we need to talk (amalya)

Assise à la terrasse du bar de la plage, elle fait tourner son stylo entre ses doigts, les yeux rivés sur son livre. Elle a beau être en vacances, Eva est quand même plongée dans ses livres de droit. Elle n’a pas passé un seul jour de l’été sans les ouvrir. Son entourage a beau lui dire qu’elle doit lâcher un peu les études et profiter des vacances, mais c’est ce qu’elle fait. Seulement, elle alterne les deux et ce n’est pas comme si le droit ne l’intéressait pas. Ce n’est qu’après une bonne demi-heure qu’elle se décide à lever le regard et à fermer son livre. Alors qu’elle termine son verre et qu’elle s’apprête à partir, elle aperçoit Amalya assise à une table juste en face d’elle. Les deux jeunes femmes se croisent très souvent à Bowen mais elles ne se sont pas adressé la parole depuis qu’Amalya s’est installée en Australie. A chaque fois qu’elle la croise, Eva essaye de l’éviter, mais elle a toujours cette sensation bizarre. A cet instant défilent les images d’elles deux et Adam, passant tous leurs étés ensemble, des moments qu’elle ne pourra probablement jamais oublier. Elle était toujours impatiente que son amie vienne pour passer les vacances avec elle… La blonde fixe Amalya quelques secondes, celle-ci ne l’a pas remarquée. Ou elle l’ignore simplement, comme depuis qu’elle vit ici. L’ignorance est la facilité, c’est la meilleure façon d’éviter les explications et le dialogue. Pourtant, sans trop pouvoir se contrôler, Eva se lève et avance vers son amie d’enfance. Son visage est fermé même si elle a envie de lui adresser un sourire. Seulement elle ignore sa réaction, alors elle se contente de rester planter devant elle. « Bonjour Amalya… » Elle parle doucement, ne sachant pas trop comment continuer sa phrase.

Amalya aussi avait choisi le bar de la plage pour se plonger dans ses livres de psycho. Avec les journées loupées à cause de ses shootings, elle avait malgré tout pris un sacré retard sur le programme et ses vacances n'en était pas réellement. Elle était venue là tôt, pour profiter du calme avant que tous les chanceux vacanciers débarquent. Apparemment elle n'était pas la seule à avoir eu cette idée puisqu'une blonde qu'elle connaissait bien était elle aussi plongée dans ses bouquins. Cette blonde, c'était Eva. Eva, sa meilleure amie avec Adam quand elle venait passer ses étés à Bowen. Mais la distance et l'absence de communication a eu raison de cette superbe relation et les évènements n'y ont pas aidé. Que ce soit dans la vie d'Amalya ou d'Eva d'ailleurs. Ca fait presque quatre ans qu'Amalya s'est installée à Bowen, mais cela fait aussi quatre ans que les deux jeunes femmes se toisent sans s'adresser la parole. En réalité Amalya en mourrait d'envie mais sa fierté prenait le dessus. Et pour Eva cela devait sans doute être pareil. Alors quand Eva s'est levée de sa chaise et s'est avancée vers elle Amalya pensait à tout sauf à un début de conversation. « Bonjour Amalya… » Sa surprise devait se lire sur son visage. Il était sur qu'après quatre ans de non-dits la discussion allait avoir du mal à s'engranger.  « E-Eva ? » Réaction bête, elle savait que c'était Eva. C'était plus une réaction d'étonnement qu'autre chose. Secouant la tête et se rendant compte de l'opportunité qui s'offrait à elle, Amalya tendit le bras en désignant la chaise en face d'elle. « Je.. hum. assieds-toi. »

