tiffany - j'suis parti frais comme un gardon, j'suis rentré fumé comme un saumon

Dimanche 9h. Mais qu'est ce que je fous là bordel ? Dans les vestiaires de la piscine ? En maillot de bain - affreux soit dit en passant, il faudrait que je songe à en acheté un autre - et encore à moitié bourré. Nan mais sans déconner Ariel, arrête de faire des conneries dans ce genre. T'es aucun respect pour toi même. J'me regarde dans le miroir qui surplombe les lavabo blanc de la piscine. J'suis blanc comme un linge. Rien ne serait arrivé si je n'étais pas tombé du lit ce matin. Littéralement. Il faut savoir que lorsque je suis saoul, je fais parti de ces gens qui tombent de leur lit. C'est très chiant. Donc ce matin, encore bien alcoolisé, j'suis tombé d'mon plumard et encore les yeux injecté d'alcool, j'ai eu la bonne idée d'aller à la piscine. En vrai, c'est pas pour aller faire des longueurs, c'est simplement pour faire un petit coucou à mon pote qui est maître nageur. T'en a d'autres des idées d'merdre comme ça Ariel? Et puis accessoirement aussi pour matter d'la nana. Quel gros beauf sans déconner, et puis quand bien même il y aura des jolies filles, c'est sûr qu'avec ta tête de déterrer c'est clair que ton charme va opérer. Va te recoucher Ariel, c'est mieux pour tout le monde. Très sincèrement, j'ai le regard trouble, j'suis pâle et j'ai des vagues de nausée qui secoue mon estomac. J'crois que j'ai abusé de la vodka. En même temps, qui, hormis les adolescents qui boit encore de la vodka ? J'ai envie de buter la voix dans ma tête, j'ai envie de me recoucher. J'ai envie d'un coca. J'ai envie de plein de chose, sauf d'être là. Juré, j'pense que j'vais cané dans la piscine si j'y fous un orteil. J'prends le chemin du bassin, j'passe dans le pédiluve (j'pense que c'est le mètre carré le plus dégueulasse sur terre) je titube, j'prends appuie sur le carrelage froid des murs, l'odeur de la javel me monte au nez et serre ma gorge. Juré, j'vais mourir. Les yeux rouges, la bouche sèche, j'm'assois sur le rebord de la piscine. J'vacille. Les pieds dans l'eau fraîche, ça fait du bien. Je soupire, je ferme les yeux et contrôle ma respiration. Comment ça j'suis minable ? J'vous permet pas. J'ai tout de même un courage monstre d'être venu jusque là avec une gueule de bois. Un peu de respect s'il vous plait.

Depuis que tu avais retrouvé les sensations dans tes jambes, tu pouvais à nouveau pratiquer certains sport. Bien sûr, il fallait que tu y ailles doucement, tu ne pouvais pas te permettre de mettre en péril ta rééducation. Tu pouvais notamment nager maintenant, tu arrivais à suffisamment bouger le bas de tes jambes pour rester à la surface mais pour ne pas prendre de risque, tu devais t'équiper d'une ceinture. Ce qui te donnait l'impression d'avoir à nouveau trois ans. Mais une noyade serait si malvenue, et même s'il y avait des maîtres-nageurs, tu ne voulais pas attirer l'attention sur toi. Pourtant, ton fauteuil se trouvait sur le bord de bassin. Sans parler qu'une adulte portant une ceinture, ce n'était pas commode. On pouvait en voir parfois lorsque certains essayaient de combattre leurs peurs de l'eau afin d'apprendre à nager. Il n'y avait pas d'âge pour ça mais ce n'était pas commun en effet. Après quelques longueurs, tu te rapprochait du bord de la piscine où se trouvait un jeune homme assis, les pieds dans l'eau. A mesure que tu t'approchais de lui, tu remarquais certains détails, comme la pâleur de sa peau, ses traits tirés ou encore ses yeux rouges. « J'espère pour vous que vous n'allez pas vomir dans la piscine ! » ajoutais-tu doucement une fois arrivée à sa hauteur, un léger sourire sur le visage. Tu voulais essayer de briser la glace de la façon la plus simple possible mais à y repenser, ce n'était peut-être pas la meilleure option, il avait vraiment l'air mal en point. « Vous avez l'air vraiment pâle, vous allez bien ? » demandais-tu plus sérieusement, ne le quittant pas du regard. Tu n'avais pas l'impression de le connaître mais pour autant, tu ne pouvais t'empêcher de t'intéresser à lui. Tu te hissais alors sur le rebord, pour venir t'asseoir à ses côtés.

