depuis tout p'tit, c'est ma routine : jamais comprendre leurs sous-titres - aleksandra

16h. La saison de canyoning est sur le point de recommencer. J'continue de me maintenir en forme, j'ai ma routine, sport, nourriture saine et sommeil réparateur. J'ai jamais passé un aussi bel hiver. J'saurais pas exactement dire à quoi c'est dû, la seule chose, c'est que j'le compare au précédent et y a pas photo. Le truc qui m'a donné un p'tit coup au moral, c'est le départ de ma soeur. Ca, j'm'y étais pas attendu, mais elle n'était plus heureuse ici. C'était un fait. Et j'crois qu'elle avait juste besoin de retourner en Italie. Moi j'me plaisais là, même si j'traînais quelques casseroles, globalement, mon quotidien était doux. Serein. Si on ne compte pas les entrevues d'avec Maxine, souvent chaotiques. Cet après-midi là, justement, j'avais envie d'faire plaisir à mon p'tit neveu qui fêtait ses sept ans. Il était retourné en Italie mais j'comptais bien lui trouver un super cadeau que j'lui ferais expédié par la poste. C'est pour ça que j'me retrouvais au centre commercial, c'était pas bien grand, mais suffisamment pour trouver tout ce dont j'avais besoin. J'arrivais avec entrain et automatiquement j'me dirigeais vers l'ascenseur. Le rayon des jouets était au troisième étage. Et même si j'avais toujours cette tendance à prendre les escaliers pour faire de l'exercice, là, j'avais quand même cette cheville qui me gênait. C'était un p'tit reste de cette soirée de tempête, où j'avais cru bon d'aller faire une course sous le vent. J'avais trébucher, j'avais écopé d'une entorse et depuis, j'faisais gaffe. J'me ménageais un peu. J'avais toujours ce bandage, et même si j'avais repris les sessions à la salle, j'évitais les escaliers. L'ascenseur ne tarda pas à arriver et je m'engouffrais à l'intérieur. J'voyais une ombre sur le côté, qui arrivait, alors mécaniquement, je coinçais la porte avec ma main, pour laisser la personne entrer à mes côtés. Une fois à ma hauteur, je mettais genre .. une fraction de seconde pour reconnaître Aleksandra. J'roulais des yeux, lâchant même un p'tit soupire au passage. Etre sympa avec Alek? Ca f'sait aucunement partie de mes envies "Si j'avais su, j'aurais laissé cette porte se refermer avant qu'tu rentres." que j'lâchais sans même la regarder. Comme si j'parlais à une ombre. "Ou alors elle se serait refermer sur toi, pour mon plus grand plaisir." que je rajoutais avec un rictus de p'tit con levant les yeux vers elle. Ouais, clairement, le ton était donné. Cela dit, c'était juste le temps de l'ascension. Dans vingts secondes, tout au plus, nos chemins se sépareraient et d'ici trente secondes, je l'aurais déjà oublié. Parce que évoluer aux côtés d'Aleksandra, ça m'demandait un peu d'énergie, c'était du passif-agressif constant, et c'était bien quand ça durait pas longtemps.

