Hit me baby one more time (Tw violence et blessure) | Arielle

C’est tout simplement trop, trop de nouvelles, trop de malheurs, trop de douleurs pour un seul humain. J’aimerais qu’il puisse y avoir une limite à la souffrance, une façon de dire stop et de permettre à l’autre de se relever. La vie est un combat de tous les jours et même si on est à terre on doit trouver le moyen de continuer d’avancer. Aujourd’hui, ça fait trois mois qu’Agnes est décédé, trois mois que je tente d’avancer avec la moitié de mon coeur, le coeur en miette. C’est aussi aujourd’hui que j’ai rencontré mon frère, une rencontre qui ne s’est pas si bien déroulée. Tout semble jouer contre moi et c’est dans ce genre de moments que mes poings me démangent. Que j’ai envie de replonger dans mes anciennes habitudes, envie d’un rail pour endormir cette douleur, avoir cette impression de puissance et cogner jusqu’à ne plus rien ressentir. En me promenant dans les ruelles de la ville j’ai réussi à trouver ce que je cherchais. Des combats… j’ai un besoin viscéral de cogner. Personne ne me connaît ici, personne ne sait comment je combat.

Le soir, dans un sous-sol lugubre d’un immeuble du centre ville. Il y’a des spectateurs, des gens qui paris à savoir qui gagnera le combat. Je me suis préparé et j’attend mon adversaire. Les mains enrubanné dans le tape blanc. On porte pas de gants de boxe ici, un simple protecteur buccal pour épargner les dents. Les coups pleuvent, je sens son poings venir me cogner dans le visage, puis je le laisse me taper encore pour observer sa technique, puis j’embarque, cognant pour me défendre évitant les coups et je cogne et cogne sans relâche. Je reçois des coups presqu’autant que j’en donne. Puis je tombe au sol, me relevant, il me donne un coup et je sens mon arcade sourcilière se déchirer, le sang qui coule dans mon visage me brouille la vue, le goût métallique dans ma bouche. Dans un dernier sursaut je réussi à le mettre à terre mon poing s’écrase sur sa gueule jusqu’à ce qu’il cesse de se débattre sous moi. On me redresse et m’annonce vainqueur. On me fourgue des billets dans les mains et je sors du ring. Je recrache mon protège buccal et m’effondre contre un mur. Complètement mort, épuisé, mais la douleur mentale a disparu… Il y a un brouhaha dans la foule, j’entends mon nom. « Detlev…. L’allemand ? » Mais j’ai du mal à garder assez de concentration pour comprendre le reste. Puis je vois un visage familier qui semble s’approcher de moi. Un sourire faible sur les lèvres. « Agnes? du bist zurückgekommen ? » (Agnes ? Tu es revenue ?) puis je plisse les yeux… Est-ce Agnes ? Suis-je mort ? « Tu n’es pas Agnes non ? » 

@Arielle Walker

Je n'étais pas certaine de ce que je faisais ici. J'avais eu la bonne idée d'accepter une date avec un mec sur BBT et il m'avait trainé dans cette soirée de combats illégaux. Moi qui pensait avoir droit à un restau ou un verre, je m'étais mise le doigt dans l'oeil. On avait prit un hot dog pour emporter et qu'il m'avait amené là, dans ce vieux sous-sol. J'avais eu une légère frayeur au début, ne souhaitant pas trop me faire kidnapper ou assassiner, mais quand j'avais vu à quel point c'était bondé, j'avais vite été rassurée. Je regardais l'endroit un peu avec dédain. Clairement, personne n'y faisait le ménage puisqu'il y avait de vieilles traces de sang séchées sur le sol. Nope, ce n'était pas très propre. J'avoue que lorsque le combat commença, j'en étais à me demander où dans mon profil il avait bien pu voir que ça m'intéresserait ce genre de violence. Je voyais des horreurs à tous les jours dans le  cadre de mon travail, j'avais pas besoin de m'infliger plus à l'extérieur. Je restai donc les bras croisés, un air neutre sur mon visage tandis que monsieur s'époumonnait à encourger celui qui semblait mener. Après ce qui me semble être une éternité, le combat prend fin, annonçant le vainqueur. Le héros de ma datem un allemand. Je le vois sortir du ring, il ne semble pas bien aller pour un champion. L'autre est pris en charge, mais pas lui. Pourtant, mon compagnon me presse d'aller le voir pour le féliciter. '' Il veut probablement la paix, non? '' dis-je froidement, exaspérée. J'aimerais juste m'en aller. Et non, il ne comprend pas les signaux, il veut y aller. Comme je suis arrivée en voiture avec, j'ai pas trop le choix de le suivre. On retrouve le vainqueur par terre, peu conscient de ce qui l'entoure. L'infirmière en moi prend le dessus, c'est plus fort que moi tandis que ma date l'appelle par son nom avec un air impressionné en s'approchant de lui. '' Recule un peu, tu veux? Il va clairement pas bien. '' lui lançai-je sèchement. Quel con. '' Hey, comment tu t'appelles? '' demandai-je au blond, m'accroupissant près de lui. Il me parle dans un langage que je ne connais pas, alors je me contente de revêtir un air rassurant tandis que j'observe son visage pour voir ses blessures. '' Non, moi c'est Arielle. '' lui répondis-je d'un ton calme. '' Tu n'as pas l'air de bien aller, quelqu'un est avec toi? '' lui demandai-je en regardant autour. '' Va me chercher une serviette ou un bout de tissu avec de l'eau s'il te plait. '' demandai-je à celui qui n'aurait que le rôle de  spectacteur dans tout ça. Pas très utile ce mec. '' Ton nom c'est quoi? '' redemandai-je au boxeur. Je l'avais bien entendu de la bouche de l'autre, mais je voulais voir si lui était capable de me le dire.

