’épreuve que seul. Woody se confiait, montrant son mal-être, montrant son regard démuni. « Écoute, je suis pas la science infuse, mais tu sais, je sais ce que c’est, que de se battre pour vouloir sortir la tête de l’eau, pour s’en sortir. Je sais à quel point il est dur d’accepter l’aide des autres, à quel point on pense tout le temps qu’il ne s’agit que de pitié et de rien d’autre. Mais c’est faux. Ce sont juste des gens qui te tendent la main, rien de plus, rien de moins. Je sais qu’on se connaît pas tant au final, mais tu vois, j’ai envie de t’aider à remonter à la surface Woody. » Que tu lâches en le regardant dans les yeux. Qu’il comprenne que t’avais pas mauvaises intentions. « Tu l’acceptes ou non, c’est ton choix. Je suis prête à te tendre la main si tu le veux, à faire des choses cool de la vie, pour t’en redonner le goût et tout…. » Voilà que tu parlais beaucoup trop. Pour te taire, tu te réfugiais dans ton café fumant.

Il aurait bien aimé être, parfois, un peu plus d’accord avec sa famille. Pas qu’ils étaient tous à des extrêmes les uns des autres, pas qu’ils soient des pôles opposés, mais disons que Woody ne prenait pas toujours des décisions qui faisaient l’unanimité. Il se mettait à part par lui-même. Il avait longtemps cherché à se faire oublier, comme ça il ne ferait plus souffrir personne. Aujourd’hui il savait fort bien que l’amour, qu’il soit fraternel, amical ou amoureux, ne fonctionnait pas ainsi. Il ne pouvait empêcher les autres de l’aimer, pas même en s’efforçant d’être la pire pourriture. Woody eut un léger rictus. « Je pense avoir écoulé pas mal plus que deux chances, déjà. » On aurait presque pu croire que Woody s’était donné pour mission, aujourd’hui, de contredire tous les propos rassurants de Violette. Ce n’était pas intentionnel, il ne voulait pas être lourd comme il l’était. Il disait juste les choses telles qu’elles étaient. C’est que des pas vers l’avant, Woody avait déjà essayé d’en faire, et plus il voulait aller de l’avant, plus il avait l’impression de reculer. Ayant le réel sentiment que les paroles de Violette n’étaient pas un discours prémâché, il la tourna vers elle, l’écoutant avec intérêt, avec sérieux. Il n’aurait su dire pourquoi mais quelque chose dans le ton de sa voix le convainquait qu’elle avait sincèrement connu ce mal qui vous dévore d’en-dedans. Qu’elle pouvait, en quelque sorte, se reconnaître dans le regard de Woody. Le regard qu’il portait envers lui-même. Mal à l’aise de cette sincérité, de cette bienveillance et de cette générosité aussi dont elle faisait preuve à son égard, Woody commença d’abord par demander, seulement : « C’est quoi, des choses cool de la vie, exactement ? » Son ton se voulait détaché, indifférent, presque amusé de la situation, mais au fond on voyait bien qu’il en était troublé, de ces confidences et de cette offre. « Tu t’es sortie la tête de l’eau pour de bon, toi, alors ? » Demanda-t-il ensuite, se réfugiant à son tour dans son café bien corsé, bien chaud.

