I'll be giving up my stripes, be painting with new colours + Sierra

Depuis quelques semaines, Marcus se retrouvait avec une deuxième serveuse au Elm Street, lui qui, de base, ne voulait personne pour l’aider, comme quoi il n’y avait que les idiots qui ne changeaient pas d’avis ! Le problème était que la petite nouvelle, Sierra, manquait cruellement d’expérience … et de motivation. Elle était encore arrivée en retard ce soir, Marcus n’était pas très regardant sur les horaires, mais il lui semblait qu’elle faisait tout pour se faire virer, ça plus le nombre devenu incalculable de verres cassés, il prenait sur lui, beaucoup. Le bar était calme quand la blonde arriva, fleur au fusil, comme si de rien n’était. Il regarda l’heure sur son portable, ostensiblement, pour qu’elle le remarque. Tu as une heure de retard Sierra, c’est pas comme ça que je vais pouvoir te montrer comment fonctionne le logiciel de caisse. De toute façon n’avait pas suffisamment confiance en elle pour la laisser faire la fermeture et toucher à sa caisse, il ne voulait pas se retrouver avec toute sa compta faussée à cause de son étourderie. Le bar était encore calme, alors il s’approcha d’elle alors qu’elle prenait son poste. T’attends que j’te vire ou t’es en as juste rien à faire ? Il attaquait direct, ce n’était pas son genre, ça non plus, jamais il n’avait eu à jouer au méchant patron, même avec Leo qui lui avait pourtant donné du fil à retordre, il sentait qu’il y avait un minimum de conscience professionnelle, avec Sierra il ne savait pas comment s’y prendre, simplement parce qu’il savait qu’elle n’avait aucune envie d’être là et de travailler pour lui. Parce que si c’était pas pour ton grand-père, je ne m’embêterais pas à te donner ta chance, je n’ai pas de temps à perdre. Il avait accepté fait un geste pour cet habitué du Elm depuis toujours, cet homme qui l’avait vu débuter et qui était toujours là, année après année, semaine après semaine. Mais plus les jours passaient plus il venait à regretter d’avoir accepté.

@Sierra Miles

Rise and shine. Pas forcément adapté vu l'heure tardive à laquelle Sierra daigna sortir de sa chambre aujourd'hui. Les mauvaises habitudes s'attrapaient vite et depuis son arrivée à Bowen et sa déprime sévère, la Sierra toujours levée tôt et active s'était envolée. Enfermée dans sa chambre toute la journée, elle ne sortait que pour les choses vitales ou pour travailler quelques jours dans les peu d'endroits qui avaient accepté de lui donner sa chance. Avant de la remercier plus ou moins poliment. Manque de compétence, manque de bonne volonté ou démonstration flagrante de mépris, les motifs variaient mais tous étaient sans appel. Virée. Il en avait alors eu marre, le vieux. Il lui avait passé un sacré savon, ce soir-là. Les murs de la maison en avaient presque tremblé. Pas du genre à se laisser faire, Sierra. Mais y avait eu cette menace, de les foutre à la porte. Et ça, elle ne pouvait pas se le permettre. Pas avec son frère. Alors elle avait serré les dents et acquiescé silencieusement alors qu'il lui avait dit avoir trouvé une ultime opportunité pour elle. Il avait tiré quelques ficelles, le grand-père. Et voilà qu'elle était embauchée depuis quelques jours à mi temps dans un bar, le Elm Street. Elle se savait attendue au tournant, mais elle était loin d'être irréprochable pour autant. La preuve en était ce soir puisqu'elle arriva au bar avec une heure de retard, la sortie de la chambre qui lui servait de grotte s'étant effectuée bien trop tardivement. Le patron, Marcus, était là et il ne manqua pas de remarquer le retard. "Ouais, désolée j'ai pas vu l'heure." Excuse vaguement grommelée alors qu'elle se dirigeait derrière le comptoir. Mais le gérant ne semblait pas l'entendre de cette oreille, ce soir. Il s'approcha d'elle, décidé à la remettre d'aplomb, lui indiquant clairement qu'elle ne devait son poste qu'à son grand père. Quelque soit la réponse cinglante qui brulait les lèvres de Sierra, elle ne pouvait pas se permettre de la sortir. Elle se contenta de les pincer, les lèvres. "J'en ai pas rien à faire." marmonna-t-elle tout en commençant à ranger des verres sortis du lave vaisselle. "Je suis juste... pas douée pour ça, ok ?" Le ton un peu plus assuré, elle croisa le regard de Marcus. Pas douée pour quoi à vrai dire ? Etre serveuse ? Ou faire partie du commun des mortels ?