Tant que je frappais, je n’avais pas le temps de penser. Rien d'autre ne me venait en tête que mon poing qui s'écrasait contre sa gueule, que le bruit de mon poing qui s’enfonçait dans sa chair et d' os qu’il pouvait briser. Frapper encore et encore jusqu’à ce que plus rien ne vienne me faire mal, l’adrénaline douce sensation qui apaise la douleur. Ne sentant plus rien d’autre que cette envie de frapper jusqu’à ce qu’on m’arrête, jusqu’à ce que l’homme, amas de chair, ne puisse plus répliquer ou même reprendre conscience avant un moment. Le brouhaha emplit mes oreilles et pourtant je ne comprends rien, un sifflement, rien d’autre qu’un sifflement. Je prends la victoire, on soulève mon bras avant de me laisser sortir du ring, jusqu’à ce que je m’effondre incapable d’aller plus loin, le mur soutenant mon dos et ma tête. Puis la vision d’Agnes qui me rejoint, un sourire faible, étire mes lèvres. Je ne vois qu’elle, même si mon nom fait écho à un moment, je n’y prête pas attention. Je tente de me focusser sur ce doux visage qui est devant moi, elle ressemble à Agnes, mais ce n’est pas elle, ce n’est pas ce visage que je connaissais par coeur, que j’ai caresser de nombreuses fois en cherchant le sommeil. Mon cerveau tente de comprendre la question et je ferme les yeux, ma respiration me fait mal. J’ai l’impression que l’adrénaline commence à me quitter et le monde à revenir à moi. “Arielle…” Je prononce son nom en ouvrant les yeux et en tentant de faire le focus sur elle, puis mon regard se plonge dans le sien. “Arielle.” Que je répète, comme pour me souvenir de son nom, ne répondant pas tout à fait à sa question. “Personne. Il n’y a personne… ” Je parle lentement, me forçant à trouver mes mots en anglais. Elle parle sans s’adresser à moi, pourtant je regarde ses lèvres bouger sans comprendre ce qu’elle dit, puis c’est à ce moment que je vois un jeune homme qui l’accompagne. Il s’en va suite à ce qui devaient être des instructions. “Detlev Schröder.” J’attrape sa main, la serre dans la mienne. “Arielle… est-ce que je suis mort ?” J’ai mal, je ne pense pas être mort, mais je ne reconnais pas grand chose autour de moi, plus rien n’est pareil, tout ce que je vois, c’est son visage rassurant. “SI je ne suis pas mort, laisse moi pas seul… ” Que je souffle avant de sentir une quinte de toux. Je lâche sa main, pose une main contre ma poitrine et tousse avant de cracher du sang au sol. Je reprends ensuite appui sur le mur, essuyant ma bouche avec mon bras.

Moi qui s'attendait à une soirée relax avec de la bonne bouffe, je m'étais bien trompée. Je m'étais plutôt ramassée dans un endroit assez crasse à regarder des combats illégaux. Évidemment, c'était ma première fois dans ce genre d'endroit et j'étais pas certaine que j'avais envie de recommencer l'expérience. Avec celui qui m'accompagnait, certainement pas en tout cas. On regarda le combat, puis le vainqueur fut déclaré. Il me semblait en piètre état, mais personne ne semblait s'en soucier. C'était ça dans ce genre d'endroit, chacun pour soi. Je ne sais pas encore si c'était heureusement ou malheureusement, mais mon compagnon semblait être un grand fan des techniques de boxe de l'allemand, il souhaitait donc aller le saluer. Clairement, personne ne semblait faire ça ici et c'était un peu bizarre, mais j'le suivis. C'est pratiquement un corps mort qu'on trouva par terre plutôt qu'un champion. Tout de suite, l'infirmière en moi pris le dessus afin de voir s'il était réceptif, s'il avait besoin d'aide. C'était juste plus fort que moi d'aider lorsque quelqu'un en avait besoin. Il semblait seul en plus. Je m'étais donc approchée de lui et avais pris les choses en charge. Il semblait me confondre avec quelqu'un, sa petite-amie peut-être? Y'avait personne en vue pourtant. « Oui, Arielle. » confirmai-je en hochant la tête alors qu'il répétait mon prénom. Il me confirma qu'il était seul, malheureusement. Je ne pouvais absolument pas le laisser dans cet état, surtout s'il n'y avait personne pour prendre le relais après. Il me confirma son prénom et je le sentis saisir ma main. Je me sentais mal pour lui, mais tentai d'afficher un air rassurant. « Non, t'es bien en vie Detlev. » dis-je en serrant sa main en retour. Mon compagnon pour la soirée revint avec une serviette mouillée et je commençai à essuyer doucement le front en sang de l'allemand, faisant attention à ses plaies. « Je te laisse pas seul, promis. » lui dis-je en m'écartant un peu alors qu'il toussait. Detlev était maintenant comme un patient, sous ma charge et je ne voulais pas l'abandonner à son sort. Je l'aidai à se réinstaller contre le mur avant de m'éloigner un peu pour parler à ma date. « J'vais pas le laisser seul dans cet état, mais tu peux rentrer toi. » lui dis-je d'un air détaché. C'était pas plus mal que ça, je ne comptais pas finir la soirée dans son lit de toute façon. Disons qu'avec le sang qu'il y avait à notre vue, il ne s'obstina pas bien longtemps avant de quitter. Je m'accroupis à nouveau près du boxeur. « Je vais aller chercher des petits trucs pour t'aider ok? Ce sera pas long. » lui promis-je. Il n'était pas en état de se lever et de fuir de toute façon alors je pouvais y aller l'esprit tranquille. Y'avait pas grand chose à ma disposition ici, mais je ramassai une bouteille d'eau et une autre serviette qui trainait. Je revins rapidement à son chevet et lui tendit la bouteille d'eau. « Tiens, bois un peu ça va te faire du bien. » insistai-je. Je lui en aspergeai un peu le visage ensuite et sa main la plus amochée. Je roulai la serviette autour de son poing, ses jointures étant pas mal abîmées. J'observai ses yeux, un à un. « Est-ce que tu te sens sur le point de t'endormir Detlev? » lui demandai-je. J'étais pas médecin, mais j'avais acquis pas mal de connaissances quand même. Là, je voulais surtout voir s'il avait une commotion cérébrale.

