why do we fall in love so easy ∞ pandore.

Où elle va ce soir ? Elle hausse les épaules à la question de ses colocataires, qui l'ont prise en flagrant délit sur le seuil de la porte. Elle détourne le regard. Y a des jours comme ça. Où elle a l'impression d'étouffer à l'intérieur, où il lui faut sortir, s'enfuir, courir dans les rues désertes dans la nuit. « Prendre des photos », trouve-t-elle alors à répondre et comme pour justifier ses mots – et être crédible – elle attrape son appareil photo-caméra et sort en les saluant. Elle les adore. Mais parfois, elle a besoin d'être seule. Plongée dans son propre passé dont ils ne connaissent peut-être même pas la moitié, elle a souvent le besoin primitif de se retrouver avec elle-même. Elle sort alors. Il est bientôt minuit, elle ne risque pas de rencontrer une quelconque connaissance. Ou peut-être un peu plus ancienne, ces créatures de la nuit qu'elle a souvent côtoyée lorsqu'elle était au fond du gouffre. Elle erre dans les rues comme un pantin désarticulé, et a alors l'idée de regarder ce que contient encore la mémoire de son appareil. Des choses que la journaliste ne parvient pas à effacer, des traces de moments fugaces qui se sont envolés sans qu'elle ne puisse les enfermer dans un bocal. Le sourire d'une mère, au bord d'une piscine, sous le ciel pourtant gris de Paris. Son ami – et amant ? – d'autrefois, en train de sommeiller, endormi sur son lit. Jack. Jack ou Amaury, ça n'avait aucune importance pour elle, elle les aimait les deux. Oui, elle l'aimait sûrement, même si jamais elle n'avait eu le courage de le lui avouer. Cinq ans de plus, schizophrène, qu'en aurait pensé ses parents, hein ? Elle soupire doucement et passe la photo de l'ange-démon endormi, pour trouver cette vidéo d'Emrys où il lui avoue tenir à elle. Pseudo-rendez-vous, fausse interview, le début de leur histoire. Elle sourit doucement. Et c'est là qu'elle se sent suivie. Elle est douée pour sentir ce genre de choses. Elle se crispe légèrement et tourne alors la tête. Bingo. Loin d'avoir peur – ça courra à sa perte, hein – elle se retourne alors pour faire face à l'inconnu. Elle relève ses yeux bleutés dans les siens... et tressaille violemment, incapable de dire un mot. Son ange-démon endormi sur son appareil photo. Là, devant elle, parfaitement éveillé. Avec cinq ans de plus. « J-Jack.. ? » murmure-t-elle, ébahie. Son coeur tambourine, elle a chaud ; elle n'a pas peur. Elle n'a jamais eu peur de lui. Elle a toujours su le défendre contre ses autres qui le traitaient de fou. Elle ne peut pas détourner son regard. Elle aimerait pleurer. Véritable paradoxe – elle n'a pas changé – elle préfère alors éprouver une rancune amère. Il l'a laissée. Moins de trois ans plus tard, ses parents mourraient sous ses yeux et elle n'avait eu personne, parce qu'il était déjà parti depuis longtemps. Puis la colère retombe. Elle n'a pas le droit de lui en vouloir. Elle ne savait juste plus que c'était ici qu'il s'était installé. « Ça fait.. longtemps. » C'est le moins qu'on puisse dire, oui. Déboussolée, elle sent sa gorge se nouer.