Des adultes biens responsables ! | Ramsay

Il n’y a que quelques mois qu’elle est à l'Université et déjà Maddie se met dans le pétrin. Je ne pensais pas que le doyen pouvait appeler un parent rendu à ce niveau. Elle est adulte pourtant ! Même au lycée, je n’ai jamais eu à me déplacer pour des conneries comme ça. J’ai averti Percy que je ne pourrais pas rentrer au Wojna’s aujourd’hui, j’ai des problèmes d’ordre familial à régler ! Je me suis donc préparé de manière à faire bonne impression au doyen. Blouse blanche à manche courte  et jupe droite noire. Un peu de maquillage, je n’ai pas envie qu’il me juge parce que je n’ai que trente-quatre ans et que je suis responsable d’une jeune femme de 19 ans ! J'ai un peu trop d’avance pour le rendez-vous et je me permet de fumer une cigarette avant de rentrer entre les murs de cette université ! J’aurais bien aimé pouvoir faire des études, mais c’est un rêve que j’ai dû abandonner. Me laissant aller à mes pensées, le temps avance et finalement je n’ai plus le petit jeu de temps que je croyais avoir. Merde ! Le temps que je me perde dans les couloirs, je fini par arriver un bon cinq minutes en retard. Je m’annonce à la secrétaire et elle me fait signe de m’asseoir sur l’une des chaises face à elle, un homme attend déjà là, elle prévient qu’elle va nous annoncer. Je hoche la tête vivement et vais m’asseoir sur la chaise encore disponible près de l’homme. Je jette un coup d’œil de billet, il n’a pas l’air bien plus âgé que moi, mais les hommes ont cette chance de bien vieillir et de garder un air jeune. Je ne pourrais donc pas dire s’il a mon âge ou quelques années de plus. Je murmure doucement pour ne pas le surprendre.  « Je pensais qu’à l’université ils les traitent en adultes… » J’espère que la secrétaire ne m’as pas entendue.
@Ramsay Lockwood

Quand j'avais reçu un appel du secrétariat de l'université, j'avais juste soupiré. Skye avait des ennuies et le doyen voulait me voir dans son bureau. J'étais assez étonné qu'on m'appelle. J'pensais qu'à cet âge là, j'avais plus grand chose à voir avec sa scolarité. Cela dit, j'étais habitué, depuis aussi loin que je me souviennes, Skye aimait faire parler d'elle partout où elle allait. Mais le problème, c'est que je n'étais absolument pas à l'aise avec le fait d'être son responsable légal. J'm'y était jamais vraiment fait et j'avais toujours l'impression qu'on ne me prenait pas au sérieux. J'entendais la petite voix des gens qui me jugeait "en même temps, si c'est son frère aussi jeune qui s'en occupe, pas étonnant qu'elle parte en vrille." Je détestais les regards accusateurs qu'on pouvait parfois poser sur ma famille. Mais c'était comme ça. J'avais appris à m'éloigner de ceux qui pensaient à mal et j'me concentrais sur les bonnes personnes. Mais là, aujourd'hui, je n'avais pas trop le choix. Etant directeur de l'école de danse, je pouvais facilement m'absenter. J'avais pas pris la peine d'être présentable, je m'étais pas changé. Alors, je portais un t-shirt noir, un jogging de la même couleur et une paire de basket blanche. C'était ma tenue presque officiellement, beaucoup plus à l'aise pour travailler et éventuellement danser quand j'avais le temps. J'étais arrivé un peu en avance, et j'attendais assis sur une chaise. Je savais que Skye avait fait une connerie avec une autre fille, donc j'imaginais bien qu'on serait au moins deux représentants légaux à cette réunion. Ce qui me donnait une nouvelle raison de craindre des regards jugeants et condescendants à mon égard. Mais au lieu de voir débarquer un vieux type, mon regard se posa sur une jeune femme qui semblait avoir à peu près mon âge. Elle se fit entendre au près de la secrétaire et elle venait bien pour cette histoire de convocation. Elle vient s'assoir à côté de moi et je luis souris poliment. Elle ne tarde pas à lâcher une petite réflexion qui me fait sourire davantage. "Oh vous, vous n'êtes pas habituée à être convoquée. On s'y fait à force, croyez moi." Mais elle avait raison, moi aussi je pensais que ça serait terminé avec l'université. J'étais un peu confus, qu'elle soit aussi jeune. "J'espère juste que mon spécimen n'a pas embarquée votre .. fille... dans des histoires trop graves." Je ne savais pas, si c'était sa mère ou sa soeur ou wathever, mais il fallait bien qu'on se connaisse un minimum l'un et l'autre pour affronter le regard du doyen.

Je déteste ce genre de rencontre, je n’ai jamais vraiment aimé m’y rendre, j’y suis toujours allé parce que le succès de ma fille compte pour moi. Mais, chaque fois je devais enfiler un masque, faire en sorte de faire semblant de ne pas être atteint par les commentaires qui pouvaient se dire sur notre passage. Je me suis souvent fait demander si mes parents ne pouvaient pas venir pour ne pas discuter de Maddie et ses difficultés avec sa grande soeur. Mon Dieu, chaque fois ça me faisait mal en dedans, qu’on ne me prenne pas au sérieux parce que j’ai eu ma fille trop jeune. Pourtant, il y a des couples qui ont eu bien plus de mal avec leur enfant que ce que j’ai pu avoir. Je pensais ne plus avoir besoin de me déplacer pour ce genre de rencontre une fois qu’elle serait à l’Université, mais il faut croire que les parents ont encore un impact même quand ils sont adultes. J’en vien à me demander s’ils n’essaieraient pas faire venir mes parents si c’était moi qui étudiais et avais fait une connerie. J’arrive quelques minutes en retard et je me sens complètement ridicule dans ces vêtements qui sont peut-être trop habillés vu la tenue de l’homme qui semble attendre une rencontre comme moi. On me fait patienter et je sais pas, je lâche un commentaire sans même réfléchir, bien que faiblement pour pas que la secrétaire puisse m’entendre. J’avais capté son sourire, mais maintenant que je relève mon visage vers le sien, mon nez se plisse et je retiens un petit rire. “Elle devait être plus sournoise avant et ne pas se faire prendre. ” Je laisse finalement un petit rire s’échapper à la mention du spécimen. “Ma fille est bien capable de faire des conneries, même sous ses airs d’ange. Votre fille ? Est abonné aux conneries graves ?” Il ne semblait pas en être à ses premières rencontres vu comment il l’avait dit. Il avait l’air jeune pour être père, mais qui suis-je pour juger ? S’il est père ça me réconforte, ce ne sont pas tous les hommes qui sont comme le père de ma fille. “Je m’appelle Lee et ma fille Maddie, est-ce que vous êtes ici pour Skye ?” Il me semble que ma fille m’a parlé d’une amie de ce nom, mais je n’en suis pas si certaine.

