Hurt me twice, it's fine, hurt me a thousand time, it could be the end - Emersen

Jamais ils ne finiraient par sortir de ce schéma qui dure depuis des années. La photographe était en colère, elle était blessée et déçue de ces échanges téléphoniques. Elle s’apprêtait à le suivre dans une grande aventure, où ils avaient chacun réfléchit aux conséquences de ce choix. Kai ne s’imposait pas à elle, comme elle avait pu le faire pour Jon. C’était une décision mûrie, et elle savait au fond d’elle qu’elle voulait de cette vie et de cette famille. Mais il avait fallu que Freja poste cette photo sur son compte, les fesses de l’australien pendant qu’elle posait à ses côtés. Ce qui l’agaçait particulièrement c’était que personne ne comprenait son énervement et cette blessure. Non, Alba passait seulement pour la copine jalouse. Evidemment qu’il y avait de la jalousie et des problèmes de confiance dans leur couple, ils revenaient de si loin. Mais au lieu de temporiser les choses, Léo préférait s’afficher ainsi sur les réseaux, là où leur famille, leurs amis et un jour leur enfant pouvait tout voir. Ils n’avaient plus vingt ans, et si ça amusait Freja de poster des photos d’elle dénudée avec des hommes, tant mieux pour elle, mais ça n’amusait pas Alba que ce soit le père de ses enfants en photo avec elle. Alors Alba n’était vraiment pas d’humeur, et les bouquets de lys envoyés par Léo ne changerait rien. Peut-être qu’elle voulait plus Alba, ou finalement rien. Elle ne voulait pas se battre avec lui, cette photo n’aurait jamais dû exister tout simplement. Il aurait eu la même réaction si ç’avait été l’inverse, qu’elle aurait été en photo avec un mec nu. Alors non, ce soir, elle ne rentrerait pas chez lui, Alba avait rendu sa maison, pour emménager avec Léo. Mais elle commençait à le regretter, parce qu’elle devait se payer une nuit d’hôtel. Elle était trop énervée pour parler avec lui, même le voir n’aurait fait qu’aggraver la situation. A la place, elle se retrouvait sur ce grand lit seule, les yeux rouges d’avoir un peu pleuré. Tout était remis en question, parce que si Léo ne comprenait pas pourquoi elle se sentait humiliée, elle ne savait pas pourquoi elle se battait pour leur histoire. Les genoux repliés, elle regardait une émission télévisée pour passer le temps, quand on toquait à sa porte. Elle avait commandé à manger, alors elle se leva. La porte ouverte, elle se trouvait nez à nez avec Léo. Son cœur loupait un battement avant que la colère ne reprenne le dessus. Elle fronçait les sourcils avant de refermer la porte sur lui. Elle n’avait aucune envie de le voir.

Il n’y avait pas beaucoup de mots pour décrire ce qu’il s'était passé. Léo avait merdé, bien comme il fallait. Il n'avait pourtant rien fait de mal pour une fois, enfin, en théorie ! C'était parti d'une bêtise, de trois fois rien selon lui, d'une malheureuse photo postée sur les réseaux sociaux, comme bon nombre d’autres, une photo dont il n'avait même pas connaissance avant ce jour-là. Une photo sur laquelle on devinait un homme, ç'aurait pu être n’importe quel homme, mais voilà, il s’agissait de lui. Et Freja en premier plan. Le problème en soi n'était pas tellement le cliché qui se voulait artistique, le problème c’était le commentaire que Léo avait laissé sous cette photo. Commentaire qu'il avait trouvé drôle que le moment, mais qui avait mis Alba dans une rage noire. Emerson n’avait pas compris sa réaction, il l'avait simplement mise sur le compte de la jalousie alors que c'était plus profond que ça. Il lui avait fallu une engueulade par SMS et quelques heures pour réaliser à quel point il avait merdé. Depuis, la photo avait été supprimée par Freja et ne restait que son couple qui avait pris un nouveau coup dans l’aile. Léo avait appelé Ginny pour qu'elle livre des lys à la galerie en pensant naïvement que brassée de fleurs lui feraient oublier son comportement, seulement Alba n'était pas si facile et quand il avait reçu sa réponse à ce sujet il avait appelé sa mère pour qu'elle s'occupe des enfants pour la nuit, espérant que cette histoire d’hôtel ne soit que du bluff. Après tout, il n’y aurait que lui, Léo n'aurait pas douté une seconde qu'elle en soit capable, mais elle ne pouvait décemment pas ne pas revenir embrasser les enfants, la blonde était une vraie maman louve. Il s’attendait donc à ce qu'elle râle de ne pas les voir, mais il avait prévu d'ouvrir une bouteille de vin et de commander des plats italiens au traiteur du coin. Ils avaient besoin de parler et lui, surtout, avait besoin de se faire pardonner. Seulement les heures étaient passées et pas d’Alba à l’horizon, quand il avait vu vingt heure trente sur son téléphone il avait fini par s’inquiéter et appelé les hôtels de la ville, heureusement Bowen n'était pas si grande et il l’avait rapidement retrouvée. Alors il avait attendu la livraison de ses plats, fourré le tout, bouteille de vin de tir bouchon inclus dans un sac et décidé de la rejoindre, quitte à faire du forcing. Léo était têtu et déterminé, il savait faire. Il arrivait donc à l’hôtel, expliquait avec un beau mensonge et son incorrigible sourire charmeur que c’était une surprise pour sa compagne, la fille de l’accueil avait trouvé ça tellement romantique, elle lui avait indiqué le numéro de chambre sans problème. En frappant à la porte il était un peu stressé, il perdait ses mots qu'il avait répété dans la voiture, il doutait de lui, de sa présence dans cet hôtel, il se sentait con. Mais ce ne fut rien comparé à la réaction d’Alba en le découvrant derrière la porte, avant de la lui claquer au nez, elle avait eu le temps de l'assassiner du regard. De quoi le dissuader de rester. Léo resta alors là, bras ballants, prêt à rebrousser chemin. Quand un homme arriva avec un plateau, surpris de trouver le photographe devant la porte. Il lui indiqua qu'il livrait la chambre 420 et Emerson trouva si triste que la blonde dîne seule dans sa chambre à cause de lui. Alors il glissa un billet dans la poche du serveur et récupéra le plateau avant de retenter sa chance. Non sans avoir levé la cloche et découvert une pizza peu appétissante avec trois feuilles de salade et des petites carottes, qui mangeait vraiment ça ? Il souffla un bon coup et frappa trois coups. Quand la porte s'ouvrit, il avait le plateau à la hauteur du visage et s’avança avec assurance. Room service pour Jensen ? Il ne bernait probablement personne, mais il était dans la chambre, alors il alla poser le plateau non sans y aller de son commentaire. Il n'y a que toi pour commander une pizza dégoulinante de fromage, avec quand même un peu de verdure pour la conscience. Léo faisait face à Alba à présent et malgré cette apparente assurance, il n’en menait pas large.