@Marcus O'Brian

Sierra était l'exemple parfait de pourquoi Marcus ne voulait pas travailler avec quelqu'un, il n'aimait pas les emmerdes. Lui il connaissait son bar par cœur, il avait son fonctionnement bien à lui, sa propre maniaquerie et normalement c'était un mécanique bien huilée. Seulement à chaque fois qu'il engageait quelqu'un ça l'obligeait à faire des ajustements, à lâcher du leste sur certaines choses ou à hausser le ton et poser des règles sur d'autres. Il n'avait pas une âme de patron, il l'admettait volontiers le problème, qui n'était pas tellement un problème en soi, c'est que son bar marchait bien, trop bien même et qu'il ne s'en sortait pas tout seul. Il n'avait pas à s'en plaindre, mais c'était tellement plus simple quand il n'avait que lui à gérer. Et en plus, actuellement il devait faire avec une gamine qui n'en avait rien à faire d'être ici, il lui semblait que venir travailler était une véritable torture alors que lui n'avait pas demandé à être emmerdé comme ça. Il voulait bien donner leur chance aux jeunes, il voulait bien faire des efforts, se montrer pédagogue et patient, mais il fallait que tout le monde y mette du sien et pour l'instant ça ne fonctionnait que dans un seul sens. Sierra arrivait d'ailleurs, ce matin, comme une fleur avec une bonne de retard. Elle s'excusa vaguement, ce qui eut le don d'agacer d'autant plus le barman qu roula des yeux. Lui qui avait horreur de jouer au méchant flic, il allait devoir s'y mettre. Ca tombait bien, en ce moment il était de mauvais poil de toute façon alors il n'en fallait pas beaucoup pour le chauffer. La preuve, il confrontait la blonde. Si elle avait envie de le renvoyer bouler, elle n'en montra rien, pinçant les lèvres et se justifiant mollement, comme si tout lui glissait dessus. Il soupira en s'appuyant contre le bar. Ecoute, on pourrait faire comme si on avait tous les deux quelque chose à y gagner dans cette histoire. Toi, si tu bosses sérieusement, t'as un salaire qui tombe et ton grand-père te lâche un peu. Et moi je m'en rends bien compte j'ai besoin de quelqu'un pour m'aider. Il secoua la tête, encore agacé par sa dernière réplique. C'est pas une excuse d'être pas douée, ça s'apprend. Puis tu me casses peut-être toute ma vaisselle, mais tu passes bien avec les clients, c'est le principal. Même quand il voulait jouer le méchant patron, il finissait toujours par trouver du positif, c'était pas un mauvais, Marcus.

Il y avait du vrai dans la première réponse de Marcus, Sierra devait bien le reconnaître. Silencieusement, bien entendu, car le contraire lui écorcherait surement trop la bouche. Elle hocha donc simplement la tête avec un haussement d'épaules, toujours occupée à ranger le lave vaisselle. Oui, elle avait en réalité tout à gagner à ce que son emploi ici se déroule sans accro car il semblerait que le maintient d'un toit gratuit au dessus de sa tête en dépendait désormais, son grand-père avait été parfaitement clair à ce sujet. Elle s'était demandée, Sierra, s'il était vraiment sérieux ou s'il était possible que ce soit un coup de bluff de la part du vieux. En vérité, elle estimait peu probable qu'il ose mettre à la porte son petit frère qui n'était encore qu'un enfant. Cependant, elle le jugeait parfaitement capable de la mettre elle, à la porte, gamine pourrie gâtée mais âgée de maintenant vingt-quatre ans, en théorie parfaitement capable de subvenir à ses propres besoins. Et puisqu'il était impensable dans l'esprit de la blonde de se retrouver séparée de son frère, dernière petite lueur positive dans son monde en ruine, alors elle n'avait pas tellement le choix. Oui, elle avait tout à gagner à ne pas se faire virer par Marcus. Mais la bonne nouvelle c'est qu'il venait de lui confier qu'il n'avait pas non plus intérêt à la virer. Bon, il était plus que probable qu'il soit capable de retrouver quelqu'un de bien plus qualifié que la princesse en un claquement de doigt. C'est surement là qu'elle était censée être reconnaissante envers le grand-père, la sale gosse. Plutôt mourir. Le salaire était aussi une raison intéressante en vérité, plus d'argent elle pourrait accumuler, plus la possibilité d'un jour voler de ses propres ailes serait envisageable. Mais elle était surement encore trop dans le déni pour faire des plans sur le long terme Sierra, comme si elle attendait encore l'évènement qui retournerait toute cette situation de merde à son avantage. Comme si elle espérait encore se réveiller un beau jour à New-York, réaliser que tout ça n'avait été qu'un affreux cauchemar. Toujours en train de ranger des verres, elle s'arrêta et fronça les sourcils lorsque Marcus termina sa phrase. "Je passe bien avec les clients ?" Croisant les bras sur sa poitrine, elle toisa Marcus et grimaça. "Je suis quoi en fait, un espèce d'appât ? C'est dégueulasse."