J’ai l’impression de replonger dans mes souvenirs, au début de la vingtaine, quand tout ce qui comptait pour moi c’était de gagner du pognon pour pouvoir me faire quelques lignes. Pour me sentir fort et invincible. Quand cogner signifiait pouvoir consommer, quand cogner était plus facile que de continuer à vivre sans but précis, en sachant que je n’étais pas désiré, que j’étais un peu une erreur de la nature, quelqu’un qui n’aurait pas dû être là. Quand mon seul mobile était de détester ce géniteur qui n’avait jamais été là pour moi, qui n’avait jamais voulu de moi, qui a laissé ma mère dans ses ennuis sans jamais essayer de l’aider à s’en sortir, je m’en voulais d’exister, parce que j’avais gâcher la vie de ma mère, même si elle me disait que non. Je croyais que j’étais un fardeau pour elle à cette époque. Ce soir, je frappais parce que rien ne va plus, je me rends compte que même ici, je ne suis pas voulu, que mon frère me déteste parce que nous avons le même sang, parce que ce géniteur n’a pas été capable de faire son travail de père comme il faut. Qu’il est plus un animal qu’un humain, se contentant de jouer de son plaisir et de laisser les autres pour compte. Ce soir, c’est pour enlever la douleur de la perte, perte d’un amour, perte de ma mère qui vit si loin et que je ne sais pas quand je reverrais et peut-être même la perte d’un espoir. J’en sais rien, je sais seulement que je suis toujours là, le corps endolori mais fier d’avoir montrer ma force, fier d’avoir gagné ce combat, même si je suis une loque au moment présent. Il y a pourtant une lueur d’espoir qui s’allume lorsque le doux visage d’Arielle m’apparaît, une douceur inespérée dans ce monde rude et brutal. Sa voix est si douce, elle confirme son nom, ce n’est pas Agnes, même si ses traits lui ressemblent, même si son regard est aussi doux que celui de ma défunte bien-aimée… J’ai l’impression que c’est un signe qu’elle m’envoie pour me dire qu’elle est toujours là et qu’elle ne me quitte pas. “Dommage, la mort aurait été si douce… ” Que je murmure dans un souffle, mais pour moi-même, il faut que je retrouve une raison d’avancer, de me battre autre que celle d’évacuer cette colère qui gronde. La violence n’est pas toujours une solution valable. Je serre cette main avant de la laisser, elle se redresse et va rejoindre un homme que je ne connais pas, qui me regarde pourtant avec insistance. Puis je ferme les yeux, ayant du mal à rester focalisé, la tête me tourne. Quand elle revient, je hoche la tête, j’ai compris, elle revient, pourquoi prend elle ce temps de le faire alors que personne autour ne semble y prendre garde ? “Merci… ” Je prends la bouteille d’eau qu’elle me tend et en boit une gorgée, ça fait du bien, l’eau est tiède, mais elle rafraîchit. Je l’observe pendant qu’elle s’occupe de ma main, me concentrant sur elle pour oublier le bruit autour. “Non, je ne m’endors pas… Je suis sonné, mais je ne pense pas m’être fait cogner assez fort pour une commotion.” Le gars semblait ne pas avoir beaucoup d’expérience et il s’est épuisé rapidement. “Je peux marcher, je peux me lever… ” Regain d’énergie ? Non, je crois que j’en ai juste marre d’être dans cet endroit. J’ai besoin d’air pour reprendre mes esprits. Je cherche du regard pour trouver mon sac, il n’est pas loin, je suis venu me placer près d’où je l’avais laissé. Me tenant au mur, j'ai réussi à me relever et faire les quelques pas qui me séparaient de mon sac. Une grimace de douleur sur le visage, mais j’y parviens. “J’ai besoin d’air…” Je prends un t-shirt que j’enfile. Je reprends rapidement appui au mur.

Mine de rien, il m'inquiétait un peu le Detlev. Il semblait pas mal sonné et j'étais pas équipée ici pour bien gérer d'éventuelles blessures. Ma priorité était surtout qu'il soit bien conscient, qu'il soit en mesure de me parler et je voulais arrêter le saignement de son arcade sourcilière. Le reste, ce serait un problème pour après. Il semblait me mélanger avec une fille qui s'appelait Agnes, probablement sa petite amie vu le regard et le sourire qu'il me faisait. Je tentai de le rassurer du meiux que je le pouvais, de lui offrir un sourire réconfortant, mais aussi de lui faire sentir que j'étais là pour l'aider. Son commentaire sur la mort me prit un peu par surprise, même s'il l'avait seulement murmuré, je l'avais bien entendu. J'étais maintenant hésitante à le laisser seule. Avait-il des idées noires? Je fronçai un peu les sourcils avant de poser ma main sur sa joue. '' C'est bien plus doux quand t'es en vie Detlev, fais moi confiance. '' lui dis-je en le forçant à me regarder. Je m'occupai de nettoyer le sang sur son visage, puis je le quittai un instant pour trouver de l'eau et d'autres linges ou serviettes. Je tente de faire le plus rapidement possible pour ensuite me concentrer sur lui. Il prend la bouteille d'eau, c'est une bonne nouvelle, il se sent assez fort pour la tenir par lui-même. J'observe ses yeux, ses pupilles une à une et il m'assure qu'il est seulement un peu sonné, qu'il n'a pas de commotion. ''Daccord, c'est une bonne nouvelle. Tes pupilles réagissent bien aussi même si t'as un oeil plutôt rouge. '' remarquai-je. Probablement une veine d'éclatée. Detlev semble s'agiter un peu et mentionne qu'il veut se lever et marcher. '' Euh je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée...'' dis-je clairement dans le vide. Il semble têtu celui là. Je me relève rapidement et reste près, au cas où. Il cherche un truc du regard puis se lève. Il prend son sac et s'appuie au mur après avoir mis un tee-shirt. '' Okay attend. '' dis-je en prenant son sac de ses mains. '' Tu peux t'appuyer sur moi, on va sortir. '' dis-je en passant son bras autour de mon épaule. Clairement, il y avait une PETITE différence de grandeur, mais aussi de poids. Par contre, ne serait-ce que pour le stabiliser, ça allait le faire. '' Essaie de pas me pousser au sol s'teplait, mais tu peux mettre du poids sur moi. '' dis-je avec une pointe d'humour dans la voix. J'étais tout de même sérieuse, une poussée et ce mec pouvait me projeter au mur alors il fallait se modérer. On fit quelques pas et tout semblait bien se passer. '' Ça va? '' demandai-je tout de même pour m'en assurer. J'pouvais l'entendre grogner de douleur et j'avoue que c'était pas plus simple pour moi, mais on arriva finalement à l'extérieur. Il me lâcha presqu'instantanément pour s'appuyer contre le mur de la bâtisse. Moi, j'avais besoin de quelques secondes pour reprendre mon souffle.