Moi qui pensais que j'allais devoir confronter les regards accusateurs du doyen et du parent de l'acolyte de Skye, je me rendais compte que la personne qui venait pour une fameuse Maddie, était tout aussi jeune que moi. Dans le fond, ça me rassurait un peu, j'me sentais moins seul. On avait entamé une petite discussion. Elle avait commencé par ses mots à elle, sur le fait que les deux étudiantes étaient à présent des adultes et qu'elle était étonnée qu'on nous convoque encore. Je partageais ça, sauf qu'avec Skye, j'étais habituée à écumer les bureaux des directeurs. Ca me faisait presque plus rien et de toute façon, Skye, elle était grande maintenant et plus le temps passait et moins j'avais d'emprise sur elle. J'étais pas son père, juste son grand frère inquiet. Mais, elle voulait de moins en moins l'entendre. Elle voulait vivre vite. Je ris en même temps que la jeune femme. "C'est une maline!" Je continuais de l'écouter, apriori donc, elle était la mère de Maddie. Elle devait l'avoir eu jeune, mais après tout, je n'étais personne pour juger. Chacun son passé, chacun sa voie. "Je ne suis pas son père, c'est ma soeur. C'est un peu compliqué .. mais je m'en occupe depuis près de 12 ans.. et elle a un tempérament assez électrique." Je souris à ces mots. C'était le moins qu'on puisse dire. Ca sous entendait un nombre incalculable de bêtises. J'les comptais même plus. Elle avait toujours été comme ça Skye, en mouvement, rebelle dans l'âme. "Enchanté Lee, moi c'est Ramsay. Et oui, je suis là pour Skye." J'marquais une pause et je rajoutais : "j'suis rassuré de voir que vous êtes aussi jeune que moi, ça fait du bien d'avoir des alliés de temps en temps." Je souris, la porte du bureau du doyen s'ouvrit et l'homme se présenta devant nous, nous invitant à le suivre. J'me levais, un peu nonchalamment. Déjà saoulé d'entendre ce qu'il avait à nous dire. J'laissais Lee passer devant moi, par galanterie et on s'installait à son bureau. Le gars est comme je l'imaginais. Vieux. Beaucoup plus vieux que nous. Il avait joint ses deux mains sur son bureau et nous regardait avec gravité. Est-ce que Maddie et Skye avait foutu le feu à l'université? "Merci de votre présence. Je ne vous cache pas que ça ne m'enchante pas de vous convoquer." J'étais un peu affalé sur la chaise, bras croisé sur le torse. J'faisais pas très professionnel, mais très clairement, j'étais curieux de savoir ce qu'il avait à nous révéler de si ... grave. "Skye et Maddie ont été surprises, dans la caféteriat, à libérer des grenouilles destinées à la dissection." J'restais le plus stoïque possible, réfrénant un fou rire. Putain, j'pouvais pas m'empêcher de trouver ça très drôle. "Mais ce n'est pas tout, elles étaient en état d'ébriété." Ah. Ca, c'est un peu moins drôle. Je prends une grande inspiration. Skye est intenable et de savoir qu'elle boit à l'université, ça ne m'enchante pas. J'me redresse un peu. "Qu'est ce qu'elles risquent ?" Histoire d'avoir tout de suite le fin mot de l'histoire.

Je suis soulagé à mon arrivée, je n’ai pas de parents qui me dévisagent, pas de jugement non plus. Bon sang, je me demande bien ce qui nécessite que je vienne pour Maddie, heureuse par contre de voir que je n’ai pas à faire à un vieux schnock. Même qu’il me paraît sympathique, il a la tête d’un gars avec qui je pourrais facilement rire. Je souris en hochant la tête aux paroles de l’homme. “Il faut croire, je ne peux quand même pas croire qu’elle n’ai jamais fait de bêtises.” Je hausse les épaules, quel enfant ne fait pas de bêtise après tout ? Je n’étais pas certaine de son lien de parenté avec Skye, j’avais au moins raison sur l’autre personne impliquée dans ces déboires, son frère ? C’est aussi incroyable de voir ça, ce n’est pas toutes les familles qui peuvent avoir quelqu’un comme lui sur qui compter. “C’est tout à ton honneur d’avoir pris soin d’elle, même si ce n’est pas tous les jours facile. Ma fille a son caractère aussi, mais elle est assez sage en général, à moins qu’elle me mente sur toute la ligne ! ” J’essaie de ne pas rire trop fort et j’espère que ma fille ne me ment pas non plus. Il ne manquerait plus que Maddie et moi on a toujours été très proche, mais elle n’a jamais eu la chance de se faire beaucoup d’amies. Du coup, je suis contente qu’elle en ai trouvé une en Skye, même si je me retrouve aujourd'hui dans ce bureau. “J’avais peur de tomber sur un vieux croûton pour être honnête. C’est rare que des gens de notre âge aient la responsabilité d’enfants… adultes ? de leurs âges. ” Je me retourne et justement je vois le doyen, j’espère qu’il ne m’a pas entendu parler de vieux croûton, il en est un clairement et je n’ai pas envie qu’il me punisse aussi pour avoir manqué de respect. Je me lève et pénètre dans le bureau, prenant place dans l’un des sièges faisant face au bureau de l’ancêtre. Les mains posées sur mes jambes, je hoche la tête en retenant mes yeux de se lever au ciel. Je dois me mordre la lippe inférieure pour ne pas éclater de rire. Des grenouilles ? Ok, j’aurais aimé être à la cafétéria pour assister à la scène. Sauf que mes yeux deviennent ronds comme des billes quand il dit qu’elles avaient bu. Ramsay pose la question avant que je n’ai la chance de le faire. “C’est une première infraction, mais elles vont devoir faire des heures de travaux communautaires. Pour rembourser les coûts des grenouilles, sans compter le nombre de travail qu’elles ont donné aux concierge pour récupérer les grenouilles.” Bon, ok… Mais on est supposé faire quoi nous ? Pourquoi on est convoqué. “C’est tout… Je ne vois pas vraiment le but de nous faire venir pour nous dire ça, il me semble que vous auriez pu en discuter directement avec elles non ? ” Est-ce qu’elles ont fait pire que ça ? À quel point elles sont saoules ?