Des secondes chances. Combien en avais-tu écoulé depuis tout ce temps ? Oh, sans doute beaucoup trop. Mais comme l’adage le dit, personne n’est parfait, encore moins toi, alors tu faisais juste de ton mieux, pour toujours aller de l’avant. Même si parfois, il y avait des événements ou des coups de mou, qui te faisait rester sur place, t’essayais de ne pas reculer. C’était difficile, évidemment. Heureusement, bien entouré, les choses savaient se remettre dans l’ordre, un peu plus facilement, même si tu étais tout à fait le genre de fille à garder le plus possible les malheurs pour toi, pour ne pas inquiéter tes proches. « Ouais, je sais bien les deuxièmes chances, c’est pas qu’une fois en général…. Tu as le droit d’en avoir plusieurs. » Ne dit-on pas que ce qui ne tue pas, nous rendait plus forts ? Il ne fallait pas faire fi de ses oppositions, t’avais été dans le même cas auparavant. Alors tu essayais de lui faire comprendre, que de l’aide, une simple main tendue, pouvait faire une différence, du genre qui permettait d’avancer et non de reculer. Bien que depuis le début, il semblait juste rester dans son ‘rôle’ de Monsieur ours, cette fois, il semblait avoir un intérêt pour ses mots, ou tout du moins, comprendre que ce n’était pas juste un discours lancé au hasard. Bien qu’un peu troublée de sa question, tu lui répondais. « Et bien, je dirais, des sorties, aller sur la plage, bronzer et faire de la farniente, aller au restaurant et testé des choses que tu n’as jamais pris, prendre un jour la route et partir sans destination, aller au cinéma, apprendre de nouvelles choses. Profiter de la vie, seul ou accompagné. Mais il faut profiter de la vie ! » Puis tu buvais de ce breuvage dont tu avais un intérêt assez prononcé. Jusqu’à manquer l’étouffement, de par la chaleur et la surprise face à sa question. « Oh euh je…. » Voilà qui était rare, qu’on lui coupe sa parlote trop facile. Prise au dépourvus, ne s’étant pas douté que ses mots avaient pu laisser entrevoir, qu’elle aussi avait pu vivre un enfer. Différent du sien. Comme à chaque fois que l’on abordait ce sujet, tu te recroquevillais un peu. « Non…. Je ne vais pas te mentir. Enfin…. Il arrive parfois, que mes vieux démons me rattrapent. La nuit particulièrement. » Fuyant son regard. « Mais en tout cas, ma tête n’est plus sous l’eau et je savoure chaque instant qui m’est offert ! »

Pourquoi parler de seconde chance s’il y en avait plusieurs ? Et alors, comment savoir jusqu’où on pouvait repousser les limites ? Woody avait tant tenté de les écouler, ses chances, pour qu’on baisse enfin les bras face à lui et qu’on le laisse un peu tranquille. Qu’on le laisse dépérir en paix. Mais ses proches continuaient d’accourir, de vouloir le sortir de sa torpeur. Il y avait eu ce point de rupture, finalement, avec l’accident et le décès de la mère de la fratrie Rutkowski. Avec sa soeur Avery le lien s’était brisé et Woody ignorait si elle lui pardonnerait un jour d’avoir été aussi irresponsable. Il avait ce qu’il avait toujours voulu, Woody, non ? Sa petite soeur lui tournait le dos. Elle le laisserait tranquille s’il décidait de se laisser crever. Le hic c’est que Woody avait décidé tout le contraire. Woody avait fait le choix de vivre. Une bonne fois pour toute. Il l’avait même promis à son frère Elias. Il lui avait promis qu’il essaierait de s’en sortir, de ce trou dans lequel il se laissait glisser depuis au moins dix ans. « Y’a pas de quantité limite ? » Demanda l’ours bougon, esquissant quand même un demi-sourire face au non-sens de ce concept. Il détourna ensuite le regard, intimidé par les confidences de Violette et la sincérité dans sa voix. Elle en avait traversé des choses, il ignorait lesquelles mais elle avait failli se noyer elle aussi, il le sentait. Alors que faisait-elle pour vivre à nouveau ? Woody pourrait s’en inspirer. « C’est drôle, généralement les bucket lists des gens elles comprennent des activités aux sensations fortes, faire de la plongée sous-marine, sauter en parachute, gravir les plus hautes montagnes … Les tiennes elles sont … simples. Accessibles. » Des activités que Woody lui-même pourrait faire, malgré sa maladie. Des activités sur lesquelles il avait sans doute levé le nez et qui, pourtant, demeuraient cools, puisque c’est Violette qui le disait. Le trentenaire sembla prendre cette dernière par surprise en lui demandant si elle avait su sortir la tête de l’eau, elle. Il se reconnut dans sa réaction. Ses balbutiements. Son regard plus fermé. Son non-verbal, aussi. « Tu crois qu’tu pourras les chasser complètement, un jour ? Même la nuit ? » Pour sa part, Woody ne pourrait jamais les chasser de sa vie, ses démons, ils continueraient de le bouffer physiquement jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus rien de lui. Il ne devait plus chercher à les faire fuir ou à les oublier. Il devait apprendre à vivre avec.

