le mythe des surfeurs blonds. (lachlan)

je me lève de bonne heure ce matin encore. pas trop frais, un peu la tête dans le cul, et complètement fatigué, mais c'est pas grave, parce que savoir que je vais glisser sur la mer me met de bonne humeur. bon, je ne suis jamais vraaaaiment de mauvaise humeur non plus, mais voilà quoi. alors après une douche ressourcante et un petit-déjeuner copieux, je file à la plage. la routine, en somme. j'ai ma combi à moitié enfilée et nouée à la taille, mon sac sur le dos, ma planche sous le bras, et mes pieds nus appuient tour à tour sur le pédalier en alu de mon vélo pour me rendre à bon port. rien de mieux que l'air marin de bowen au réveil, ou peu après. ou même n'importe quand, en fait. c'est tellement agréable. bref, tout ça pour dire que oui, je suis bien arrivé à la plage. le vent fouette mon visage et fait virevolter mes mèches dans l'air tantdis que mes pieds foulent le sable frais. une brunette arrive à mon niveau en trottinant, et je me demande ce qu'elle me veut. et en fait, je reconnais sa tête, on s'est déjà vus quelques fois, si je n'me trompe pas. "lachlan, c'est ça ?" je hoche la tête, oui, c'est ça. étonnant qu'elle s'en souvienne, d'habitude les gens ne s'en rappellent pas et m'appellent blondie. du coup, ça fait plaisir de voir que mon prénom a marqué au moins un esprit. "et toi, c'est poppy, je crois ?" pitié, que je ne me trompe pas.. je continue d'avancer vers la mer, les vagues me font leur chant comme des sirènes. difficile d'y résister. "qu'est-ce que tu fais au spot aussi tôt ? tu surfes aussi ?" ben c'est vrai que c'est bizarre de venir ici de bonne heure quand même, sauf pour les habitués, remarque. n'empêche qu'en y réfléchissant, je n'pense pas qu'elle surfe, vu qu'elle n'a sensiblement rien pour.

j'avance lentement sur la plage, direction la mer, poppy à mes côtés. les grains de sable s'infiltrent entre mes orteils alors que je lui demande si elle est, elle aussi, ici pour surfer. mais c'est son rire qui retentit dans les airs, me stoppant net dans ma marche. ah, c'était si drôle que ça ? "pas encore, en fait. je comptais sur ton aide." ah ? j'hausse un sourcil, pas sûr de bien comprendre ce qu'elle veut dire par là. mais vu ses doigts qu'elle fait craquer nerveusement, sa main sur mon épaule et son air solennel, j'en conclus que j'avais vu juste. "lachlan, ta mission si tu l'acceptes... serait, un jour, de faire tenir la fille la plus maladroite de bowen sur ça..." et elle désigne ma planche. en plein dans le mille, j'en étais sûr, elle veut que je lui apprenne à surfer. "au texas, c'est pas vraiment le sport national." un sourire fend mes lèvres, c'est vrai que ce n'est pas là-bas qu'elle pourrait bien surfer.. "et ça devient quelque peu insupportable d'être une inculte qui s'extasie devant vous chaque matin pendant mon jogging." mon sourire s'étire un peu plus. "ça m'dérange pas moi, j'adooooore qu'on m'admire !" je ris, un peu pour appuyer sur le fait que je ne suis absolument pas sérieux dans mes paroles. non, je ne suis pas imbu de ma personne, certainement pas. "tu crois que ça serait possible ?" je plante la planche dans le sable et la regarde dans les yeux quelques instants. alors... oui, ou non ? oui, non, non, oui.. "allez, je relève le défi, ça promet d'être drôle !" le tout, c'est qu'elle ne soit pas susceptible si je me moque un peu d'elle au début.. pitié pas ça.. "on commence quand ? maintenant ? moi j'suis chaud !" je me frotte les mains. allez, hop hop hop, c'est parti ! j'ai hâte de voir ce que ça va donner, sérieusement ! "t'as un maillot avec toi ? vu que tu dois pas avoir de combi, j'imagine ?" sauf si elle a déjà tout prévu ? ma foi

oh oui, oh oui ça va être drôle. déjà, apprendre à quelqu’un à surfer, c’est drôle, parce qu’on se casse touuuuujours la figure les premières fois. mais alors si ce quelqu’un –enfin, quelqu’une en l’occurrence-, est maladroit, c’en est pas fini de rire. on va vraiment rigoler, et pas qu’un peu. « si tu savais dans quoi tu te lançais mon pauvre, enfin si je peux faire quoique ce soit en échange... » hm, si je n’avais pas fait gaffe à son intonation, je pourrais croire qu’elle me fait des avances, là. mais non, elle a un ton plus que sérieux, et elle veut vraiment me rendre service en échange ? « oulah, j’crois pas, j’fais ça pour le plaisir, j’attends rien en échange, t’inquiète » ouais, vraiment pas. quoi que, j’pourrais peut-être faire payer mes cours de surf un jour.. hm, non. ouais, non. ne jamais oublier : je fais ça pour-le-plaisir. la passion. l’amour du surf. franchement, si je commence à faire de ma passion mon métier, je sais que je vais m’en lasser. non, jamais de la vie. bref, j’lui propose de s’lancer, genre, maintenant. ben ouais, attends, on y est, là, sur la plage, j’ai ma planche, autant en profiter tant qu’il est temps, que les vagues sont bonnes et qu’il y a pas les touristes encore, mais que les habitués. parce que, si on attend encore, elle n’arrivera jamais à apprendre quoi que ce soit avec les touristes autour d’elle. « ouais, j'ai juste le maillot et les deux-trois techniques de base pour se mettre debout sur la planche. mais je t'avoue que c'est pas vraiment ça et que lors de mon premier essai, on s'est pas aventuré dans l'eau. mais si tu veux profiter des vagues avant, y'a pas de mal. » je ris, ouais, je ris, j’explose de rire, même. « t’es restée sur le sable ? attends, attends, on va commencer par apprendre la base : le surf est un sport a-qua-tique. » oui, j’me moque d’elle, un peu. bon, d’accord, beaucoup. mais en même temps, si elle va pas dans l’eau, elle risque pas d’apprendre à surfer, hein. « nan t’inquiète ça va, j’profiterais après, ou pendant, peu importe. on peut y aller alors si t’es prête ? besoin d’te changer, d’ranger tes affaires peut-être avant ? » j’sais pas, on sait jamais.