Ca me faisait du bien cette rencontre inopinée. De pouvoir parler de Skye et des responsabilités que cela engendraient, sans se sentir juger par le regard accusateur de quelqu'un de plus vieux. La mère de Maddie, elle devait avoir mon âge, peut-être un peu plus jeune. Elle était élégante, ça se voyait qu'elle prenait à coeur son rôle de mère. Tout comme je tentais de prendre à coeur mon rôle de frère responsable. C'était pas toujours facile, Skye, elle voulait vivre sa vie, mais moi j'voulais qu'elle reste le plus droite possible. Mais, moi de mon côté, je voulais vivre aussi, j'fumais des joints de temps en temps, j'profitais de ma vie de trentenaire et demi. Mais j'voulais garder un oeil sur Skye. Très périlleux tout ça. "Tant que ça reste des petites bêtises.." Je souris puis j'avais livré à la jeune femme la situation dans laquelle je me trouvais, le fait que je sois son frère, je hochais la tête en écoutant ses mots. "C'est pas toujours facile effectivement, elle me dit souvent que j'ai rien à lui dire, que j'suis pas son père.. ce genre de truc quoi." Je ris avec elle. "Faut leur laisser un jardin secret, tout en gardant l'oeil sur elles .. pas évident." On partageait clairement les mêmes problèmes, les mêmes interrogations et ça faisait du bien de pouvoir se confier sur ce genre de ressenti. J'en parlais souvent aussi à Alex, mais on avait jamais assez d'allier dans ce genre de situation. Je riais le plus discrètement possible à sa réflexion. "J'pensais aussi que tu serais plus .. vieille. Mais j'suis très content qu'on affronte le doyen ensemble." Je souris et le fameux doyen, proche de la soixantaine, se présenta. On le suivit dans le bureau et là, j'avais vraiment tout fait pour ne pas éclater de rire. Des grenouilles. On a été convoqué pour des putains de grenouilles! Bon pas seulement, mais à cet instant, j'me dis que ma soeur a quand même un peu le sens de l'humour et j'aurais aimé être là pour voir ça. La suite, elle est moins drôle. Elles avaient bu. Ca c'est pas un jolie mouv' j'dois l'admettre. J'finis par demander ce qu'elles risquent. Toujours avec nonchalance, parce que clairement, j'comprends pas pourquoi on est là avec Lee. Le doyen ne tarde pas à lâcher son baratin habituel, à coup d'heures de travaux communautaire et de remboursement de frais pour les grenouilles. Lee prend les devants et dit exactement ce que je pensais. Avant de laisser le doyen répondre, j'en rajoute une couche. "Qu'est ce que vous voulez qu'on fasse, elles sont majeures. C'est à elles de réparer leurs erreurs. Si vous ne voulez pas que vos étudiants se comportent en adolescent, commencez par les considérer comme des adultes." J'avais été un peu cinglant, empruntant le même ton que Lee. Nan mais franchement, il était en train de m'agacer le doyen là avec ses aires graves. Il se racla la gorge. Certainement un peu surpris de nos réactions. "Ce que Maddie et Skye ont fait, c'est grave. Boire sur le campus, c'est interdit. Je trouvais ça normal de vous prévenir. Vous ferriez mieux de prendre garde, à leur âge, elles ont besoin qu'on leur montre la bonne voie." Oh putain. Là, je sentais que j'allais vraiment m'énerver. C'est exactement ce genre de réflexions que je ne supportais plus. Cela faisait trop longtemps qu'on remettait en doute ma capacité à prendre soin de ma famille. Je commençais à serrer les poings, me redressant sur la chaise. J'gardais le silence, pour ne pas exploser et dire des choses que je pouvais regretter. Je priais pour que Lee garde son sang froid. Parce que là, clairement, le mien, était en train de bouillir.

J’ai rarement l’occasion de croiser des gens qui peuvent comprendre ma réalité, celle qui est la mienne depuis que j’ai mis au monde ma fille. Étant jeune, trop jeune, je n’ai eu droit qu’aux jugements, aux regards réprobateurs et au quolibets. Comment une adolescente, une enfant encore pratiquement, pouvait être responsable d’un enfant. J’avais parfois envie de leur crier qu’il y en a qui sont plus responsables que d’autres. J’ai bien sûr fait des erreurs, parfois je n’avais peut-être pas la bonne solution, mais j’ai toujours fait du mieux que j’ai pu pour que Maddie puisse vivre une vie normale, qu’elle puisse grandir dans un environnement aussi sain que possible. Je suis contente de croiser quelqu’un semblable à moi, qui a pris sa petite soeur sous son aile pour lui offrir une vie plus saine. J’imagine qu’il y a des raisons qui l’ont poussé à le faire, je ne les connais pas, mais je peux dire que cet homme est quelqu’un de bien de par son geste. “J’imagine que ça n’a pas été tous les jours facile, mais tu as dû faire au mieux de tes connaissances. Tu sais, même si on est parent ce n’est pas toujours facile. C’est dur de les laisser voler de leurs propres ailes, on aimerait pouvoir les protéger de tout, mais on ne peut pas. ” Je fais un léger sourire en replaçant une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. “J’ai presque l’impression qu’on est fautifs quand je t’entends dire ça. Comme si c’était nous qui allaient être punis.” Je ris doucement, j’ai l'impression que cet éclat de rire ne serait pas bienvenue dans ce lieu. Il faut être sérieux et agir comme des adultes responsables. Nous suivons le doyen dans son bureau et il commence à nous dire ce que les filles ont fait. Honnêtement, je pourrais presque qualifier ça de coup de génie. En vrai, j’aurais aimé y penser moi-même, mais je n’ai jamais pu me rendre à ce niveau d’étude et j’étais beaucoup trop sage pour oser faire quelque chose du genre. Je me force à ne pas rire, mais je ne suis pas certain d’arriver à bien camoufler l’hilarité qui s’empare de moi. Je tente ensuite de rester calme devant le doyen, lui faisant comprendre que je ne vois pas pourquoi il nous fait déplacer pour un problème comme celui-là. Elles sont adultes et en toute capacité de comprendre les conséquences de leurs actes. Je suis fâché maintenant. Ramsay soutient mon point de vue et je plante mon regard dans celui du vieil homme qui nous fait face. Par contre, les paroles suivantes me font hérisser les poils des jambes, des bras… Quoi ? Comment ose-t’il insinuer que nous ne savons pas comment agir avec les filles. Comme si nous faisions exprès de les encourager à boire à l'école. Je pose une main sur le poing de Ramsay, je l’ai vu se tendre comme un arc et je me lève. Posant mes deux mains sur le bureau du doyen, lui laissant par la même occasion la vue de mon décolleté. “Vous devriez plutôt montrer l’exemple par vous-même. C’est pas une bouteille de whisky que je vois sur votre étagère ? Si vous voulez montrer que c’est grave de boire sur le campus, vous ne devriez même pas avoir d’alcool dans votre bureau. Je ne suis pas là pour vous dire quoi faire ou vous tenir par la main, mais c’est clairement un jugement que vous portez contre nous en ce moment et ça ne l’accepte pas. Je crois que nous sommes suffisamment grands pour savoir comment élever Maddie et Skye. Maintenant que vous avez bien regardé mon décolleté de petite jeunesse, avez-vous autre chose à ajouter ou c’est tout ? Ne vous inquiétez pas, elles seront averties, nous allons faire votre sale boulot. ” Le rouge m’est monté au joues à cause de la colère. Je me redresse et souffle un bon coup avant de me diriger vers la porte du bureau.