@Aleksandra Martillo

Cela fait environ deux mois que la tempête est passée à Bowen. Je maudis ce jour de tout mon cœur. Quelle idée j’ai eue de me promener à moto sous la pluie et le vent ? C’était stupide et mon corps a subi les frais de mon intrépidité. L’hôpital m’a accueilli pendant deux semaines et me donnant le droit de sortir le fessier posé dans un fauteuil roulant. La consigne : rester là-dedans pendant 30 jours. Pour une coureuse comme moi, se faire une fracture à la jambe, c’était vraiment l’horreur. Être dépendante de ce machin à roulette pour bouger et devoir suivre les consignes du kiné tous les jours. C’est long, trop long. Cet état me rend folle. Ne pas pouvoir marcher à ma guise, c’est comme me priver de ma liberté. Or, cette dernière est sacrée pour moi. En témoigne mes nombreux voyages et autres expériences farfelues. Depuis cette période, je reste la plupart du temps enfermée dans ma maison à lire et à écrire sans n'oser voir personne mis à part le personnel médical. Je ne mets la tête dehors que le temps de promener Maya et c’est déjà assez compliqué. J’ai un peu honte de ma condition et j’ai l’impression d’avoir pris quelques kilos. Ce n’est qu’en cette fin de journée d’octobre, que je me résigne à me rendre au centre commercial. Plusieurs raisons me poussent à cette escapade. C’est bientôt l’anniversaire de ma nièce et je dois lui trouver un cadeau digne de sa tante préférée. Bien sûr, je peux commander en ligne et me faire livrer, mais ce n’est quand même pas pareil. L’effet est moins sensationnel. Flâner dans les rayons de jouets, c’est comme un retour à l’enfance. Je suis capable de m’émerveiller devant un camion de pompiers en kit. Cette idée me remonte le moral et puis, il est temps que je sorte, que je sociabilise un minimum. Je commande un taxi qui me dépose devant le bâtiment. Armée de mes béquilles, je traîne ma carcasse et mon attelle au milieu de la foule. J’essaye de ne bousculer personne tout en gardant l’équilibre. Concentrée, j’avance jusqu’à l’ascenseur. Je ne suis pas assez motivée pour passer par les escaliers, n’ayant pas non plus trois heures à perdre. La porte se referme juste devant moi. Je grogne presque de frustration quand une main vient coincer le mécanisme et me permet d’entrer. « Merci beaucoup. » Je glisse par automatisme. Je fixe le sol pour entrer, ne voulant pas glisser. « Oh merde... » Je murmure lorsque je reconnais cette voix. Orso. Il ne manquait plus que ça, plus que lui. Sa condescendance est palpable. Je lève la tête vers lui, son sourire me donne déjà envie de le gifler. « Il ne fallait pas te donner cette peine alors ! » Après tout, je n’ai rien demandé. Si je l’avais vu plus tôt, j’aurais attendu jusqu’au prochain ascenseur. Tout pour éviter de passer du temps avec cet énergumène, même quelques secondes. Je manœuvre afin de me déplacer le plus loin possible de lui. Ce faisant, l’une de mes béquilles vient écraser son pied. L’air de rien, je bascule une partie de mon poids dessus avant de continuer à avancer. « Oups, désolée. » Je ne le suis absolument pas et j’affiche un grand sourire, fière de moi. Je déchante rapidement quand notre embarcation se met à trembler puis s’arrête. Nous sommes entre le deuxième et le troisième étage. Ce n’est pas normal. « Dites-moi que c’est une blague... » Franchement, j’aurais mieux fait de rester sur mon canapé.

@Orso Luciano

A l'instant où je reconnais Aleksandra, j'peux pas omettre qu'elle est en béquille. Elle a dû comme moi se blesser pendant la tempête. J'y pense parce que j'la connais Alek, j'l'ai un peu cotoyer à une époque et elle fait partie de ces gens qui n'écoutent rien. Exactement comme moi. Après tout, ça n'était pas pour rien qu'on avait cliqué elle et moi. On était deux gros têtus. Et si moi j'étais parti courir le soir de la tempête alors que ma coloc m'avait fortement déconseillé de le faire, j'étais prêt à parier qu'elle aussi avait fait sa forte tête. Toujours est-il que là, on s'retrouvait à partager l'étroitesse de l'ascenseur pour quelques dizaines de secondes. C'était juste le temps nécessaire pour s'envoyer quelques horreurs aux visages, cracher un peu notre venin et se séparer une fois les porte réouvertes. C'était ça le plan. Et j'avais plongé à pieds joints (malgré ma cheville en vrac) dans les méandres de la provocation. Elle avait de la ressource Alek, et sa première réponse me fit hausser les épaules. "Ca m'apprendra à vouloir être poli." Lorsqu'elle passait à côté de moi pour trouver sa place, elle m'écrasa bien joliment le pied et je grimaçais de douleur. Fort heureusement, c'était mon bon pied, sinon clairement j'aurais hurlé. J'gardais bien sous silence la douleur que j'ressentais. J'répondais pas à son "désolé" tout sauf sincère et j'gardais le silence, attendant juste que l'ascenseur fasse son job. Mais faut croire que le centre commercial a un p'tit soucis avec son élévateur parce qu'il s'arrête alors que l'écran affiche un bel entre deux. J'écarquille les yeux, parce que je comprends instant ce qui se passe. Je soupire et je sens la colère monter. "Mais sérieusement?" que j'dis en m'adressant à personne. "Deux fois de suite, really?" que j'rajoute en ouvrant un peu les bras. J'crois que j'avais une malédiction avec cet ascenseur. La dernière fois, c'était avec Sierra. Ca avait été très tendu au début et on avait fini par s'embrasser. Je doutais fortement que le même scénario puisse arriver à nouveau avec Alek. J'm'avançais vers les boutons et j'appuyais sur celui qui indiquait la p'tite cloche. "La dernière fois, ils ont mis plus d'une heure à me sortir de là." que j'disais cette fois en m'adressant à Alek. J'me retournais, calant mon dos contre la paroi. "J'crois que c'est ton lucky day." que j'rajoutais d'une manière un peu lourde. Parce que je savais parfaitement qu'Alek, elle allait réagir, et vu qu'on avait rien d'autre à faire que d'attendre, autant que ça devienne marrant en usant à profusion de la provocation.