La blonde n'avait sûrement pas un mauvais fond, Marcus voulait bien se laisser convaincre. En vérité, il ne connaissait pas grand chose d'elle, seulement ce que lui avait dit son vieux client, Sierra et son petit frère vivaient avec eux, la gamine lui donnait du fil à retordre et elle avait besoin d'une leçon de vie. Il ne savait pas bien ce que ça voulait dire, leçon de vie, le barman, lui, il en avait reçu pas mal et ça n'avait pas toujours aidé à ce qu'il avance. Mais s'il savait le vieux un peu brut de décoffrage, c'était un homme sensible, un vieil ours mal léché aux méthodes un peu à l'ancienne, mais pas non plus totalement à l'ouest. Puis vouloir que sa petite fille de vingt-quatre ans trouve un job stable, c'était une requête qui avait du sens. Pour le reste, il ne savait rien, il n'avait pas demandé au vieil homme et pour l'instant, on ne pouvait pas dire que Sierra était très bavarde avec son nouveau boss. Et lui ne posait pas de questions, si un jour, elle voulait lui parler, il serait ouvert, ce n'était pas à lui de faire ce premier pas. Ce qui l'emmerdait, c'était que pour l'instant, elle le voyait comme son ennemi, comme si tout va n'était qu'une vaste manigance contre elle, entre son vieux et lui, alors qu'il n'en était rien, Marcus avait besoin de personnel, il lui laissait donc sa chance. Cependant, ça pourrait ne pas durer, des serveuses ou serveurs, il en trouverait sans problème, il le savait. Et à priori Sierra aussi, puisqu'elle n'objecta pas, continuant de ranger sa vaisselle consciencieusement. O'Brian continua alors sur sa lancée, essayant de terminer sur une note positive et optimiste, pour donner confiance à la jeune femme. Sans penser une seconde que ce serait mal interprété. Il fronça les sourcils quand elle se renfrogna, sans comprendre au départ. Puis, il ouvrit des yeux ronds tandis qu'elle continuait. Évidemment, elle était jeune, jolie, pour beaucoup ça aurait pu suffire, s'arrêter à son physique avantageux pour attirer la clientèle. À une époque, ça passait, personne ne s'en émouvait, même les filles, malheureusement, subissaient en serrant les dents. Seulement les choses changeaient, la parole se libérait et les méthodes d'antan ne faisaient plus l'unanimité, heureusement ! Ce que Sierra ne savait pas, c'est que Marcus n'était pas ce genre de patron, il ne l'avait jamais été, il n'avait jamais accepté que son personnel soit rabaissé ou jugé pour son physique, il avait toujours une oreille qui traînait surtout passé une certaine heure et un certain degré d'alcoolémie pour ses clients, qu'ils n'aillent pas trop loin dans leurs propos ou dans leurs gestes, il savait les virer au besoin, il l'avait déjà fait. Le hasard avait voulu qu'il ait eu plus d'employés féminins que masculins, il n'avait eu vérité qu'un seul serveur sous ses ordres, Percy, et les choses ne s'étaient pas forcément bien terminées entre eux, alors il faisait attention à ses serveuses, il ne voulait pas qu'il leur arrive quoi que ce soit. Donc tout ce que je dis est voué à être mal interprété ! J'suis pas le méchant de l'histoire, tu sais, même ton vieux, j'pense pas qu'il fasse ça pour te nuire. Il soupira. T'es pas un appât, t'en seras jamais un. Et si un jour un patron te le fait sentir, alors va-t'en vite. Tu seras toujours traitée avec respect ici, d'accord ? Quand je dis que tu passes bien, c'est que hormis avec moi, t'as le sourire, t'es agréable, les gens savent me le dire, ils apprécient. Il paraît même que tu sais faire des blagues, qui l'eût cru ? En gros, t'es commerçante, dans le bon sens du terme. Et pour l'instant, c'est le seul bon côté que je te trouve. Mais c'est le principal, dans ce métier. Lui, il se foutait qu'elle se maquille ou non, que ses vêtements soient courts ou qu'elle porte des talons, même s'il était d'avis que les talons, ce n'était pas l'idéal pour piétiner toute la journée. Il se leva et passa derrière le bar pour se faire un café. T'en veut un ?
 

