Parfois.. mieux vaut être seul Feat Manwë

Il ne pouvait pas faire semblant de ne pas l’avoir vu et ce n’était pas son genre de baisser les yeux face à un autre. Manwë ne détestait pas Joaquim, leurs querelles d’enfants étaient loin derrière eux désormais, mais il n’éprouvait aucune amitié pour cet homme. Une femme se situait au centre de leur mésentente. Pas une femme qu’ils se disputaient comme dans les comédies romantiques, mais la femme d’un autre. Manwë n’a jamais vu d’un bon œil le mariage de son ami le plus cher avec la sœur de l’autre. Qui plus est, Manwë était au courant depuis des années de la liaison secrète entre Tyler et Penelope, assez pour que ça alimente son amertume envers la blonde sans que jamais il n’eut trahi son ami. Il l’avait mis en garde, concernant les innombrables problèmes que pourrait causer ce qu’ils faisaient, mais il ne s’en était pas mêlé, parce que ça ne le regardait pas.

Le retour de Penelope n’avait pas été une bonne nouvelle pour le luthier qui n’avait cependant pas perdu de temps avec elle, bien trop occupé à tuer son propre père et à contourner la justice australienne pour ne pas finir ses vieux jours derrière les barreaux. Il avait néanmoins eu l’occasion de rencontrer Penny récemment et discuter avec elle, lui faisait comprendre son point de vue sur la liberté qu’elle se devait de rendre à Marc, mais il avait eu la délicatesse d’admettre qu’il avait été sans doute sévère avec elle.

Il leva également son verre en direction de l’avocat pour le saluer. “ Comme tu vois. “ Répondait-il avec un léger sourire, il ne se voyait pas justifier qu’il évitait de traîner au Elm tant que les gens le dévisagent comme un assassin. Il ne voulait pas faire de mauvaises publicités, même si cela ne dérangeait certainement pas le tenancier du Elm.  “ Je me disais bien que si j’ai récemment fait la mésaventure de croiser Penelope, la suite ne tarderait pas à arriver… “ Les rumeurs vont bon train dans cette ville, voire Manwë boire une verre avec la blonde n’avait pas échappé aux regards des curieux. “ M’enfin, si j’avais une sœur, je me ferais aussi du souci, j’imagine… “ Surtout de la savoir traîner avec un type comme lui, même si elle avait vécu tout ce temps à l’autre bout du monde.

À ces affirmations, il balance la tête de droite et gauche, résigné. Le grand méchant loup de Bowen, c'était définitivement lui et ce depuis des années. Il ne revendique pas ce titre, c’était seulement comme ça. Il s’était fait à l’idée, il ne cherchait pas à modifier ce que l’on pensait de lui, il estimait ne rien devoir à personne, pas même à la justice de ce pays. “ Tu m’en remets un, steuplé ? “ Qu’il demande au barman, foutu pour foutu, il s'avérait qu’il était devenu un bon buveur depuis cette histoire de meurtre. Il se disait qu’il était plus sage qu’il s’alcoolise qu’il ne continue à casser des gueules…

Joaquim Russell a écrit:

Parfois.. mieux vaux être seul

Joaquim n'est pas très doué pour faire semblant. C'était une journée de merde, et rien n'allait vraiment en s'arrangeant. Il avait évité le Elm, parce qu'il n'avait pas envie d'attirer la pitié, ou que son état revienne aux oreilles de sa soeur, si tant qu'elle se préoccupe de lui en ce moment. C'était pas le moment pour elle que de gérer son frère a moitié ivre mort en début de soirée. Il avait choisi le Hendrix, une ambiance plus feutrée en ce moment, pour décompresser de cette semaine qui n'avançait pas. De plus en plus, Joaquim était enclin à une certaine tristesse. Une lente agonie. Son père malade, sa mère devenue infirmière, aide soignante, psychologue, tenant leur famille à bout de bras. Sa soeur, celle qui était tout pour lui, qui revient comme si de rien n'était, sans aucune explication... D'autres auraient sombré pour moins que ça. Mais aujourd'hui, ces réunions à n'en plus finir, ce temps perdu à ne rien faire hormis remplir des papiers, Joaquim avait l'impression de devenir fou.