Pendant un instant, elle avait pensé à rentrer chez elle, là où se trouvait ses enfants. Ils étaient son refuge. Les yeux brillants d’amour de Jon suffisaient à la faire sourire et le rire de Kai l’enivrait. Ils auraient été la solution à cette morosité, énervement et tristesse qu’elle avait en elle depuis plusieurs heures. Elle savait aussi que Léo était la dernière personne qu’elle voulait voir, et qu’elle aurait été incapable de mentir même pour les enfants. Ils auraient compris, surtout Jon qui avait vu trop de fois ses parents se disputer avec ses oreilles indiscrètes. Elle voyait arriver une impasse avec Léo. D’abord son refus catégorique de se marier, lui avouant qu’il n’était pas prêt, que ça devait signifier quelque chose. Peut-être que lui aussi finalement doutait, et que l’amour qu’il lui promettait ces dernières années n’étaient peut-être pas si sincère que ça. Ils étaient pareils, trop libre pour s’enraciner à un endroit et décider de passer le reste de sa vie avec quelqu’un. Leur indépendance qui les avait liés était peut-être finalement ce qui les séparait. Puis plus récemment, ce commentaire et cette photo avaient été le coup de grâce pour Alba. Evidemment qu’elle avait ressenti une vive jalousie, mais elle se sentait surtout humilié que Léo puisse écrire ce genre de choses sans penser à ce qu’Alba allait ressentir, ni à ce que tous les autres pouvaient penser. Habituellement, elle se moquait du regard des autres, mais cette fois-ci ça lui fit de l’effet. D’une part, les gens parlaient entre eux et parfois cela arrivait jusqu’aux oreilles des enfants. Puis elle s’était battue pour cette relation, à justifier son amour pour le photographe et avec ce commentaire elle passait pour la parfaite des idiotes. Alors non, elle n’était pas heureuse de la voir devant sa porte de sa chambre d’hôtel. Même là il ne comprenait pas qu’elle avait besoin de temps, que communiquer n’était pas toujours la solution. Ni les fleurs, ni les plaintes, ni les blagues ne donneraient de baume au cœur d’Alba. Elle avait été blessée, et que lui et Freja s’entraident pour justifier ce post la mettait hors d’elle. Elle lui claquait la porte, pour qu’une minute après on ne retoque, persuadée que Léo continuerait à essayer de rentrer. Elle lui ouvrait, pour lui dire d’aller se faire voir, mais le photographe entrait, sur le ton de l’humour avec son repas dans les mains. « Si t’es venu critiquer mon régime alimentaire, un commentaire instagram aurait suffi tu sais. » Répondait-elle froidement, récupérant son repas qui lui plaisait à elle. Déjà ce n’était pas que deux feuilles de salade, mais de la roquette, puis il y avait des aubergines, des poivrons et beaucoup de mozzarella et de tomates. « Tu pourras critiquer ma bouffe avec une photo de toi à poil et Freja à moitié à poil, je pense que tu gagneras au moins mille followers. » Non, clairement Alba n’était pas prête à pardonner, et sa colère n’était toujours pas calmée.