Elle n'avait pas aimé la remarque de Marcus, Sierra. Pourtant le début de son petit speech était plutôt convaincant, elle n'avait rien trouvé à y redire. Peut-être qu'elle estimait son quota de répliques désagréables envers son patron atteint pour aujourd'hui, aussi. Mais la elle n'avait pas pu se retenir de protester. Vivement. Après tout ça voulait dire quoi, qu'elle passait bien avec les clients ? A priori pas ce qu'elle avait pensé puisque Marcus ouvra grand les yeux devant les propos de la jeune femme. Il protesta. Une histoire comme quoi elle interprétait tout mal. Il semblait plutôt que la formulation choisie par son patron avait été plus que douteuse, mais bon. Elle se contenta de le fixer en silence, les bras croisés et une moue désapprobatrice sur le visage, tandis qu'il continuait son discours. Au fil de celui-ci, le visage de Sierra s'adoucit un peu. Juste un peu. Ce fut son tour, d'ouvrir un peu plus grand les yeux, sourcils haussés lorsqu'il lui confia que des gens l'avaient trouvé agréable. Un petit sourire, ironique certes, mais un sourire tout de même, apparu sur ses lèvres.  Le premier depuis le début de la journée. "Ils leur font quoi tes autres employés aux clients pour qu'ils me trouvent agréable en comparaison ?" Petit trait d'humour, risqué, mais au moins elle verrait s'il était capable de se détendre, le patron. Mais c'était curieux quand même. Peut-être que ceux qui avaient rapporté qu'elle savait faire des blagues à Marcus n'avaient juste pas saisi l'ironie. Car elle avait plus souvenir de s'être moquée de certains clients que d'avoir tenté de les faire rire. Mais bon, fallait croire que y avait eu certains soirs où elle avait su se détendre, au service. Même si elle n'en avait jamais eu l'impression, elle se sentait constamment sous pression dans ce nouveau job. En colère d'être réduite à ça et angoissée à l'idée de le perdre, ce travail. Paradoxal. Epuisant, ces sentiments contraires qui bouillonnaient dans son esprit depuis plusieurs semaines. Elle haussa les épaules comme pour clore leur échange lorsqu'il se leva et elle retourna à sa vaisselle. Elle vit Marcus passer derrière le bar du coin de l'oeil et releva la tête vers lui lorsqu'il reprit la parole. "Euh. Ouais. Je veux bien." Elle acheva le rangement du lave vaisselle et s'appuya contre le comptoir, les bras croisés une nouvelle fois. Bon. Elle veut bien faire un petit pas vers lui. Un tout petit. Montrer qu'elle peut faire des efforts. "Tu n'aurais pas, je sais pas... Un manuel ou un truc du style où je peux trouver toutes les recettes des cocktails qu'on propose ? L'autre fois un mec m'a demandé un truc j'avais aucune idée de ce que c'était." Montrer qu'elle était prête à apprendre toutes les recettes c'était un effort non ? Bon, si on omet le fait qu'elle avait plus ou moins poliment dit au mec en question qu'il devrait s'en tenir au mojito. Elle n'était pas obligée de raconter ça à Marcus. Comme la fois où elle avait presque émietté un bouchon de liège dans une bouteille de vin, à force d'essayer de retirer le bouchon. Pas besoin de le raconter non plus. La maitrise du tire bouchon était encore approximative.

Peut-être qu’il s’y était mal pris, Marcus, peut-être qu’il s’était emmêlé les pinceaux dans son discours, c’était possible, il n’était pas parfait. Pourtant, la blonde pouvait le croire sur parole, il ne pensait pas à mal, il n’y avait aucune idée tordue ou déplacée dans sa tête. Le barman avait toujours traité les gens correctement, les femmes encore plus et quand il s’agissait de son personnel c’était d’autant plus important. Non pas qu’il ne voulait pas d'ennuis, il n’y pensait même pas, c’était juste important pour lui, le respect, la confiance mutuelle. S’il était correct envers ses serveuses, s’il était un patron compréhensif et à l’écoute, alors il pouvait espérer que ce soit de même de leur côté. Il pouvait attendre le meilleur de leur travail et une entente cordiale et agréable au quotidien. Il n’y avait rien de plus insupportable de devoir venir travailler tout en sachant que l’ambiance ne serait pas bonne. Il l’avait déjà expérimenté, avec Percy et honnêtement, il avait détesté cette période, les deux hommes ne s’entendaient pas, ça se ressentait, les clients devaient le voir, l’atmosphère au Elm était nettement plus tendue. Après cet épisode, il avait longtemps refusé de reprendre du personnel, jusqu’à ce que Leo tombe du ciel et qu’il lui fasse une place. Et même après qu’elle fut partie, il avait espéré réussir à travailler seul, mais il ne s’en sortait pas, il devait être honnête. Voilà pourquoi il avait accepté de rendre service au vieux Miles, mais visiblement sa petite fille aimait compliquer les choses. Marcus tenta donc de lui faire comprendre, de poser les choses sérieusement, il ne lui manquerait jamais de respect, personne ne devait le faire et il ne laisserait jamais une telle chose arriver dans l’enceinte de son bar, point. Finalement, Sierra se radouci, esquissant même un semblant de sourire. Il avait du mal à la cerner, Marcus, c’était déstabilisant, mais à force, il y arriverait, il n’était pas du genre à lâcher l’affaire. J’ai jamais dit que tu étais plus agréable que les autres ! Qu’il répliqua, un sourire presque narquois aux lèvres. Qu’elle ne se sente pas trop pousser des ailes non plus ! Il entreprit donc de leur faire deux cafés en silence, fredonnant distraitement une chanson qui passait à la radio. Il était encore moyennement convaincu que ça se passerait bien avec la jeune femme, mais il lui accordait le bénéfice du doute, encore un peu. Il releva la tête pour l’écouter tout en déposant la tasse fumante devant Sierra. Il était surpris qu’elle s’intéresse, mais elle venait de marquer un point positif. Hmm, j’dois avoir un vieux bouquin qui traîne dans mon bureau, j’vais chercher ça. Il ouvrit la porte sur laquelle on pouvait lire privé, son bureau, il était tout petit et dans un bordel savamment organisé. Il trouva rapidement le livre auquel il pensait et revint le déposer à côté de la tasse. La Bible des cocktails. C’est presque une relique, je l’avais acheté quand j’ai commencé, ici, je devais avoir dix-neuf ans. Ca peut te faire une bonne base. Ce qui est le plus important ici c’est de connaître les bières qu’on propose surtout. Et puis si t’as besoin tu peux me demander, c’est pas une tare de ne pas savoir faire, au contraire. Il fallait bien commencer quelque part, être barmaid, c'était un métier, comme tous, ça s’apprenait.