Alors ; une pause s'imposait dans son quotidien d'où il se noyait.  pause de courte durée, quand il aperçoit Manwë. S'il y avait bien une personne que Joaquim évitait à tout prix, c'était bien lui. Avec lui, rien de bon ne pouvait arriver. D'autres auraient noyé leur regard dans le liquide ambré en face de leurs yeux, d'autres auraient pris la fuite, mais Joaquim assume jusqu'au bout sa présence en même temps que Man' dans ce bar qui rapetisse à vue d'œil tant l'atmosphère se charge en mauvaises vibrations.

"Le meilleur pour la fin, ouais. De quoi égayer ta p'tite journée. Trop de générosité chez moi, que veux tu" avait il énoncé d'une voix sourde. La moutarde lui montait vite au nez, en ce moment,  et Manwë savait où appuyer pour échauffer un peu plus l'humeur déjà bien entamée de Joaquim.
Il n'aimait guère celui qui se prenait pour le méchant dans toutes les histoires, alors qu'il était souvent victime-en tout cas, dans son enfance et son adolescence. Il ne comprenait pas trop ce que Tyler pouvait lui trouver, à ce demi avorton tout gringalet, transpirant tout sauf la joie de vivre, au passé trouble et à l'alcoolisme nerveux. Le fait que Manwë avait pu parler à sa sœur alors que lui même ne l'avait pas vu ni entendu depuis un bail lui avait retourné le bide. Alors que Manwë demandait un autre verre, c'est dans un grincement de chaise raclant le sol que Joaquim se lève et se rapproche de lui, le surplombant de toute sa hauteur celui qu'il méprisait tant en cette heure
"Déjà que tu ne sais pas t'occuper de toi même, on peut dire: heureusement que tu n'as pas de sœur, ouais. Je donnerais pas chère d'elle si elle existait. Un peu comme ton père, en fait." Il ne savait pas trop ce qu'il faisait, mais rien que de provoquer Manwë lui faisait un bien fou. Tant pis pour le reste.

greenie strawberry

Le brun avait seulement esquissé un sourire, une pointe amusé alors que Joaquim se qualifiait comme étant le meilleur. Inutile de préciser qu’il se serait contenté uniquement de sa rencontre avec Penelope. Son attention se détournait vers le barman, il fut presque étonné de voir l’avocat venir à sa hauteur pour poursuivre cette conversation tout sauf amicale. Le regard inquiet du barman sur la situation en disait long sur l'atmosphère pesante qui régnait entre les deux hommes.

Le luthier releva son regard clair sur Joaquim, nullement impressionné par sa carrure. “ On peut savoir qui tu compte intimider, là ? “ Franchement, ça le faisait marrer. A quoi sert les muscles quand on ne sait pas frapper où ça fait mal ? Même ses mots ne l’atteignent pas, il se fichait de son père, il l’avait tué lui-même, tout le monde le savait bien, dans le fond. Le brun était libre, mais cette affaire puait. Man savait qu’il n’était pas invincible, mais il n'avait rien à perdre contrairement à des types comme Joaquim. “ T'es sûr de toi ? Tu veux vraiment que l’on se provoque au sujet de nos pères, hm ? Parce que perso, je n’ai pas peur de le dire : je suis enchanté que le mien soit au cimetière. Mais dis moi… j’ai cru entendre que le tien en prenait le chemin… “ Voilà, ça, ça s’appelle frapper où ça fait mal.

Malgré tout, le brun n’était pas parfaitement sans cœur, contrairement à ce que l’on pense de lui. Il avait lui-même assisté à l’agonie de sa propre mère, il était plus jeune à l’époque et elle souffrait d’une maladie bien différente. Il doutait qu’il y ait un âge quelconque auquel l’on est plus disposé à vivre ce genre de chose. “ J’imagine que tu t’en tape royalement de ma compassion et que tu doute même qu’elle puisse exister… Mais s’il est un bon père, ça fait chier pour vous... “ Fallait pas trop lui en demander, mais l’expression de sa compassion était sincère et il s’en fichait que Joaquim ne puisse le croire. Ils n’ont jamais pu s’entendre sur grand-chose ces deux-là, mais Manwë trouvait que ce genre de peine que vivait l’homme méritait une sorte de… Trêve ? Il espérait seulement que l’homme retournerai s’asseoir, il était fatigué de se fritter avec tous les cons en manque de bagarre pour se défouler, il commençait à envoyer beaucoup trop de mecs à l’hopital…