Moi qui partait rempli d'appréhension pour cet entretien, je me retrouvais à discuter avec la mère de Maddie qui .. à ma plus grande surprise, était tout aussi jeune que moi. C'était pas courant et j'crois qu'on était aussi content l'un et l'autre. Ca me rassurait un peu de savoir que je n'étais pas seul dans cette galère. Cela dit, Lee avait très certainement l'avantage d'être réellement la mère de Maddie. Moi, avec Skye, c'était beaucoup plus mouvementé. Elle refusait souvent de m'écouter, justement parce que je n'étais pas son père. C'était une bataille sans fin et justement, avec le temp, je me disais que j'allais très certainement devoir lâcher du lest. Je ne pourrais pas être éternellement derrière elle. Même si au fond de moi, je m'étais fais la promesse de toujours veiller sur elle, mais aussi sur Lewis et Haley. Ils étaient ce que j'avais de plus précieux. Je hochais la tête en écoutant la réponse de Lee. "C'est dur ouais, de vouloir les protéger et d'se confronter à leurs propres envies. Mais j'crois que je trouverais Skye toujours trop jeune pour tout ça." Je souris. J'avais vraiment la sensation que Skye était encore une enfant. Et pourtant, elle était dans sa vingt-deuxième année. Déjà. Je devais me rendre à l'évidence, elle était devenue une adulte.

Une fois dans le bureau du doyen, on avait du se confronter à leurs bêtises. Une bête histoire de grenouille, le tout avec un petit fond d'ivresse. J'étais pas super fier de Skye à ce moment là. J'allais forcément devoir lui en parler. Autant qu'elle fasse la fête le week-end, je commençais à trouver ça normal, mais qu'elle picole à l'université, c'était vraiment pas joli. J'aurais une conversation avec elle, elle devait pas perdre de vu ses études. Et je savais déjà que j'allais me prendre la tête avec elle. Cela dit, avant de devoir affronter Skye et son impertinence légendaire, je devais déjà dealer avec le doyen qui était.. un gros con. J'pouvais pas dire les choses autrement. Il avait son petit air suffisant là, accroché au visage. Et sa dernière intervention, avec ses sous-entendus, comme quoi Lee et moi ne montrions pas la bonne voie à Skye et Maddie, ça m'a fait un peu vriller. J'm'étais redressé, j'avais serré les poings et j'avais gardé le silence. Juste pour pas m'emporter et pour ne pas me mettre à lui hurler dessus. Cela dit, il n'en fallait pas plus à Lee pour sortir de ses gonds et lui dire ses quatre vérités. En vrai, au fond d'moi, je jubilais à l'entendre débiter ça, c'était bien senti, bien placé et j'crois que j'avais pu voir en direct le visage du doyen se décomposer. Lee, elle s'était carrément lever pour lui faire face. J'suivais son mouvement, en me levant aussi. Elle tourna les talons après l'avoir cloué sur place et comme précédemment, je me permettais une dernière petite punchline pour l'achever. "C'est la dernière fois qu'vous portez un jugement comme ça sur nous et sur les filles. C'est bien clair?" J'plantais mon regard rempli de rage dans ses yeux. Le gars, il a même pas eu le temps de répondre quoi que ce soit qu'on était déjà en dehors de son bureau. J'avais bien pris le soin de claquer la porte. Putain, j'me sentais énervé, j'me sentais crispé. Il avait réussi à me faire monter en pression en moins de trois minutes. Bon, c'est vrai que j'suis sanguin, mais j'crois qu'il n'y avait vraiment pas pire que de toucher à un membre de ma fratrie. On se retrouvait dans le couloir, sans même adresser un regard à la secrétaire, je soufflais à Lee "Viens, on se tire de cet endroit d'merde." J'pouvais pas rester seul là, j'avais besoin d'être avec Lee, qu'on débrieffe de ce qui venait de se passer surtout, qu'on se rassure. Piétiner tout ce que je baptisais depuis douze ans ici à Bowen pour mes soeurs et mon frère, c'était la pire des choses qu'on pouvait me faire.

Retrouvant ma superbe et ma confiance en voyant l’homme qui allait devoir m’accompagner dans le bureau du doyen, je me sentais beaucoup plus à l’aise. Laissant tomber les barrières de ma carapace pour me retrouver à parler avec lui comme avec un ami. Ça fait du bien, je crois que j’aurais apprécié avoir un ami de mon âge quand Maddie était plus jeune, chaque fois que je rencontrais les mères de ses amies, je me sentais à l’écart, avec lui je n’aurais pas eu ce sentiment. “Tu parles comme un père ou une mère parlerais. Je pense que ce qui est le pire, c’est de ne pas avoir eu le droit de vivre ce qu’elles sont en train de vivre, je ne sais pas tu avais quel âge quand tu l’a pris sous ton aile, mais j’imagine que tu n’étais pas bien vieux non plus.” Tout ce qui se passe dans sa vie à Maddie, c’est des choses que je n’ai pas pu me permettre de vivre, ayant à m’occuper d’elle et trouver l’argent pour la faire vivre.