Elle devait bien s'avouer surprise, Sierra, quand Marcus lui confia que certains clients l'avaient trouvé agréable. Pourtant ce n'était comme si elle avait vraiment fait des efforts pour l'être. Limite on aurait pu penser qu'elle avait fait des efforts dans l'autre sens. L'autre chose surprenante dans cette révélation, c'était le sentiment de satisfaction qu'elle avait ressenti en entendant ces mots sortir de la bouche de son patron. Ténu, ce sentiment. Mais bien présent. Tirerait-elle plaisir de se savoir moins nulle que prévu à ce nouveau job ? Elle ne savait pas si cette possibilité était une bonne nouvelle. Le jour où elle s'habituerait à être une "simple" serveuse serait clairement un triste jour pour l'ancienne Sierra, princesse promise à un grand avenir. Elle répondit par une petite blague à Marcus, lui offrant le premier sourire de la matinée, histoire de voir s'il était capable de rigoler un peu, quand même. Culotté, venant d'elle qui tirait la gueule environ 99% du temps qu'elle passait ici. Ou qu'elle passait à Bowen, d'ailleurs. 99% du temps, quoi. Manifestement il en était capable, de rigoler, puisqu'il lui répondit d'un ton un peu narquois, juste réplique à l'ironie de la blonde. Elle souffla un rire, hochant la tête. La proposition du café était la bienvenue et elle l'accepta, avec un entrain légendaire, une nouvelle fois. Alors qu'il préparait les tasses, elle l'interrogea, s'étant déjà retrouvée quelques fois dans l'incompréhension devant la confection de certains cocktails. Elle avait l'habitude de les faire, pas de les boire. Sa tasse servie, elle le regarda partir dans son bureau et revenir avec un livre épais. "Les bières ouais..." marmonna-t-elle en caressant la couverture du livre, d'un air songeur. Berk, les bières. Vive les cocktails. Elle se saisit de la tasse. "Merci." dit-elle, à la fois pour le café et le livre. "Tu as commencé comme serveur ici ?" demanda-t-elle, un peu intriguée malgré elle par ce fait qu'il venait de mentionner dans ses paroles.

Marcus, il avait son bar dans la peau, c'était quelque chose qu'il n'avait jamais contrôlé. Ce n'était même pas le métier de serveur en soi qui lui plaisait, mais bien le fait d'être là, dans ce lieu plus qu'un autre. Il y avait quelque chose dans ces murs qui l'attiraient, quelque chose dans ce vieux comptoir en bois qui le séduisait. Et ça ne datait pas de la veille, puisqu'il avait grandi juste ne face, dans un appartement au deuxième étage avec la fenêtre de sa chambre qui donnait en plein sur l'entrée du Elm. De là, il pouvait rester des heures, gamin, à observer les allers et venues des clients, la valse des fournisseurs tôt le matin, les fumeurs qui sortaient cracher leurs poumons sur le trottoir ou les éméchés de la nuit qui frappaient le pavé en titubant. Il avait toujours été fasciné par ce lieu. Il avait commencé à y travailler à dix-neuf ans, pour payer ses études et gagner son indépendance, il aurait pu bosser n'importe où, mais il était évident que ce devait être ici. Et même si tout le monde le voyait grand physicien, lui, secrètement, il rêvait de racheter ce bar, un jour. Dans l'idéal, il aurait voulu continuer à faire les deux, barman la nuit, scientifique le jour, mais dans la vraie vie, on ne pouvait pas enchaîner deux métiers aussi prenants. Alors autant dire qu'il en avait vu passer, des serveurs et serveuse ici. Des extras les week-ends, des gamins comme lui. Et puis lui-même avait eu ses employés après le rachat. Il en avait vu des très doués, des carrément mauvais, des feignants, des maladroits…, ceux qui faisaient ça juste pour l'argent, ceux qui pensaient que ça faisait bien pour draguer les filles. Autant dire que le comportement de Sierra, il connaissait, il avait déjà vu et ça ne lui faisait pas peur. Ça l'agaçait simplement. Parce que malgré toute l'énergie qu'elle dépensait pour montrer qu'elle détestait travailler ici, vivre dans cette ville aussi, à ce qu'il avait compris, elle n'était pas si mauvaise dans ce métier. Et si elle y mettait de la bonne volonté, elle serait même une très bonne barmaid. T'as pas à aimer ça, juste à en savoir le minimum pour conseiller les clients. Et puis si c'est ton truc, les cocktails, si c'est ça qui t'amuse, alors tu peux toujours proposer, la clientèle est curieuse. Marcus n'était jamais contre un peu de nouveauté. Visiblement Sierra se radoucissait enfin, peut-être qu'une conversation était nécessaire et serait bénéfique. Il hocha la tête alors qu'elle s'intéressait à lui. Oui, c'était mon job étudiant. J'étais plus jeune que toi à l'époque. Il sourit, un peu nostalgique de cette période où tout était tellement plus simple, en même temps, il savait qu'i passait pour un fossile à parler de cette façon.

