There is a light that never goes out (Emersen)

Il n’y avait que ça aux informations. La tempête arrivait à Bowen, et la pluie qui s’abat sur la ville depuis plusieurs jours démontrent l’intensité de l’épisode météorologique. Les médias parlent d’un événement rare, qui ne s’est pas produit depuis plusieurs années. A l’école, les professeurs ont demandé aux parents de garder les enfants, pour éviter tout risque et la ville se protège. Alba a passé les derniers jours à la galerie à protéger les œuvres, anxieuse que l’eau s’infiltre et vienne détériorée les différentes œuvres d’art. Son exposition actuelle fonctionne et l’artiste souhaite continuer à exposer à Bowen pour encore quelques mois. A l’approche de la tempête, il lui est impossible de revenir pour récupérer ces créations et Alba s’évertue à les protéger comme elle le peut. Les inondations ne sont pas très loin de la galerie, l’obligeant à faire un détour pour rejoindre sa boutique. Depuis deux jours, elle revient exténuée à la maison, ayant passé la journée à emballer et déplacer les meubles pour les éloigner du risque. Dans sa maison, avec Léo, Jon et Kai, Alba panique, les pluies sont de plus en plus fortes, mais l’épisode n’est pas encore à son maximal. Elle tourne en rond incapable de rester en place, tant l’angoisse des dégâts sur sa galerie la pèse. Elle a l’impression que certaines œuvres ne sont pas assez bien protégées, que les papiers administratifs risquent d’être indéchiffrable et pire encore, elle repense à son matériel de photo professionnel, qu’elle laisse à la galerie car ça lui permet de prendre de belles photos pour la communication. Son ordi rempli de souvenirs de ses enfants, de son couple, de la Thaïlande est laissé à l’abandon dans une zone qui est censée être assez touchée par la tempête. « Je ne peux pas rester là. » Dit-elle en se levant. Léo est dans la chambre, en train de s’occuper d’un truc, Jon et Kai jouent. Elle prépare son sac, prends les clés de sa voiture. « Je vais à la galerie, je reviens tout à l’heure. » Elle ne lui laisse pas le temps à Léo de réagir, déjà dehors, rentrant rapidement dans sa voiture pour éviter la pluie. En quelques instants, elle avait déjà pris la route. Ils voient de leur chambre la mer s’affoler et les nuages menaçants, mais pour Alba c’est impensable qu’elle ne retourne pas à la galerie pour s’assurer que tout est bien protégé. La route est catastrophique, des parties sont inondées, rendant la conduite dangereuse et presque impraticable. Elle met le double de temps pour aller sur son lieu de travail, se garant devant la boutique bien cloisonnée. Elle s’empresse d’allumer la lumière, récupérant son ordinateur et appareil photo qu’elle fourre dans son sac. Elle prend les deux boîtes de papiers administratifs, s’aidant du tabouret pour les placer en haut de l’étagère, satisfaite parce qu’elle aura fait tout ce qu’elle pouvait pour protéger au maximum les biens de la galerie. Par manque de clairvoyance, Alba perd l’équilibre, tombant sur le sol dans un grand fracas la tête la première, les cartons retombant sur elle. C’est le noir complet.