Je pense que nous allons probablement reprendre notre conversation tous les deux après avoir parlé avec le doyen. J’ai un bon sentiment envers lui et je crois que je pourrais facilement m’en faire un ami. Quoi qu’en ce moment, je n’ai pas vraiment le temps de penser à ça en voyant comme le doyen parle des filles et comment il ose nous parler, comme si nous n’étions que des enfants, son regard plein de jugement me donne envie de vomir. Je pensais qu’un jour je m’y ferais à tout ça, mais jamais, ça reste toujours un point sensible pour moi. Puis, à un moment, ce fût trop pour moi, je ne pouvais pas accepter qu’on remette en cause ma manière d’élever ma fille. Et lui ? Il en avait eu des enfants ? Avait-il déjà eu à se battre pour faire valoir ses droits ? Je pose une main sur celle de Ramsay, c’était mon moment, j’avais toujours rêvé de confronter quelqu’un de la sorte et de savoir que je n’étais pas seule dans ce grand moment me donnait la force de le faire. Alors, c’est dans un mouvement souple que je me suis retrouvé debout devant le doyen, les yeux bien fixés sur le bonhomme et je n’avais pas manqué une miette du spectacle de son visage en train de se décomposer à chaque parole. Ramsay était debout derrière moi et ça me donnait encore plus de force, après avoir terminé ma tirade, je tourna les talons et je ne voulais surtout pas me retourner, un sourire cependant se dessina sur mes lèvres à entendre le brun. Une fois hors du bureau, la porte close, je passai devant la secrétaire accompagnée du brun. “Avec plaisir ! ” Dis-je en riant franchement au jeune homme. On se retrouva rapidement dehors et je sortis une cigarette et lui en offrit une au passage, j’avais besoin de nicotine pour faire descendre la pression. “Il se croyait en quelle année le bonhomme ? Comme si on était encore en 1920, j’aurais bien aimé voir les filles à l’action celà dit. Je pense que j’aurais jamais eu le culot de le faire, mais je pense qu’à part la partie alcool je suis assez fière d’elle.” Je range mon briquet dans mon sac à main et je tire une longue latte sur la clope. “C’est dommage qu’on se soit connu à cause de ça, je pense qu’on peut bien s’entendre toi et moi ! ” Je laisse filer la fumée bleuâtre entre mes lèvres et passe une main dans mes cheveux.

Notre conversation avait été interrompue par l'arrivée du doyen. Je n'avais pas eu le temps de lui répondre concernant l'âge que j'avais lorsque j'avais pris Skye et Lewis sous mon aile mais de ce que nous avions établi en si peu de temps, je restais convaincu que nous aurions tout le loisir de parler après. J'me sentais bien en compagnie de Lee. Ce n'était pas souvent que ma route avait croisée celle de personnes aussi jeunes que moi en charge d'enfant aussi .. adultes. Mais c'était un vrai défi au quotidien et j'étais content d'avoir trouvé une alliée. On allait en avoir besoin. A l'instant où le doyen avait commencé à parler, je savais que ça finirait mal. Il nous jugeait de haut de sa cinquantaine bien tapée et c'était écoeurant. Comme si nous étions incapables de nous occuper de Skye et Maddie correctement. Le ton n'avait pas tardé à monter, j'avais ouvert les hostilités mais sa réponse m'avait fait vriller de l'intérieur. Je savais que je pouvais être capable de balancer son bureau, ou peut-être même de le menacer directement. Alors, j'avais senti la main de Lee sur la mienne. En une fraction de seconde on s'était compris. Elle prenait le relais. Elle allait l'achever et de l'écouter, ça me vivifiait. Elle était parvenue à dire exactement le fond d'ma penser, avec un subtil mélange de grasse et de brutalité. Ce dont je n'aurais certainement pas été capable. Elle avait tourné les talons et j'avais pas pu m'empêcher d'le menacer un peu avant de quitter à mon tour le bureau en claquant royalement la porte. J'étais assez fier de nous sur ce coup là. On s'était pas laissé démonté. J'sais pas ce que j'aurais fais si j'avais été tout seul, ou si j'avais été accompagné d'une personne plus vieille. Mais là, avec Lee, c'était parfait. On était sorti dehors, l'air frais réussi à me faire descendre en pression. J'sentais quand même tous mes muscles encore contacté de colère.

Lee me proposa une cigarette, habituellement je fumais plutôt des joints mais là, j'étais incapable de refuser. J'avais bien besoin de ça. J'sortais un briquet de ma poche et dans le même mouvement j'allumais ma cigarette. Je pris une longue bouffée, pour faire descendre la rage une bonne fois pour tout. J'écoutais Lee avec attention, un sourire naissant sur le visage. "Je sais pas d'où il sort ce type, mais c'est quand même super inquiétant qui soit le doyen de l'université, avec sa vision aussi archaïque." Je riais en imaginant encore Maddie et Skye libérer ces fameuses grenouilles. "Franchement, ouais, j'suis assez fier aussi. Je sais pas combien il y avait de grenouilles, mais c'est assez marrant, c'est vrai!" Bon, l'alcool, c'était autre chose. Je grimaçais un peu. "Faudra quand même que j'en parle à Skye, d'éviter de picoler à l'université, c'est pas très joli". Mais bon, il n'y avait mort d'homme et je ne manquerais pas de lui demander des détails sur ce lâché de grenouilles en pleine cafétéria. Je regardais Lee en hochant la tête quand elle regretta qu'on ne soit pas connu avant. "Ouais, c'était pas la rencontre la plus glamour. Cela dit, tu m'as épaté, comment tu l'a dégommé le doyen!" Je riais encore un peu. Ca faisait du bien de faire ce debrieffing là. "On va très bien s'entendre toi et moi, c'est certain!" Je tirais une nouvelle bouffée de cigarette. "Ca te dit d'aller prendre un verre histoire de fêter les grenouilles et notre victoire?"

Cette rencontre avec le doyen avait simplement réussi à me faire hérisser les poils et à me faire comprendre que les gens ne changeront jamais. Jamais ils ne vont arrêter de juger et de critiquer ce qu’ils ne connaissent pas. Ces gens qui ont eu tout cuit dans le bec ne peuvent comprendre à quel point il est difficile d’avancer, de donner le meilleur de nous à des personnes qui n’ont rien demandé. Ces filles ont probablement reçu autant de jugement de la part de leur pairs. J’ai compris il y a un moment, c’est que les gens se confortent dans le jugements, c’est leur peur qu’ils nous lancent en pleine figure, la peur de l’inconnu ou cette peur de ne pas être assez bien, ceux qui sont sorti des chemins tout tracés font toujours peurs, parce qu’ils ne pensent pas comme la majorités. Je ne veux plus faire partie de cette majorité, j’aime mieux être unique. J’étais contente, parce qu’en venant ici j’étais seule et je partais de cette rencontre avec un allié, quelqu’un qui me comprenait. Juste ça, c’était énorme, qu’il soit le frère d’une des amies de Maddie n’était qu’un bonus. Ce n’est plus comme quand elle était jeune et que je devais aller la conduire quelque part, mais quand même c’était bien de rencontrer une nouvelle personne à qui je pouvais faire confiance. Nous avions réussi à faire mur devant le doyen, à se comprendre sans se parler. Ce n’est pas tous les jours que nous pouvons nous vanter de faire une telle rencontre.