Elle s'adoucissait un peu, Sierra. L'humeur massacrante du début de matinée serait presque en train de se dissiper. Elle remercia Marcus pour le livre et le café. On pourrait presque croire qu'elle y mettait de la bonne volonté au final, dans ce job, à demander à en apprendre plus sur les recettes de cocktails. Au fond, elle avait presque hâte de feuilleter ce bouquin, peut-être. Hâte d'apprendre à mieux faire. Même si clairement, elle ne l'avouerait jamais à voix haute, cette impatience, cette envie. Elle ne l'avouerait même pas consciemment, à l'intérieur d'elle. Se risquer à aimer ce job ce serait... Le début de la fin ? L'acceptation de la perte de sa vie d'avant. Impossible. Le déni était encore bien trop présent chez Sierra. Elle marmonna légèrement à l'évocation des bières. Oui, en vérité les gens commandaient beaucoup plus de bières que de cocktails, au Elm Street. Mais elle avait toujours trouvé ça vraiment bof, les bières. Mais Marcus n'avait pas tort, encore une fois. Pas besoin d'aimer pour servir. Elle fronça les sourcils devant sa réponse. "Mmh... Je sais pas si j'ai "un truc" mais ouais, ok..." Elle but une gorgée de café avant de s'intéresser à son patron, à son parcours. Preuve de son humeur qui s'adoucissait, surement, elle était intriguée par ses propos précédents, sous-entendant qu'il avait commencé au bas de l'échelle ici, au Elm Street. Elle hocha la tête devant sa réponse. "De serveur à propriétaire, sacré glow up." commenta-t-elle, s'autorisant même un petit sourire. Elle but une nouvelle gorgée. C'était pas vraiment désagréable au final, d'apprendre à connaître un peu mieux Marcus. Et surement qu'il valait mieux bien s'entendre avec son patron, de préférence. "Etudiant en quoi ?" Curieuse encore, quand elle gardait un souvenir cher de ses propres études, master en poche qui lui était désormais bien inutile, à son grand désarroi.

Ce n'était pas la solution que Marcus préférait, mais il semblerait que le fait de taper un peu du poing sur la table avait suffit à ouvrir le dialogue entre Sierra et lui. Il ne se voyait pas employer une personne avec qui il ne s’entendait pas, l’expérience avec Percy lui avait suffi, depuis il faisait attention, quitte à ne prendre personne. Et même s’il avait pris cette gamine pour faire plaisir à son grand-père, il ne comptait pas la garder si leur rapport ne s’arrangeait pas, tant pis si le vieux faisait la gueule. En même temps, il devait être conscient du caractère de sa petite fille. Le barman était pour donner sa chance à tout le monde et peut-être que s’ils y mettaient tous les deux du sien, ils finiraient par former une bonne équipe. Le tout c’était que la blonde trouve un intérêt à faire ce job, que ce ne soit pas juste pour gager de l’argent ou sa liberté. Il sourit en la voyant dubitative. On travaille avec de la clientèle, si t’es pas épanouie dans c’que tu fais, les gens finissent par le voir. Faut que tu sois au moins contente de venir bosser, sinon j’vois pas trop le but. Marcus, il était rêveur, il n’imaginait pas quelqu’un qui passait sa vie à bosser sans y trouver de plaisir. Mais c’est peut-être parce que lui avait eu le choix, il était bon dans tout, il aurait pu faire ce qu’il voulait et il avait clairement choisi le cœur plutôt que la raison. Mais tout le monde ne pouvait pas se le permettre. Il s’autorisa un petit rire amusé alors que Sierra semblait surprise de son parcours. Son histoire faisait généralement cet effet-là. Au fond ce n’était pas si rare, qu’un serveur rachète l’endroit où il travaillait quand le patron prenait sa retraite, c’était parfois dans la suite logique des choses. J’ai un master de physique. Qu’il répondit, sans avoir l’air prétentieux du tout. Il n’ajouta pas qu’il avait presque le doctorat, il avait laissé tomber juste avant la soutenance. Ça n’avait plus d’importance de toute façon. J’ai toujours adoré cet endroit, plus que mon labo, alors j’ai choisi. Beaucoup l’avaient pris pour un fou quand il avait tout plaqué, dix ans après, il était toujours persuadé que c’était la meilleure décision de toute sa vie. Toi aussi tu as fait des études, ton grand-père m’en a parlé. Pourquoi t’as tout arrêté ? Finalement, ils pouvaient avoir plus de points communs que ce qu’ils pensaient.