J'suis assis au bord de la piscine. Franchement, j'fais vraiment pitié. J'attends juste qu'un maître-nageur me repère et me reconduise vers la sortie. J'aurais pas le courage de nager. Il faudrait que j'aille me caler dans le jacuzzi mais je n'ai même pas la force de bouger. Bon, peut-être que j'en fais des caisses quand même, j'vais pas mourir non plus, mais j'me sens pas très très en forme. En fait, le pire dans tout ça, je crois que c'est l'ivresse encore présente qui me déboussole le plus. J'ferme les yeux, l'eau fraîche enlace mes pieds et mes chevilles, ça fait du bien. J'entends alors quelqu'un s'approcher de moi. Mes yeux injectés d'alcool se pose sur une jolie jeune femme blonde dont la taille est encerclée par une ceinture flottante. J'suis un peu trop paumer pour relever tout de suite. J'entends sa voix douce qui me parvient, ses mots m'arrache un sourire. Si je souris, déjà, c'est que j'suis pas trop proche de la mort. "Rooh arrête Ariel, t'en fais des caisses là!". Je hausse les épaules. "Très sincèrement, à votre place, je resterais pas dans l'eau, juste par précaution." Je souris encore, mon humour est un peu nul, mais là, j'suis pas capable de faire plus. La jeune femme semble s'inquiéter pour moi. Elle me demande si tout va bien et vient s’asseoir à côté de moi. Elle semble douce et sa présence m'apaise. Et là, j'sais pas pourquoi, j'lui raconte un gros mytho. Comme si j'assumerais pas d'être encore bourré. J'fronce un peu les sourcils et j'lâche l'air assez sérieux : "j"crois que j'ai trop forcé sur l'entraînement, j'nage depuis trop longtemps." Mais quel gland cet Ariel ! J'pense qu'elle va directement ma griller, j'ai pas la tête d'un mec qui s'est entraîner mais d'un mec déterré. Le mensonge fait partie de ma vie et puis, de toute façon, j'trouve toujours un moyen pour me retourner si la situation se gâte. Je pose mes yeux sur sa ceinture et j'estime que c'est à mon tour de poser des questions. "Vous essayez de combattre votre peur de l'eau ?"  Cette rencontre est assez surréaliste, on s'parle dans le silence opaque de l'humidité et de la javel. Ca m'fait du bien, j'pourrais presque dire que ça va mieux.

Le jeune homme ne semblait pas mal prendre ta petite phrase, bien au contraire, il te donnait même un conseil plutôt avisé. Conseil que tu suivis à la lettre puisqu'en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, tu te retrouvais assise à ses côtés. « C'est bien pour ça que j'en sors ! » Sans plus attendre, et voyant que tu avais l'air soucieuse de son état, il te donnait une réponse qui était loin d'être satisfaisante. Elle aurait pu marcher en d'autres circonstances mais là il était mauvais menteur. Ce qui te fit sourire, tu ne savais pas pourquoi il te cachait la vérité, c'était son droit mais tu aimais savoir les choses. Un peu trop curieuse, tu t'octroyais certains droits par moment que tu ne ferais pas avec tes amis. Tu étais incorrigible pour ça. « Vous avez dû nager vraiment beaucoup parce qu'elle est pas ouverte depuis très longtemps, à moins d'avoir passé la journée d'hier aussi à nager. » Tout en gardant ton sourire, tu te rendais compte que tu lui donnais une chance de prendre ce que tu venais de dire afin de ne pas te dire la vérité. Et tu ne savais pas pourquoi, tu serais probablement têtue avec cet inconnu qui ne t'avait rien demandé. Ce fut son tour de poser une question, une que tu connaissais déjà par ailleurs puisque ce n'était pas le premier à la formuler. Mais en général c'était plutôt sous la forme d'une messe basse suivie d'un rire te donnant l'impression de ne pas exister jusqu'à ce que tu regagnes ton fauteuil et là ils faisaient moins les fiers. « En général c'est le fauteuil qu'on remarque en premier ! J'essaies plutôt de redonner un peu de force à mes muscles. » En même temps que tu lui répondais, tu lui montrais du doigt le siège juste derrière lui. Il ne devait pas être dans un état normal pour ne pas s'en être rendu compte, ce qui pourrait expliquer les yeux rouges mais tu ne devais pas tirer de conclusion hâtive, surtout que ça ne t'apporterait absolument rien. Si ce n'est le fait de savoir. Putain de curiosité déplacée.  