Il y avait en lui, en cet homme tourmenté, une certaine similitude dans ces douleurs qui rongent de par l'intérieur. Sans que cela ne soit visible pour les autres. C'était visible, seulement pour une personne ayant vécu l'enfer aussi. Dans son regard, tu ne comprenais que trop bien ce voile qui assombrissait tout sur son passage. Au début, tu n'étais devenu que l'ombre de toi-même, celle qui suivait ton corps, par dépit, et non par choix. Il est bien trop facile de perdre le goût de ce qu'avant on pouvait aimé, une fois brisé. Et tu n'avais pas dérobé à cette fâcheuse règle. Celle de ne plus sortir, de ne plus voir personne, de penser que tu ne méritait pas cette aide que l'on te tendait tant de fois. Non, c'était bien plus simple de te laissé sombrer et tu l'avais fait parfaitement. Pour mieux réussir à te relever. Alors même si aujourd'hui, devant cette ours grincheux, tu essayais de montrer qu'il était possible de s'en sortir, le fait que tu étais là, debout, tenait de l'exploit. Haussant les épaule à sa question.  « Je ne crois pas.... Au fil du temps, j'ai compris que les seules limites qui barre le passage, sont celles qu'on se donne.  » T'avais été l'experte en la matière. Trouver des excuses pour ne pas sortir, pour ne faire ci ou cela, c'était devenu ton domaine. Tu le regardais doucement, esquissant un sourire, voyant cet air surpris de cette bucket list, qui n'avait rien d'extraordinaire.  « Pour les activités plus hors norme, faut déjà se sentir mieux. Mais tu vois, il y a pleins de choses que tu peux faire si tu le souhaites ! J'essaye de faire au moins une chose par semaine, c'est libérateur. » Il y avait bien la virée en van qui te faisait de l'œil, mais déjà problème numéro un et pas des moindres, tu n'avais pas de van. L'étouffement n'était pas passé loin lorsqu'il t'avait retourné la question. Et bien c'était pas simple d'expliquer sans trop en dire. Sans te sentir mal, sans sentir le palpitant qui se serrait un peu. Mais devant lui, elle n'avait pas peur de se confier sur ce mal, car ils partageaient de manière différente celui-ci.  « Complètement.... Je ne sais pas. Mais vivre en prenant le dessus, la journée j'y arrive plutôt bien en fait. C'est la nuit que les choses se compliquent pour moi. Si un jour je me sens en sécurité, sans doute que même la nuit ce sera estompé. » Tu l'espérais grandement. Un peu hésitante, de peur de le brusquer, tu lui demandais doucement.  « Et pour toi Woody, c'est plus dur le jour où la nuit ? » Quoi qu'il en soit, il était clair qu'ils pourraient s'entraider si il le voulait.

