tu sais qu'il y a un bateau qui mène au pays des rêves (pandore)

Une soirée normale, banale, comme tant d'autres. Replonger dans la lassitude de ses vieilles habitudes : les bars, les cocktails, les beaux sourires des sales cons, les belles paroles des joyeux lurons. Cet endroit, elle le connait par coeur. En deux ans de vie ici, elle a passé un an et demi à le côtoyer bien (trop) souvent. À répondre aux avances de ces chasseurs cherchant leur proie. À s'enfuir de la froideur de leurs draps aux petits matins. Et à recommencer le soir d'après, provocant un contraste flagrant entre l'image de la journaliste sérieuse et déterminée qu'elle donnait le jour, et celle, désenchantée, de la jeune femme provocatrice et aguicheuse du soir. Aujourd'hui, si elle a reprit quelques habitudes comme venir traîner par ici, elle n'a pourtant pas réellement repris ce masque-ci. Ses yeux restent éteints, et son sourire, fatigué de faire semblant. Elle s'avance vers le comptoir, prenant sa place habituelle. « Alors blondie, je te sers la même chose que d'habitude ? » Pandore lève ses yeux bleus et perçants. Elle croise celui, sombre et fascinant, du barman. Elle a beau faire genre, elle ne vient pas à cette place là par hasard, mais loin d'elle l'idée de l'avouer. Elle fait mine d'hésiter, et rien que pour le contredire, par bonté de coeur, répond : « Non, ce soir, ça sera plutôt un cocktail, tiens. N'importe lequel. » Elle se penche légèrement en avant, sans le lâcher du regard, avant de murmurer : « Surprends-moi. » avec un léger sourire amusé, s'installant confortablement sur son tabouret, passant une main dans ses cheveux blonds.

Elle ne sait pas vraiment pourquoi est-ce qu'elle s'escrime toujours à le contredire, à le chercher, plutôt qu'à l'ignorer superbement comme elle le fait avec beaucoup de monde. Ou du moins faisait. Mais bon, ce comportement, ça a l'air de lui plaire, au barman. « Goûte moi ça. » Il pose devant elle un verre aux tons colorés. D'ici, elle peut déjà en sentir les affres alcoolisées. Veut-il la saouler ? Elle lève les yeux, plantant ses prunelles dans le regard, clair et bleuté comme le sien, de celui qu'elle sait s'appeler Adonis. Un prénom qui lui va plutôt bien. Avec un léger soupir, comme si cela était une contrainte, elle trempe ses lèvres dans le breuvage, sans le lâcher du regard pour autant. « Alors ? » Elle fait mine de grimacer. Elle ne va tout de même pas lui dire que c'est délicieux, quand bien même ça l'est, et que l'arôme des ingrédients qu'il a sûrement mis dedans camoufle plutôt bien le goût amer de l'alcool. « Trop fort. » lâche-t-elle seulement en haussant les épaules, comme si elle n'était pas convaincue. Elle l'est, pourtant, mais le charrier, elle adore ça, avec le plus grand des sérieux. Elle regarde un peu les alentours, avant de braquer de nouveau ses yeux sur les siens comme deux gyrophares. « T'as personne d'autre à embêter ce soir ? Ça me surprend, tiens. » fait-elle avec un sourire amusé, plongeant de nouveau dans son verre pour prendre une gorgée du cocktail préparé à son attention.

« Moi qui te pensais plus coriace que ça. » Elle esquisse un sourire amusé, en le dévisageant un long moment sans même chercher à répondre. Parfois, elle a l'impression qu'il lit en elle, et elle espère que sa carapace est bien plus solide que ça. Voit-il toute la culpabilité et la colère qu'elle porte ? Contre elle, et contre la reste de la Terre entière ? Elle lâche un bref rire moqueur. « Ce n'est absolument pas une question d'être coriace ou pas, mon cher. » réplique-t-elle sur le même ton qu'il a employé un peu plus tôt. Elle croise les bras, reprenant une nouvelle gorgée en insinuant le fait qu'il n'ait personne d'autre à embêter. « Non c'est assez calme ce soir. Mais dis-le hein, si t'attends ton rencard, j'voudrais pas casser ton coup. » Amusée par sa réponse, Pandore se retourne, faisant mine de chercher un visage parmi la foule. Mimant une certaine déception comme si elle ne trouvait pas ce qu'elle cherchait, elle secoue doucement la tête avec une légère grimace. « Ben ouais justement, j'attends quelqu'un. » invente-t-elle comme ça, sans trop savoir ce qu'elle attend comme réaction. Il n'en a sûrement strictement rien à faire, et si elle avait vraiment quelqu'un à voir, elle ne serait pas là, en tête à tête avec un verre, assise au comptoir avec des yeux tristes. « Mais je suis sûre que toi aussi, tu attends quelqu'un. Un tel homme que toi. » fait-elle railleusement, sans que l'on sache réellement si elle est sérieuse ou bien ironique, en plantant son regard bleu dans celui, tout aussi azur, d'Adonis.