A partir du moment où j'ai supposé pouvoir lâcher un vomi à tout moment dans la piscine, la jeune femme s'est assise à côté de moi. Juré, j'peux vraiment vomir. Je me sens tellement mal. Et puis, faut pas oublier aussi que mon esprit marche au ralenti, que j'suis encore embrumé par l'alcool et que ma vision est largement troublée. J'pense que la jeune femme ne va pas tarder à découvrir mon état. Comment va-t-elle réagir ? J'vais peut être me retrouver en garde à vue. Ca serait cocasse vous pensez pas ? Un mec en slip derrière les barreaux. On adhère ! A sa réponse, j'vois bien qu'elle croit pas une seconde à mon exploit de nageur. Je reste immobile et répète ses mots comme pour essayer de trouver un écho à ce qu'elle dit : "pas .. ouverte .. depuis .. longtemps." Je marque une pause, repose mes yeux vitreux dans son regard vif et j'ajoute avec aplomb et un petit hochement de tête : "il faut dire que je nage très très très vite." Je souris misérablement, je sais bien qu'elle n'y croira pas, mais j'trouve marrant de s'obstiner. J'savais très bien que d'ici quelques secondes je serais bien obligé de lui dire la vérité, peut-être sait-elle déjà la vérité. Même bien saoul, j'avais remarqué la ceinture autour de sa taille, et sans a priori, je lui avais demandé pourquoi. Sa réponse résonna en moi. Je hochais la tête, me penchais pour apercevoir le fauteuil en prenant garde de ne pas basculer dans l'eau et j'me redresse vers elle. En temps normal, ça m'aurait fait réagir, j'aurais exprimé de la compassion, mon visage aurait naturellement pris une expression socialement acceptable, mais avec l'ivresse, l'information avait glissé sur moi, ça me paraissait totalement normal. "ah ouais, je vois. Genre, accident de voiture? T'es courageuse en tout cas." Mes réactions étaient vraiment décalées, jamais je n'aurais osé lui demander comme ça, aussi directement, ce qui c'était passé. Satanée ivresse.

Tu ne le croyais pas, tu ne saurais pas dire pourquoi mais sa réponse ne t'inspirait pas du tout. D'autant plus qu'il avait repris tes mots, comprenant que ce qu'il avait pu dire juste avant n'était pas vraiment crédible. Pour autant, même si tu étais curieuse, tu étais aussi très joueuse et s'il était prêt à s'enfoncer comme il le faisait alors tu voulais bien le suivre dans son mensonge, peut-être que le dénouement pourrait s'avérer amusant. « Alors effectivement dans ce cas ce n'était pas très malin ! Une course contre la montre, un record à battre ? » ajoutais-tu alors avec un sourire sur le visage. S'il répondait négativement, il avait dû nager vite par amour du sport et ça, ce serait fou ! Même toi tu n'étais pas capable d'en faire autant lorsque tu pouvais encore user de tes jambes mais tu n'étais pas non plus excellente dans tous les sports. Tu le faisais plus pour te dépenser, pour te vider la tête et pour te pousser à toujours aller plus loin mais battre un record, c'était loin de te plaire. Il tournait la tête lentement pour jeter un coup d’œil derrière toi avant de te regarder à nouveau, un visage impassible. Bien souvent, on te faisait des gros yeux, on prenait un voix un peu larmoyante et tu n'aimais pas ressentir leurs compassions, leurs tristesses ou même pire, leurs pitiés. Là au moins, tu avais l'impression d'être normale, ce qui était plutôt gratifiant pour toi. « Plutôt une chute lors d'une ascension de falaise mais l'idée est la même oui. Et pour ce qui est du courage, on n'a pas trop le choix de vivre avec alors j'suis pas sûre d'avoir beaucoup de mérite. » ajoutais-tu en haussant les épaules, un sourire sur le visage. Être parent célibataire c'était courageux parce que c'était un choix, mais vivre avec quelque chose qu'on n'avait pas choisi, on ne pouvait pas vraiment s'en vanter, encore moins s'en féliciter.