Je sens que mes membres deviennent plus lourds, perdant peu à peu les effets de l’adrénaline, me sentant à moitié mort dans le monde des vivants. La seule chose qui me raccroche au moment présent, c’est elle, cette jeune femme au nom d’Arielle qui s’occupe de nettoyer mes plaies et panser mes blessures du mieux qu’elle le peut dans ce sous-sol lugubre et macabre. Je laisse échapper un commentaire sur la mort, l’ayant souhaité pour rejoindre les bras de mon ange qui doit m’attendre là-haut dans le ciel, le monde n’a aucun sens sans elle à mes yeux. Elle était mon avenir et maintenant son corps froid repose au fond d’un trou dans un pays lointain. Une main contre ma joue, mes yeux cherchent les siens et je tente de me plonger dans ceux-ci, de garder mon attention vers elle. “Non, la vie n’est pas douce Arielle, la vie te prends tout d’un seul coup sans prévenir.” Pourtant, j’ai envie de la croire, de lui faire confiance. Elle me quitte un instant pour aller chercher de quoi pour m’aider encore semblerait-il, je ne sais pas pourquoi elle se donne autant de mal pour aider un inconnu, je ne sais pas si j’aurais fait la même chose à sa place, mais je dois avouer une chose. Je suis reconnaissant pour ce qu’elle fait en ce moment. Je prends la bouteille de ses mains et en boit un peu, sentant la fraîcheur de celle-ci descendre le long de mon œsophage. Le mot commotion me donne un frisson de dégoût dans le corps, j’ai horreur de ce mot là maintenant, qui aurait pu croire qu’une simple commotion pouvait entraîner la mort. “Je n’ai pas de commotion, probablement rien de bien grave, j’en suis pas à mes premiers yeux rouges…” Balayant le tout d’un geste leste de la main, je prend sur moi de me lever, je ne veux pas rester ici, j’ai l’impression que les murs sont en train de se refermer sur moi et je n’aime pas ça. Je sens le mal de respirer arriver et ce n’est pas en restant ici que ça va se placer. Je ne l’écoute pas quand elle me dit que ce n’est pas une bonne idée, la seule chose que j’ai en tête c’est de sortir d’ici, sortir de cette cave avec mon argent en poche. Je prends mon sac et enfile un t-shirt pour ne pas sortir comme ça en pleine rue, je risque d’effrayer les gens avec cette dégaine. Elle prend mon sac des mains et je la regarde incertain d'où elle veut en venir. Quand elle me dit de prendre appui sur elle, j’ai surtout peur de lui faire mal. “T’inquiète, je ne pourrais pas buter une mouche en ce moment..” Je prends appui sur elle et tente de marcher autant que possible sans son aide, ma démarche est lente et mal assurée. Une fois dehors, je m’appui contre le mur et j’enlève le bras qui prenait appui contre la jeune femme. Je me penche par en avant, plié en deux ou presque. “Oui ça va…Danke…” Je reprends mon souffle puis je fouille dans mes poches, avant de me rendre compte que mes affaires sont dans mon sac. Je fais les quelques pas qui me séparent d’elle pour fouiller dans mon sac. Je jette un oeil à mon portable avant de l’enfouir dans mes poches et de tirer mon paquet de clopes. J’en glisse une entre mes lèvres et l’allume. “Je devrais pouvoir me débrouiller maintenant tu sais, je sais pas pourquoi tu m’as aidé, mais j’apprécie vraiment.” Clairement, je ne sais même pas comment je vais pouvoir rentrer, je ne sais pas non plus si c’est une bonne idée de me laisser seul, mais je ne veux pas la déranger plus que je ne l’ai déjà fait. Je retourne m’appuyer contre le mur, ayant du mal à vraiment me tenir debout trop longtemps. On est toujours à moitié mort après un combat. “Je sais même pas comment te dank”

J'crois que Detlev, il avait vécu des trucs difficiles. Son commentaire sur la vie m'inquiétait un peu. J'voulais bien mettre ça sur le dos de ses blessures, mais il m'affirmait ne pas avoir de commotion et moi, j'voyais rien d'anormal dans son regard. Il devait forcément y avoir autre chose. De toute façon, on pouvait pas faire ce genre de truc, c'est-à-dire se faire taper sur la gueule comme ça en toute connaissance de cause sans qu'il y ait de p'tits démons sous la surface. Detlev, il devait souffrir. J'sais pas trop quoi lui répondre, j'ai pas l'impression que ça changerait quoi que ce soit de toute façon alors je lui fis un regard compatissant, m'occupant de lui plutôt. Je m'occupe de ses plaies les plus graves et l'aide à ramasser ses trucs pour sortir dehors. Enfin, essayer. Detlev, il est pas trop en état de marcher. Je lui prends son sac des mains et l'invite à prendre appui sur moi. On a une bonne différence de grandeur et de poids, mais il a besoin d'aide et c'est la seule option que je vois possible pour l'instant. « Okay on essaie alors. » lui répondis-je alors qu'il m'affirma ne pas avoir assez de force pour buter une simple mouche. On fit quelques pas, je le soutenais du mieux que je le pouvais et on arriva finalement dehors. Il me lâche et s'appuie contre le mur pendant que je reprends mon souffle. Il semble tellement souffrir, c'est pas humain tout ça. Et pendant que j'ai pitié de lui dans ma tête, il s'approche pour prendre son sac et... Ses clopes. « Vraiment pas certaine que ce soit la meilleure des idées en ce moment. » lui dis-je en fronçant des sourcils. Si ça avait été mon ami, je lui aurais probablement arraché de la bouche, mais là j'le connaissais pas et même s'il semblait gentil, valait mieux être prudente. Il semblait vouloir que j'le laisse là, mais je n'étais pas très à l'aise, je ne voulais pas sa mort sur ma conscience. « Je t'ai aidé parce que t'en as besoin. Pas besoin de raison supplémentaire. » lui répondis-je surprise. On était pas tous des humains de merde. Il semble avoir bien du mal à se tenir debout et j'me dis juste que c'est impossible que je le laisse dans cet état. « T'es venu en voiture? Je peux te ramener tu sais. » lui proposai-je. Je m'installai contre le mur à côté de lui au cas où il foute le camp au sol. « T'es allemand? Danke... C'est allemand, non? » demandai-je en tentant de mettre son focus sur autre chose que son mal. Je grimaçai un peu à le voir se plier de la sorte. « Tu peux me remercier en me laissant m'occuper de toi. J'peux pas te laisser seul dans cet état. J'serais pas en mesure de dormir après. » lui confiai-je. Déformation professionnelle, très certainement. C'était ça être une infirmière, pas possible de pas s'occuper des gens qui en avaient besoin. C'était d'ailleurs un petit détail que j'lui avais pas mentionné. « Je suis infirmière, si jamais ça peut te rassurer. » dis-je finalement avec un petit sourire.