Il aurait pu la laisser seule, souffler, digérer, juste une soirée, une nuit sans lui, qu’est-ce que c'était au fond ? Rien de grave n’allait se passer, le monde n'arrêtait pas de tourner et leur couple n’allait pas se séparer. Quoique, sur ce dernier point, Léo doutait, il était toujours bourré de doutes concernant Alba. Elle lui avait prouvé qu'elle était capable de partir, de vivre sans lui, elle était indépendante, la jolie blonde, elle avait beau l’aimer, elle avait arrêté de se sacrifier pour son amant terrible. Ils s'étaient perdus tellement de fois, trop, beaucoup d'histoires n'auraient pas survécu à de telles épreuves. La leur était branlante, fragile et en même temps tellement forte. Ils avaient traversé tellement et ils étaient pourtant toujours là, alors quelque chose grondait, hurlait en Léo, de ne pas laisser la journée se terminer aussi froidement, leur couple se fissurer encore à cause d’une histoire de commentaire stupide. Sur le coup évidemment qu'il n’avait pas compris, il avait toujours fonctionné ainsi, pourquoi changer après tout ? C'était aussi cet homme là, avec ce genre de commentaires osés, qui avait plu à la blonde. Mais à bien y réfléchir, oui, c'était une certitude qu'il devait changer de comportement, quand il avait vingt cinq ans c'était peut-être drôle, quand il était encore un jeune premier séducteur et joueur. Aujourd'hui ça ne passait plus, il avait une famille, une femme qui comptait dans sa vie, une femme qu'il aimait et à qui il n’avait pas envie de faire de mal, une femme qu'il devait respecter. Alors, Léo étant Léo, il partait à nouveau en croisade pour redorer son blason, il fonçait dans le tas. Devant la chambre d’Alba il essuya un premier échec, elle lui claqua littéralement la porte au nez et son orgueil en fut égratigné, on ne claquait pas la porte à Emerson. Si le serveur n’était pas arrivé, il était fort possible que le photographe aurait rebroussé chemin pour retourner seul dans leur maison. Mais il profita de l’occasion et s'engouffra dans la chambre cette fois-ci. L'accueil de Jensen était glacial et le ton tranchant. Elle était définitivement en colère. Il soupira en affrontant son regard, ne voulant pas entrer dans ce jeu-là. Je préfère poster une photo de nous un peu plus subtile qui rapporterait zéro. En vérité les followers avaient leur importance pour Léo, parce que son compte Instagram était sa vitrine, sa carte pour toucher le plus de monde possible, avoir de la visibilité et vendre des photos ailleurs que pour les magazines. Il postait quelque clichés personnels mais très peu par rapport au reste, des photos plutôt lisses, il tenait à cette image travaillée, classe. Jamais il n'aurait posté le cliché de Freja, même si c’était lui qui l'avait pris, en vérité il n'aurait jamais pris ce genre de photo, c'était bien trop touchy, à une époque peut-être, quand la norvégienne et lui étaient amants et qu'ils s’amusaient, mais aujourd'hui ce n'était plus le cas et malgré ce qu’Alba pensait, il était impliqué dans leur relation, elle comptait, son bien-être comptait, ce qu'elle pensait aussi. Il était juste bien trop maladroit. J’ai pris des plats chez Gino et j’ai une bouteille de vin pour noyer ma honte et acheter ton pardon… il esquissa un sourire penaud. On était loin du Léo orgueilleux et fier. On peut parler, maintenant que je suis là ?

Tout ce chemin parcouru pour arriver à cet instant, c’était du gâchis. Leur relation était plus intime qu’auparavant, plus adulte, plus mature. Chacun donnait de sa personne, acceptait de déroger à cette indépendance chère parce que dans le fond ils s’aimaient. Alba aimait Léo de tout son être, avec cette peur tout de même de le perdre à chaque instant, mais elle l’aimait. Elle avait aussi appris avec le temps à s’aimer, à ne pas accepter les choses qui la rendaient triste ou l’humiliaient. Cette photo et ce commentaire avait été de trop. Et si elle se moquait clairement de Freja et des reproches qu’elle lui avait fait, ce n’était pas le cas de Léo. Elle avait besoin d’une soirée pour réfléchir, se poser des nouvelles questions, et surtout se calmer pour éviter de dire des choses à Léo qu’elle regretterait. Le photographe il n’était pas du même avis, prenant très au sérieux cette question de communication qui leur avait manqué pendant tant d’année. Elle attaquait Alba, voulant lui faire comprendre qu’elle était toujours en colère et blesser. « Contrairement à toi, ça ne m’intéresse plus d’exposer ma nudité sur les réseaux sociaux. » Elle avait des enfants, qui un jour auront internet. Puis ce n’était plus son délire, même si elle avait adoré ce moment en Thaïlande où ils avaient pris du temps à se photographier, enfin surtout lui. Alba avait dû ruser pour prendre quelques clichés de lui. Elle se posait sur son lit, de toute façon elle savait que le photographe n’allait pas partir de suite. En effet, il avait apporté à manger, l’italien qu’elle adorait. « La bouteille et les cannolis ne vont pas suffire. » Elle ne répondait pas à son sourire, le regardant toujours froidement. En vérité, Alba lui en voulait par rapport à son commentaire, et puis elle ne connaissait pas le contexte de cette photo. Ils n’étaient peut-être pas ensemble à ce moment, mais ça la faisait quand même chier que Freja puisse avoir accès à la nudité de Léo aussi rapidement. « Et qu’est-ce que tu veux dire de plus que ce que tu m’as dit par message ? » Elle n’était pas prête à l’aider, ni à ouvrir le dialogue. Elle se levait pour ouvrir la bouteille, puisqu’elle était là. En revanche, elle ne servait qu’un seul verre, qu’elle prit avant de se reposer sur le lit. C’était une sale gosse Alba, rancunière et surtout elle n’était pas prête à fournir un effort. Léo pouvait encore voir le rouge sur ses joues et les yeux brillants, preuve de quelques larmes.