@Aleksandra Martillo

Je ne souhaite qu’une chose : que ce trajet se termine rapidement. L’envie de fuir Orso est si forte que j’hésite à faire demi-tour et à sortir de l’ascenseur. Mais c’est trop tard, les portes se referment après mon passage. Pour une fois, que je mets le nez dehors, il faut que je tombe sur cet homme fort désagréable. Le hasard fait bien les choses... Mon cul, oui. Je pouvais difficilement tomber sur une pire compagnie. « Être poli, comme si tu en étais capable. » Je soupire. Seulement quelques secondes que nous sommes dans la même pièce et j’ai déjà envie de lui arracher les yeux. Au lieu de ça, je lui écrase le pied avec ma béquille sans faire exprès, ou pas. Je fais mine de m’excuser, mais n’en pense pas un mot. Qu’il souffre un peu, ça lui servira de leçon. Même si je ne l’avouerai jamais à voix haute, notre rupture lointaine m’a fait mal. C’est un retour de bâton encore trop faible d’après moi. M’enfin, je suis fière de ma bêtise, de ma petite victoire quand je le vois serrer les dents. Je gagne le fond de l’engin métallique quand il se met à trembler. Je me repose contre le mur pour ne pas perdre mon équilibre déjà précaire. Puis, la boîte s’arrête entre deux étages. Je peste, soûlée. Il ne manquait plus que ça. Me retrouver bloquer avec mon ex... Trop bien cette après-midi ! Franchement, j’aurais mieux fait de rester sur mon canapé à m’encroûter. Je lève un sourcil à la remarque du brun. « Deux fois de suite ? Ça t’arrive souvent de squatter les ascenseurs ? » Il se fait des tripes bizarres pendant ses après-midi lui. Je regrette de plus en plus d’avoir franchi les portes du centre commercial. Les secondes passent et notre embarcation ne redémarre pas. Je lâche un énorme soupir, commençant à m’énerver. « Une heure ? Oh non, non... Ça ne va pas être possible. » L’un de nous ne va pas ressortir vivant cet endroit si nous devons rester bloqués plus d’une dizaine de minutes. Nous avons beaucoup trop de mal à nous supporter et il y a de fortes chances que nous nous sautions dessus. Pas dans le sens sexy et agréable, ce ne serait pas notre genre. Au contraire, si nous sommes contraints de nous côtoyer : ce sera dans le sang et dans les larmes. « De la chance ? Tu te fous de ma gueule ? » On en est bien loin. « Je suis tombée en enfer, tu veux dire. » Voilà, le décor serait déjà plus ressemblant. Il manque juste quelques flammes dans un coin et ce serait le tableau parfait. Orso dans le rôle de Satan, cela lui convient bien... Mais il ne fait pas le poids face à Tom Ellis, non plus. Je calme mon imagination. « Merci de patienter... » Nous explique la voix automatique à travers le haut-parleur. Sans déconner ? Elle veut qu’on fasse quoi d’autre exactement ? Je râle encore. Ma jambe est douloureuse et je commence à fatiguer de rester sans bouger sur mes appuis. Alors je me laisse glisser le long de la paroi et fini par m’asseoir à même le sol. Je tends mes membres devant moi. Ce n’est ni propre, ni confortable, mais je n’ai rien de mieux. Alors cela fait l’affaire. Je lève les yeux vers le jeune homme. « Au fait, comment va ta voiture ? Tu as fini par retirer la déco ? » Je fais référence aux publicités que j’ai collées sur son véhicule la dernière fois que nos chemins se sont croisés.
@Orso Luciano