Une fois à l’extérieur, je lui offre une cigarette parce que j’ai besoin de la mienne pour décompresser. Je ne fume pas beaucoup, mais dans les moments de stress, je ne peux m’empêcher d’en allumer une. “Il y a encore beaucoup trop de gens qui pensent comme lui malheureusement. Malheureusement, on ne peut pas faire grand chose contre eux, ils ont l’argent et le pouvoir.” Je grimace, on aura beau se plaindre au conseil, personne ne fera rien pour changer un ordre qui est déjà établi. “J’espère que quelqu’un à penser à filmer la scène, je ne serais pas surprise qu’on retrouve des images sur tiktok.” Je ne suis pas super familière avec ce réseau, mais je sais que les jeunes de l’université doivent l’être et je vais probablement essayer de voir s’il n’y a pas des images. “Maddie aussi, je vais devoir lui parler de sa consommation d’alcool, c’est ok, je comprends qu’elle puisse vouloir faire la fête, mais il y a des lieux plus appropriés que d’autres.” Je soupire avant de tirer une nouvelle latte sur ma cigarette. “Merci, ça a fait un bien fou de pouvoir dire le fond de ma pensée. Je me suis retenue tellement souvent de le faire. Je voulais aussi éviter qu’on se fasse jeter dehors et qu’on menace d’appeler nos parents à nous aussi ! ” Je pense que ça aurait été le bouquet. Je n’ai pas revu mes parents depuis plus de vingt ans, j’ignore même ce qu’ils sont devenus. Monsieur et Madame Murray…. Un frisson de dégoût me parcourt en repensant à eux. “Oh oui, un verre fera le plus grand bien ! Le bar de la plage te vas ? Je n’ai pas envie de me montrer au boulot alors que j’ai demandé congé ! ” J’irais quand même pas fêter ma victoire au Wojna’s non plus. Je lui souris, je suis contente d’avoir un nouvel ami.

C'qui venait d'se passer là, dans le bureau du doyen, c'était typiquement le genre de situation que je ne tolérais plus. Il avait eu cet air suffisant, son regard jugeant, ses sous-entendus dégueulasses. De quoi me faire monter très vite en pression. Si d'apparence j'avais l'air d'être d'un tempérament plutôt calme, je devais admettre que le sang me montait vite à la tête dans ce genre de situation. Dès que je vivais une injustice, que quelqu'un n'allait pas totalement dans mon sens ou pire, qu'on sous-entendait que je ne m'occupais pas correctement de Skye, j'vrillais. J'avais réussi à rester calme à la surface, et c'était entièrement grâce à Lee, qui avait su trouver les mots justes, avec une fermeté bien placée. On avait fait bloc tous les deux, c'était presque beau bordel de se sentir si fort dans des moments aussi périlleux. Mais on avait su s'en sortir à merveille. Le doyen n'avait pas trouvé trop quoi répondre et à vrai dire, on ne lui avait pas laisser le moyen de s'exprimer en retour. J'pense qu'on devait maintenant se trouver sur la liste rouge de ce type et j'dois dire que j'étais plutôt ravi à cette idée. Ce genre de personne, néfaste, ne méritait pas d'attention. J'avais toujours tenté de m'entourer au maximum de personnes positives, bienveillantes, et Lee en faisait définitivement partie.

Une fois sortie, on s'était allumé une cigarette. C'était la moindre des choses pour redescendre en pression. J'sentais que j'me calmais un peu. Ca faisait du bien de débrieffer avec Lee, on s'sentait moins seuls, moins isolés. Et à la vue de notre statut, elle comme moi, on s'était bien souvent sentis ainsi. Rejetés par certains simplement parce qu'ils nous pensaient pas suffisamment responsables pour s'occuper d'enfants. Quelle connerie. Skye et Maddie n'étaient plus des enfants certes, mais on se devait d'être présente dans leur vie, parce qu'à 20 ans, tout reste à construire. Je grimaçais avec elle. "La meilleure chose à faire face à ces gens là, c'est d'les tenir le plus éloignés possibles. Ils ont rien d'positif à nous apporter." Ca c'était certains. Qu'ils le gardent leur richesse et leur pouvoir. C'était pas ça l'important. C'qui comptait vraiment, c'était l'amour et la solidarité. J'en avais été dépourvu étant enfant, et c'était la promesse que j'm'étais fait intérieurement, de toujours donner à Skye, Lewis et Haley ce que nos parents n'avaient jamais voulu nous donner. Je riais à ses mots. C'était certains que des images de ce moment d'anthologie devaient circuler sur les réseaux sociaux. "J'suis prêt à parier que Maddie ou Skye ont filmé ça!" C'était tout à fait le genre de Skye de vouloir immortaliser de genre de bêtises. On était d'accord sur un point : la consommation d'alcool à l'université, c'était non. J'la félicitais pour sa tirade face au doyen et souriait à sa réponse. J'grimaçais intérieurement, contacter mes parents étaient bien la dernière des choses que je voudrais sur cette terre. "Il en aurait été capable, ils nous prenaient clairement pour des gamins! Cela dit, j'serais plutôt d'avis de laisser mes géniteurs en dehors de tout ça." J'avais pas réussi à dire parent. Personne ne peut appeler "parents" les personnes qui avaient été mes bourreaux pendant tant d'années. Finalement, on s'mit d'accord pour aller boire un verre à notre victoire. Elle me proposa le bar de la plage. "En route alors!" J'lui faisais un signe de la tête prenant le chemin du bar de la plage qui se trouvait à une dizaine de minutes à pied de l'université. L'avantage de Bowen, c'est que ce n'était pas spécialement grand et l'université était bien plutôt bien placée, bordant presque l'océan. "Tu travailles dans un bar donc si j'ai bien compris?" J'aimais bien cette simplicité qui se dégageait, comme si l'incident d'avec le doyen avait définitivement scellé quelque chose entre nous.