Mais qu'est-ce que tu fous ? Ah, si elle-même le savait ! Mais non, elle n'en sait rien. Fuir ainsi a été sans doute la meilleure façon de lui montrer qu'elle avait été blessée. Et ce n'est pas ce qu'elle voulait. Elle qui s'obstinait à montrer aux autres qu'elle était intouchable, voilà qu'elle donnait la preuve à Adonis d'être terriblement faible, accessible par de simples mots. Mais c'est plus fort qu'elle. Il lui ressemble tellement qu'elle a l'impression qu'il connait toutes ses failles, qu'il sait comment l'atteindre.. ou comment la guérir. Dérisoire. Elle se noie dans son verre sans même le voir revenir vers elle. « Mais... enfin, qu'est-ce que j'ai bien pu dire qui t'as déplu comme ça ? Je ne voulais pas te blesser. Désolé si je l'ai fait... » Le pire, c'est qu'il a l'air sincère, et qu'elle a envie de le croire. Alors ce n'était pas volontaire. Alors pourquoi est-ce que ça t'atteignait autant ? Peut-être justement parce que c'était la vérité ? Elle secoue la tête. Elle aurait envie de se mettre à pleurer, de lui raconte ô combien elle n'en peux plus. Pourtant, Pandore lui sourit, avec une facilité déconcertante. « Ne t'en fais pas. Je suis susceptible en ce moment. » se justifie-t-elle alors en haussant légèrement les épaules, l'invitant d'un mouvement de la tête à s'asseoir avec elle. Elle observe son visage, et ses yeux, incroyablement clairs. « Mais je maintiens quand même le fait que tu t'amuserais plus avec cette barbie là-bas. »

Elle le sait, qu'il est comme elle. Mais elle n'essaie pas de creuser. Peut-être a-t-elle trop peur qu'il lui ressemble trop, peut-être a-t-elle trop peur de devoir affronter ses propres démons en découvrant ceux d'Adonis. Alors elle fait semblant – pour changer – de faire croire qu'elle ne voit rien. Mais les regards qu'elle pose sur lui ne mentent pas. Tout comme l'inverse, d'ailleurs. « Pour qu'elle me parle de sa dernière coloration et de son dernier vernis trop à la mode, non merci. » Pandore a soudain un sourire, ravie par cette réponse et par l'état d'esprit du barman. Ben oui, d'autres n'auraient vu en elle qu'un morceau de viande comestible. Lui, non. Et c'est ce qui pousse Pandore à lui donner toujours plus de considération. Il s'est installé, et commande à boire : signe donc qu'il va rester. Elle ne le montre pas, mais ça lui fait rudement plaisir. « Alors, qu'est-ce qui t’amènes au bar presque chaque soir ? Ma beauté légendaire ? » Elle ne peut pas s'empêcher de lâcher un léger rire, spontané et donc sincère. Elle sent son moral remonter petit à petit. Elle se penche légèrement en avant. « Mmh.. ça ou bien tes beaux yeux bleus, j'avoue. » répond-elle doucement avec un petit sourire, avant de boire une gorgée de nouveau, sans le lâcher des yeux non plus, comme si elle ne voulait pas briser le contact visuel entre eux.

« Juste mes beaux yeux ? Même pas mon déhanché de rêve ? » Elle se met à sourire, et lâche même un petit rire. Elle hausse les épaules, décidant d'oublier ce qui a pu la blesser peu avant. Elle secoue la tête, avant de poser un regard aguicheur sur lui. « Eh bien, vois-tu, je n'ai jamais pu profiter de ton déhanché de rêve, vu que tu ne m'as jamais invitée à danser. » réplique-t-elle sur le même ton que lui, soutenant le regard bleu et intense d'Adonis. Elle prend une nouvelle gorgée de son verre, laissant son corps se détendre au fur et à mesure que l'alcool envahit son corps et son cerveau, bien qu'elle soit encore très loin d'un état alcoolisé. « Et moi, chaque soir, je rêve de revoir ton regard azur et ton sourire radieux... » Il sait y faire, le chenapan ! Elle laisse un sourire fleurir sur ses lèvres, faisant mine d'être flattée. Elle décide de se laisser aller un peu, et d'entrer dans son jeu de séducteur. Après-tout, la flatterie, la provocation, c'est une deuxième nature chez elle, bien que ça n'ait toujours été qu'un masque, il est difficilement envisage pour elle de vivre sans. « Eh bien profite de ce soir où mon regard et mon sourire ne te sont que réservés, et entièrement réservés à toi. » murmure-t-elle doucement sur le même ton, légèrement penchée en avant, un sourire aguicheur sur les lèvres. En même temps, comment résister à pareil spécimen, hein ? Bien qu'elle apprécie réellement Adonis, elle serait bien en mal de lui résister s'il se mettait réellement à la séduire.