Et il s’en imposait beaucoup, Woody, de limites, de barrages. Lui qui autrefois repoussait toutes les limites que le monde externe lui imposait, lui qui prouvait au monde entier qu’il pouvait aller plus loin encore que ce qu’on le disait capable de faire, l’ancien sportif était désormais prisonnier de ses propres critiques. Il se sentait incapable d’aller de l’avant, incapable de se pardonner, alors comment les autres pourraient-ils, eux, lui offrir pardon ? Le jeune homme se contenta de hocher la tête, il était d’accord, à quelque part, avec le discours de Violette. Il savait qu’il était son pire ennemi. Il ne savait juste pas par où commencer pour se tendre la main à lui-même. Tout semblait pourtant si simple lorsque c’était Violette qui l’évoquait. À commencer par cette bucket list d’idées accessibles, loin d’être extraordinaires certes, mais qui ramenaient aux sources, en quelque sorte. « C’était quoi, ton activité de cette semaine ? J’espère pour toi que ce n’était pas cette montée du Mont Roundback avec moi … » Lâcha-t-il avec un mince sourire au bord des lèvres. Disons qu’il y avait meilleure compagnie que la sienne pour valider un truc d’une bucket list. Actuellement, Woody était no fun. Depuis le décès de sa mère il avait l’impression d’être incapable de ressentir la moindre joie. Les démons, dont Woody et Violette parlaient maintenant, lui bouffaient tout bonheur possible. Même dans les petites choses, le trentenaire avait du mal à grapiller une quelconque étincelle. « Te sentir en sécurité ? » Demanda Woody, intrigué, ne réalisant pas vraiment que cela pouvait être indiscret, que Violette n’avait probablement pas envie de répondre, qu’il ravivait chez elle de mauvais souvenirs en creusant si loin. Il aurait pourtant dû le savoir, Woody. Lui qui n’aimait pas s’ouvrir. Il ressentit d’ailleurs cette boule au creux de sa poitrine lorsque la blonde lui demanda, pour lui, si c’était plus difficile le jour ou bien la nuit. « La nuit, ce ne sont que des cauchemars, … c’est en me réveillant le matin et en réalisant que je les vis, ces cauchemars, que ça frappe le plus fort. » Admit-il, terminant finalement son café. Les gobelets de ce resto éphémère n’étaient pas bien généreux, il avait l’impression de l’avoir fini en cinq gorgées. Constatant que Violette en arrivait elle aussi au fond, il proposa : « Bon, on s’y met, à ce yoga ? » C’était sans doute aussi une manière de couper court à cette conversation bien trop profonde et sincère pour lui.

L’intransigeance envers sois-même, beaucoup en était atteint, toi y compris, tu ne déroges pas à cette règle un peu maso, que de ne rien te pardonner. Heureusement, avec le temps, en prenant des années au compteur, un soupçon de sagesse était rentré dans ta vie, petit à petit, pour grandir en toi chaque jour un peu plus. Depuis cet instant, tu te sens plus sereine, plus libre, une délivrance qui pouvait paraître moindre, mais qui pourtant avait fait toute la différence. Aujourd’hui, tu vivais au jour le jour, sans penser au passé. Ton sourire s’élargissait devant le sien en demi-lune. « Oh et bien, à défaut d’avoir un van à disposition pour partir un jour ou deux, je me suis dit que ce soir j’irais au restaurant, mais je ne sais pas lequel. Et avant…. Monter la montagne et y faire du yoga faisait partie de la liste oui ! » Avouais-tu en souriant. Faire un mini voyage de quelques jours, dans un van aménagé, finissant la journée devant un magnifique couché de soleil, tu en rêvais, seulement, il manquait le fameux van. Devant ce genre de vue et ces moments, tu saurais venir te ressourcer, pour repartir sur de meilleures bases encore. Car finalement, se ressourcer était essentiel, et ne se faisait pas qu’une fois dans l’années. Enfin, pas pour toi. Vu les démons qui habitaient ton être tout entier, il fallait bien que tu le fasse plusieurs fois dans l’année, mais cela te faisait du bien. Sa question te bousculait un peu, mais puisque tu avais pour optique d’être franche…. « Oui, la nuit j’ai peur, souvent. J’appréhende de dormir parfois, c’est idiot hein ? » Lui demandais-tu en le regardant brièvement. Tu ne pouvais pas lui avouer que ton cauchemars avait commencer une nuit, tu n’en parlais à personne alors…. C’était fou, mais lui, tu le comprenais. Tu comprenais cette part en lui, qui était brisée et c’était sûrement ce qui avait fait que tu osais en parlais, même un peu avec lui. Hochant la tête, l’écoutant. « Hum…. Dans ce cas, il faut peut-être que tu trouves des occupations pour te vider la tête la journée. » Il fallait encore les trouver, ce qui n’était pas aisé parfois. « Oui, allons y ! » Disais-tu en te levant d’un coup, précipitamment, avant de prendre ton tapis dans le sac à dos. « On peut se mettre là-bas, histoire d’avoir la plus belle vue en même temps. » Tu allais mettre ton tapis, attendant qu’il s’installe à son tour, commençant les premières positions, comme le salue au soleil, histoire de commencer doucement.

