j'commence après-demain, j'contrôle pas l'destin - ciàran

19h. On s'était retrouvé avec Ciàran, comme on avait l'habitude, au borne d'arcade. C'est assez marrant comme endroit, j'veux dire, c'était pas le genre de lieu que je fréquentais souvent. Mais j'sais pas pourquoi, avec Ciàran, la première fois qu'on avait matché à une soirée, on s'était tout de suite bien entendu. On venait tout deux d'Italie et le hasard avait fait, au fil de la discussion, qu'on s'était rendu compte qu'on jouait au même jeu vidéo, quand on était gamin. Alors ouais, c'était pas une exclu mondiale, mais j'crois qu'on avait apprécié l'un et l'autre, de retrouver nos racines, l'endroit d'où on venait, on avait reconnecté grâce à la nostalgie. Et on avait continué d'se voir, de temps en temps, et la plupart du temps, on terminait au arcade game, à se refaire des parties de bornes. Généralement, on tapait dans les vieux trucs, les jeux pas facilement jouables, bien pixélisés mais on se marrait vraiment bien tous les deux. C'était devenu un pote, à force de traîner avec lui. La plupart du temps, on parlait en italien, mais tout doucement, à forcer de vivre à Bowen, on switchait vers l'anglais. Comme ça, on nous prenait juste pas pour des touristes. Bien qu'on avait déjà réussi à choppé des numéros de téléphone grâce à ça. Ce soir, on avait donc notre petite bière à côté de nous et on était en train d'se défier à un jeu de shoot. C'était vraiment oldschool, même le pistolet qu'on tenait semblait venir d'un ancien temps. Mais c'était vraiment fun. Et là, c'était évident que c'était lui qui menait la game. "CIÀRAAAN FUCK, ton truc est shité! il tire à travers les murs et ça m'shoot direct! Y connaissait pas les collisions en 1980 ou quoi?" Oui, voilà, ça c'est moi mauvais perdant en train de râler parce que mon pote est en train d'me mettre une raclée. J'rigole hein, ça m'amuse, mais si je pouvais gagner, ça s'rait quand même vachement apprécié. Mais non, force est de constater que Ciàran est bien meilleur que moi. La partie se termine, j'relâche le gun, pour le remettre en place et j'constate ma cuisante défaite sur l'écran. J'prends appuie sur la borne, de mes deux mains, l'air grave. "Faut absolument que j'trouve une borne à laquelle tu s'rais grave nul!" que j'dis en tournant le regard vers lui, comme si j'essayais de sonder ses faiblesses. Franchement, là, rien pourrait venir troubler notre petite soirée entre bro. Rien du tout.

@Ciàran Adreani

Gabriel étant avec Lou, tu as ta soirée disponible pour toi et rien que pour toi. Ces derniers temps, tu passes tout ton temps libre avec Tahlia mais ce soir, tu as accepté de rejoindre Orso à l'arcade game. Quand vous vous y retrouvez, vous êtes comme deux cons d'adolescents retrouvant le goût aux jeux vidéos comme lorsque vous étiez gosses. L'aspect compétitif entre vous est un peu plus, évidemment. Alors, lorsque l'italien propose un jeu de tir, tu sais que c'est dans la poche. Tes centaines d'heures au stand de tir n'auront pas servi à rien. « Tu ne sais juste pas tirer. Reconnais-le. » Le titilles-tu, un rictus aux lèvres. « Il n'en existe aucune. » Ajoutes-tu en arquant un sourcil, l'air amusé. C'est totalement prétentieux mais tu assumes ce côté sûr de toi sans problème. Néanmoins, tu sais que tu n'es pas infaillible et qu'il y a forcément des jeux que tu ne maitrises pas. « Nan, en vrai, j'suis pas très bon aux jeux de voiture. Ou tu prends une borne de danse et là, tu me perds. » Bien que tu conduises une voiture de sport, cela ne t'aide pas vraiment dans les jeux de course. Et concernant la danse, bien que tu aimes danser et que tu as ça dans le sang, les bornes de danse sont trop rapides pour toi. Toi, t'es plutôt calé en danse collée-serrée ou des danses en duo. Danser seul, ça te botte bien moins. Alors que vous discutez, tu sens ton téléphone vibrer dans ta poche. T'es pas du genre à être collé à ton téléphone à chaque minute de la journée mais étant donné que Lou et Gabriel se retrouvent tout juste et apprennent à composer une nouvelle relation, tu préfères être disponible s'il y a le moindre souci. Ce n'est pas elle ni même Tahlia, c'est le travail. Le vrai travail, pas celui de l'hôtel. Tu as échangé quelques sms un peu plus tôt dans la journée avec un collègue en Italie. Tu es sur une mission en ce moment et ça tombe bien car celle-ci peut se réaliser de Bowen. Si tu peux éviter de faire trop de trajets jusqu'à ton pays natal en ce moment, ça t'arrange. Il s'agit d'un type qui a des dettes colossales et qui s'est enfui pour éviter de les payer. Sauf que, ce con, ne sait pas que tout se paie un jour. Surtout quand on se frotte à une organisation comme la mafia. Quelle ne fut pas ta surprise lorsque la photo du con en question s'affiche. Tu relèves la tête vers Orso qui se trouve juste en face de toi et réalises que ta mission, c'est ton pote. Maintenant, t'as plus qu'à faire une poker face pour éviter qu'il ne soupçonne quoi que ce soit. Pas évident alors que tu sais tout ce que ça implique à présent.