Je n’en ai plus rien à faire de la vie, j’attends simplement que la mort finissent par venir me prendre. Je n’ai plus personne pour qui vivre, j’ai perdu toute envie de me caser, de faire ma vie et d’avoir une famille quand elle est partie. Il y a des soirs ou la douleur est plus forte que tout, que rien ne peut me changer les idées si ce n’est que de cogner ou me faire cogner. J’aurais eu envie aussi de me foutre cette merde blanche dans le nez et planer, mais je sais que c’est dangereux et que je risque de replonger si je le fais. En même temps, qui ça dérangerait que je le fasse ? Ma mère n’est plus là non plus pour venir me récupérer dans une toilettes crade alors que je suis au bord de la mort. Arielle ne dit rien, se contentant de me regarder un moment avec des yeux compatissant, j’ai envie de rire tellement ça me paraît ridicule. Je n'ai besoin de la pitié de personne. Je la laisse me soigner, mais rapidement je lui fais comprendre que je veux partir d’ici, même si je ne suis pas solide sur mes jambes. Elle ne semble pas d’accord avec l’idée, pourtant elle m’offre son aide, plus ça va, plus j’ai l'impression qu’elle est comme un ange qui m’a été envoyé par Agnes pour veiller sur moi. Agnes n’aurait pas aimé ce que je pense en ce moment, elle m’aurait dit que je n’étais qu’un con et elle m’aurait fait l’un de ces fameux discours sur tout ce qui vaut la peine d’être vécu. Elle avait ce don, ma blonde, de me faire rêver un peu et de croire en des choses qui m’avaient toujours parue impossible. Arielle m’offre son aide pour sortir, je tente de m’appuyer le moins possible sur elle pour ne pas lui faire mal non plus. Une fois dehors, je cherche dans mon sac pour prendre mes cigarettes. Je laisse échapper un rire. “Je pense quand même que j’en ai grave besoin maintenant ! ” Je tente de grimacer un sourire, avant de retourner vers le mur pour avoir un soutien. Plié en deux, je tente de reprendre un souffle normal et je la libère de ses obligations. La remerciant comme je peux, même si ce n’est pas grand chose après ce qu’elle vient de faire pour moi. “Il y a trop peu de personnes comme toi, mais faut faire attention, il y en a tellement qui vont essayer de profiter de toi.” C’est tellement rare de croiser des bonnes personnes de nos jours, j’ai encore du mal à le croire quand ça arrive. Je tire sur ma clope et lève les yeux vers elle avant de secouer la tête. “Non, pas de voiture… me ramener ou ? huhuhu j’ai même plus de chez moi… Je vis dans un motel pour le moment.” Je sais même pas pourquoi j’ai fais huhuhu (AHAHAHAHAH) C’est sorti tout seul, comme si je devais lui faire comprendre à quel point je suis misérable. “Ça veut dire merci en allemand, oui je suis arrivé de Berlin y’a quelques jours seulement. Tu viens pas d’ici non plus hein ? Ton anglais est trop british pour être australien, tu n'étire pas les mots comme ici.” C’est beaucoup plus compréhensible aussi à mon avis. Je me redresse un peu, j'ai l’air moins misérable, mon corps me fait un mal de chien. “J’ai pas envie d’avoir ta mauvaise nuit de sommeil sur la conscience. C’est bon j’accepte. ” Je grogne quand un de mes muscles fait un spasme. Infirmière, donc elle savait au moins ce qu’elle faisait, c’est bon signe. “Pendant un moment j’ai cru que t’étais un genre d’ange venu à ma rescousse…. est-ce que tu parles avec les esprits ?” Non, mais avant toute chose j’dois m’assurer qu'elle ne parle pas avec Agnes ou enfin que Agnes lui a pas dit de bêtise à mon sujet… Ok… J’ai été sonné quand même, ça peut expliquer mes questions un peu bizarres.