Léo avait été seul une bonne partie de sa vie, du moins, sans attaches, parce qu’il se disait incapable de se poser, trop farouchement attaché à cette liberté qu’il revendiquait. Tout en étant incapable d’être totalement seul. S’il n’avait pas envie d’être en couple, d’avoir des histoires sérieuses, il détestait s’endormir seul la nuit et recherchait souvent une présence féminine pour le réchauffer, le faire vibrer. Fils unique, qui avait longtemps souffert de cette condition, solitaire par la force des choses, qui aimait ses moments pour lui mais recherchait les autres. Et puis Alba était arrivée dans sa vie, ils avaient passé quasiment une année dans leur bulle, tous les deux, rien qu’eux, pratiquement vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il avait adoré cette courte période de sa vie, c’était simple ça avait du sens, c’était beau sans être trop. Mais c’était irréel, loin de tout, loin d’un quotidien classique. On ne pouvait qu’être heureux au paradis avec la plus jolie femme du monde dans ses bras. Malheureusement même si elle était toujours aussi belle, la vie de tous les jours réservait son lot de surprises, de déconvenues, d’ajustements. Loin de Bangkok, de retour à Bowen, Léo s’était montré totalement différent, moins enclin à partager sa vie. Il leur avait fallu du temps et beaucoup d'embûches pour trouver un semblant d’équilibre. Et ce soir ça le foutait en l’air de se dire qu’une foutue photo puisse, une nouvelle fois, rabattre toutes les cartes. Et comme il avait appris, au cours des dernières années, à cause de ses nombreuses erreurs, il savait qu’il fallait parler, que la communication était la clef. Seulement peut-être était-il à présent trop extrême dans ce nouveau fonctionnement. Il n’y avait décidément jamais de juste milieu avec Emerson. Il se rappelait parfaitement, il les avait encore, les dizaines de clichés qu’il avait pris d’Alba, nue sur leurs différents lits d’hôtel, en bikini sur des plages paradisiaques. Elle avait été sa muse durant de longs mois, jamais il n’avait diffusé ces photos, elles n’étaient que pour lui. Il savait qu’elle n’aimait pas s’exposer, que même si elle avait accepté de poser pour lui, elle préférait largement être derrière l’objectif, tout comme lui d’ailleurs. Des photos dévêtues de Léo il y en avait peu et, en l'occurrence, celle qui était l’objet de tous leurs problèmes ce soir, était une photo volée, dont il n’avait pas connaissance avant aujourd’hui. Ça ne m’intéresse pas non plus, tu le sais bien. Oui elle le savait et il connaissait suffisamment la blonde pour comprendre qu’elle ne disait ça que pour l’égratigner, rien de plus. Résignée à l’idée qu’il resterait au moins pour dîner, Alba s’installa sur son lit. Léo sortit les plats du sac, des couverts et des assiettes aussi, même deux verres à pied, il avait pensé à tout. Des lasagnes aux aubergines aussi… Celles dont la photographe raffolait et qu’elle lui avait appris à aimer avec le temps. Il mettait tout de son côté pour se faire pardonner. Elle se leva tandis qu'il sortait les boîtes pour préparer leurs assiettes. Il l’observa du coin de l'œil ouvrir la bouteille, se saisir d'un verre, un seul et le remplir sans lui adresser un regard. Il esquissa un sourire, il voyait bien qu'elle lui faisait payer, que de cette façon elle lui signifiait que ce ne serait pas si facile de la récupérer. Et c'était ok, il avait toute la soirée pour prouver qu'il n'était pas que le pire des crétins. Je veux te dire que je suis désolé, que j’ai réagi à chaud et que je n’aurais pas dû te parler comme j'ai fait, sans tenir compte de ses sentiments à elle. Léo était impulsif, il agissait ou parlait souvent avant de réfléchir et ensuite il lui arrivait de regretter, c'était le cas ce soir. Je n’étais pas très à l’aise avec cette photo moi non plus, pour être honnête. Elle m’a surprise autant que toi. Ajoutait-il en se servant un verre à son tour, avant de s'appuyer contre le petit bureau, faisant face à Alba.

Dans sa chambre d’hôtel, elle avait pris le temps de réfléchir à ce que lui faisait cette photo. Sentiment d’abandon et de trahison. Est-ce qu’ils seraient voués à toujours se déchirer Alba et Léo. Jamais en phase, ils se tournaient autour depuis tant d’année, et quand proche du but l’un ou l’autre finissait par briser cette confiance qu’ils mettaient des années à construire. Aujourd’hui, l’enjeu n’était pas que leur relation, mais aussi des enfants, un projet de vie familiale dans laquelle ni lui ni elle ne s’étaient imaginés. C’était peut être ça le plus beau. Ils voulaient créer quelque chose d’unique, leur foyer particulier à eux. Cette photo avait gâché ce moment qui aurait pu être si doux, et les doutes reprenaient le dessus. Blessée, elle lui en voulait qu’il ne comprenne pas l’humiliation et la déception qu’elle avait eu en lisant ce message. Son arrivée fracassante dans la chambre d’hôtel ne changerait rien. Alba le savait. La communication était la clé pour leur relation, mais à ce moment-là, elle préférait bouder dans son lit. Il était la dernière personne qu’elle voulait voir. Langue acérée et pique gratuite, elle ne comptait pas ménager Léo. Pourtant elle savait que ce n’était pas son genre de poster des nus sur les réseaux (mais c’était bien el genre de Freja). Il se défendait et pour réponse, Alba levait juste les sourcils. Oui elle le savait, mais ce soir elle ne le croyait pas. Et puis bordel, il était nu à côté de Freja. Elle le savait qu’ils avaient été amants, mais ce n’était pas une raison. Alba ne se mettait pas nue à côté de Freja aujourd’hui, préférant offrir sa nudité à l’homme en face d’elle. Le photographe avait fait un effort, apportant les plats préférés d’Alba, et ça l’agaçait qu’elle ait tant envie de ses lasagnes. Elle soupira de désir pour le plat, mais ça n’arrangeait pas tout. La blonde en profitait pour se servir un verre et elle laissait évidemment Léo se débrouiller seul pour le sien. Elle ne comptait pas parler, apeurée peut-être de laisser sortir des mots qu’elle regretterait aussitôt. Puis, ils avaient déjà communiqué par message, elle le savait désolé. « T’étais si surpris que t’as commenté un truc qui allait dans son sens. » Alba soupirait. Léo et Freja la trouvait excessive dans sa réaction. Mais ça lui faisait mal de savoir qu’ils pouvaient afficher ce genre de photo et de propos aux yeux de tout le monde sans se soucier de ce que la photographe pourrait penser. Les doutes reprenaient le dessus, entre le refus catégorique de Léo sur le mariage, et maintenant cette photo … « Si c’est ta façon de me faire comprendre que tu ne veux pas être avec moi, tu aurais très bien pu le dire quand t’as refusé catégoriquement de te marier, ça aurait été plus vite et moins pénible. » Avouait-elle, prenant une gorgée de son vin.