Il fallait vraiment que j'arrête de faire ce genre de chose. Le mensonge ne me va tellement pas en plus. On dirait un gamin de huit ans qui essaye tant bien que mal de mentir mais qui ne sait absolument pas s'y prendre. Le mensonge, ça avait toujours été un concept assez flou pour moi. Et d'ailleurs, en tant normal, quand je n'étais pas saoul, je ne mentais pas comme ça, pour rien en plus ! Mais un peu alcoolisé, j'me sentais l'âme d'un menteur. Et résultat, je passais pour un con. L'inconnue savait parfaitement que je mentais. Je le voyais à son petit sourire. Elle jouait avec moi, juste pour voir jusqu'où j'irais. Quel génie tu es Ariel ! En vrai, j'comprenais bien que c'était ridicule, et sûrement que l'alcool devait se dissiper de plus en plus. Je soupirais et plongeais mon regard dans le sien. "Tout à fait oui ! J'crois que c'est plutôt un record de conneries et de mensonges en fait!" J'souriais et j'me passais les mains sur le visage terminant mon geste par me recoiffer. "Nan en vrai, j'suis très mal, mais plutôt parce que j'ai un peu trop bu." J'souris, j'me sentais tellement con. "Mais ça fait plus classe de dire que j'ai trop nagé, vous voyez?!" J'fais d'la peine, j'aurais du rester au lit je crois.
J'écoutais sa réponse, une chute d'une falaise, elle devait être très sportive avant, sûrement un peu casse-cou aussi. Elle rectifie et ne parle pas de courage. Elle n'a pas tord en un sens. Mais j'rajoute quand même le fond de ma pensée. "Oui j'suis d'accord, mais vous avez fait le choix de venir à la piscine, de faire du sport, de ne pas baisser les bras.. beaucoup s’apitoie sur son sort sans essayer de se battre. De faire ce que vous faites, j'trouve que c'est honorable et courageux." J'souris. Autant j'étais capable de mentir comme un idiot sur mon état, autant mes réactions envers la jeune femme était plutôt spontanée et sans filtre.

Maintenant que tu jouais son jeu, tu le voyais perplexe comme s'il ne savait pas s'il devait continuer ou arrêter toute sa mascarade. Ton sourire s'effaçait à mesure que la vérité de sa bouche, pour laisser place à une petite moue. On aurait dit une enfant qui boude sans raison. « Dommage, je commençais à m'y faire ! » ajoutais-tu avec une petite voix en haussant doucement les épaules. Tu écoutais attentivement ce qu'il te disait, ne décollant pas ton regard du sien. Il semblait très sincère, tu voyais bien la différence. « Je ne sais pas si mentir c'est classe, mais en tout cas, c'était très amusant. Par contre venir à la piscine avec une gueule de bois, c'est peut-être pas la meilleure des idées ! » Pas que tu voulais lui faire une leçon de morale, ça t'étais bien égal, il était assez grand pour faire ce qu'il voulait. Tu pensais juste au risque qu'il aurait pu prendre si jamais il s'était laissé aller à une petite baignade. Par chance, il semblait être assez conscient de son état pour n'avoir mis qu'à tremper ses jambes. « Aujourd'hui peut-être mais qui vous dit que j'ai pas passé des mois à m'apitoyer sur moi ? » Qui a dit que tu aimais avoir le dernier mot et surtout que tu aimais prouver le contraire aux autres ? Tu ne sais pas qui, mais en tout cas, il avait bien raison. Tu étais d'ailleurs terrible pour ça, tes amis ne cherchaient même plus a débattre avec toi, ni même à trouver des arguments parce que tu finissais toujours par les contredire.

Finalement, je décide par dire la vérité. Déployer autant d’énergie pour faire un mensonge aussi peu bien réalisé, c'en est trop pour moi. La jeune femme le prend bien et elle fait une fausse moue boudeuse. Ca me fait sourire. La jeune femme trouvait amusant mon mensonge. Je haussais à mon tour les épaules. "En vrai, j'ai déjà fais des mensonges bien plus approfondi que ça ! J'crois que là, c'est surtout parce que j'assumais pas mon état!" Et c'est vrai. Venir bourré à la piscine, c'est vraiment pas l'idéal. La jeune femme le souligne même et je hoche la tête en même temps. "J'suis bien d'accord, mais j'm'en sors pas mal avouez! En plus d'avoir fait la conversation ça m'a fait me sentir mieux!" Bon, j'allais pas non plus faire un 400 mètre nage libre, faut pas déconner non plus, mais j'sentais que mon corps renaissait un peu de ses cendres. On en arriva à parler de la jeune femme et de son handicap. Sa réponse me fit sourire. Elle semblait avoir l'envie de me contre-dire. Je secouais la tête en signe de désapprobation. "Le passé c'est le passé. Ce qui compte, c'est maintenant. Et là ce que je vois, c'est une femme courageuse." Pas de bol, elle venait de tomber sur le mec qui refuse d'avoir tord. On était peut-être parti pour une discussion infinie, qui c'est, on serait peut-être encore là demain à se contredire.