« E-Eva ? » La surprise peut parfaitement se lire sur son visage au moment où elle dit ça. On peut presque penser qu’elle dit ça parce qu’elle ne sait pas quoi dire d’autre. En même temps, la situation est un peu étrange. Oui, étrange, c’est le bon mot. Surtout lorsque la brune lui propose de s’asseoir. Alors là, ça devient un petit plus gênant. Eva hésite une poignée de secondes, mais ça serait pas cohérent de s’enfuir alors que c’est elle qui a décidé de s’avancer vers elle. Elle s’installe calmement en face de son amie, un très léger sourire se dessine sur ses lèvres mais elle n’ose même pas la regarder dans les yeux. Il est normal qu’après tant d’années, la conversation a du mal à venir et le dialogue est plutôt fermé. Pourtant l’australienne se sent déterminée à essayer de communiquer et surtout de comprendre ce qu’il s’est réellement passé pour qu’elles perdent contact du jour au lendemain. Elle se doute bien qu’il y a une raison, Amalya n’aurait jamais disparu ainsi. Même si pendant des années elle a cru qu’elle lui avait simplement tourné le dos, Eva s’est rendu compte en grandissant que l’amitié qui les liait était tout de même assez forte pour qu’elle l’abandonne comme ça. Elle pose timidement son regard sur Amalya. Elle n’a pas vraiment changé. Elle a toujours ses magnifiques cheveux longs et son visage est toujours le même. « Je… » S’en suivent quelques secondes de silence. Silence tellement pesant qu’on pourrait entendre les mouches voler s’il y en avait. « Comment vas-tu ? » demande-t-elle naturellement. C’est frustrant de voir à quel point Amalya est devenue presque une inconnue pour elle. Elle la fixe longuement en essayant de ne pas regretter d’être venue lui parler. Même si sa présence n’a pas l’air de déranger son ancienne amie, Eva ignore pertinemment quelle tournure prendra cette discussion. Du coup, pour en venir directement au but, elle lance le sujet calmement en jouant l’ignorante. « Tu vis à Bowen, maintenant ? » Comme si elle ne le savait pas.

« Je… » On voyait qu'elle était hésitante. En même temps, Amalya avait imaginé tellement de fois ces retrouvailles qu'elle non plus ne savait pas qu'elle habitude adopter face à Eva. Un lèger sourire se dessinait sur les lèvres de cette dernière. Amalya aurait aimé faire de même mais elle était trop crispée, presque gênée par la présence de son amie. Enfin ancienne amie vue la tournure de leur relation actuelle. Le silence prend peu à peu place dans la conversation. Enfin conversation est un bien grand mot. Avec trois mots chacune, on n'est pas encore arrivé bien loin. C'est Eva qui brise la glace, bien plus courageuse qu'Amalya. « Comment vas-tu ? » Eva semblait bien plus posée et naturelle qu'Amalya. Elle avait toujours eu ce petit caractère positif qu'Amalya appréciait tant. « Ca va, merci... » La voix d'Amalya était presque tremblante. A vrai dire elle avait même envie de pleurer. Après seize ans à se connaitre par cœur, trois ans de distance et quatre ans d'ignorance il y avait de quoi vouloir pleurer. Mais Amalya souffla un bon coup sans laisser paraitre la moindre émotion. C'était justement ces épreuves qui les avaient séparées qui avait forgé à Amalya ce caractère un peu fort. Pourtant, Eva ne se laissa pas démonter par la froideur de la brune. « Tu vis à Bowen, maintenant ? » Amalya hoche la tête. Eva savait très bien qu'elle habitait ici. Mais Amalya salua son effort de ne plus laisser le silence prendre place. « Oui, j'ai.. un appart. » Réponse complètement idiote. Elle devait s'en douter aussi. « Et toi ? » Question bête là aussi. Il fallait vraiment qu'Amalya soit perturbée pour dire ça. Elle essaya donc de se rattraper comme elle pouvait. « Enfin.. toujours au même endroit ? » Plus ou moins bien d'ailleurs... 

