I believe I can fly, évitons de toucher le sky - Emilia

tw : accident de la route

Je décide de partir pour une soirée en dehors de la ville. J'ai l'obligation de participer à l'anniversaire de la maison d'édition pour laquelle je travaille. Tous les collaborateurs ne se réunissent qu'une seule fois par an et je ne peux pas rater ça. Il faut perpétuer l'esprit d'entreprise, ou quelque chose dans le genre. Je leur accorde donc mon vendredi après-midi et prévois de rester le soir, mais de ne pas rentrer tard. Je laisse mon petit chiot à un super dog sitter et profitant de ne pas avoir de boule de poils à trimballer pour une fois : je décide de prendre la moto. Je n'ai que 30 kilomètres à faire après tout. Les températures ne sont pas très hautes, mais je suis bien équipée. Le trajet se déroule sans encombre. Je suis accueillie sur place par des amies que je n'ai pas vues en vrai depuis des lustres. Je suis trop contente. Les visios conférences, c'est bien sympathique, mais pouvoir discuter de vives voix, c'est quand même mieux. La soirée est tellement intense et arrosée que je suis obligée de dormir sur place. Ce n'était pas dans mes plans, mais je n'ai pas vraiment le choix.

Me réveillant le lendemain matin, je découvre un message quelque peu alarmant sur mon téléphone. J'ai la tête vraiment en vrac ou il y a une tempête ? Je relis plusieurs fois les informations. Non, je ne rêve pas. "Oh ! La poisse..." J'émerge du canapé sur lequel j'ai échoué et file prendre une douche. Je n'ai pas de temps à perdre, je dois rentrer avant que la météo ne se dégrade encore plus. Je ne peux pas rester ici... Je n'ai emporté qu'une culotte de rechange. Et en plus de ça, je veux retrouver ma ville, mon chez-moi. J'espère ne pas avoir de dégâts à constater en arrivant. Je me maudis d'avoir accepté ce verre ou plutôt ces verres de tequila et de ne pas être partie plus tôt. J'avale un comprimé de paracétamol et un café avant de remercier mon hôte. En montant sur mon bolide, je porte ma combinaison de protection intégrale, prête à affronter les éléments. Je démarre et quitte le parking souterrain dans lequel je suis garée. Lorsque j'émerge à la surface, je me prends une averse dessus. Je suis vite trempée jusqu'aux os malgré ma tenue soi-disant imperméable. Le pire, c'est le vent. Il me force à faire des écarts lorsque les rafales sont vraiment puissantes. Je tiens bon malgré tout, déterminée à poursuivre ma route. Je n'ai jamais conduit dans des conditions pareilles et je me demande plusieurs fois ce que je fais ici. Pourquoi n'ai-je pas juste pris un taxi pour regagner ma maison ? Je doute qu'ils circulent, me dis-je en essayant de justifier ma folie. Qu'est-ce que je suis en train de faire, sérieusement.

Vingt-cinq bornes plus tard, j'ai mal aux bras, mais je reste concentrée sur ma trajectoire. Je sais que je suis bientôt arrivée, la ville est en approche. Le calvaire est presque terminé. Je m'imagine déjà au chaud sous ma couette. C'est sans compter sur l'Arbre. Ce conifère de malheur s'abat sur la chaussée 15 mètres à peine devant moi. Il traverse complètement la rue, je ne peux pas l'éviter. J'ai beau rouler à faible allure, je sais que ça ne va pas passer. J'appuie tout de même de toutes mes forces sur les commandes de freins. La moto glisse sur la route mouillée, ralentie à peine puis tombe. Je suis propulsée en l'air, chute à mon tour et viens finir ma course contre l'obstacle. Je tente de reprendre mon souffle, sans bouger.

Tu n'es pas certaine que d'aller bosser sous ce temps était le bienvenue mais t'avais accepté d'aller aider cette petite mamie en dehors de la ville qui n'avait personne pour les prochains jours. Toute façon t'accepte un peu tous les boulots qu'on t'offre parfois t'en accumulé même peut-être un peu trop sans pouvoir te poser mais ça te permettait au moins de toujours avoir l'esprit occupé et de ne pas rester sans rien faire, au risque de craquer pour un verre ou plus compliqué que ça. Tu voyais le temps dehors et même si tu aurais voulu ne pas y aller tu ne pouvais pas laisser cette pauvre dame seule, alors tu avais enfilé une tenue assez confortable pour la route et de quoi rester avec elle toute la journée, l'aider dans son ménage et lui préparer de quoi manger. Rien de bien compliqué. Tu files dans ta voiture en vitesse après avoir donné à manger à Duc, ton chien, avant de partir direction l'extérieur de la ville. T'avais mis un vieil album de rock dans ton poste et tu chantais en essayant d'oublier le temps catastrophique vous entourant aujourd'hui. 3 ans que t'habite ici et t'avais jamais vu ce temps merdique. Tu n'avais pas énormément de route à faire mais avec la pluie c'était bien plus compliqué. Puis tu vois un arbre tombé au loin, tes deux pieds sur le frein tu t'arrêtes a plusieurs mètres avant de voir une personne qui semble vouloir apprendre à voler. Frein à main, tu descends aussitôt de ta voiture n'en ayant que faire de cette pluie et te précipite vers l'arbre mais surtout vers la personne que tu avais vu. "Est-ce que tout va bien?" Tu cries après avoir sauté par dessus l'arbre pour la rejoindre et t'approches aussitôt de la personne. "Est-ce que vous m'entendez? Êtes toujours conscients? Si oui serrez ma main!" T'es pas sur de l'entendre a travers le casque, puis peut-être que la personne ne peut pas parler avec le choc. T'es un peu febrile actuellement, t'espère que tu vas réussir a t'en sortir mais surtout elle aussi.