Partir en van sur un coup de tête, c’était quelque chose qu’il avait fait souvent, seul ou avec Freja, par le passé. Enfin, pas forcément en van, mais il leur suffisait de retirer les bancs arrière de son SUV et d’y installer un matelas, et le tour était joué. Ils en avaient vécu, des aventures, Freja et lui, comme ça. Ça lui manquait, ce temps-là. Ce temps durant lequel il ne se posait pas autant de questions, Woody. Il ne se mettait pas autant de freins. « J’te passe les clés de mon SUV et ça s’organise. » Déclara-t-il avec un sourire. À défaut de pouvoir vivre ce genre de moment, aussi bien laisser d’autres personnes les vivre. De toute façon, depuis l’accident qui avait coûté la vie à sa mère, Woody avait décidé qu’il ne conduirait plus. Il avait fait réparer sa voiture mais elle était encore dans le parking et n’avait pas bougé depuis décembre. Il n’avait clairement plus les capacités. Son corps était bien trop imprévisible. « Ce sera quand même une plus grand aventure que d’aller au restaurant en solo. » Elle était assez à l’aise avec elle-même pour passer ce moment-là en sa propre compagnie, cela dit, ce qui était une belle chose en soi. Woody, lui, ne s’aimait pas assez pour sortir seul. Il était capable de solitude, c’était même préférable dans son cas, mais entre les murs de sa maison c’était le mieux. Violette avait elle aussi ses démons, cela dit, et visiblement elle ne se sentait pas toujours en sécurité, avec eux. Woody la questionna un peu plus là-dessus, sans se douter qu’il ravivait peut-être la douleur. « Non, ce n’est pas idiot. Pas du tout. » Lui assura le trentenaire, les sourcils légèrement froncés. « J’appréhende davantage les réveils que le sommeil parce que j’aime pas réaliser que c’que je vis c’est bien vrai, que j’ai aucun moyen d’fuir. Mais je peux comprendre que si c’est le contraire, que si ce sont les cauchemars que tu veux fuir, t’aies pas envie d’aller dormir le soir. » Lâcha-t-il, pleinement compréhensif de sa situation. Ils étaient tous les deux brisés, à leur manière. « J’essaie. Mais pour certaines raisons, je ne peux pas tout faire de ce que j’aimais avant. Et c’est pas facile de se réinventer de toutes pièces. » Il s’était perdu, Woody, au fil des années, au fil des pertes de motricité, de capacités. Il pouvait encore s’en sortir, un peu, avec le yoga. Il n’était pas d’aplomb comme avant mais il pouvait encore le pratiquer, pour le moment. C’est pourquoi il insista pour qu’ils passent à ce moment-là, plutôt que de continuer les discussions trop profondes pour lui. « Ça m’va. » Dit-il pour la vue, en attrapant son tapis et en suivant Violette jusqu’à l’endroit désigné. Il débuta la salutation au soleil, suivant la grâce de Violette, à côté d’elle, mais légèrement en arrière pour pouvoir la suivre.