À travers la baie vitrée, le spectacle de la mer déchaînée était époustouflant, effrayant également, mais totalement captivant. Léo et les enfants avaient passé une partie de la journée le nez collé à la vitre. Kai était particulièrement absorbée par cette vue, ces vagues gigantesques qui engloutissaient la plage pour répartir quelques secondes plus tard. Et ainsi de suite, inlassablement. De ses petits babillements et ses quelques mots, ses encore ! stridents et joyeux faisaient fondre le jeune papa. Lui faisant oublier l’angoisse de voir, peut-être, les vagues se rapprocher dangereusement de la maison. Quelques années plus tôt, quand il était encore célibataire sans enfants, cette maison ç'avait été son coup de coeur, la vue sur la mer, les grands espaces lumineux, le sous-sol pour y installer sa chambre noire. Aujourd'hui, en voyant les éléments se déchaîner si près de lui, il se demandait si c'était une si bonne idée que ça. Et évidemment, il avait peur pour les enfants, parce qu'il le savait, ce genre d’événements allait arriver de plus en plus fréquemment. Rien que l’arrivée de Kai dans sa vie en était une preuve, aussi heureuse que douloureuse. Le photographe avait pris quelques clichés, lui permettant de relativiser, de prendre du recul. Il avait aussi tout fait pour occuper les enfants, Jonah surtout. Rester enfermé à la maison, pour un petit garçon qui avait besoin de vivre en extérieur, de faire du surf, du skate, de grimper aux arbres, c'était comme être en prison. Alors ils avaient fait de la cuisine, rangé sa chambre, créé un système solaire en carton en récitant le nom des planètes. Tout pour qu'il ne vienne pas accaparer Alba. Léo avait bien remarqué que sa compagne était préoccupée, elle ne parlait que de sa galerie, des œuvres en danger. Et il comprenait, artiste lui-même, il en serait malade de voir la galerie ravagée. Cependant il arrivait à prendre plus de recul que la blonde. Il était occupé dans la chambre de Kai quand il entendit Alba dire quelque chose, de loin, puis la porte d’entrée claquer. Il se précipita alors dans le salon mais elle était déjà partie. En panique, il envoya un message pour savoir ce qu’il lui prenait. Message auquel elle répondit de sa voiture, elle allait à la galerie. Emerson pesta, elle était inconsciente, le vent soufflait trop fort, la pluie battante empêchait de voir à trentre mettre, c'était une folie. Mais Alba était déjà partie, lui laissant les enfants sur les bras. Il ne chercha pas à envenimer la situation, de toute manière c'était trop tard. Il lui renvoya simplement un message pour lui demander de faire attention et de le tenir au courant. Et puis les minutes passèrent, une heure, deux heures. Jonah réclamait sa mère, Kai était agitée également, Léo, de plus en plus nerveux. Alba n'avait pas donné de nouvelles. Il avait envoyé deux messages, le premier qu'elle avait vu, c’était déjà bien. Le deuxième qu'elle n'avait pas ouvert, une demi-heure plus tôt. Il essaya de l’appeler, sans réponse, attendit encore quasiment trente minutes. En vérité il avait une sorte de pressentiment, un truc irrationnel qui faisait s'emballer son cœur et le rendait fébrile. Alors il se rendit chez sa voisine d’à côté, pas question d’appeler sa mère cette fois, c'était trop dangereux de sortir les enfants ou de la faire venir chez lui. La vieille femme à côté était toujours ravie de voir Jonah et Kai et quand Léo lui expliqua brièvement la situation, elle accepta dans la seconde de les prendre chez elle le temps qu'il aille retrouver Alba. Ainsi soulagé pour les enfants, il entreprit d’abord d’appeler les secours, mais toutes les lignes étaient saturées, alors il prit son 4x4 pour se rendre à la galerie. La route était mauvaise, des arbres sur la chaussée, des trombes d’eau, il crut plusieurs fois devoir faire demi tour ou rester coincé. Mais il réussit finalement à arriver entier. La voiture d’Alba était toujours là, Léo sentit mal. Il poussa la porte à la volée. Alba ?! Alba !! Tu es là ? Aucun bruit, il s'avança alors dans la réserve et ce fut là qu'il la vit, allongée face au sol, l’escabeau renversé sur elle, des dossiers éparpillés au sol également. Il se précipita auprès de la blonde. Alba ? Putain qu’est-ce que tu as fait ? Tremblant de panique, le brun était incapable de savoir quoi faire. Il sortit son téléphone et essaya à nouveau d’appeler les pompiers mais fut incapable de joindre qui que ce soir. Alors il hésita quelques secondes, pris le temps d'analyser la situation, elle respirait, aucun membre n’était dans un angle inquiétant. Il savait bien qu'on ne devait pas bouger quelqu'un d'inconscient, qu'il fallait attendre l'intervention des secours. Mais si les secours n’arrivaient jamais ? Léo prit alors une décision déraisonnable, avec mille précautions, il bougea tout ce qui était autour de la blonde, puis sorti ouvrir toutes les portes, enlever les sièges auto de la banquette arrière de sa voiture et souleva Alba du sol, il lui semblait qu'il prenait une poupée de chiffon dans ses bras, c'était bouleversant. Il l’installa à l'arrière de la voiture et conduit le plus prudemment possible jusqu'aux urgences. C'était déjà le chaos, mais ce n’était rien comparé à ce qui arriverait plus tard. S'il vous plaît ! Pardon, s'il vous plaît, aidez-moi ! Ma femme est blessée ! Un médecin urgentiste arriva à leur hauteur, demanda ce qu'il était arrivé, ce à quoi Léo était incapable de répondre. On mit Alba sur un brancard et elle fut emmenée loin du photographe. Il était rassuré, au moins ici elle serait prise en charge. Tout irait bien. N’est-ce pas ?