« Ca va, merci... » La voix un peu tremblante d’Amalya la fait frissonner. C’est tellement dommage d’en arriver là après tant d’années d’amitié. Eva se dit que si elle avait été lui parler plus tôt, la rancœur se serait peut-être effacée plus rapidement. Enfin, elle ne sait pas mais en tout cas, si elle vient parler à son amie, c’est qu’elle en a envie. Consciente que ça va être assez difficile de s’expliquer puisqu’il n’y a pas vraiment eu de dispute à proprement parler, elle ne sait pas trop comment aborder le vrai sujet. A vrai dire, il y a pleins de questions qui trottent dans sa tête depuis un moment mais elle a peur de la faire fuir, ou qu’elle se sente agressée. L’australienne veut surtout éviter qu’Amalya pense qu’elle veut régler ses compte. Elle veut régler et comprendre certaines choses certes, mais son but premier est de renouer un contact avec elle. Même s’il ne sera plus comme avant. Le lien qui les unissait était bien trop fort pour qu’elle puisse l’oublier en un claquement de doigt. « Oui, j'ai.. un appart. Et toi ? » Apparemment Eva n’est pas la seule à ne pas savoir quoi dire. Amalya doit déjà se douter qu’elle habite toujours ici. D’ailleurs, elle n’a pas le temps de répondre que ses impressions se confirment. « Enfin.. toujours au même endroit ? » Cette question lui fait repenser à tout ce qu’elles ont vécu ensemble, avec Adam, dans la maison de ses parents. Qu’est-ce qu’ils en ont passé du temps ensemble. Elle a envie de sourire en revoyant tout ça dans sa tête, mais elle se retient devant l’air crispé d’Amalya. « Je vis seule maintenant. Mes parents vivent à New York… » Son ton devient plus naturel, elle se décontracte un peu sur sa chaise, soulagée que les premiers contacts se passent plutôt bien. Du moins, il y a pire. Pour éviter  une nouvelle fois un silence trop pesant, elle enchaîne directement. « Je t’ai vu plusieurs fois à l’université, tu fais des études de quoi ? » A vrai dire, depuis quatre ans les deux anciennes amies se croisent un peu partout à Bowen, parfois sans même se regarder.    

Il était vrai qu'Amalya avait hésité maintes et maintes fois à aller voir Eva et les occasions n'en avait pas manquées. On aurait cru que quelqu'un les faisait se voir le plus souvent possible. Pourtant cela n'avait pas débloqué les choses plus tôt qu'aujourd'hui. Et encore, il fallait que tout se passe correctement et que rien ne déraille. Enfin Amalya allait tout faire pour que cela se passe bien. Ces années d'ignorances avaient été quand même difficiles à supporter. C'était surtout le fait de la croiser et d'éviter son regard qui lui faisait le plus de mal. « Je vis seule maintenant. Mes parents vivent à New York… » Les parents d'Eva, Amalya les adorait. C'était un peu comme sa deuxième famille quand elle venait ici à Bowen et elle était d'ailleurs souvent fourrée chez eux avec Eva et Adam d'ailleurs. Ils s'enfermaient dans la chambre d'Eva et se racontaient leurs histoires, ils partagaient vraiment tout. Et les parents d'Eva étaient les premiers à marcher dans leurs combines quand il fallait se justifier auprès de ceux d'Amalya par exemple. « Oh d'accord. Et... ils vont bien ? » C'était vraiment une question sincère. Si elle avait pu, elle serait bien revenue les voir un jour, rien que pour prendre de leurs nouvelles. « Je t’ai vu plusieurs fois à l’université, tu fais des études de quoi ? » Amalya esquissa un petit sourire, le premier depuis le début de la conversation. En fait, ça lui faisait du bien de lui parler, ça venait un peu illuminer sa journée en quelque sorte. Elle n'avait pas du tout pensé à ça en voyant la blonde assise à sa table tout à l'heure. « Je suis en troisième année de psycho, enfin je rentre en troisième année à la rentrée en fait. Et toi ? » Les mots venaient un peu plus facilement mais ce n'était toujours pas si simple de lui parler.