Freja avait beau être une très bonne amie de Léo, depuis quelques temps elle n'aidait pas vraiment la situation du photographe. Entre leur petite dispute en Italie au sujet de sa relation avec Alba et de leur fonctionnement particulier, puis cette photo qui, elle le savait, pourrait mettre le feu aux poudres entre les deux amants. C'était comme si la brune cherchait à ce qu’il y ait un conflit dans leur couple. La question était, est-ce qu'elle le faisait consciemment ? Et si oui, pour quelle raison ? Freja avait déjà suffisamment de drama dans sa vie, pourtant elle avait eu des sentiments pour Alba et il y avait toujours eu une tension palpable entre Léo et elle, pas mal de dérapages aussi . Serait-elle jalouse de l'un ou de l’autre ? Non, il se faisait des idées. Cette histoire lui montait à la tête et comme souvent, Emerson trouvait un coupable pour se dédouaner. Il essaya d’alléger un peu l’atmosphère en désignant les lasagnes et remarqua le soupir frustré de la blonde. C’était le problème de se connaître depuis si longtemps, ils se connaissaient par cœur, ils connaissaient les goûts de l'autre, les habitudes. Ils pouvaient anticiper les réactions de l'autre et Léo savait qu’Alba avait trop de fierté pour admettre qu'elle crevait d’envie de manger une part. Il se servit un verre de vin et le posa pour qu'il décante tranquillement. Puis il attrapa une assiette et entreprit de servir une part à celle qu'il aimait. Il soupira quand elle répliqua. Elle savait qu'il pouvait avoir des réactions stupides, souvent. Qu’il restait ce gamin qui choisissait de provoquer plutôt que de montrer qu'il était gêné ou surpris et qui refusait de perdre la face dans une situation qu’il ne maîtrisait pas. Il avait énormément travaillé sur lui-même, le brun, mais il restait imparfait, bourré de défauts et de contradictions. Oui. Dis que ça te surprend, peut-être… Au fond, Alba le connaissait par cœur elle aussi, elle savait très bien comme il fonctionnait. Ils soupirèrent en cœur. Léo attrapa son verre et fit tourner le liquide carmin en le regardant danser. Il ne s'attendait pas à une telle attaque, comme une gifle dans le visage, il la fixa douloureusement. La blonde remettait cette histoire de mariage sur la table et le cœur du photographe fit un bond dans sa poitrine. Au fond c'était ça le vrai problème. Quand Alba avait évoqué le sujet avec légèreté et douceur, une pointe de provocation dans la voix, elle semblait persuadée que ce serait une formalité, que Léo opposerait un peu de résistance face à l’engagement, mais qu'elle arriverait facilement à faire passer son idée. Seulement il s'était montré si dur dans ses paroles et dans sa réaction, totalement fermé à la proposition, pourtant raisonnable et pragmatique de sa compagne. Depuis ils n’en avaient pas reparlé, c’était quelques semaines plus tôt. Tu crois vraiment c’que tu dis ? Il était sonné, soudainement très lasse. Il avala une gorgée de vin, passa machinalement une main sur la poche de son jean comme pour se rassurer et se rapprocha d’Alba. Il avait beaucoup pensé, durant ces quelques semaines, à eux, à l’éventualité qu'elle devienne sa femme. Il avait pensé à leur famille et à sa peur de s'engager. Il était effrayé, il se sentait vulnérable et il détestait ça. Parce qu’il refusait d'avoir des faiblesses. Mais parmi toutes ses faiblesses, Alba était celle qui le rendait meilleur, plus fort. En janvier c'était moi qui doutais de ton engagement parce que tu ne voulais pas te lancer dans l’adoption. Maintenant c'est toi qui crois que je recule ? On est entrain de construire notre famille Alba et ça me rend heureux. Il fronça les sourcils en baissant les yeux. Il avait tellement envie de la prendre dans ses bras. Que tout s’apaise enfin. Je m’en veux de t'avoir blessée, d'avoir été si con. Je ne t’ai pas respectée et tu as eu raison de réagir comme ça. Mais j’peux pas te laisser passer la nuit toute seule. Il esquissa un sourire timide, contrit. Il stressait, le cœur qui battait la chamade, rarement Léo aura été moins sûr de lui qu'à ce moment-là. Pas après que ma mère m'ait donné ça. Il glissa une main dans sa poche et en sortit un tout petit écrin. Il faut que je mette un genou à terre ou c'est trop ? Il la fixait avec appréhension. C'est pas… c’est… Il lâcha un soupire. Mon arrière grand-père l'avait offert à mon arrière grand-mère quand ils se sont fiancé et ma mère en a hérité. Si elle ne te plaît pas on pourra changer. Mais… je sais que techniquement c’est toi qui as demandé en premier. Alors oui, j’veux qu’on se marie. Et j'aurais dû dire oui tout de suite. Mais voilà, Léo était Léo, il lui fallait du temps et parfois passer outre ses principes, accepter de bousculer l'ordre établi, comme le fait que ce soir Alba qui le demande en mariage et pas le contraire. Et quand il avait déposé les enfants chez ses parents ce soir, sa mère il avait tendu cette bague, elle ne la lui avait jamais donnée avant, ni pour Blanche que ses parents voulaient pourtant tellement voir devenir Emerson, ni pour Grace, alors qu'elle avait porté son enfant. Charlotte l'avait regardé avec beaucoup de tendresse et des larmes dans les yeux et puis elle lui avait glissé à l'oreille qu'il devait arrêter d'avoir peur.