S’il y a bien une chose que j’ai appris en devenant mère, c’est qu’il faut arrêter d’écouter les autres autour. Parce qu’il va toujours y avoir quelqu’un pour te critiquer, pour te dire comment faire telle ou telle chose et clairement, c’était ce que le doyen avait tenté de faire en nous réunissant pour nous parler de nos enfants. J’avais ressenti tellement de condescendance de sa part que ça m’avait donné le courage de dire tout haut ce que normalement j’aurais garder pour moi. Avec Ramsay à mes côtés, j’ai trouvé un allié alors que je ne pensais pas pouvoir en avoir un. Je n’ai jamais eu la chance de m’entourer ou de me faire un cercle d’amies, je ne restais jamais assez longtemps dans une ville pour vraiment créer des liens avec qui que ce soit. J’ai menti tellement souvent aussi, mais ici, c’est terminé les mensonges, ont est là pour s’installer pour de bon et peut-être même se créer des vrais amitiés.

Soufflant dehors lors de l’atmosphère pesante du bureau, je débriefe avec Ramsay, essayant de comprendre à quoi le doyen avait essayé de jouer en invitant comme ça. Je ne savais pas que dans un an il allait m'appeler pour me dire que ma fille n’allait plus en cours. Je suis d’accord avec lui, l’important c’est de les tenir le plus loin possible, ça donne quand même bien, je n’ai pas l’intention de devenir la meilleure amie d’un pauvre mec misogyne et qui se croit supérieur à cause de son âge. “ On mérite clairement mieux et l’école aussi, il faudrait peut-être songer à le faire remplacer. Parce qu’il ne comprend pas la jeunesse d’aujourd’hui, on est plus comme en 1950 ! ” J’exagère, il ne devait pas être directeur à ce moment-là. Les jeunes d’aujourd’hui sont comme Maddie, comme Skye, ce qui est important pour eux, ce n’est pas la même chose que dans mon temps à moi et je ne suis pas si éloignée d’elle, mais jamais elles ne vont connaître le monde comme on l’a connu, avant toutes les technologies. Justement, parlant de technologie, je me demande si elles ont pensé à filmer la scène, je tiens à la voir, je suis certaine que je vais adorer. Je ne sais pas pourquoi, mais je me fais déjà une image de Maddie les bras levés en leur disant de fuir vers la liberté. “Je crois que je vais devoir écouter ce moment en boucle, si ce n’est une d’elle, je souhaite que quelqu’un l’ai fait. Ça mérite d’être vu j’en suis convaincu ! ” J’imagine aussi le bazar que ça pu mettre, les filles hurlant en voyant les pauvres bêtes courir dans tous les sens. Je lui dis aussi que j’ai eu peur à un moment que le doyen propose d’appeler nos parents pour qu’ils nous punissent. Il semble comme moi, souhaiter que ses parents ne restent qu’un souvenir, le plus loin possible de lui. “Je suis du même avis que toi, de toute façon, il ne pourrait même pas les retracer. J’ai changé de nom pour compliquer le tout ! ” Il faut quand même faire des recherches pour savoir que je suis née Murray et non Reynolds. Ça m’a coûté une blinde, mais c’est un choix que je n’ai jamais regretté. Mes parents ne méritent même pas de voir la merveille que j’ai créé, ni Ciàn d’ailleurs. De toute façon, il vit sa meilleure vie en jouant de manière professionnelle. Il n’a pas besoin d’en savoir plus. Je me suis démerdé toute ma vie pour que Maddie ne manque de rien et j’ai réussi, sans lui.

On prend la route vers la plage pour aller prendre un verre, ça fait du bien de marcher et de ne pas sentir le stress que j’avais avant de venir ici. D’aller prendre un verre avec quelqu’un qui allait fort probablement devenir mon ami. Je ne sais pas, je le sentais. “Je suis serveuse au Wojna’s, j’ai commencé un peu avant le début de l’année scolaire. Je suis arrivée dans cette ville il y a peu, donc je ne connais pas encore grand chose ici. Mais c’est un endroit sympa. ” Le patron m’a vraiment fait bonne impression et il semble bien compréhensif aussi. “Et toi, tu es ici depuis longtemps ? ” Il y a une petite trace d’accent dans sa voix. “Tu fais quoi comme boulot ? ” Avalanche de question, je suis curieuse, je me sens un peu comme une ados, une ados qui à l’âge de boire par contre. On arrive et je vais directement au bar pour qu’on puisse commander un truc.

Ca avait été catastrophique. Cette entrevue, j'étais pas prêt de l'oublier. Le doyen avait réussi à me mettre dans un état de colère excessivement vite. Bon, j'étais pas le mec le plus calme de la planète, mais réussir à me faire monter en pression aussi rapidement, ça relevait presque de l'exploit. Il faut dire que je ne supportais pas qu'on me juge, qu'on juge ma famille, et la façon que je gérais ma fratrie. J'avais suffisamment de mal à me sentir légitime au quotidien pour imposer quoi que ce soit à Skye, qui aimait bien me rappeler que je n'étais pas son père, alors je n'avais absolument pas besoin d'être juger par ce vieux type. On s'en donnait à coeur joie avec Lee, depuis qu'on était sorti de son bureau. Histoire de faire relâcher la pression et d'faire le point sur ce qu'on venait de vivre. "Ca m'donne presque envie d'intégrer le conseil d'administration et d'le faire virer!"  J'sais pas si j'aurais vraiment le courage d'le faire mais si Lee était partante, alors j'crois bien que j'en serais capable. C'était devenu l'homme à abattre. (façon d'parler bien sûr.) Même si je restais convaincu qu'il fallait rester loin de ce type de personne, il fallait aussi qu'il arrête de rependre ses idées archaïques auprès des étudiants.

On rigolait ensemble à l'idée que quelqu'un avait très probablement du filmer ce moment anthologie. Je ne manquerais pas de demander à Skye de revoir les images. C'était une connerie assez drôle. Brièvement, Lee avait évoqué ses parents, comme si le doyen, nous prenant pour de tels gamins, allait à son tour prévenir nos géniteurs. Force est de constater que Lee semblait elle aussi avoir un passif assez lourd avec ses parents. Elle m'informa qu'elle avait même changer de nom. C'était quelque chose à laquelle moi aussi j'avais pensé avant d'me rendre compte que nos parents ne nous aimaient tellement peu qu'ils ne feraient même pas l'effort de nous rechercher. Du moins, avant qu'ils mettent la main sur nous, en Australie, ils allaient devoir remuer ciel et terre. "Les miens sont rester croupir en Ecosse. Ils n'arriveront jamais à me retrouver, s'ils le voulaient." C'était un peu douloureux de parler du passé. J'en avais encore des sueurs froides rien qu'à penser à l'enfer que j'avais vécu là bas, à Edimbourg.