Il y a des moments comme celui-ci où le temps se met à passer lentement. Comme si les secondes défilent au ralenti. Quand je commence à freiner, tout s’enchaîne en un éclair et pourtant, je vois tout. Je ressens tout aussi : la moto qui glisse, mon corps qui est projeté en avant, l’arbre que je viens percuter... Je ne sais pas si je m’en souviendrai le lendemain, mais pour le moment tout est limpide. Presque comme dans un film, au pixel près. Je me concentre là-dessus, pour ne pas paniquer et pour rester consciente aussi. Est-ce qu’on peut dire que j’ai fait mon baptême de l’air ? Je n’ai aucune idée de la distance que j’ai parcourue, mais j’ai le sentiment d’avoir été un oiseau l’espace d’un instant. Je délire ? Peut-être un peu. L’impact m’a coupé le souffle et je cherche à respirer tant bien que mal. Ma poitrine est comme compressée, j’inspire, mais j’ai le sentiment de manquer d’oxygène. J’essaye de souffler lentement, de ne pas me laisser avoir par mon cœur qui bat vite. Trop vite. De toute façon, je suis incapable de bouger alors je n’ai que ça à faire. Tout à coup, je distingue une tête blonde. J’avoue qu’à travers mon casque, la personne est floue. À moins que ce ne soient mes yeux qui divaguent ? Il s’agit d’une femme, je crois. J’entends une voix, mais je ne comprends pas vraiment ce qu’elle me raconte. C’est comme du yaourt à mes oreilles. Je me concentre sur les mots, ça me fait mal au crâne. Je saisis finalement : serrer la main. Ok, ça, je peux le faire, je m’en sens capable. À travers mes gants, j’attrape ses doigts de ma main droite. J’ai l’impression que mon corps pèse une tonne ou peut-être deux. Ce simple geste m’épuise. Pourtant, je lève mon autre main et entrouvre ma visière. C’est plus pratique pour parler. Je laisse retomber mon bras, j’ai trop forcé. « Je ... » Ne vais pas plus loin dans ma phrase. Merde, c’est compliqué de parler. Je reprends mes inspirations, tentant de trouver quelques forces. « Je suis tombée. » J’arrive à articuler finalement. Bravo Einstein, on n'avait pas remarqué. C’est compliqué d’être pertinente et de savoir quoi dire à cette femme. Je fais ce que je peux.

@Emilia Manzoni Pas de soucis.

Vraiment c'était horrible cette tempête qu'il y avait, tu ne pouvais te résoudre à laisser cette vieille dame traverser tout ça seule, c'est pour ça que t'as pris la route malgré qu'il était déconseillé de le faire. Au final, le destin t'as mis sur le chemin d'une autre personne qui allait avoir certainement besoin de ton aide. Cet arbre qui tombe, cette personne à moto qui vole, en vérité tout s'est passé en quelques secondes, sous tes yeux. Et aussitôt tu réagis, aussitôt tu sens l'adrénaline en toi, aussitôt tu arrêtes ta voiture et plonge vers l'accident pour venir en aide à cette personne. Au fond de toi tu revis un peu, et pourtant une grande part de toi est en stresse, même si ça ne fait quelques mois que t'as été viré de l'hôpital, es-tu encore capable de gérer des urgences si nécessaire. Malgré la pluie qui s'abat sur vous actuellement tu t'approches d'elle et essaye de voir surtout si elle réagit encore ou non, et oui elle sert ta main après que tu lui ais demandé. Soulagée tu vois la personne lever la visière de son casque et tu souris doucement en l'entendant te dire être tombée. "J'aurai plutôt dit volée que tombée..." Tu essayes de détendre un peu l'atmosphère, pour elle comme pour toi aussi. "Est-ce que vous avez mal quelque part en particulier?" Tu sais que dans ces conditions sans minerves tu ne pouvais pas prendre le risque de lui retirer son casque sans que ça soit risqué, il fallait qu'elle soit bien maintenue pour le lui retirer. "Déjà essayé de respirer calmement, je suis là et je bouge pas sauf pour vous emmener aux urgences!" Tu lui souris, ayant toujours ta main dans la sienne, si elle parlait et si elle avait pu serrer ta main, il y avait déjà pas mal de point positif à cet accident.