C'était même pas la pitié qui me forçait à aider Detlev. J'ressentais juste ce besoin de venir en aide à ceux qui semblaient en avoir besoin. C'était plus fort que moi, cette envie d'être présente pour les gens, de croire que chacun avait un bon fond. J'ressentais aussi une espèce de connexion avec lui, j'avais d'la compassion oui, mais pas de la pitié. Je voulais le comprendre, savoir pourquoi la vie ne lui semblait pas valoir la peine d'être vécue à ce stade. Savoir pourquoi il semblait sur le point d'abandonner alors qu'il ne m'avait pas l'air bien plus vieux que moi. Qu'est-ce qu'on pouvait vivre qui nous donnait envie de tout lâcher? Parce  que moi j'avais l'impression d'avoir fait quelques aller-retour en enfer et pourtant, j'avais toujours autant envie de vivre. Je pense cependant que je n'allais pas avoir une réponse bien claire de la part de Detlev ce soir, de toute façon, il ne me semblait pas être en état pour réfléchir pleinement. Il semblait plutôt vouloir sortir rapidement de là, alors c'est ce qu'on fit. Difficilement, mais on y arriva. À peine sorti, il tirait déjà sur son sac pour se prendre une cigarette. C'était plus fort que moi de lui faire légèrement la morale, mais légèrement parce qu'on savait pas trop comment il pouvait réagir. « T'as surtout besoin de soins et de repos, mais fais comme tu le sens. » concédai-je, n'ayant pas envie de m'obstiner. Detlev, il tente de me chasser mais je vois bien que c'est impossible que je le laisse seul dans cet état. Il semble être tellement surpris que je veule l'aider alors que moi, ça me semblait juste normal. C'était ça être un humain décent, mais c'était aussi ça de travailler dans le domaine médical. « T'inquiètes pas pour ça, je fais attention. » répliquai-je avec un sourire. Bon, c'était pas tellement vrai. C'était même bien véridique qu'on essaie d'abuser de moi et souvent, j'me laissais faire même si j'avais un p'tit caractère de merde. J'savais juste pas dire non, mais une chose était sûre, je ne regrettais jamais d'aider quelqu'un. Je proposai à Detlev de le ramener chez lui, mais il n'avait pas de voiture ni de chez lui. Il semblait très... Triste à ce sujet, limite au bord du désespoir. (HAHA) « Oh. Je peux... Je peux te ramener à ta chambre, on prendra un taxi. » dis-je simplement. J'me sentais mal un peu. Il avait l'air triste Detlev.  Je remarquai qu'il glissait des mots d'une langue que je ne connaissais pas, mais ça sonnait allemand. Il me le confirma bien rapidement. J'étais étonnée de savoir qu'il venait d'arriver au pays. « Quelques jours seulement? Et tu fais déjà... Ça? » demandai-je en pointant la salle. J'essayais de ne pas juger, mais il me semble qu'il y avait mieux à faire en Australie. « Ouais je viens de Londres, j'ai emménagé ici y'a 3 ans. » lui confirmai-je d'un hochement de tête. Il avait une bonne oreille. « Comment ça se fait que t'es venu ici? » lui demandai-je curieuse en commandant un uber sur mon téléphone. J'le vois se redresser un peu, il semble plus en forme que tout à l'heure, restait plus qu'à attendre le uber maintenant qu'il acceptait mon aide. Je tournai la tête rapidement vers lui à sa dernière réplique. « Non je ne parle pas avec les esprits...» lui dis-je en fronçant un peu les sourcils. On était sûr qu'il était ok? « Tu m'as appelé Agnes tout à l'heure. C'est ta copine? » demandai-je sans vraiment réfléchir. Elle semblait pas être en Australie en tout cas, ça m'aurait étonné qu'elle l'attende au motel.

Cette situation n’est pas la plus confortable. Je savais déjà que ce n’était pas une bonne idée de faire ce combat, que je ne connaissais personne ici, ou presque personne pour dire vrai. J’avais cependant eu besoin de soit me sentir vivant en donnant et recevant des coups, soit de m’achever. Je ne pensais pas tomber sur une jeune femme avec le coeur sur la main et qui viendrait me donner un coup de main alors que j’étais sur le point de décéder seul dans mon coin. En vrai, l’autre mec avait grandement plus besoin de soin que moi, je n’avais pas de réelle chance de mourir, juste que mon corps était un peu brisé pour ce soir et que je ne savais même pas comment je ferais pour rentrer chez moi après tout ça. Chez moi… pfff dans ce minable motel que je payais à la semaine pour le moment, je pense que je vais accepter l’offre d’Alba d’aller habiter chez elle le temps de me trouver un logement. J’accepte l’aide de blondie et elle m’aide à sortir de ce sous-sol insalubre. Elle ne semble pas tellement d’accord avec l’affirmation de mon besoin de nicotine, si elle savait que c’est ce qui m’empêche d’aller chercher un vendeur de poudre et de m’enfiler plusieurs lignes de suite. Je ris à son affirmation, besoin de soin et de repos… C’est beau de croire que ça peut tout guérir. On arrête pas de me le dire ces temps-ci, le temps arrange les choses… Bullshit, ça fait trois mois qu’elle est morte et je me sens aussi misérable que le jour qu’elle m’a quitté… Je la revois encore dans mes bras alors qu’elle était en train de s’éteindre et qu’on me disait qu’il était trop tard, qu’on aurait dû lui faire un scan lors de son accident… “Vraiment ? C’est pour ça que tu aides un parfait inconnu… Tu as vu l’autre mec, j’suis capable de tuer… ” Bon, pas en ce moment, j’ai à peine assez de force pour marcher tout seul. L’adrénaline est descendue. Reste que, même si j'essaie de la repousser, j’apprécie son aide, ça me fait du bien de ne pas être seul d’avoir quelqu’un avec qui parler. Probablement qu’elle doit penser que je suis un cinglé, qui aurait peut-être besoin de se faire interner. Elle n’aurait pas tord, ma vie ne fait aucun sens en ce moment. Un immigrant qui recherche un frère et une soeur qu’il a jamais connus, qui pleure sa fiancée décédée quelques mois plus tôt et qui vient se démolir la gueule… Mouais, je crois que je suis complètement cinglé, ou que je cherche juste le meilleur moyen de me détruire encore plus en cherchant des vérités qui font mal. Elle me propose de me raccompagné et je crois que je suis au bord du désespoir en ce moment et le gamin en moi ressort en pleurant presque de ne rien avoir devant lui. Putain mec, ressaisis toi. Je lève les yeux et elle est encore là, elle n’a pas pris ses jambes à son cou ? Je tire une longue taffe sur ma cigarette. J’aspire la fumée et elle ressort par mes narines (j’suis un dragon yo). Je hoche la tête et en lui disant que je suis ici depuis quelques jours, je lui donne un peu la raison pour laquelle je n’ai pas de chez moi. Je souris, un petit rire monte dans ma gorge. “Y’a rien de mieux pour faire sortir le méchant. J’avais besoin de cogner. ” Je suis un peu plus droit et plus solide sur mes jambes. “Tu fuyais un truc ? Ou tu avais une raison de venir ici ?” Moi, c’est un peu des deux, je fuyais le fantôme d’Agnes et je venais trouver ce qui est censé me servir de famille. J’lui donne quelques billets pour le taxi, je veux pas qu’elle dépense pour moi et je me suis fait assez de fric ce soir, y’a beaucoup plus que le prix de la course de taxi. “Si tu es pour m’écouter en plus, j’peux bien te filer du fric pour ton aide. Je t’interdis de refuser. Tu vas voir, c’est assez pathétique comme histoire.” Je jette ma clope au sol, hésitant à en allumer une autre. “J’ai découvert il y a un an que j’avais un frère et une soeur ici… Mon père est australien, il a engrossé une touriste allemande, elle est revenu au pays avec un peu plus que des souvenirs de gift shop… Je connais mon père, mais on ne m’avait jamais parler d’eux et en plus il n’est pas déclaré comme étant mon père. Je suis venu pour les trouver.” J’raconte ma life comme ça, j’la connais pas, j’la reverrai peut-être jamais. Sauf que ça libère d’en parler. Je passe une main dans mes cheveux, je suis pas certain que j’sois prêt à parler de tout ça, des plans que je me mette à pleurer et que j’ai fait le tour de toutes les émotions possibles ce soir. “C’était ma fiancée, elle est morte il y a trois mois… ” Je vis dans un téléroman à la con, c’est pas possible vivre tout ça en si peu de temps. Bordel, les larmes sont montées, je baisse la tête, renifle un coup et j’essuie les traîtres. J’arrive pas encore à en parler sans ressentir cette peine m’envahir.