L'ambiance avec Ciàran, elle est toujours cool. On passe du bon temps ensemble et au fil des mois, j'pourrais facilement dire que c'était devenu un vrai pote. Y avait pas mal de truc qui nous rapprochait, nos origines bien évidemment mais on featait bien ensemble et j'crois qu'on aimait tous les deux replonger dans les bornes d'arcade et s'faire la compétition. Moi, j'étais un peu mauvais joueur, j'vais pas mentir, alors quand je sentais que la partie de shooter m'échappait, j'trouvais rien de mieux à faire que de remettre en cause le jeu, assurant qu'il était truqué et que les collisions n'étaient pas correct là dedans. C'était une mauvaise foi monumentale, mais ça me correspondait bien. Forcément, ma petite sortie arrache un rictus à Ciàran qui ne perd pas une seconde pour enfoncer le clou. Je hausse les épaules en pointant du doigt le pistolet en plastique. "J'suis plutôt certain que c'est ce truc là qui marche mal." Ouais, j'étais incorrigible mais bon, j'devais le reconnaître, Ciàran me dégommait au jeu de tir, fallait que j'trouve une borne qui le mette à défaut. Il m'donna quelques pistes et j'le regardais en écarquillant les yeux. "Parce que tu crois sincèrement que j'ai des skills de danse moi? Mais ouais, un jeu de course, j'peux me défendre!" J'cherchais du regard un borne de libre qui impliquait des voitures et un circuit tandis que Ciàran consultait son téléphone. J'y prêtais pas tellement attention, après tout, c'était bien régulier que lui ou moi sorte son portable pour y faire des trucs randoms. Il releva les yeux vers moi après un p'tit temps, et j'lui faisais un signe de la tête. "Là bas, Ridge Ricer, j'vais te mettre la misère!" que j'dis en me dirigeant vers la borne en question. Très loin de m'imaginer qu'en fin de compte, c'était plutôt Ciàran, là, qui risquait de me mettre la misère et pas d'la manière dont je l'attendais. Mes déboires avec les gangs de Florence, ils étaient bien enfouis dans ma tête, j'y pensais quasiment plus. Ca faisait déjà quatre ans, et même si j'avais été full parano au début, là, j'me disais que j'étais hors d'atteinte. C'était probablement très con d'ma part de me croire intouchable et clairement, le danger, j'le voyais pas venir. J'continuais d'être le Orso de d'habitude avec Ciàran, puisque de toute manière, Ciàran semblait bien normal aussi. J'étais pas le plus fort quand il s'agissait de lire les ressentis des autres, j'étais très factuel. J'm'installais, aux côtés de Ciàran, et j'étais en train de paramétrer la machine. "Bordel, ça fait des années que j'ai pas conduit à droite, juré que j'suis capable de perdre aussi cette partie!" Bah ouais, la borne était américaine, là bas, il roulait à droite, comme en Italie. Mais ça remontait à trop longtemps, et on risquait de perdre un peu nos repères en jouant. Cela dit, on était lui comme moi, désavantagé. "Ready?" que j'lui demandais le sourire aux lèvres, les mains bien encrées sur le volant.