Peu importe les gestes tendres, les conversations longues, Léo et Alba continuaient de lutter contre leurs vieux démons. La photographe croyait en cette histoire qui maintenant durait depuis plus de dix ans. Elle qui pensait ne pas avoir besoin d’engagement avait foncé tête baissée vers l’australien il y a maintenant plusieurs années. Cette année à Bangkok avait été les prémices, mais durant tout ce temps, ils avaient vécu l’un à côté de l’autre, se réveillant chaque matin dans les bras de l’autre. C’était une première phase, celle qui avait donné le sentiment à Alba d’être aimée et désirée. La chute avait été terrible, mais il était déjà trop tard. Les deux amants étaient déjà liés par les souvenirs, les sentiments et le petit Jon qui grandissait caché de ses parents. La suite n’aura été que peine avec quelques moments de douceur. Aujourd’hui, Alba savait ce qu’elle voulait. Cette photo et ce commentaire ne seraient pas des obstacles, mais ils l’avaient blessé. Il suffisait d’un peu pour que la photographe se sente envahir par le doute et que les démons prennent le dessus. A présent, elle interprétait tout comme un refus de Léo. Il y a quelques semaines, elle lui proposait de se marier aujourd’hui il commentait une photo de leur ex à tous les deux. C’était agaçant cette façon qu’il avait de tout connaître d’elle, comme si le plat apporté allait pouvoir l’excuser de tout. Il savait aussi qu’elle n’en prendra pas, enfin pas tout de suite, pour montrer son mécontentement. Alba se demandait combien de temps ils allaient encore devoir se battre pour passer une année sans tourmente. Puis elle lui avait lâché le fond de sa pensée, voyant le regard douloureux de l’être qu’elle aimait. Une pointe de culpabilité l’animait, parce qu’au fond elle préférait que Léo soit heureux que misérable, même si ce n’était pas avec elle. Elle fronçait les sourcils, pas prêt à lui dire qu’elle pensait le contraire, parce que là tout de suite, c’était elle qui avait été blessée par l’action du photographe. « J’énonce juste des faits. » Et une logique qui était contrôlée non pas par la logique de la blonde mais par des ressentis négatifs liés à la peine qu’elle subissait. A son tour, il énonçait de faits, une autre vision du passé. Ils doutaient continuellement de l’un et de l’autre, alors que finalement ils poursuivaient le même but. Celui de bâtir cette famille qu’ils étaient en train de construire sur des bases solides. Le ciment devrait être la confiance de l’un envers l’autre. « Moi aussi ça me rend heureuse, mais contrairement à toi je ne t’humilie pas en vanter à quel point ton ex est canon ! » Elle aurait apprécié qu’il se mette à sa place, qu’il se rende compte que ça la blessait, que ça la rendait idiote aux yeux des autres. Elle ne prenait pas la peine de mettre Freja dans l’équation, comme si la norvégienne avait toujours besoin de s’immiscer entre les deux. Si Alba était au clair avec ses sentiments envers Freja – qui sont clairement loin de l’amitié – elle ne savait pas si Léo lui l’était. Mais finalement il s’excusa, avec une vraie sincérité qu’elle connaissait de lui. Assise sur ce lit, elle l’écoutait, parler de sa mère et sortant une boîte avec une bague dedans. Alba fut surprise, ne trouvant pas les mots, alors que Léo lui expliquait pourquoi il aurait dû accepter plus tôt. Cette bague ce n’était pas un bijou acheté mais donnée par sa mère héritée de ses ancêtres. « Non Léo. » Répondait-elle un peu sonnée, se levant du lit. « Tu ne peux pas accepter ma demander ou me demander parce qu’on est fâché. » Non Alba voulait qu’il soit sûr, qu’elle soit sûr aussi. Ce n’était un lot pour s’excuser. « Il va en avoir encore des disputes, des moments où je viendrais dans cette chambre d’hôtel, tu ne pourras pas me sortir une bague à chaque fois. » Elle ne parlait pas méchamment, sa voix était même très douce. Elle s’approchait de lui, posant sa main sur sa joue, posant ses yeux dans les siens. « Je t’aime, tu m’aimes c’est le plus important pour le moment, même quand je suis énervée. » Disait-elle tendrement, récupérant la boîte dans sa main pour la remettre dans sa proche en lui souriant. Elle se séparera de lui pour se servir à manger. « Ça serait bête de gâcher ces si bons plats. » Elle lui souriait. Ils allaient encore devoir travailler, et Alba allait devoir travailler sur ses doutes, mais pour le moment, ils avaient des lasagnes aux aubergines à déguster.

Est-ce que tout pouvait vraiment s'arrêter à cause d'une simple photo et d'un commentaire maladroit ? Est-ce qu’Alba allait réellement foutre en l’air leur histoire parce qu'elle était blessée dans sa fierté ? Elle avait de quoi l'être, Léo en avait pris conscience, certes par sur le coup, il lui avait fallu ruminer un peu, mais à présent il comprenait qu'il avait merdé. Il n'était pas venu la chercher parce qu'il voulait le dernier mot, ça c'était terminé. Mais il savait à quel point elle pouvait être têtue et obstinée. Pourtant il ne pouvait pas baisser les bras sans se battre. Pas après tout ce qu'ils avaient vécu. S'il devait ramper devant elle, il le ferait, s’il devait, lui, ravaler sa fierté pour les beaux yeux de la blonde, il allait le faire. Ça lui coûtait énormément, au bel Emerson, parce que de l’orgueil, il en avait à revendre. Il était au moins aussi têtu que son amoureuse, il détestait avoir tort et encore plus qu'on mette le doigt sur ses erreurs. Mais il détestait encore plus qu’ils restent fâchés ce soir. Cependant il allait devoir sacrément ramer pour qu'elle revienne, Alba était dans une colère noire, elle remettait en cause leur histoire, l'engagement de Léo envers elle, alors qu'il avait pourtant été clair sur le fait qu'il était plus que prêt à avancer avec elle. Pourtant cette histoire de mariage avait aussi foutu un bon coup de pieds dans leurs fondations peu solides. Le fait qu'il refuse en bloc cette proposition, qu'il n’en reparle pas durant des semaines. Seulement, pour ça, il lui avait fallu bien ressasser, ruminer, se projeter. Il avait passé des nuits à fixer le plafond de leur chambre tandis que la jeune maman dormait profondément à côté de lui, il y avait pensé, énormément. Ça l’effrayait pour une raison qu'il n’expliquait pas. Et ce soir il flippait encore plus que jamais. Elle n'est pas mon ex, mais la tienne. Ce n'est pas une justification valable mais c'est peut-être quand même pour ça que c'est aussi simple de dire ce genre de connerie avec elle. Parce que Freja ne signifie rien pour moi, elle n’a jamais rien signifié d'autre qu'une amie avec qui je déconne de façon trop lourde et pas maligne, sans aucune arrière pensée. Ça n’excuse rien, je le sais. J'aurais pas dû, je ne voulais pas t'humilier, loin de là. Il en avait assez de se justifier à ce sujet, surtout que le vrai