Detlev, je pense qu'il essayait de me faire peur, de me faire fuir. Il savait pas encore que ça en prenait bien plus pour m'effrayer. J'en avais vécu des choses, j'en avais vu des gens pas nets, des gens rempli de mauvaises intentions. Il avait pas ça en lui, j'voyais pas de méchanceté quand j'le regardais. Je voyais plutôt un homme perdu, triste, détruit, mais certainement pas un homme capable de me tuer comme il le prétendait. Il disait probablement ça pour que j'le laisse seul, s'apitoyer à son sort. C'était mal me connaitre. Ouais, j'étais p'tête naïve quand il s'agissait de la bonté des gens, j'avais du mal à dire non, mais j'me mettais plus en danger comme je l'avais déjà fait, je savais quand même lire les gens un minimum. Alors je restai là, j'lui posai des questions pour apprendre à le connaître, pour qu'il pense à autre chose que les endroits où il avait mal aussi en attendant le taxi. J'étais surprise d'apprendre qu'il venait d'arriver au pays et que déjà, il cognait sur gens. Il en avait eu besoin, ça sonnait pas très heureux tout ça. « J'ai vu ça en voyant la tête de l'autre. » commentai-je. Il remarqua mon accent, différent des australiens et ça nous engagea sur une pente plus personnelle. « Pas spécialement, fuir des mauvaises habitudes p'tête. » dis-je avec un sourire. Londres, c'était une ville chargée en souvenirs pour moi. Quelques bons, surtout mauvais. Mais j'avais déjà repris ma vie en main avant d'la quitter. « Mon cousin vit ici, c'est la seule famille à qui je parle encore donc, je suis venu le rejoindre. » dis-je simplement. J'ressentais pas le besoin d'en dire plus, je le connaissais pas Detlev après tout. J'lui en disais juste assez pour qu'il se sente en confiance, pour qu'il me réponde en retour. Sa réponse m'arracha un sourire. Je pris les billets sans m'obstiner, vraiment je m'en fichais pas mal et j'allais pas me battre à la mort pour une course de quelques dollars. « Si ça peut m'éviter que je finisse comme l'autre mec. » répondis-je avec un sourire en coin sur un ton sarcastique.  Je mis les billets dans mon sac et levai la tête, prête à écouter Detlev. Je plisse les yeux au fur et à mesure qu'il parle. Wow, j'savais pas trop quoi lui dire pour le coup. Je trouvais ça choquant, triste aussi. Un côté de l'histoire était beau, je pense? S'il pouvait trouver sa famille ici, ils pourraient tous s'accompagner là-dedans. « Tu les a trouvé? Ton frère et ta soeur? » lui demandai-je d'abord. « Et comment ça tu connais ton père? Il habite où lui? » demandai-je par simple curiosité. Parce que ça changeait rien à l'histoire, mais pour le coup, Detlev semblait prêt à s'ouvrir et moi, j'étais là pour l'écouter. C'était englobé dans le fait d'aider les gens. J'avais l'impression qu'il en avait besoin aussi, qu'il avait pas beaucoup de gens à qui se confier. Clairement c'était le cas ici, mais ça m'amena à poser des questions sur la fameuse Agnès qu'il avait mentionné plus tôt, avec qui il m'avait mélangé. Sa réponse me coupe un peu le souffle. J'ai rien de malin qui me vient en tête. J'ressens sa peine, même s'il essuie les larmes. Cette information là m'atteint alors que j'le connais même pas. « Je... J'suis vraiment désolée. » lui soufflai-je. Je dépose ma main sur son épaule, j'la caresse doucement. Juste pour pas qu'il se sente seule. J'sais pas pourquoi, j'ai comme l'impression qu'un truc nous relie ce soir, j'ai presque un besoin de prendre soin de lui, comme s'il n'avait pas croisé ma route pour rien. « T'es pas obligé d'en parler davantage, mais tu peux le faire si tu veux. » lui dis-je doucement.