@Ciàran Adreani

Tu ne peux pas en vouloir à Orso d'être mauvais perdant, l'étant plutôt toi aussi. En ce qui te concerne, tu vas surtout rager sur toi-même d'avoir été trop mauvais. Tu ne vas pas remettre la faute sur quelqu'un ou sur quelque chose. Tu as toujours été dur envers toi-même et ce, depuis tout petit. « Ouais, ça doit être ça. » Dis-tu en riant légèrement, lorsque l'italien affirme que c'est à cause du pistolet qu'il a perdu. Tu préfères le laisser croire qu'il a raison. « J'sais pas, je ne t'ai jamais vu à l'oeuvre. » Rétorques-tu en haussant les épaules. Vous vous êtes déjà retrouvés ensemble le soir, peut-être même dans une boite de nuit, mais vous n'avez clairement pas dansé. Alors, s'il faut, il est capable de te rétamer à ce niveau-là, t'en sais rien. Mais Orso choisit plutôt les voitures, un choix sans doute plus sûr. Alors que tu consultes ton téléphone et que tu réalises qui se trouve devant toi, tu prends toute l'énergie que tu as pour sortir ta meilleure poker face. T'es plutôt doué à ce jeu, toi qui as des années d'entrainement. Tu le suis donc à la borne qu'il montre, t'installant dans le siège prévu à cet effet. « Sur ce coup-là, on est à égalité. » Pas vraiment, en fait. Il t'arrive régulièrement de retourner en Italie pour le travail et là-bas, tu as une voiture de course dont tu ne parviens pas à te détacher. Mais conduire irl et sur une borne de jeu n'a rien à voir malheureusement. T'es pas doué avec la sensibilité du jeu et Orso risque de très vite s'en apercevoir. « T'es jamais retourné en Italie depuis que t'es à Bowen ? Le pays ne te manque pas ? » Oses-tu demander innocemment lorsque l'italien affirme qu'il n'a plus conduit à droite depuis des années. « Perso, j'ai ce besoin d'y retourner souvent. » Ajoutes-tu pour noyer le poisson, comme s'il s'agissait d'une simple conversation entre deux italiens pures souches.

Etre bon perdant, ça n'a jamais été dans mon vocabulaire. J'ai toujours eu ce truc très primitif d'me vexer pour un rien, de remettre la faute sur les autres et d'au final, de jamais réellement me remettre en question. Ou du moins pas à voix haute et encore moins face à quelqu'un. Même si avec Ciàran j'me sentais bien en confiance, ça me coûterait trop de reconnaître haut et fort que j'avais juste perdu parce que lui était meilleur. On traînait pas mal ensemble alors il le savait que j'étais comme ça. Et j'crois qu'il allait pas aller à m'en encontre, parce que ça servirait à rien. J'avais un fort caractère (autrement dit un caractère vraiment merdique) mais c'était comme ça que les gens m'appréciaient. (c'était du moins l'excuse que je me donnais pour ne pas changer.) Danser, c'était pas ma spécialité et j'crois que j'évitais au maximum d'être sur une piste, à moins d'être en bonne compagnie. Mais j'préférais choisir la course de voitures, là au moins j'avais un p'tit peu d'espoir de faire des miracles. J'remarque pas le changement chez Ciàran, déjà parce qu'il est presque imperceptible et puis surtout parce que je suis une bille quand il s'agit de lire les émotions des autres et de ressentir les trucs qui se passe en dedans. Moi, j'suis juste dans mon p'tit confort d'être avec un pote et un italien qui plus est. Ca m'rattache à mes racines et j'en ai toujours besoin. On s'installe aux commandes et j'rigole parce que j'anticipe déjà qu'on va galérer à conduire à droite. Ciàran me pose des questions sur l'Italie et je hausse un peu les épaules. "Si, j'essaye d'y retourner une fois par an, mais juste en Sicile, pour dire bonjour à la famille." Ciàran me confie son besoin d'y aller régulièrement et j'peux le comprendre. Moi, j'suis pas un terrain très conquis en Italie alors j'évite d'y traîner trop régulièrement mais j'ai pas spécialement envie de m'épancher sur la question. "T'es de quel coin déjà toi?" que j'lui demande avant de rajouter. "Tu penses à retourner y vivre toi?" Dans ma voix, une pointe de nostalgie, parce que ouais, moi, j'y pense à y retourner, mais j'sais aussi que ça s'rait trop imprudent, trop .. dangereux.

@Ciàran Adreani