Faut que tu sois au moins contente de venir bosser, sinon j’vois pas trop le but. Sierra était bien d'accord avec cette affirmation. Le problème était qu'elle n'avait jamais prévu de travailler en temps que serveuse. Non, ça n'avait jamais été dans ses plans, dans ses objectifs de vie. Mais depuis maintenant plusieurs mois, tous ses plans méticuleusement élaborés n'existaient plus. Ils avaient volé en éclats. Et elle se retrouvait démunie, envoyée à des milliers de kilomètres de sa ville natale, déracinée de sa vie, la petite cuillère en argent arrachée de sa bouche. Le choc avait été violent. Elle ne l'avait toujours pas dépassé. Alors oui, elle était bien d'accord avec le fait qu'il était nettement préférable d'aimer son job, c'est bien pour cela qu'elle avait tout mis en oeuvre pour un jour atteindre son rêve, celui de devenir conservatrice dans un musée. Un musée New-Yorkais, prestigieux. Elle avait élaboré le plan et l'avait suivi à la lettre. Tout s'était déroulé parfaitement. Et puis... Tout était parti en fumée. "C'était pas vraiment mon but, serveuse à Bowen. Mais ouais, je suis d'accord avec l'idée." répondit-elle simplement. C'était honnête. Et puis bien qu'elle soit d'accord sur le principe, elle était à peu près persuadée qu'énormément de gens n'avaient pas le loisir de faire ce qu'ils aimaient comme travail. Des jobs alimentaires, il y en avait à la pelle. Et elle n'allait pas non plus mentir à Marcus, pour elle il s'agissait pour l'instant de ça. Un job alimentaire. Mais qui sait, peut-être cela viendrait à changer, dans les semaines suivantes. Si Marcus voulait toujours d'elle. Changeant de sujet, elle interrogea l'homme sur son parcours et plus précisément sur ses études. Elle haussa les sourcils avec un air plutôt impressionné sur le visage face à sa réponse. Un master en physique. Les sciences dites "dures" n'étaient pas vraiment la tasse de thé de Sierra même si elle mettait un point d'honneur à avoir des notes impeccables dans toutes les matières, au lycée. Elle sourit lorsqu'il expliqua avoir toujours préféré son bar à son laboratoire. Il avait suivi son cœur, donc. Tant mieux pour lui. "On dirait que ça t'a plutôt bien réussi." De ce qu'elle avait compris - et de ce qu'elle avait pu constater par elle même - le Elm Street était un des bars les plus fréquentés de la ville. Terminant son café, elle écouta la question de Marcus. "Je n'ai pas tout arrêté, j'ai eu mon master en archéologie et histoire de l'art l'an dernier. Je comptais chercher un travail après une année sabbatique mais... On a eu des soucis familiaux et on est venus vivre à Bowen, chez mes grands-parents. Le master me sert pas à grand chose ici." Elle qui se voyait conservatrice au Met, elle faisait encore le deuil de ce rêve. Peut-être le ferait-elle toute sa vie, ce deuil.

Dans le monde idéal de Marcus O'Brian, tout le monde était heureux, faisait ce qu'il aimait dans sa vie. Il n'y avait pas de job alimentaire, pas de personne qui peinait à joindre les deux bouts, pas de précarité. Pas non plus de personnes pour qui il était difficile de se lever le matin parce qu'elles ne s'y retrouvaient pas dans leurs quotidiens, pas de harcèlement de toute sorte au travail non plus. Il était bien évidemment conscient que tout ça, c'était la réalité de beaucoup de gens, tous les jours, depuis toujours et qu'il ne pourrait rien y changer. Il ne disait pas que sa vie était parfaite, il avait troqué sa blouse de labo, les avantages d'un métier reconnu et bien payé, pour l'insécurité du commerce. Non pas que le Elm ne soit pas rentable, mais il avait connu quelques mois plus difficiles que d'autres durant lesquels il ne se versait pas de salaire. Cette situation ne l'avait jamais réellement inquiété parce qu'il menait une vie simple, il possédait son appartement, il vivait seul, il ne menait pas la grande vie, donc il n'avait pas vraiment besoin de beaucoup d'argent. De façon très basique, s'il arrivait à payer les factures de son bar, les salaires de ses employés et quand même pouvoir acheter de quoi manger pour son chat et lui, alors il était heureux. Il n'avait clairement pas de grandes ambitions dans la vie ! Il ne connaissait de l'histoire de Sierra que ce que son grand-père lui avait raconté, pas grand-chose en soi, mis à part qu'il n'en pouvait plus qu'elle traîne chez lui à ne rien faire. Ce qui n'était pas la chose la plus positive, mais Marcus a accepté de lui donner sa chance, il n'avait pas beaucoup à perdre finalement. Je m'en sors plutôt bien, oui. Qu'il répondit avec un petit sourire. En vérité, il était fier, bien plus fier que s'il avait continué dans la voix scientifique, il aimait son bar, il s'y sentait bien. Mais il avait la réussite modeste. Il fit une petite moue en écoutant la blonde, ils avaient quasiment le même niveau d'études, elle n'était donc pas aussi fainéante que ce que son vieux avait laissé entendre. Mouais, Bowen c'est pas la ville la plus culturelle. On n'a pas le MOMA ni le Louvres. Mais on a un musée qui se défend. Ma cousine est prof d'histoire de l'art, je peux te la présenter, je connais aussi une des conservatrices du musée, si tu souhaites t'en rapprocher. Il réalisa en parlant que ça pouvait donner l'impression qu'il voulait lui trouver un autre job. Non pas que je veuille te virer ! Enfin pas pour l'instant. Il lâcha un petit rire. Mais s'il y a quelque chose qui te plaît, faut pas laisser tomber. Enfin, si tu as besoin, ou envie, dis-moi. Cette conversation avait clairement pris un tournant inattendu.