Je ne veux rien devoir à personne je sais que ma vie est un véritable bordel en ce moment et je ne veux pas obliger personne à rester dans les parages. J’ai l’impression d’attirer le malheur partout où je passe. Je ne veux entraîner personne dans une chute alors j’essaie de faire peur à Arielle, de lui dire que je suis capable de tuer, elle l’a vue, mais elle ne semble pas effrayée. J’apprends aussi qu’elle vient d'Angleterre et je lui demande si elle fuyait quelque chose. Je lui fais un petit sourire, les mauvaises habitudes, je ne sais pas ce qu’elle entend par mauvaises habitudes, mais ça ne fait que confirmer qu’on a chacun un lot d’épreuves et que l’herbe n’est pas plus verte chez le voisin. « Ça nous fait un point commun… » En tout cas, j’ai l’impression que ce ne sera pas facile de se faire accepter, qui a envie de découvrir qu’il a un frère ? Surtout quand on a un père comme le mien. Je lui donne les billets et je ris un peu à sa réplique, mais ça fait mal. Je grimace donc légèrement de douleur. « Je sais leurs noms, j’ai rencontrer mon frère aujourd’hui, laisse moi te dire qu’il n’était pas ravi par la nouvelle. Il savait déjà que j’existais… je pense qu’il aurait bien aimé m’en foutre une sur la gueule, un autre s’en est chargé pour lui. » J’appuie sur mon ventre, j’ai mal encore, ça va finir par passer. « Je n’ai pas parlé avec mon père depuis des années, il va et viens, il est originaire d’ici, je sais juste pas où il est. Je le connais parce que ma mère est tombée amoureuse de lui… elle avait son numéro et tout et elle l’a forcé à me voir par la suite donc je vais ici quelques semaines chaque année étant enfant, sauf que je ne voyais pas les deux autres. » Cette histoire ne fait ni queue ni tête en vrai, même moi j’ai du mal à m’y retrouver. J’ai l’air d’un fou qui invente une histoire au fur et à mesure. Surtout avec l’histoire de ma belle qui est décédée il y a seulement trois mois. Je me demande parfois comment faire pour rester debout et continuer mon chemin. J’ai perdu l’envie de vivre et de me battre. J’essuie les larmes qui se sont échappées, sa main se pose contre mon épaule. Elle est gentille Arielle, elle me rappelle beaucoup Agnes et pas seulement physiquement, ce qu’elle dégage, sa bonté. Tout le monde aimait Agnes. « Tu lui ressemble… J’ai cru que c’était elle tout à l’heure. » Je me sens proche d’elle, comme s’il y avait une connexion entre elle et moi et je passe mes bras autour d’elle et la serre contre moi. « Desolé, j’ai simplement besoin d’un peu de douceur. » Je ne lui ai pas demander la permission, mais j’avais besoin d’un câlin, juste un petit…

C'était probablement la première fois que je créais une connexion du genre avec quelqu'un aussi rapidement. C'était totalement platonique, y'avait pas eu une once de flirt avec Detlev depuis que j'avais posé mes yeux sur son corps blessé. Mais y'avait une connexion, comme si on se connaissait depuis longtemps ou comme si on se comprenait avec un coup d'oeil. J'avais su sans savoir qu'il était seul et avait besoin d'aide, de mon aide et c'est donc ce que j'essayais de lui apporter, en plus d'une épaule sur laquelle s'appuyer, dans les deux sens. Il avait besoin de parler Detlev et ça me semblait tout à fait normal vu son parcours. Il venait d'arriver au pays et n'avait personne sur qui compter, sur qui se reposer un peu lorsqu'il se sentait essoufflé. J'pouvais rien promettre pour le futur, mais ce soir je pouvais essayer d'être cette personne pour lui. Alors je l'écoutai attentivement tandis qu'il me racontait un peu son histoire et sa raison d'être à Bowen. J'lui offrais une oreille attentive, un regard plein d'empathie, mais sans l'interrompre. « C'est une sacré histoire tout ça. » déclarai-je en soupirant une fois qu'il eut terminé. « Donc tu connais déjà la ville un peu, ça fait longtemps que t'es pas venu? » demandai-je en le regardant. En même temps, en étant enfant, il avait eu le temps d'oublier entre chaque visite. On parla ensuite de sa fiancée, qui était malheureusement décédée. Son histoire me fit beaucoup de peine et accentua mon désir de l'aider, surtout que semblait-il je ressemblais à sa Agnès. « C'était donc ça. » dis-je avec un mince sourire. C'était pour ça qu'il m'avait appelé comme ça. Dans un élan de proximité, Detlev m'enlaça, ayant besoin de douceur. Évidemment, ça me pris un peu par surprise, j'étais pas une personne tactile avec des inconnus. Mais quelque chose chez lui m'inspirait confiance alors je me laissai aller à son étreinte. « T'en fais pas, c'est ok. » lui dis-je doucement pour le rassurer en tapotant doucement dans son dos. Quelques minutes après, le taxi se rangea devant nous, signe que c'était le temps de bouger. « C'est pour nous, allez vient. » lui indiquai-je en lui prenant le bras pour l'aider. On marcha ensemble jusqu'à la voiture et je l'aidai à entrer à l'intérieur. « Tu comptes rester longtemps à ce motel? T'as un plan? » lui demandai-je pendant le trajet. Je trouvais important d'avoir un plan, j'étais pas du genre à go with the flow dans la vie alors pour moi, ça allait de soi.

J’ignore pourquoi je m’ouvre de la sorte à une parfaite inconnue. Normalement je ne parle pas, je suis celui qui ne se laisse pas approcher par personne, j’ai tenté elle de la repousser, mais elle n’a rien voulu savoir. Elle me fait penser à ma fiancée, elle était aussi gentille et ne faisait jamais quelque chose dans le but qu’on lui remette ou qu’on lui doive quelque chose. Je pense par contre que c’est ce qu’elle a fait pour moi qui me pousse à lui parler, comme si je pouvais lui faire confiance. Il s’est passé quelque chose pour nous deux ce soir, comme si deux âmes sœur, sans entrer dans le romantisme han on se calme, je parle d’âme sœur amicale. Comme si c’était juste normal qu’on s’entendent bien, comme si on était fait pour se faire confiance. « Je sais que ça l’air d’être n’importe quoi et tu peux bien penser que je te mens…. Malheureusement c’est la triste vérité ! » Je soupire doucement, grimaçant au passage. « Quinze ans que je n’ai pas remis les pieds ici. Je ne connais pas grand chose de la ville pour dire vrai ! » Je lui parle de ma fiancée, je lui dis aussi qu’elle lui ressemblait énormément, à un point tel que je l’ai prise pour elle au départ. Je m’effondre dans ses bras, sans lui demander sa permission, je sens qu’elle est surprise au départ, mais elle finit par me rendre mon étreinte, ça me fait un grand bien. Puis je la libère de mes bras lorsque le taxi arrive et je prends son aide pour entrer dans le taxi, laissant mon sac tomber à mes pieds. Je pose ma tête contre la vitre. « C’est ma dernière nuit au motel, demain je vais chez une amie d’Agnes qui m’a invité à rester chez elle le temps que je trouve une place où vivre. Sans boulot personne ne voulait me louer. » Je n’aime pas dépendre des autres, je n’aime pas ne pas savoir de quoi sera fait demain, mais je crois que je n’ai pas le choix. Je me suis jeté dans le vide et maintenant je dois seulement avancer. Refaire ma vie ici ! « Si tu entends parler de quelque chose de libre, je peux te laisser mon numéro… » tournant ma tête pour la regarder.