problème, au fond, ce n'était pas tant la brune, pour laquelle Léo n’avait jamais eu aucun sentiments, mais une autre chose qui avait blessé Alba. Alors il se jeta à l'eau. Parce que ce qui le retenait c'était juste la peur. Plus simple à dire qu'à faire, mais il devait laisser ses peurs de côté. Il serait toujours effrayé à l’idée de devoir faire des choix, de s'engager sans savoir avec certitude que ça ne mènerait pas à un échec. Il y avait toujours cette probabilité qu’ils se plantent et que tout s'arrête un jour. Mais d’un autre côté, Léo en avait eu quelques une, des femmes dans sa vie, deux ou trois qui avaient vraiment compté. Pour autant jamais il ne s'était imaginé vieillir à leur côté, se poser, penser à l'avenir. Avec Alba, ç'avait beau être compliqué, douloureux, insécure, il avait envie de donner une chance à leur futur, il voulait qu'elle soit celle avec qui il vieillirait. Alors finalement, quand il pensait comme ça, lui passer une bague au doigt ce n'était pas si horrible. Il se sentait terriblement maladroit quand il sortit l'écrin et qu'il lui fit sa déclaration, mais ça ne manquait pas de sincérité, ça, la blonde pouvait le percevoir aisément. La réponse d’Alba lui fit l’effet d’une autre gifle. Non. Elle voulait pas d’une demande pour qu'ils se réconcilient. Seulement elle se trompait. Ça n’a rien à voir avec ce qu'il s'est passé ce soir. Et crois moi, une seule demande, une seule bague, ça suffit amplement, tu ne crois pas que tu auras un bijou à chaque dispute ! Il esquissa un sourire parce qu'il voulait bien qu’au fond, elle était plus touchée que ce qu'elle admettait. La preuve, elle s’était considérablement radoucie. Il ferma les yeux au contact de cette main sur sa joue et sentit l'écrin lui échapper des mains avant que la photographe ne le glisse à nouveau dans sa poche. Il soupira alors. Il était définitivement nul pour les demandes en mariage. Elle fila se servir une assiette et il esquissa un sourire en attrapant la sienne. Avant de s’asseoir sur le lit. J'avais repéré une bague chez le bijoutier cette semaine. Je comptais aller la chercher. J'étais décidé avant ce soir. Et puis je comptait faire une vraie demande, tu sais, je suis vieux jeu parfois. Il marqua un temps avant de reprendre, plus sincère. Je suis désolé d'avoir mis du temps avant d’en reparler. Et que tu crois que ce soit une manière de me faire pardonner. Si sa mère ne lui avait pas offert la bague, il serait juste venu à l'hôtel avec ses lasagnes pour l’amadouer. Et même jusqu'à ce qu'il sorte la boîte de sa poche, il ne savait pas s'il serait capable de parler du mariage, de la lui offrir, ce soir, ou s'il attendrait un meilleur moment. Il était vrai que celui-là n'était peut-être pas le mieux choisi, mais il était néanmoins totalement sincère dans sa démarche.

Ce qui blessait profondément Alba dans cette histoire, c’était qu’à aucun moment Léo ne s’était pas dit que son commentaire était inapproprié. Ils communiquent pourtant, il le sait à quel point les blessures de l’être qu’il aime son profonde, inscrite dans son histoire depuis sa naissance. Elle garderait ça à vie, ce traumatisme qu’elle reçu dès sa naissance. Alba s’est construite avec ce sentiment de ne pas être assez, de devoir se battre pour justifier sa place dans ce monde. A la suite, elle a dû justifier sa place dans le milieu de la photographie et enfin justifier sa place aux côtés de Léo. Ce commentaire n’était qu’une goutte d’eau dans un océan déchaîné de doutes, et elle aurait fini par revenir, avec une confiance un peu brisée. Ce soir, en colère, elle avait encore du mal à voir que Léo il se battait pour eux, leur famille et cet amour qui persistait malgré les typhons, les ouragans et les coups bas. Elle n’était pas à avoir peur, Léo aussi, de la perdre. Il remettait les faits concernant leur relation avec Freja. Les deux femmes avaient eu une histoire qui allait au-delà d’un simple coup. Aujourd’hui, la photographe se rendait compte à quel point les choses avaient changé, parce que les sentiments qu’elle avait pu avoir pour la norvégienne était à présent bien loin. « J’aurai juste aimé que tu réfléchisses avant de poster ce genre de commentaire, que tu comprennes que ça puisse être blessant. » Qu’il se mette à sa place, si elle avait fait le même genre de photo et de commentaires avec un homme. Sauf que ça ne se serait pas produit, parce que contrairement à Léo, Alba ne trouvait pas de personnes comparables. Chaque personne avait compté, elle avait eu des sentiments. Elle pensait à Samson, mais encore une fois ç’aurait été différent. Finalement ils avaient encore du travail pour que leur couple fonctionne. La seule chose qui fonctionnait était cet amour sincère qu’ils avaient mis du temps à accepter. Alba doutait encore parfois, surtout depuis son refus catégorique de mariage qu’elle lui envoyait dans la figure. La réponse de Léo était inattendue. Dans sa poche, il avait un écrin avec une bague familiale. La demande en mariage ne pouvait pas se passer ainsi. Ils avaient trop lutté pour qu’elle vienne pour apaiser une dispute. Ils méritaient une fin heureuse, une demande douce, sans que le fantôme de Freja ou tous les autres viennent roder autour d’eux. Elle refusa, ce qui l’étonnait. Alba ne souhaitait pas se marier à tout prix, et Léo était peut-être la seule personne avec qui elle se voyait remonter cette fameuse allée. Alba ne serait pas heureuse parce qu’elle serait une femme mariée. Ce n’était pas son rêve, mais plus les années avançaient et plus l’évidence se trouvait devant elle. Il n’y avait personne sur cette terre avec qui elle avait envie de passer le reste de sa vie hormis Léo. Il était celui qui lui avait montré qu’on pouvait aimer exclusivement et qu’elle était assez pour lui. Elle se radoucissait, ne voulant pas briser Léo de ce refus, parce que ce n’était pas un non pour toujours. Elle riait à sa remarque, alors que sa main caressait la joue de cet amant terrible. « La prochaine fois je veux des boucles d’oreille. » Répondait-elle en riant. Il la connaissait, Alba était loin d’être matérialiste. Elle se reculait pour servir à manger, ces fameuses lasagnes. Elle donnait une assiette à Léo, l’invitant à la rejoindre sur le lit. « Léo, quand on décidera de se marier et si on décide de se marier, je ne veux pas que ça se passe dans une chambre d’hôtel, alors que les fantômes de nos passés rodent autour de nous. » Elle se moquait qu’il soit vieux jeu. Alba pourrait même faire la demande, ça l’importait peu. Elle le regardait un instant, se rendant compte que tout son corps vibrait pour l’homme qui se trouvait en face d’elle. « Je t’aime Léo Emerson, même quand tu me blesses. » Disait-elle avec un air boudeur avant de lui sourire. Elle prit une bouchée des lasagnes avec gourmandise.