On décide ensemble de poursuivre notre rencontre autour d'un verre. On avait définitivement besoin de ça. Pour souffler, pour fêter notre victoire aussi face au doyen et pour arroser ses fichues grenouilles qui avait failli me coûter un fou rire dans le bureau. On marchait, l'un à côté de l'autre, consumant nos cigarettes. C'était cool de l'avoir rencontrer, j'avais envie d'la connaître plus. Et à ce qu'on avait pu échanger depuis quelques dizaines de minutes, j'me rendais compte qu'elle et moi, on avait sacrément des points communs. Lee me racontait qu'elle était serveuse et qu'elle était arrivée en ville depuis peu. J'acquiesçais à ses mots. "C'est vrai que Bowen, c'est la ville idéale pour repartir à zéro." Je savais de quoi je parlais. Lee ne tarda pas à retourner la question. "Je suis arrivé ici il y a 11 ans. Je viens d'Ecosse, on vivait un truc pas très .. cool avec mes parents, et j'ai emmené Skye et Lewis, mon frère et ma soeur, jusqu'ici, pour les mettre en sécurité." J'étais pas du genre à parler de tout ça, mais avec Lee, ça sortait naturellement. J'me sentais dors et déjà en confiance avec elle. Après ce qu'on avait partagé, ce n'était que très peu étonnant. "Je suis directeur de l'école de danse, depuis 4 ans. Et avant, j'étais professeur dans cette même école. C'est vraiment cool, pas tous les jours évidents, mais ça m'plait bien." J'lui souris et on arrive au bar. On s'dirige vers le comptoir et on prend nos commandes. "J't'invite, en l'honneur de ta tirade devant le doyen!" Le serveur s'active derrière le comptoir et très vite, on se retrouve assis, à une table, face à la mer, nos verres bien frais devant nous. J'lève mon verre et j'lui souris. "Cheers! A notre rencontre!" J'bois une gorgée après que nos verres aient tinté l'un contre l'autre. J'reposais mon verre et j'plongeais mes yeux dans ceux de Lee. "Alors, Lee, tu étais où avant d'arriver à Bowen?" J'ai envie d'en savoir plus d'elle, de son parcours. J'la trouve inspirante.

Je lui lance un regard en billet, retenant un petit rire au fond de ma gorge. Je ne suis pas certaine que j’aurais envie d’intégrer le CA simplement parce que je n’ai pas envie de recroiser le regard hautain du doyen. J’ai eu suffisamment le temps d’étudier le dédain et le jugement dans son regard lors de notre entrevue dans son bureau.  Je secoue la tête et cette fois je laisse mon rire s’échapper. « Si tu le fais, je vais t’encourager à distance, parce que moi, c’est hors de question que je me retrouve une nouvelle fois en face de lui ! » J’aimerais quand même voir sa tête tomber à ce vieux schnok.

Je ne suis peut-être pas la meilleure mère du monde, mais je sais que j’ai fait un meilleur travail que mes parents. Ils étaient croyant comme pas possible et leur image comptait plus que tout. J’ai terni l’image de la fille en me retrouvant en cloque à 15 ans. Ce n’est pas tout le monde qui est fait pour endosser un rôle parental, les miens ne l’étaient pas et ceux de mon allié non plus. Il a quand même poussé l’audace plus loin que moi en changeant complètement de pays. « J’aurais peut-être dû fuir l’Australie aussi comme tu as fais avec ton Ecosse natale. Mais à 15 ans les solutions sont assez limitées. » Je soupire en terminant ma cigarette. Je l’écrase avec mon pied sur le sol. Je ne pose pas plus de question, si un jour il se sent de me parler de sa famille il le fera. Je sais à quel point c’est difficile parfois. Même encore aujourd’hui j’ai du mal à le faire.

Nous marchons ensemble en direction du bar sur la plage. Cette ville est agréable, tout est à proximité et on s’y sent bien. C’est la première ville depuis longtemps que j’ai l’impression de pouvoir y voir un avenir. Finalement, on parle assez ouvertement ensemble, il me confirme qu’il pense la même chose que moi de cette ville. Il est parti de tellement loin pour atterrir ici. « Honnêtement, je trouve que tu as fais preuve de courage en ne partant pas seul. Ça n'a pas dû être facile tous les jours de devoir t’occuper d’eux. Ton frère est plus vieux que Skye ou plus jeune ? » J’essaie d’évaluer la différence d’âge qu’il peut avoir avec ses jeunes frère et sœurs. Directeur d’une école de danse ? « Tu me fais croire qu’il est possible que je puisse trouver ma place ici aussi ! C’est un bel honneur que d’être directeur. » Je souris à l’homme et accepte d’un hochement de tête son offre, j’ai l’impression que même si je refuserais, il insisterait ! On trinque ensemble et je pince les lèvres à sa question. Je ris un peu avant de répondre. « Je pense que là meilleure question serait où je n’étais pas avant d’arriver ici ! J’ai grandi dans une petite ville près d'Adélaïde, je n’avais jamais vraiment voyagé. Puis quand mes parents ont appris que j’étais enceinte il ont voulu m’envoyer dans une maison pour que j’accouche et laisse mon bébé en adoption. J’ai donc fui vers Adélaïde, c’est là que Maddie est née. Puis nous avons déménagé presque chaque année, parfois deux fois dans la même année. J’ai une carte dans le salon qui repère chaque ville où on a rester. Avec des photos aussi des moments forts de chaque endroit. Puis maintenant on est ici pour y rester, pour que Maddie puisse avoir une vie normale pour une fois ! » Je prends une gorgée de mon breuvage et plonge mon regard dans le sien. « Peut-être que je vais avoir une vie normale aussi ! En tout cas, c’est mon souhait le plus cher. Dis-moi, tu as pu toi faire ta vie normalement en ayant ton frère et ta sœur à charge ? Je veux dire avoir ta famille à toi ? Parce que après Maddie, j’ai jamais réussi à me placer et parfois je me demande si c’est parce que je suis trop difficile ou si c’est parce que c’est pas évident… t’en avais quand même deux toi ! »