Manwë était calme, il l’était terriblement la plupart du temps… Jusqu’à ce qu’il perde son sang froid. Joaquim, c’était un adversaire bien connu, un type pour qui, dans le fond, il avait de la sympathie. Il était juste trop fier pour enterrer la hache de guerre. Alors quand le brun est venu le titiller, le Manwë lui avait repondu avec son flegme légendaire et des réponses qui appuie là où ça fait mal. Il avait toujours eut le chic pour ça, il connaissait assez Joaquim pour savoir comment il fonctionne, c’était presque trop facile…

Joaquim lui avait même livré sur un plateau d’argent le sujet des pères, ok, touché, Manwë venait d'assassiner le sien et il avait pu échapper à la justice. Bien sûr qu’il savait que tout le monde le pensait coupable et ces gens avaient bien raison. Est-ce qu’il culpabilise ? Pas le moins du monde. Néanmoins, évoquer la mort du père Russell, ça ne l’amusait pas tant que ça. Assez même, pour qu’il ressente une pointe de compassion. Compassion mesurée, parce qu’en fait… Perdre sa mère alors qu’il était si jeune, à cause de la drogue et des coups de son père, ça avait été une douleur indescriptible pour Man.

Parfois… ça faisait encore mal.

Alors il se basait sur cette douleur, pour imaginer celle de Joaquim et Penelope. Même si dans l’fond, ça n’était pas comparable. L’homme était vieux et les enfants étaient des adultes. Manwë lui avait vu sa mère partir sous un drap blanc, ele l’avait laissé avec le monstre qui les battait, seul. Alors, il ne pouvait pas dire qu’il a souffert davantage, il a juste… Souffert différemment. Il ne peut qu’imaginer. Rien de plus.

Pour une raison qui lui échappait, la fureur de Joa le quitta pour laisser place à de la tristesse. Cet essoufflement de la colère, il admirait pour ainsi dire. Car lorsque Manwë était en colère, vraiment, c’était impossible de l’arrêter.

C'était .. c'est le meilleur de tous. C’était puissant comme phrase, il devait l’admettre. Parce qu’il ne savait pas ce que c’était, d’avoir la sensation d’avoir pour soi… Le meilleur. Ses yeux verts observent la descente de son interlocuteur venu finalement s’asseoir à côté de lui. C’était un peu inédit à ce moment-là, entre eux deux. Cette trêve.

“ Ouais, ça avait l’air… “ Il ne va pas préciser qu’il l’a vu à poil, ça serait sans doute le détail de trop. Il se vit offrir un verre et ça, c’était pas tous les jours que ça arrivait. “ Si ça peut t’consoler, c’était clairement pas prévu qu’on s’rencontre. “ Manquerait plus que ça ! Ce qui était étonnant, c’était que la soeur évite son frangin. La honte sans doute, d’être partie comme une voleuse. “ Elle sait que j’ai jamais pu la blairer. “ Il s’en était jamais caché ceci dit. “ J’savais qu’elle ferait du mal à Marcus… J’sais qu’il tient encore beaucoup trop à elle. J’sais que les putains d’histoires d’amour, j’y connais rien et que j’m’en tape la plupart du temps… Mais ta soeur… C’est l’genre de nana qui détruit un peu tout c’quelle touche, tu vois ? “ Cette fois, il lui avait dit frontalement tout ce qu’il pensait d’elle, sans agressivité, juste… Un constat des dégâts qu’elle causait autour d’elle. Ça lui rappellait sa mère… Et tout comme elle :  “ Elle l’fait pas volontairement… Ce genre de personne, tu peux pas les changer, faut les accepter comme ça. “ Il avait mis du temps à le comprendre, à saisir la beauté de cette femme, à ce qui a pu charmer ce pauvre Marcus, mais cette rencontre l’avait aidé à remettre le doigt dessus et parce qu’avec le temps, même lui, était devenu plus tolérant. Probablement parce que lui aussi, à sa manière, il ne pouvait pas changer, la différence était qu’il ne décevait personne, car personne n’a jamais rien attendu de lui.

Il attrape son verre tout juste servi avant de tourner le regard vers Joaquim. Bordel, deux fois qu’il trinque avec les Russell, c’était vraiment une année étrange ! “ Bon et bien, trinquons au meilleur et au pire des pères ? “ Au moins, il y avait un certain équilibre comme ça entre eux, non ?