@Alba Jensen

Peut-être que Léo ne pouvait pas comprendre les raisons qui poussaient Alba à retourner à la galerie. La jeune femme a grandi dans un milieu privilégié, même si les premières semaines de sa vie n’ont pas été des plus lumineuses. Ses parents gagnaient leur vie convenablement, possédant une grande maison avec toutes les commodités qui rendaient leur quotidien confortable. Jamais elle n’a eu à se soucier de ses notes ou de l’argent. Débrouillarde, elle avait toujours eu la possibilité de les appeler si elle avait besoin d’aide. Alba avait toujours été bien entourée, et rien de trop dramatique n’était venu perturber sa vie. Seul son cœur avait souffert entre le sentiment d’abandon qui la hantait et son histoire tumultueuse avec Léo. La galerie était une de ses plus belles réussites, un projet qu’elle avait monté seule et dont elle était fière. Reconnue par ses pairs et les artistes, elle avait créé un lieu de rencontres artistiques et dans lequel elle avait mit beaucoup d’économie et d’énergie. Cette tempête mettait en danger un de ses plus beaux accomplissements et la raison avait disparu. Evidemment, lorsqu’elle avait pris la voiture, ses pensées s’était tournées vers Jon et Kai en premier lieu et ensuite Léo. Elle aimait sa famille plus que tout, et si elle avait à choisir entre eux et sa galerie, il n’y aurait pas une seule seconde d’hésitation pour Alba. Léo, Jon et Kai seront toujours les gagnants parce qu’ils étaient son monde, sa raison d’être à présent et l’amour qu’elle leur portait était impossible de décrire. Il faudrait lui arracher son cœur pour le comprendre, il n’y avait pas d’amour plus pur et plus fort. Evidemment qu’en prenant ce risque elle pensait à eux, mais ils étaient en sécurité chez Léo et elle. Mais sa sécurité face à la perte de sa galerie ne lui semblait pas si importante parce que sa galerie était une vraie réussite et elle comptait en prendre soin. Alba ne pensait pas qu’une fois à l’intérieur de la boutique sa sécurité était en danger, la tempête était à l’extérieur, et elle n’avait qu’à sécuriser tout ce qui lui coûterait cher. Elle avait répondu en chemin à Léo. Il lui avait renvoyer des messages, mais son but était d’être rapide pour vite retrouver le cocon familial. Cette précipitation l’empêchait d’être attentive à sa sécurité, ne prenant pas le soin d’être bien sur ses appuis pour soulever ce carton. Le déséquilibre arrivait et sans se rendre compte, Alba tombait frappant lourdement sa tête sur le sol. A l’intérieur, son cerveau subit un choc qui la fit perdre connaissance aussitôt. Elle ne sentait pas Léo se précipiter vers elle, la portant délicatement jusqu’à la voiture. Il lui fallu plusieurs heures pour se réveiller. Sa tête lui faisait mal, une migraine forte et des fils qui la reliait à quelques médicaments. De sa chambre, elle voyait le chaos, et elle entendait la pluie battre à l’extérieur. La tempête était arrivée, et elle sentait la panique la submerger ne se souvenant de rien. Une paire d’yeux l’observait. « Vous avez eu un saignement dans votre cerveau. Tout va bien, vous avez eu une chirurgie, vous allez devoir rester quelques jours pour qu’on vous surveille, mais tout va bien. Vous avez également une clavicule cassée, mais rien qui ne puisse se réparer facilement. » Alba essayait de mémoriser les informations, se sentant seule dans cette chambre. « Comment je suis arrivée ici ? » Disait-elle, ne se souvenant de rien. « Je l’ignore. Le chirurgien va venir vous parler dans quelques minutes. » Elle n’avait rien Alba pour prévenir Léo et les enfants. Elle ignorait que l’homme qu’elle aimait se trouvait à quelques mètres dans la salle d’attente.