Sierra ne s’entendait pas à découvrir que Marcus possédait un diplôme en physique. En vérité ce matin en arrivant, elle ne s’attendait pas à découvrir quoique ce soit sur Marcus. La conversation avait pour le moins mal démarré entre eux et si Sierra avait été capable d’être parfaitement de bonne foi, elle aurait admit que c’était complètement de sa faute. Mais elle avait fini par prendre un tournant inattendue, cette conversation, Sierra lâchant peu à peu  sa tête des mauvais jours - comprenez sa tête de tous les jours, depuis son arrivée à Bowen -. Elle sourit donc, impressionnée en apprenant l’information. Malgré tout, Marcus avait préféré son bar. Ça avait sûrement été un pari risqué mais il l’avait remporté, manifestement. Au tour de la blonde de révéler quelque chose que son patron ne soupçonnait peut-être pas. Elle ne savait pas ce que lui avait raconté le grand père. Elle lui expliqua donc, son master, son année sabbatique et puis l’espoir d’un job dans ce domaine qui semblait désormais envolé, avec son arrivée à Bowen. La preuve, elle se retrouvait serveuse alors qu’elle savait à peine déboucher une bouteille de vin et définitivement pas servir une pinte sans une bonne dose de mousse sur le dessus. Marcus ne la contredit pas, confirmant comme elle le savait déjà que Bowen n’était pas New-York, ni Paris. Un rictus un peu ironique étira les lèvres de Sierra en entendant les propos. Mais il s’effaça plutôt rapidement devant la suite de la phrase de Marcus. Elle avait rapidement vu en traînant un soir sur Google Maps que la ville avait un musée. Immédiatement et sans la moindre preuve à l’appui, elle l’avait jugé comme très sûrement inintéressant. Mais Marcus ne semblait pas de cet avis. Et plus surprenant encore, il lui faisait une proposition. Elle écarquilla un peu les yeux avant de rire une nouvelle fois lorsqu’il se rattrapa en affirmant qu’il ne voulait pas la virer. Pas encore, du moins. Sierra ne se vexa pas, la blague était fair enough. Elle aurait trouvé normal que l’idée paraisse séduisante à Marcus. Elle s’était déjà fait virer trois ou quatre fois dans les derniers mois, le Elm Street était sa dernière chance, obtenue par son grand père désespéré. « Et bien… euh, merci ? Pourquoi pas oui… Je vais réfléchir, si ça te va... » Étrangement, l’idée lui faisait un peu peur. Peut-être avait-elle besoin d’un peu de temps pour l’envisager. Sierra vivait encore dans l’espoir fou que tout finisse par s’arranger par magie, un beau jour. Qu’elle retourne à New-York, à son ancienne vie et que ces derniers mois ne deviennent qu’un lointain cauchemar dans son esprit. Oui, elle était toujours dans le déni. Et envisager de chercher un job au musée de Bowen, un job qui peut-être pourrait la rendre heureuse, ça ressemblait un peu trop à une acceptation de sa situation actuelle. A un aveu qu’elle était désormais ici, à Bowen, sa vie.

C'était en effet surprenant, la tournure que prenait cette conversation. Marcus savait bien qu'il était incapable de vraiment s'emporter contre ses salariés, il n'était pas réellement un bon patron. Au fond, il avait toujours eu de la chance de tomber sur des filles plutôt sympa qui avaient un minimum de sens professionnel, parce qu'il aurait carrément pu se faire avoir. En même temps, il était d'avis qu'on ne réglait rien par le conflit et qu'une bonne conversation, sérieuse, sans faux semblants, mais sans pour autant hausser le ton, pouvait être tout à faire bénéfique. Ce n'était pas parce qu'il était le patron qu'il devait tyranniser ses salariés finalement ! Et son approche avait payé, si au départ, c'était mal embarqué, voilà qu'ils se parlaient, sans animosité, avec même un peu de curiosité. Ils faisaient connaissance et apprenaient avec surprise qu'aucun d'eux n'aurait dû terminer dans un bar, au vu de leurs parcours scolaires, c'était surprenant. Le barman comprenait mieux pourquoi la blonde traînait des pieds pour venir travailler, elle avait d'autres aspirations et ça lui semblait bien normal. Il n'était pas là pour retenir les gens, tout comme Leo était partie avant, il ne se faisait pas de grandes illusions concernant l'américaine, elle ne resterait pas serveuse indéfiniment. D'ailleurs, il lui offrait déjà un semblant de porte de sortie. Sierra semblait surprise, il esquissa un sourire. J'ai toujours besoin d'une serveuse, tu sais ! Et puis je ne dis pas que ça mènera quelque part. Mais simplement rencontrer des personnes passionnées par ce que toi tu aimes, ça peut être une bonne idée. Lui-même gardait un pied dans les sciences en donnant des cours à l'université de temps en temps et ça lui plaisait toujours autant, il avait trouvé son équilibre de cette façon, à Sierra de trouver le sien. Un groupe de clients entra dans le bar. Au travail maintenant. Qu'il décréta, le temps des confidences était terminé, ils avaient un bar à faire tourner. N'hésite pas à me parler à l'avenir. Ajouta-t-il simplement, qu'elle souhaite accepter sa proposition ou juste lui demander des conseils pour servir correctement une pinte.

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