Il était évident que si Alba avait eu le même comportement que Léo, il ne l’aurait pas bien pris. Orgueilleux comme il l’était, ce n’aurait pas été son sentiment d’insécurité qui aurait parlé, mais son égo qui en aurait sacrément pris un coup. Rien que d’imaginer qu’Alba puisse regarder un autre homme, ou une autre femme, qu’elle puisse éprouver du désir pour quelqu’un d’autre, c’était difficile à accepter pour Emerson. Même s’il savait que c’était parfaitement humain et naturel et que ça ne mènerait pas à un geste ou quoi que ce soit de sa part. Il était possessif, jaloux, c’était quelque chose de très encré en lui, de difficile à contrôler, c’était instinctif. Alors oui, s’il s’était mis deux secondes à la place de sa compagne au moment où elle l’avait confronté, il aurait peut-être compris. Ce soir, il s’en rendait compte, il s’en mordait les doigts que cette histoire ait pris de telles proportions. Ainsi, il acceptait ses critiques sans plus broncher, il se radoucissait. Et puis, tandis qu’il profitait de cette perche qu’Alba lui avait tendue, sortant cet écrin de la poche de son jean, qu’il hésitait entre mettre un genou à terre, il avait le cœur battant la chamade. Effrayé par la tournure que cette soirée prenait, après les excuses minables, il s’apprêtait à faire une demande en mariage un peu nulle, sous fonds de réconciliation bancal. Ça lui ressemblait à Léo, s’il était doué pour séduire, il était mauvais pour les choses sérieuses, il était tellement maladroit. Et le pire arriva, la blonde refusa. Mais au fond, c'était logique et ses raisons étaient valables. Elle ne lui renvoyait pas sa bague au visage, elle ne refusait pas en bloque, elle demandait juste que les choses soient faites correctement. Déjà, ils raillaient ce coup raté, le brun secoua la tête avec un sourire, il était définitivement fou de cette femme. À ce moment-là, précisément, il était sûr, certain qu’il l’épouserait et que cette perspective le rendait heureux. Il avait envie d’être l’époux d’Alba, de pouvoir le dire, qu’elle n’était pas juste sa copine, sa compagne, la mère de ses enfants. Mais bien qu’elle était sa femme et qu’il était fier qu’elle ait pris cet engagement auprès de lui, malgré son côté insécure, possessif et maladroit. Elle l’aimait et un jour, elle lui dirait oui. Tu rêves pour les boucles d’oreilles ! Qu’il répondit en roulant des yeux. Ils s’installèrent sur le lit pour enfin dîner, les choses s’étaient apaisées. Il y aurait d’autres tempêtes, d’autres conflits, mais ils allaient dans la même direction, c’était toute la différence avec leur passé. Tu avais raison l’autre jour, il faudrait qu’on se marie pour les papiers, pour Kai. Il était évident que Léo ne s’était pas décidé si facilement, il avait fait ses recherches, pesé les pour et les contres, il avait étudié les différents cas de dossiers d’adoption et clairement le fait d’être un couple marié, aussi stupide que ce soit, était un véritable plus. Alors même si l’idée ne lui plaisait absolument pas et bien que sa démarche, ce soir, ne fut pas dans ce but-là, il savait à présent que pour que Kai rejoigne officiellement et au plus vite leur famille, ça passerait par un mariage. Le regard qu’Alba lui lança réveilla une douce chaleur au creux de Léo. Il mangea avec appétit, pourtant une autre faim s’empara de lui, plus dévorante encore. Il posa son assiette sur le sol et s’approcha de la blonde. Si tu m’aimes quand je te fais du mal, ça mérite que je te fasse du bien. Il lui retira son assiette, attrapa son menton pour accéder à sa bouche et l’embrasser. Dans le tourbillon qu’était leur vie à présent, avec leur quotidien de parents, parfois leur couple passait après tout le reste. Pourtant, Léo désirait toujours autant Alba, il ne cessait jamais d’avoir envie d’elle et cette nuit, même si la raison première n’était pas glorieuse, il pourrait profiter de cette chambre dans laquelle aucun enfant ne viendrait les déranger, pour lui prouver qu’il l’aimait qu’elle, qu’il ne désirait qu’elle.